LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 17-85.871 FS-P+B
N° 2086
4 SEPTEMBRE 2018
AB8
IRRECEVABILITÉ
et NON LIEU A RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité formulées par mémoires spéciaux reçus les 6 juin et 10 juillet 2018 et présentées par :
- Le comité anti-amiante de Jussieu, partie civile,
à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4e section, en date du 15 septembre 2017, qui, dans l'information ouverte contre personne non dénommée des chefs notamment d'homicides et blessures involontaires, a annulé les mises en examen de MM. Patrick X..., Claude Y..., Mme Joëlle I... , MM. Dominique Z..., Jean-François A..., Daniel B..., Jean-Luc C..., Bernard D... et Renaud E... ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 août 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, M. Castel, M. Germain, M. de Larosière de Champfeu, M. Larmanjat, M. Stephan, M. d'Huy, M. Lavielle, conseillers de la chambre, M. Ascensi, conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Petitprez ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller MÉNOTTI, les observations de la société civile professionnelle NICOLAŸ, DE LANOUVELLE et HANNOTIN, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle GADIOU ET G..., de la société civile professionnelle COUTARD et MUNIER-APAIRE, de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX et de Me BOUTHORS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ, Me HANNOTIN, Me GREVY et Me CHEVALLIER ayant eu la parole en dernier ;
Vu les mémoires en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité du 6 juin 2018 est ainsi rédigée :
"Les articles 80-1, 173, 174, 198, 199 du code de procédure pénale sont-ils conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit, et en particulier à la garantie des droits telle qu'énoncée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi qu'au droit d'accès
au juge, en ce que ces textes permettent, pour statuer sur une demande d'annulation de mise en examen, la tenue d'une audience en chambre du conseil, dont même les parties, et singulièrement les parties civiles, sont exclues, sachant que des mémoires sont admis jusqu'au jour de ladite audience mais que les parties ne peuvent produire aucun élément nouveau par rapport à ce que comporte le dossier d'instruction, cependant que cette audience peut donner lieu à des débats sur le fond de l'infraction visée, sans se cantonner à l'appréciation de la validité, ou de la nullité, de la décision de mise en examen ?" ;
Attendu que la question prioritaire du 10 juillet 2018 est ainsi rédigée :
"Les dispositions combinées des articles 23-5 du l'ordonnance du 7 novembre 1958 (après modification par la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009) et 590 du code de procédure pénale, en ce que, telles qu'interprétées par la jurisprudence, elles empêchent un demandeur au pourvoi de soulever une QPC à l'occasion de la réouverture, devant la Cour de cassation, des débat postérieurement au dépôt, par le conseiller désigné, de son premier rapport sur le pourvoi, sont-elles conformes aux droits et libertés que la Constitution garantie, et en particulier au droit de soulever une question prioritaire de constitutionnalité, consacré par l'article 61-1 de la Constitution, ainsi qu'à l'égalité devant la justice et à la garantie des droits, et notamment le droit à un recours juridictionnel effectif, garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ?" ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité du 6 juin 2018 :
Attendu que, lorsque la question prioritaire de constitutionnalité est soulevée à l'occasion d'un pourvoi, le mémoire qui la présente doit être déposé dans le délai d'instruction du pourvoi ; qu'aux termes de l'article 590 du code de procédure pénale, aucun mémoire additionnel ne peut être joint, postérieurement au dépôt de son rapport par le conseiller commis et qu'il en va de même, en raison du principe susvisé, du mémoire distinct et motivé prévu par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée ;
Attendu que, par ailleurs, l'arrêt de la Cour de cassation ordonnant la réouverture des débats afin de permettre à un demandeur de déposer un mémoire contenant les moyens de cassation et aux autres parties d'y répondre ne permet pas aux autres demandeurs au pourvoi de déposer une question prioritaire de constitutionnalité lorsque ce mémoire ne contient aucun élément dont la méconnaissance aurait mis les intéressés dans l'impossibilité de soulever ladite question dans les délais ci-dessus visés ;
Attendu qu'en l'espèce, le mémoire spécial du comité anti-amiante de Jussieu présentant la première question a été reçu le 6 juin 2018, soit après le dépôt, le 22 mars 2018, du rapport du conseiller commis ; que ce mémoire pose une question prioritaire de constitutionnalité fondée sur des données de la procédure connues avant la réouverture des débats ordonnée par décision du 23 mai 2018, laquelle a eu pour seul objet de permettre à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy de déposer un mémoire pour le compte de la Fédération CFDT des syndicats généraux de l'éducation nationale et de la recherche publique et aux autres parties d'y répondre ; que la décision du 23 mai 2018 n'a ouvert aucun nouveau délai au comité anti-amiante de Jussieu pour déposer une question prioritaire de constitutionnalité qu'il était en mesure de poser dans les délais d'instruction du pourvoi ; que ce mémoire étant irrecevable au regard des dispositions de l'article 590 du code de procédure pénale, la question prioritaire de constitutionnalité qu'il contient est elle-même irrecevable ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité du 10 juillet 2018 :
Attendu que les restrictions ci-dessus ne portent pas atteinte au droit dont dispose chacun de saisir la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité ; qu'il apparaît ainsi que la question soumise le 10 juillet 2018 n'est pas sérieuse ;
Par ces motifs :
DECLARE IRRECEVABLE la question prioritaire de constitutionnalité du 6 juin 2018 ;
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité du 10 juillet 2018 ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre septembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;