LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 janvier 2017), que la société Holding AA-OC a déclaré le 23 décembre 2013 une créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SN Trans hélicoptère services, ouverte le 9 octobre 2013, la société Alliance MJ étant désignée liquidateur ; que la créance ayant été contestée, le juge-commissaire, par une ordonnance du 29 septembre 2014, s'est déclaré incompétent pour trancher la contestation, a sursis à statuer et invité les parties à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance ; que la société Holding AA-OC a assigné le liquidateur le 30 octobre 2014 devant le tribunal de commerce de Lyon en reconnaissance de sa créance ;
Attendu que la société Holding AA-OC fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable alors, selon le moyen :
1°/ que le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement du débiteur ; que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont, sauf exception expresse, exercés par le liquidateur, qui le représente ; que l'article R. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014, applicable en la cause, ne prévoyait aucune exception à ce principe de dessaisissement ; qu'il en résultait que le créancier ne devait assigner, dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 624-5 du code de commerce, que le liquidateur et non le débiteur lui-même ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 641-9 et R. 624-5 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014 applicable en la cause ;
2°/ qu'à supposer même que le débiteur dispose d'un droit propre à saisir le juge du contrat d'une action au fond consécutive à une décision d'incompétence du juge-commissaire, ce droit propre n'implique pas l'irrecevabilité de la même action au fond dirigée par le créancier contre le seul liquidateur judiciaire ; qu'en déduisant de la circonstance que l'article R. 624-5 du code de commerce permettrait au débiteur d'agir lui-même au fond, l'irrecevabilité de l'action introduite par la société Holding AA-OC contre le seul liquidateur, la cour d'appel a violé les articles L. 641-9 et R. 624-5 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014 applicable en la cause ;
3°/ qu'aucune disposition légale, ni aucune jurisprudence, ne prévoyait l'obligation pour le créancier d'assigner à la fois le liquidateur et le débiteur à la procédure au fond devant le juge du contrat consécutive à une décision d'incompétence du juge-commissaire ; qu'à supposer que la Cour de cassation entende faire évoluer le droit sur ce point, l'application de ce principe aux faits de l'espèce aurait pour effet de priver rétrospectivement la société Holding AA-OC de son droit effectif d'accès à un juge et de son droit au respect de ses biens ; qu'ainsi, en appliquant au cas présent une nouvelle exception au principe du dessaisissement, la cour d'appel a violé les articles 1er du premier Protocole additionnel et 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur ; qu'il en résulte que la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause devant ce juge les deux autres parties ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a déclaré irrecevable la demande de la société Holding AA-OC qui, saisissant le tribunal compétent dans le délai imparti, n'a cependant pas assigné le débiteur, partie nécessaire à l'instance devant le juge du fond en tant que titulaire d'un droit propre en matière de vérification du passif, non atteint par le dessaisissement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Holding AA-OC aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Alliance MJ, en sa qualité de liquidateur de la société SN Trans hélicoptère services, et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Holding AA-OC.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a jugé l'action de la société HOLDING AA-OC irrecevable pour cause de forclusion ;
Aux motifs propres que « aux termes de l'article R. 624-5 du code de commerce, la décision d'incompétence rendue par le juge-commissaire dans le cadre de la vérification des créances ouvre au créancier, au débiteur et au mandataire judiciaire un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion, à moins de contredit ; que ce texte induit le droit propre du débiteur, qui conteste une créance, de saisir le juge du fond compétent pour trancher la contestation et donc pour défendre la contestation si le juge du fond est saisi par le créancier, ce qui est le prolongement de l'exception au principe de dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire, en matière de vérification des créances à laquelle il participe en disposant d'un droit propre ; qu'en l'espèce la décision d'incompétence rendue par le juge-commissaire le 29 septembre 2014 et qui rappelle que les parties devront saisir le juge compétent dans le délai d'un mois à peine de forclusion n'a pas été frappé de contredit ; que la société HOLDING AA-OC ne conteste pas que le délai de saisine expirait le 3 novembre 2014 ; qu'en conséquence, n'ayant pas assigné le débiteur devant le juge du fond et étant forclose à le faire, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'en application de l'article 122 du code de procédure civile, l'expiration d'un délai d'action, qui est un délai préfix, constitue une fin de non recevoir rendant irrecevable l'action à l'encontre du liquidateur ; qu'il y a lieu de confirmer leur décision y compris sur les condamnations relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, qu'il a prononcées et qui sont conformes aux dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile » (arrêt attaqué, p. 4) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que «en vertu de l'article 122 du Code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée» ; que l'article R. 624-4 du Code de Commerce précise « les décisions statuant sur la compétence, sur l'existence d'une contestation ou sur la contestation d'une créance sont notifiées au débiteur et au créancier ou à son mandataire par le greffier, dans les huit jours » ; qu'en vertu de l'article R-624-5 alinéa 1 du Code de Commerce, « Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie par ordonnance spécialement motivée les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judicaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou la réception de l'avis délivré à cette fin à peine de forclusion à moins de contredit dans le cas où cette voie de recours est ouverte » ; que le délai de forclusion s'applique lorsque le juge commissaire constate que la contestation ne relève pas de son pouvoir juridictionnel et sursoit à statuer après avoir invité les parties à saisir le juge compétent ; que le Greffe du Tribunal de Commerce de Lyon a notifié à la société Holding AA-OC l'ordonnance du juge commissaire le 29 septembre 2014, courrier reçu le 3 octobre, que la société Holding AA-OC disposait d'un délai d'un mois pour assigner au fond la société SNTHS et la société MDP ; que la société Holding AA-OC a omis d'assigner la société SNTHS, laquelle en sa qualité de débiteur est partie à la procédure de vérification des créances ; que dès lors la demande de la société Holding AAOC sera déclarée irrecevable pour cause de forclusion » (jugement, p. 7-8) ;
1°) Alors que le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement du débiteur ; que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont, sauf exception expresse, exercés par le liquidateur, qui le représente ; que l'article R. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014, applicable en la cause, ne prévoyait aucune exception à ce principe de dessaisissement ; qu'il en résultait que le créancier ne devait assigner, dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 624-5 du code de commerce, que le liquidateur et non le débiteur lui-même ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 641-9 et R. 624-5 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014 applicable en la cause ;
2°) Alors que, en tout état de cause, à supposer même que le débiteur dispose d'un droit propre à saisir le juge du contrat d'une action au fond consécutive à une décision d'incompétence du juge-commissaire, ce droit propre n'implique pas l'irrecevabilité de la même action au fond dirigée par le créancier contre le seul liquidateur judiciaire ; qu'en déduisant de la circonstance que l'article R. 624-5 du code de commerce permettrait au débiteur d'agir lui-même au fond, l'irrecevabilité de l'action introduite par la société Holding AA-OC contre le seul liquidateur, la cour d'appel a violé les articles L. 641-9 et R. 624-5 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014 applicable en la cause ;
3°) Alors que, subsidiairement, aucune disposition légale, ni aucune jurisprudence, ne prévoyait l'obligation pour le créancier d'assigner à la fois le liquidateur et le débiteur à la procédure au fond devant le juge du contrat consécutive à une décision d'incompétence du juge-commissaire ; qu'à supposer que la Cour de cassation entende faire évoluer le droit sur ce point, l'application de ce principe aux faits de l'espèce aurait pour effet de priver rétrospectivement la société Holding AA-OC de son droit effectif d'accès à un juge et de son droit au respect de ses biens ; qu'ainsi, en appliquant au cas présent une nouvelle exception au principe du dessaisissement, la cour d'appel a violé les articles 1er du Premier protocole additionnel et 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.