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26/01/2017 | FRANCE | N°14/08721

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 26 janvier 2017, 14/08721


R.G : 14/08721









Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 21 octobre 2014



10ème chambre



RG : 10/15855

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 26 Janvier 2017







APPELANTE :



SAS AFARY

[Adresse 1]

[Localité 1]



ayant son établissement principal :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1

]



représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assistée de la SCP FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocat au barreau de LYON









INTIMEE :



SCI LE VENTOUX

[Adresse 3]

[Localité 2]



représentée par l...

R.G : 14/08721

Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 21 octobre 2014

10ème chambre

RG : 10/15855

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 26 Janvier 2017

APPELANTE :

SAS AFARY

[Adresse 1]

[Localité 1]

ayant son établissement principal :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assistée de la SCP FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SCI LE VENTOUX

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par la SELARL DPG & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 12 janvier 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 novembre 2016

Date de mise à disposition : 26 janvier 2017

Audience tenue par Jean-Louis BERNAUD, président et Vincent NICOLAS, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l'audience, Jean-Louis BERNAUD a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Louis BERNAUD, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

Signé par Jean-Louis BERNAUD, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Par acte authentique du 25 janvier 2008 la SCI LE VENTOUX a donné à bail commercial pour une durée de neuf années à compter rétroactivement du 15 août 2003 à la SARL DESERT PALACE un tènement immobilier situé [Adresse 2].

Le bail a été consenti pour l'exploitation d'une activité de «restauration, salle de réunion, traiteur, organisation de soirées à l'exclusion de toute autre même temporairement» et stipule que le preneur fera son affaire personnelle des autorisations administratives et réglementaires nécessaires, de la mise en conformité des lieux au regard de la commission d'hygiène et de sécurité et de toutes les prescriptions d'urbanisme.

Divers travaux ont par ailleurs été mis à la charge du preneur.

Par acte authentique du 8 décembre 2008 la SAS AFARY a acquis le fonds de commerce exploité par la société DESERT PALACE sous l'enseigne LE RYAD, ainsi que le droit au bail sur les locaux appartenant à la SCI LE VENTOUX.

Le 15 mars 2009 la bailleresse a fait constater par huissier que la société AFARY exploitait dans les lieux loués une activité de restaurant dansant avec disc-jockey.

Le 6 octobre 2010 la SCI LE VENTOUX a fait signifier à la société AFARY un commandement de respecter la clause de destination du bail visant la clause résolutoire contractuelle et de cesser sans délai l'activité de bar discothèque.

Par acte d'huissier du 3 novembre 2010 la société AFARY a formé opposition à ce commandement en saisissant au fond le tribunal de grande instance de Lyon d'une demande tendant à l'annulation de cet acte et à la condamnation de la SCI bailleresse au paiement d'une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts.

Préalablement le 15 octobre 2010 la société AFARY avait saisi le juge des référés d'une demande de condamnation de la SCI LE VENTOUX à réaliser divers travaux de réparation, dont elle soutenait qu'ils incombaient au propriétaire. Par ordonnance du 15 novembre 2010, confirmée en appel le 14 février 2012, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé en raison de l'existence de contestations sérieuses.

Par ordonnance sur requête du 10 novembre 2010 le président du tribunal de grande instance de Lyon a ordonné une mesure de constatation aux fins notamment de décrire précisément l'activité de la société AFARY dans les lieux loués.

L'huissier commis a procédé à l'exécution de sa mission les 3,4 et 6 décembre 2010 et a notamment constaté le samedi 4 décembre 2010 aux environs de minuit que l'établissement accueillait 300 personnes, dont 200 environ dansaient sur la piste.

Alors que le juge du fond était saisi de l'opposition au commandement du 6 octobre 2010, la SCI LE VENTOUX a introduit à son tour une action en référé aux fins d'entendre constater l'acquisition de la clause résolutoire et ordonner l'expulsion du preneur, mais par une ordonnance du 4 avril 2011 cette juridiction a également dit n'y avoir lieu à référé.

Le 21 février 2012 la SCI LE VENTOUX a fait constater par huissier que des murettes avaient été construites de part et d'autre de l'entrée principale, que la terrasse couverte avait fait l'objet de travaux d'aménagement, qu'une murette avait été surélevée, et que plusieurs ouvertures en façade avaient été créées.

Le 1er juin 2012, sur la base de ce dernier constat, la SCI LE VENTOUX a fait délivrer à la société AFARY un nouveau commandement visant la clause résolutoire lui faisant sommation de procéder à la démolition de ces ouvrages et à la suppression de ces ouvertures.

Le 27 juin 2012 la société AFARY a formé opposition à ce second commandement et a sollicité, outre le remboursement du coût des travaux qui auraient incombé au bailleur, le versement de dommages et intérêts.

Cette deuxième procédure au fond a été jointe à la première par ordonnance du juge de la mise en état.

Devant le juge du fond saisi de ses deux oppositions la société AFARY a sollicité l'annulation des deux commandements visant la clause résolutoire délivrés les 6 octobre 2010 et 1er juin 2012, le rejet de la demande de résiliation judiciaire du bail, la condamnation de la SCI LE VENTOUX à lui payer les sommes de 13 817,50 € en remboursement du coût de travaux incombant au bailleur et de 80 000 € à titre de dommages et intérêts, la condamnation sous astreinte de la SCI LE VENTOUX à faire réaliser divers travaux de remise en état et subsidiairement les plus larges délais avec suspension de la clause résolutoire pour se mettre en conformité avec la clause de destination du bail.

La SCI LE VENTOUX a pour sa part demandé au tribunal de constater la résiliation de plein droit du bail à la date du 7 novembre 2010 et à défaut à celle du 2 juillet 2012, subsidiairement de prononcer la résiliation judiciaire du bail, d'ordonner sous astreinte l'expulsion de la société AFARY et de condamner cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer majoré de 50 %.

Par jugement du 21 octobre 2014 le tribunal de grande instance de Lyon a constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail à compter du 7 novembre 2010, a ordonné l'expulsion de la société AFARY et de tous occupants de son chef sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard, a condamné la société AFARY au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente aux loyers et charges contractuels, a ordonné l'exécution provisoire de la décision, mais a condamné la SCI LE VENTOUX à payer à la société AFARY une somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts.

Le tribunal a considéré en substance que la preuve était rapportée, notamment par divers constats d'huissier, que la société AFARY avait irrégulièrement adjoint à l'activité de restauration et d'organisation de soirées une activité de discothèque en violation de la clause de destination du bail, qu'en offrant en janvier 2012 le renouvellement du bail moyennant une majoration substantielle du loyer la SCI LE VENTOUX n'avait pas renoncé à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, que n'étant pas saisi d'une demande de délais de paiement il ne pouvait suspendre les effets de la clause résolutoire, mais que la SCI avait délibérément cherché à nuire à la société AFARY en indiquant notamment à son assureur à l'occasion d'un sinistre qu'elle était occupante sans droit ni titre, ce qui a conduit à la résiliation du contrat d'assurance.

La SAS AFARY a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 5 novembre 2014.

Par ordonnance de référé du 2 mars 2015 le premier président de cette cour a arrêté l'exécution provisoire attachée au jugement.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 24 septembre 2015 par la SAS AFARY qui demande à la cour, par voie de réformation du jugement :

'' de débouter le bailleur de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire et de toutes demandes en découlant,

'' subsidiairement de lui accorder les plus larges délais et de suspendre les effets de la clause résolutoire,

'' de condamner la SCI LE VENTOUX à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts,

'' de condamner la SCI LE VENTOUX à lui payer la somme de 13 809,87 € en remboursement du coût de divers travaux,

'' de condamner la SCI LE VENTOUX à lui payer une indemnité de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 17 juillet 2015 par la SCI LE VENTOUX qui demande à la cour :

'' de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

'' subsidiairement de constater la résiliation de plein droit du bail à la date du

2 juillet 2012,

'' plus subsidiairement de prononcer la résiliation judiciaire du bail pour manquements graves de la société AFARY à ses obligations contractuelles,

'' dans tous les cas d'ordonner l'expulsion de la société AFARY et de tous occupants de son chef sous astreinte définitive de 1 000 € par jour de retard à défaut de libération des locaux dans les deux mois de la signification de l'arrêt à intervenir et de la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente aux loyers et charges exigibles majorés de 50 %, outre une indemnité de procédure de 10 000 €.

*

* *

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'absence de dénonciation de la procédure aux créanciers inscrits :

La société AFARY fait observer que le Crédit Lyonnais a inscrit son privilège de nantissement et que toute décision constatant ou prononçant la résiliation du bail serait inopposable à ce créancier, qui serait alors en droit d'obtenir la rétractation de la décision, dont elle pourra se prévaloir en raison de l'indivisibilité du litige.

Il est répliqué sur ce point que seul le créancier inscrit pourrait se prévaloir de l'absence de dénonciation de la procédure.

Sur ce

L'obligation faite par l'article L. 143 ' 2 du code de commerce au propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits n'est édictée que dans l'intérêt de ces créanciers afin de leur permettre de préserver leur gage en se substituant au locataire défaillant.

Le défaut de notification n'est donc sanctionné que par l'inopposabilité de la résiliation aux créanciers inscrits, qui sont par conséquent seuls à pouvoir s'en prévaloir.

Au demeurant en l'espèce la demande en constatation ou en prononcé de la résiliation du bail est fondée sur des infractions à la clause de destination du bail et à l'interdiction faite au preneur de réaliser sans autorisation tous travaux de démolition, de percement de murs ou de changement de distribution, et non pas sur un manquement de la société AFARY à ses obligations financières, de sorte que le créancier inscrit, bien que régulièrement avisé de la procédure, n'aurait pas été en mesure de se substituer à cette dernière.

Dès lors la société AFARY ne saurait se prévaloir de l'existence d'un risque de rétractation de la décision pour solliciter la réformation du jugement.

Sur la demande en constatation de la résiliation du bail pour non-respect de la destination des lieux sur le fondement du premier commandement visant la clause résolutoire du 6 octobre 2010 :

La société AFARY s'oppose à l'acquisition de la clause résolutoire pour trois raisons principales :

'' la bailleresse aurait renoncé à se prévaloir de l'infraction et du commandement en offrant sans réserve le renouvellement du bail aux termes de son congé du

20 janvier 2012.

'' la clause résolutoire aurait été mise en 'uvre de mauvaise foi alors que le commandement est une réponse à sa mise en demeure du 30 septembre 2010 exigeant la réalisation de travaux incombant au bailleur, qu'aucune preuve n'est apportée de l'exploitation d'une activité de bar discothèque à la date de délivrance du commandement et que l'ordonnance sur requête autorisant une mesure de constatation a été irrégulièrement signifiée en dehors des heures légales,

'' l'absence d'infraction à la clause de destination du bail alors qu'il ne serait exercé dans les lieux que l'activité autorisée de restauration et de soirées à thèmes.

Il est répliqué par la bailleresse :

'' qu'elle n'a pas renoncé à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire alors que le congé du 20 janvier 2012 a été donné sous toutes réserves, dont celle que le bail ne soit pas résilié pour quelque cause que ce soit,

'' qu'elle apporte la preuve de l'exercice d'une activité de discothèque et à tout le moins de restaurant dansant qui n'est pas autorisée par le bail, notamment par les constatations du 15 mars 2009 et du mois de décembre 2010.

Sur ce

Aux termes de la clause de destination du bail conclu initialement entre les sociétés LE VENTOUX et DESERT PALACE, qui est reproduite dans l'acte de cession du fonds de commerce du 8 décembre 2008 «les locaux.. devront être consacrés par le preneur à l'exploitation de son activité de restauration, salle de réunions, traiteur, organisation de soirées, à l'exclusion de tout autre même temporairement».

Le 6 octobre 2010 la SCI LE VENTOUX a fait signifier à la société AFARY un commandement de respecter la clause de destination du bail visant la clause résolutoire contractuelle et de cesser sans délai l'activité de bar discothèque irrégulièrement exercée dans les lieux.

Pour apporter la preuve de ce changement de destination non autorisé la SCI LE VENTOUX se fonde tout d'abord sur les constatations de l'huissier [V] qui a relevé le 15 mars 2009 à 2 heures que l'établissement était ouvert malgré l'heure tardive, que deux projecteurs puissants éclairaient le parking sur lequel étaient encore stationnés 120 véhicules, que la bâche portait l'inscription «restaurant dansant» et que des clients continuaient à pénétrer dans l'établissement qui était surveillé à l'entrée par deux vigiles accompagnés de chiens.

L'huissier a par ailleurs annexé à son constat un document publicitaire mentionnant que l'établissement, qualifié de «restaurant dansant avec D.J», était ouvert jusqu'à deux heures le vendredi et le samedi jusqu'à trois heures, qu'une tenue correcte était exigée et que la direction se réservait la possibilité de refuser l'entrée.

Sur autorisation judiciaire délivrée le 10 novembre 2010 l'huissier [R] [H] a notamment constaté :

'' le vendredi 3 décembre 2010 à 20 heures 50, 21 heures 03 et 23 heures 20 que la clientèle arrive progressivement et se présente aux deux vigiles avant d'être autorisée à pénétrer dans l'établissement,

'' le samedi 4 décembre 2010 à 20 heures 50 et 22 heures 05 que 44 véhicules sont stationnés sur le parking, que quatre vigiles sont présents à l'extérieur et que plusieurs clients attendent devant l'entrée l'autorisation de pénétrer dans l'établissement,

'' le samedi 4 décembre 2010 à partir de 23 heures 55 que 100 véhicules sont stationnés sur le parking et une soixantaine dans les rues adjacentes, que quatre vigiles sont présents, que plusieurs groupes de personnes attendent pour pénétrer dans l'établissement, que dans le hall se trouvent un guichet et une hôtesse, laquelle encaisse un droit d'entrée de 15 € par personne donnant droit à une consommation gratuite, qu'une consigne est toutefois immédiatement donnée pour faire rentrer directement les clients, l'hôtesse quittant alors le guichet d'accueil, que dans une première salle des clients consomment des boissons, que dans une deuxième salle se trouvent des tables et des chaises ainsi qu'une piste de danse et une scène, que la plupart des clients présents (environ 200 sur 300 selon l'exploitant) dansent sur la piste qui est équipée d'une régie complète son et lumière commandée par deux disques jockeys (rampes d'éclairage, portiques, enceintes, appareils à effet de lumières, table de mixage, platines et amplis), que six personnes équipées d'oreillettes assurent la sécurité de l'établissement et surveillent plus particulièrement les abords de la piste de danse, que même après deux heures du matin l'établissement accueille de nouveaux clients qui acquittent au bar le droit d'entrée de 15 € et enfin qu'à 2 heures 30 du matin 200 personnes se trouvent toujours sur la piste de danse, la musique ayant été diffusée sans interruption,

'' le 6 décembre 2010 sur consultation du site Internet de l'établissement que les horaires d'ouverture sont les suivants :

du mercredi au vendredi de 12 heures à 14 heures, le vendredi de 20 heures à

3 heures et le samedi de 20 heures à 4 heures.

Ces constatations très circonstanciées, dont la régularité n'est pas sérieusement contestée alors que la rétractation de l'ordonnance du 10 novembre 2010 n'a pas été sollicitée et que l'huissier s'est strictement conformé à l'autorisation judiciaire qui le commettait pour se rendre dans les locaux de la société AFARY «pendant les horaires d'ouverture», apportent la preuve formelle de l'exploitation habituelle dans les lieux loués, en fin de semaine, d'une activité de bar discothèque ne constituant pas l'accessoire d'une activité principale de restauration, ce qui ressort notamment de l'afflux de clientèle à partir de minuit, du paiement d'un droit d'entrée, de la présence d'un important dispositif de sécurité, de la nature des équipements intérieurs et de l'animation par des disques jockeys.

Il sera d'ailleurs observé que la SCI LE VENTOUX a fait constater par huissier que sur une période consécutive de plus de 15 jours (entre le 21 février 2012 et le 10 mars 2012) l'établissement était fermé aux heures des repas en milieu de semaine, ce qui démontre que l'activité de restauration n'était nullement prépondérante.

Si l'huissier mandaté le 15 mars 2009 n'a pas pénétré à l'intérieur de l'établissement, le rapprochement entre ses constatations et celles de son confrère du mois de décembre 2010 permet d'affirmer sans contestation possible qu'une activité de bar discothèque était déjà exploitée dans les lieux au jour de la délivrance le 6 octobre 2010 du commandement visant la clause résolutoire, alors que le nombre de véhicules encore présents sur le parking à deux heures du matin (120), la surveillance extérieure de l'établissement par deux vigiles accompagnés de chiens, le filtrage de la clientèle et la présence d'un D.J mentionnée dans les documents publicitaires sont autant d'éléments qui permettent d'affirmer que l'activité n'était pas à cette époque limitée à l'organisation de soirées à thèmes.

À cet effet la cour observe que s'il résulte des pièces du dossier (notamment constat d'huissier du 25 juin 2011 et flyers) que la société AFARY a pu organiser des soirées particulières (Saint-Sylvestre ou anniversaires) dans le cadre d'une activité de «restaurant dansant», cette circonstance n'exclut nullement l'exercice habituel en fin de semaine d'une activité de bar discothèque.

Il n'est en outre pas établi qu'en faisant signifier au preneur le 20 janvier 2012 un congé avec offre de renouvellement du bail, la société LE VENTOUX aurait renoncé au bénéfice de son commandement visant la clause résolutoire.

La renonciation, qui ne se présume pas, exige en effet la preuve de fait précis et non équivoques impliquant nécessairement l'intention du bailleur de renoncer au bénéfice de la clause résolutoire. Or tel n'est pas le cas en l'espèce du congé susvisé délivré expressément «sous toutes réserves» afin «d'éviter la reconduction du bail».

Dès le 21 février 2012, au contraire, la SCI LE VENTOUX a fait constater par huissier que la société AFARY avait procédé sans autorisation à des travaux modificatifs, tandis que par acte du 1er juin 2012 elle a fait délivrer un nouveau commandement visant la clause résolutoire aux fins de remise en état des locaux, ce qui atteste suffisamment de sa volonté de poursuivre la résiliation de plein droit du bail pour manquements réitérés du preneur à ses obligations, étant observé que par courrier du 1er octobre 2012, après avoir rappelé qu'il n'existait plus de bail, elle a à nouveau enjoint à la société AFARY de cesser immédiatement toute activité de discothèque.

Enfin il ne résulte pas davantage des pièces du dossier que la clause résolutoire aurait été mise en 'uvre de mauvaise foi en réponse à la mise en demeure de la société AFARY du 30 septembre 2010 exigeant du bailleur la réalisation de travaux lui incombant.

Dès le 15 mars 2009, soit plus d'une année avant l'envoi de cette mise en demeure, la SCI LE VENTOUX avait en effet mandaté un huissier pour faire constater que la destination du bail n'était pas respectée, manifestant ainsi clairement son intention de se prévaloir de cette infraction antérieurement à la naissance du litige relatif aux travaux, étant observé au surplus que rien ne permet d'affirmer que la bailleresse aurait toléré l'exercice par le précédent exploitant d'une activité de bar discothèque.

Comme le premier juge, la cour estime par conséquent qu'à défaut pour la société AFARY d'être revenue à une exploitation strictement conforme à la clause de destination dans le délai d'un mois de la délivrance du commandement en date du 6 octobre 2010 (les constatations du début du mois de décembre 2010 apportent la preuve formelle de la poursuite d'une activité prohibée de discothèque), la clause résolutoire de plein droit, qui vise l'inexécution par le preneur de l'un quelconque de ses engagements, a produit son effet à la date du 7 novembre 2010.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a constaté la résiliation du bail à cette date.

Sur la demande de suspension des effets de la clause résolutoire :

Si en application de l'article L. 145 ' 41 du code de commerce la suspension de la clause résolutoire peut également être sollicitée en cas de manquement du preneur à une obligation de faire ou de ne pas faire, la société AFARY n'est pas fondée à demander les plus larges délais avec suspension des effets de la clause résolutoire, alors qu'elle a démontré sa volonté de ne tenir aucun compte de l'injonction du propriétaire, ainsi qu'il résulte des constatations effectuées sur place au début du mois de décembre 2010, des captures d'écran Internet effectués par un huissier les 24 et 28 septembre 2015, qui attestent de la poursuite d'une activité de dancing avec D.J, et des témoignages écrits réguliers en la forme émanant de deux clientes de l'établissement, qui attestent que «la discothèque le Ryad» était ouverte dans la nuit du samedi 17 octobre au dimanche 18 octobre 2015.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a ordonné sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard l'expulsion de la société AFARY et de tous occupants de son chef, sauf à préciser que l'astreinte ne sera exigible qu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt.

Sur la demande en paiement d'une indemnité d'occupation :

Le jugement mérite également confirmation en ce que, en l'absence de clause contractuelle fixant l'indemnité d'occupation au montant du loyer majoré de 50 % et à défaut pour la SCI bailleresse d'établir que le loyer actuel est manifestement inférieur à la valeur locative, il a été mis à la charge de la société AFARY une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer et des charges exigibles jusqu'à libération des lieux.

Sur la demande en dommages et intérêts formée par la société AFARY :

La société AFARY reproche à la bailleresse d'avoir écrit à son assureur, à la suite de fuites d'eau survenues en septembre 2012, qu'elle exerçait dans les lieux une activité interdite, ce qui a conduit à la résiliation du contrat d'assurance.

Elle se plaint également des courriers de dénonciation que la SCI LE VENTOUX aurait adressés aux diverses administrations concernées (mairie, SDIS et préfecture).

Elle soutient qu'il s'agit d'une exécution déloyale du contrat de bail et réclame à ce titre une somme de 50 000 €.

Il résulte des pièces du dossier qu'à l'occasion de la survenance d'un sinistre (infiltrations occasionnelle en toiture) à la fin de l'année 2012 la SCI LE VENTOUX a informé l'assureur du preneur, mais aussi les services administratifs intéressés, que la société AFARY était occupante sans droit ni titre et qu'elle exerçait dans les lieux loués une activité non autorisée de discothèque.

Une telle information était incontestablement prématurée, puisqu'aucune décision judiciaire n'avait à cette époque constaté ou prononcé la résiliation du bail.

Cet abus, qui a conduit la société AFARY à réagir immédiatement par écrit, notamment auprès des services publics concernés, est à l'origine d'un préjudice que le tribunal a justement évalué à la somme de 3 000 €, alors d'une part qu'il n'est pas démontré que l'assureur a dénié sa garantie au titre du sinistre ni que la résiliation de la police à compter du 1er janvier 2013, qui a été prononcée en application de l'article R. 113 ' 10 du code des assurances, a causé un préjudice financier à l'assurée, et d'autre part qu'il n'est pas établi, ni même soutenu, que l'administration a exigé une mise en conformité des locaux ensuite de l'information donnée par la bailleresse.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a condamné la SCI LE VENTOUX à payer à la société AFARY la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande en remboursement du coût des travaux réalisés par le preneur :

La société AFARY prétend avoir financé des travaux de grosse réparation relevant de l'article 606 du code civil incombant au bailleur (réparation d'un trou en façade, clôture du tènement, reprise des murettes qui s'écoulaient, réparation des tampons des évacuations des eaux usées sur le parking et mise en place d'une bâche de sécurité en toiture).

Elle forme à ce titre une demande en paiement de la somme de 13 809,87 €.

Au vu des factures versées au dossier la cour constate que les travaux financés par la société AFARY sont postérieurs à l'acquisition le 7 novembre 2010 de la clause résolutoire.

Le bail étant résilié au moment des avances qui auraient été effectuées pour le compte du bailleur au titre des grosses réparations de l'article 606 du code civil, ces prétendues avances ont été réalisées aux risques et périls du preneur, qui doit par conséquent en conserver la charge définitive, ainsi qu'en a justement décidé le tribunal.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande de faire application en cause d'appel de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée.

*

* *

PAR CES MOTIFS

La Cour,

statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,sauf à préciser que l'astreinte assortissant la décision d'expulsion ne sera exigible qu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt,

Y ajoutant :

Condamne la SAS AFARY à payer à la SCI LE VENTOUX une indemnité de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS AFARY aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL d'avocats DPG & Associés.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Joëlle POITOUXJean-Louis BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 14/08721
Date de la décision : 26/01/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°14/08721 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-26;14.08721 ?
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