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04/09/2018 | FRANCE | N°17-16535

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 septembre 2018, 17-16535


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Twin, qui a pour gérant M. X..., a , le 16 décembre 2008, conclu un contrat de franchise avec la société Foncia franchise (le franchiseur) pour une durée de sept ans, renouvelable par tacite reconduction, lui permettant d'exercer les activités de transaction et de location immobilière sous l'enseigne Foncia, à l'exclusion des activités de gestion locative et de syndic ; que le 17 juin 2013, le franchiseur a notifié à la société Twin le non-renouvellement

du contrat de franchise à son terme ; que s'estimant victimes d'un abu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Twin, qui a pour gérant M. X..., a , le 16 décembre 2008, conclu un contrat de franchise avec la société Foncia franchise (le franchiseur) pour une durée de sept ans, renouvelable par tacite reconduction, lui permettant d'exercer les activités de transaction et de location immobilière sous l'enseigne Foncia, à l'exclusion des activités de gestion locative et de syndic ; que le 17 juin 2013, le franchiseur a notifié à la société Twin le non-renouvellement du contrat de franchise à son terme ; que s'estimant victimes d'un abus du droit de ne pas renouveler le contrat et d'une inexécution fautive de celui-ci, la société Twin et M. X... ont assigné en responsabilité la société Foncia franchise et la société Foncia groupe, société mère de la précédente exploitant un ensemble d'agences en succursales ; que la société Twin ayant été mise en liquidation judiciaire, M. Z... est intervenu à l'instance en qualité de liquidateur ;

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que M. Z... , ès qualités, et M. X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires formées au titre de l'exécution fautive du contrat alors, selon le moyen :

1°/ que le franchiseur a le devoir d'assurer l'homogénéité du réseau en veillant au traitement égal des agences franchisés et des agences intégrées ; qu'en se bornant à relever, pour débouter la société Twin et son gérant de leur demande indemnitaire fondée sur le manquement de la société Foncia franchise à cette exigence élémentaire, qu'il n'était pas établi que le franchiseur avait « par un comportement délibérément discriminatoire, favorisé les succursales Foncia appartenant à la société Foncia groupe, sans respecter ses obligations envers les franchisés », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le manquement du franchiseur à son devoir de loyauté ne résultait pas du système de fonctionnement qu'il avait mis en place en permettant aux agences intégrées du groupe Foncia de vendre des biens situés sur les secteurs contractuels de prospection des franchisés sans aucune réciprocité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1135 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1240 du code civil ;

2°/ qu'il incombe au franchiseur de respecter et de faire respecter l'exclusivité de prospection consentie au franchisé ; que pour les débouter de leur demande indemnitaire fondée sur le manquement de la société Foncia franchise à ce devoir, l'arrêt retient que la société Twin et son gérant ne justifiaient « pas d'une violation pérenne de l'exclusivité de prospection que le contrat litigieux » leur avait concédée et que « la société Foncia franchise n'avait pas à répondre directement ni des éventuels manquements commis par les autres franchisés, ni des agissements des agences intégrées, d'autant qu'il est constant que celles-ci ne sont pas sous sa direction » ; qu'en se déterminant par ces motifs la cour d'appel a violé les articles 1134, alinéa 3, et 1135 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1240 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la société Foncia franchise justifie que la société Twin a pu bénéficier d'un partage de fichiers, via le logiciel Totalimmo, avec des agences intégrées et franchisées et que les allégations dénonçant le fonctionnement d'un système mis en place au seul bénéfice des agences intégrées du groupe Foncia et l'absence de réciprocité dont la société Twin aurait concrètement souffert ne sont étayées par aucun élément probant ; qu'en cet état, la cour d'appel a procédé à la recherche invoquée ;

Et attendu, d'autre part, que la société Twin et M. X... s'étant bornés à invoquer une violation pérenne de leur exclusivité de prospection, sans se prévaloir de plaintes circonstanciées adressées au franchiseur en vue d'y remédier, la cour d'appel, qui n'a pas été mise en mesure d'apprécier la défaillance du franchiseur à respecter et faire respecter l'exclusivité consentie au franchisé, a pu rejeter la demande formée à ce titre ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que pour dire que la société Foncia franchise n'a pas commis d'abus dans l'exercice de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise, l'arrêt relève que le franchisé reproche en réalité au franchiseur d'avoir, au cours de l'exécution du contrat litigieux, par une approche délibérément discriminatoire et en favorisant outrageusement l'activité des sociétés succursalistes, adopté dès le début des relations contractuelles un comportement déloyal ayant pris la forme de nombreux manquements contractuels, dont l'accumulation est révélatrice d'une intention de nuire visant à l'empêcher de développer normalement son activité, traduisant un exercice abusif du droit de non-renouvellement du contrat de franchise litigieux, et retient qu'aucun des arguments avancés visant à établir la matérialité de fautes délibérées que la société Foncia franchise aurait, directement et personnellement, commises au préjudice de la société Twin et de son gérant, ne se trouve en l'espèce étayé de preuves suffisantes, précises, concrètes, sérieuses et convaincantes d'une volonté intentionnelle de porter atteinte à la liberté d'action de ce franchisé, commerçant indépendant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions d'appel, la société Twin et son gérant soutenaient que la responsabilité contractuelle du franchiseur devait être engagée chaque fois que son attitude avait été dictée par la mauvaise foi, sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer une quelconque intention de nuire de sa part, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Foncia franchise n'a pas abusé de son droit de ne pas renouveler le contrat de franchise et rejette les demandes formées à ce titre par la société Twin, M. Z... , en qualité de liquidateur de cette société, et M. X..., l'arrêt rendu le 24 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne les sociétés Foncia franchise et Foncia groupe aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. Z... , agissant en sa qualité de liquidateur de la société Twin, et à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Twin, prise en la personne de M. Z... , en qualité de liquidateur, et de M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la SAS Foncia Franchise n'a pas commis d'abus dans l'exercice de son droit de non-renouvellement du contrat de franchise et d'avoir débouté la SARL Twin, représentée par la Selarl SMJ prise en la personne de Me Z... , ès qualité de liquidateur, ainsi que son gérant, M. Jean X..., de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires dirigées contre les sociétés Foncia Franchise et Foncia Groupe ;

Aux motifs que « en ce qui concerne l'exercice abusif par le franchiseur de son droit au non-renouvellement du contrat de franchise consenti à la société Twin : (
). La situation de tout franchisé est par nature précaire, en ce sens que le franchiseur a le droit de ne pas renouveler le contrat consenti sans avoir à motiver son refus dès lors qu'il respecte de manière effective le délai de préavis contractuel et quoi qu'il en soit, un délai de préavis raisonnable, et en ce sens également, que le franchisé indépendant n'a pas en fin de contrat, droit à une indemnité de clientèle. En l'espèce, le délai de préavis contractuel de 6 mois apparaît avoir été parfaitement respecté, la société Foncia Franchise ayant en effet fait part de sa volonté de non-renouvellement, 30 mois avant le terme fixé. Il est par ailleurs dans la nature d'un réseau de franchise de permettre au franchiseur de multiplier les établissements de la marque et d'en établir un maillage serré sans qu'il ait à en trouver le financement. Le contrat de franchise est encore, par essence, un contrat de collaboration et de coopération pour la réalisation d'un but commun, ce but ne pouvant être que la création, la fidélisation ainsi que le développement de la clientèle. Toute création, développement ou animation d'un réseau de franchise implique donc que le franchiseur s'engage à permettre la réussite commerciale de chaque franchisé tandis que, au-delà même des obligations spécifiées dans le contrat le liant à son partenaire, le franchiseur doit respecter et apporter les éléments inhérents à toute relation de cette nature et partant, une marque à titre d'enseigne, un savoir-faire ainsi qu'une assistance permanente. Cette obligation s'analyse cependant en une obligation de moyens et suppose ainsi que le franchisé ait fait connaître des besoins précis. Le fait qu'une décision de non-renouvellement ait été concomitante à celles intervenues à destination de nombre de membres du même réseau ne saurait à lui seul établir que la société Foncia Franchise s'est employée à utiliser les capacités financières du franchisé à l'unique fin de développer le maillage du territoire et d'assurer la profitabilité de ses succursales au détriment de ce franchisé et qu'elle a ainsi exercé son activité de franchiseur de manière égoïste, sans rechercher le succès du réseau de franchise créé. En l'espèce, le franchisé reproche en réalité au franchiseur d'avoir, au cours de l'exécution du contrat, par une approche délibérément discriminatoire et en favorisant outrageusement l'activité des sociétés succursalistes, adopté dès le début des relations contractuelles, un comportement déloyal ayant pris la forme de nombreux manquements contractuels dont l'accumulation est révélatrice d'une intention de nuire visant à l'empêcher de développer normalement son activité, traduisant un exercice abusif du droit de non-renouvellement du contrat de franchise litigieux, ainsi qu'explicitement souligné en pp. 61 et 62 de ses écritures. Une simple déloyauté contractuelle dans l'exécution du contrat, à supposer qu'elle soit établie, ne peut s'analyser de manière intrinsèque en une intention de nuire susceptible de faire dégénérer le droit de non-renouvellement d'un contrat de franchise en abus, sauf à ruiner toute portée à ce droit qui ne se concevrait alors que comme soumis à la bonne exécution par le franchiseur de ses obligations contractuelles. Quoiqu'il en soit, aucun des arguments avancés visant à établir la matérialité de fautes délibérées que la société Fonda Franchise aurait, aux dires de ses adversaires, directement et personnellement, commis au préjudice de la société Twin et de son gérant, ne se trouve en l'espèce étayé de preuves suffisantes, précises, concrètes, sérieuses et convaincantes d'une volonté intentionnelle de porter atteinte à la liberté d'action de ce franchisé, commerçant indépendant. Les seuls éléments justifiés par cette dernière société et son gérant se rapportent ainsi à des difficultés ponctuelles d'exécution du contrat ayant principalement trait à la synergie inter-agences, à l'absence de mise à jour du savoir-faire, à une relative inefficience du logiciel Totalimmo ou encore à l'absence d'assistance des franchisés et de promotion et d'animation du réseau de franchise. Ces éléments sont cependant trop épars pour traduire ensemble une stratégie délibérée de déloyauté avérée du franchiseur et sont pour majorité d'entre eux totalement inopérants sur le plan probatoire. Outre le fait que l'obligation d'assistance s'analyse en une obligation de moyens, la société Twin échoue ainsi à démontrer que la société Foncia Franchise a, par un comportement délibérément discriminatoire, favorisé les succursales Foncia appartenant à la société Foncia Groupe sans respecter ses obligations envers les franchisés, et notamment envers elle. La société Twin justifie certes avoir rencontré des difficultés économiques dès la première année du contrat de franchise alors qu'elle exerçait son activité dans les mêmes lieux qu'auparavant et qu'elle n'avait procédé à aucun investissement autre que des frais d'installation limités à 3 532,86 euros, et également avoir rencontré des difficultés pour la pose de son enseigne et ainsi, avoir dû adresser plusieurs doléances au franchiseur se rapportant aux mauvaises conditions dans lesquelles elle devait exercer son activité de franchise. La société Foncia Franchise établit cependant, par des documents idoines, concrets et précis : - avoir contribué à remédier aux difficultés rencontrées par le franchisé dans ses relations avec les services municipaux de la commune de Guyancourt lors de la pose de l'enseigne Foncia (voir cotes 93, 94, 95, 96, 97, 98); - avoir assuré plusieurs séances de formation qui ont été normalement proposées à la société Twin et à M. Jean X... (voir documents 99 et 100) ; - avoir veillé à une information juridique (voir cotes 116, 117, 118, 119, 120); - avoir transmis les notes de référence constituant la transmission de son savoir-faire ; - avoir relayé auprès de la société Seitra éditeur du logiciel référencé par elle, les difficultés techniques rencontrées par la société Twin dans l'exploitation du dit logiciel dénommé Totalimmo (voir cote 32) et encore avoir effectué les visites d'animation relevant de son obligation d'assistance durant plusieurs années (voir cote 102). La société Foncia Franchise justifie également que : - la société Twin a pu bénéficier d'un partage de fichiers via le logiciel Totalimmo avec des agences intégrées et franchisées (voir cote 91); - la réclamation indue de redevances sur la partie du chiffre d'affaires relevant de la revente de logements en résidence étudiante provient en réalité de ce que le franchisé n'a pas transmis en temps utile une attestation comptable indiquant clairement le chiffre d'affaires encaissé relevant de la vérification des redevances (voir cotes 103 et 104) ; - la société Twin qui avait fait le choix d'une activité de transaction et de location immobilière sous l'enseigne Foncia, n'avait pas vocation à bénéficier, par application même de son contrat, du logiciel Thetrawin se rapportant aux seules activités de gestion locative et de syndic. La société Twin et M. X..., qui ne bénéficiaient par ailleurs pas d'une exclusivité d'enseigne sur le territoire concédé, ne justifient pas d'une violation pérenne de l'exclusivité de prospection que le contrat litigieux leur a concédée, tandis que la société Foncia Franchise n'a à répondre directement ni des éventuels manquements commis par les autres franchisés, ni des agissements des agences intégrées, d'autant qu'il est constant que celles-ci ne sont pas sous sa direction. La société Foncia Franchise n'a pas davantage, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, abusé de son droit de non-renouvellement en n'accordant pas à la société Twin une modification de son contrat lors de la fermeture de deux agences intégrées à [...] puisque, contrairement aux affirmations de ses adversaires, elle ne s'est pas précisément engagée sur le long terme à donner accès à son franchisé aux autres métiers immobiliers de l'enseigne, tels la gestion immobilière et la copropriété, peu important de ce point de vue les énonciations très générales de la plaquette de présentation du réseau Foncia remis antérieurement à la signature du contrat. Rien ne permet encore de conclure que le changement fréquent de dirigeants à la tête du réseau de franchise a été source de non-efficience du réseau, alors que la qualité professionnelle des dirigeants qui se sont succédés n'est par ailleurs pas remise en cause ni démontrée. Il suit de tout ce qui précède que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a écarté tout abus de la société Foncia Franchise dans l'exercice de son droit de non-renouvellement puisqu'aucune circonstance ou élément porté aux débats ne permet de considérer que la société Foncia Franchise a réellement entretenu la société Twin dans l'illusion que le renouvellement du contrat qui lui avait été consenti était acquis. Il ressort ainsi du contrat signé entre les parties que la clause 21 précise in fine : "le contrat se renouvellera par tacite reconduction par période de sept ans, sauf notification d'une volonté de résiliation par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, six mois au moins avant chaque terme » ;

Alors, d'une part, que le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; que pour débouter la société Twin et son gérant de leur demande fondée sur le refus abusif de renouvellement du contrat de franchise, l'arrêt retient « que le franchisé reproche en réalité au franchiseur d'avoir, au cours de l'exécution du contrat, par une approche délibérément discriminatoire et en favorisant outrageusement l'activité des sociétés succursalistes, adopté dès le début des relations contractuelles, un comportement déloyal ayant pris la forme de nombreux manquements contractuels dont l'accumulation aurait été révélatrice d'une intention de nuire visant à l'empêcher de développer normalement son activité, traduisant un exercice abusif du droit de non-renouvellement du contrat de franchise litigieux, ainsi qu'explicitement souligné en pages 61 et 62 de ses écritures » (arrêt p. 19, § 4); qu'en statuant ainsi, cependant qu'aux termes de leurs écritures (concl. p. 60, § 5 et 6, p. 62, § 8 et 9), les exposants, loin d'alléguer d'une intention de nuire de leur franchiseur, faisaient expressément valoir que la démonstration d'une telle intention n'était pas nécessaire pour établir son comportement abusif, car déloyal, la cour d'appel les a dénaturées et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que le refus du franchiseur de renouveler un contrat de franchise parvenu à son terme peut, même si un délai de préavis suffisant a été respecté, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances particulières qui l'ont accompagné ou précédé, dès lors que ces circonstances révèlent un comportement déloyal du franchiseur, quand bien même son intention ou sa volonté délibérée de nuire au franchisé ne serait pas démontrée; que pour débouter la SARL Twin et M. Jean X... de leur demande fondée sur l'abus commis par le franchiseur dans l'exercice de son droit de ne pas renouveler le contrat, l'arrêt attaqué retient « qu'une simple déloyauté contractuelle dans l'exécution du contrat, à supposer qu'elle soit établie, ne peut s'analyser de manière intrinsèque en une intention de nuire susceptible de faire dégénérer le droit de non-renouvellement d'un contrat de franchise en abus, sauf à ruiner toute portée à ce droit qui ne se concevrait alors que comme soumis à la bonne exécution par le franchiseur de ses obligations contractuelles » (arrêt p. 19, § 5), et ajoute « qu'aucun des arguments avancés visant à établir la matérialité de fautes délibérées que la société Fonda Franchise aurait, aux dires de ses adversaires, directement et personnellement, commis au préjudice de la société Twin et de son gérant, n'est étayé de preuves suffisantes, précises, concrètes, sérieuses et convaincantes d'une volonté intentionnelle de porter atteinte à la liberté d'action de ce franchisé, commerçant indépendant » (arrêt p. 19, in fine, et p. 20, § 1) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs radicalement inopérants et impropres à exclure la déloyauté dont le franchiseur aurait pu faire montre dans l'exercice de son droit au non renouvellement du contrat, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1240 du code civil ;

Alors, en outre, que le franchiseur a le devoir d'assurer l'homogénéité du réseau en veillant au traitement égal des agences franchisés et des agences intégrées ; qu'en se bornant à relever, pour débouter la SARL Twin et son gérant de leur demande indemnitaire fondée sur le manquement de la société Foncia Franchise à cette exigence élémentaire, qu'il n'était pas établi que le franchiseur avait « par un comportement délibérément discriminatoire, favorisé les succursales Foncia appartenant à la société Foncia Groupe, sans respecter ses obligations envers les franchisés » (arrêt p. 20, § 1), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le manquement du franchiseur de son devoir de loyauté ne résultait pas du système de fonctionnement qu'il avait mis en place en permettant aux agences intégrées du groupe Foncia de vendre des biens situés sur les secteurs contractuels de prospection des franchisés sans aucune réciprocité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1135 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1240 du code civil ;

Alors, enfin, qu'il incombe au franchiseur de respecter et de faire respecter l'exclusivité de prospection consentie au franchisé ; que pour les débouter de leur demande indemnitaire fondée sur le manquement de la société Foncia Franchise à ce devoir, l'arrêt attaqué retient que la société Twin et son gérant ne justifiaient « pas d'une violation pérenne de l'exclusivité de prospection que le contrat litigieux » leur avait concédée (arrêt p. 21, § 2) et que « la société Foncia Franchise n'avait pas à répondre directement ni des éventuels manquements commis par les autres franchisés, ni des agissements des agences intégrées, d'autant qu'il est constant que celles-ci ne sont pas sous sa direction » (arrêt p. 21, § 2) ; qu'en se déterminant par ces motifs la cour d'appel a violé les articles 1134, alinéa 3, et 1135 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1240 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SARL Twin, représentée par la Selarl SMJ prise en la personne de Me Z... , ès qualités de liquidateur, ainsi que son gérant, M. Jean X..., de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre les sociétés Foncia Franchise et foncia Groupe ;

Aux motifs que « en ce qui concerne la résiliation abusive du contrat de franchise litigieux aux torts exclusifs de la société Twin : Il est constant que par lettre du 14 janvier 2015, la société Foncia Franchise a notifié à la société Twin la résiliation de plein droit du contrat de franchise litigieux par application de son article 22, pour non-paiement à bonne date, d'un solde d'arriérés de redevances de franchise et de communication demeurées impayées équivalents à 8 280 euros. La lettre de résiliation précitée a bien été précédée d'une première lettre de mise en demeure du 18 mars 2014 tendant à obtenir le paiement de 10 538 euros à titre de redevances de franchise et de communication restant dûs au 3 mars 2014 et d'une seconde du 31 juillet 2014 visant de manière expresse la clause de résolution de plein droit contractuelle à défaut de règlement de l'arriéré de 11 984 euros restant dû au 21 juillet précédent. La société Twin admet ne pouvoir justifier que du règlement d'un premier virement de 4 000 euros le 2 septembre 2013 suivi d'un second de 4 984 euros, le 1er octobre suivant. Elle oppose cependant à son adversaire, conjointement avec son gérant, le jeu de l'exception d'inexécution, arguant de la déloyauté contractuelle de la société Foncia Franchise et soulignant que celle-ci a, en accord avec la société Foncia Groupe, par un comportement évidemment discriminatoire, démontré qu'elle n'a en réalité jamais eu l'intention de se comporter en franchiseur et par conséquent, de fournir la contrepartie des redevances réclamées. La société Foncia Franchise répond qu'à la réception de la mise en demeure de régler les arriérés de redevances impayées, la société Twin a certes fait état de manquements du franchiseur à ses obligations contractuelles mais a, également et surtout, pris l'engagement ferme et définitif de s'acquitter de la totalité de sa dette en deux versements, annoncés comme devant intervenir les 28 août et 30 septembre 2014. Elle souligne qu'en l'absence de règlement de la totalité des sommes dues plus de 5 mois après la mise en demeure du 31 juillet 2014, elle a légitimement constaté l'acquisition de la clause résolutoire, dès lors que la résiliation sur le fondement d'une telle clause présente un caractère automatique et que la société Twin reconnaît elle-même ne pas avoir respecté les termes de la mise en demeure dans le délai requis. Elle précise encore que, contrairement à ses dernières allégations, la société Twin ayant pris l'engagement de lui régler l'ensemble des sommes dues, a par là même renoncé à se prévaloir du bénéfice de l'exception d'inexécution dont elle se prévaut aujourd'hui, laquelle est au demeurant infondée, puisque cette exception ne peut jouer si le cocontractant de la partie qui s'en prévaut n'a pas effectivement exécuté ses propres obligations ou si les manquements allégués sont d'une gravité insuffisante. Elle explique que la société Twin s'est bornée à faire référence à des lettres recommandées de doléances envoyées depuis janvier 2011 sans autre précision et à lui reprocher un défaut de mise à jour du logiciel Totalimmo qui ne lui incombe pas. Elle conclut justifier avoir exécuté l'ensemble des obligations contractuelles fondant la réclamation en paiement des redevances de franchise et de communication dont s'agit et dément avoir adopté quel que comportement discriminatoire que ce soit. La société Twin et M. Jean X... ne justifient en rien du lien existant entre le grief général de discrimination invoqué dans le cadre de cette instance à l'appui d'un grief de déloyauté contractuelle imputée à faute du franchiseur et le non-paiement du solde d'arriérés dû au moment où le règlement de celui-ci lui était réclamé. C'est ainsi à raison que la société Foncia Franchise souligne que la lettre du 28 août 2014 qu'ils ont adressée en réponse à sa réclamation ne fait état d'aucun grief précis. La mise en oeuvre automatique d'une clause contractuelle de résiliation de plein droit ne constitue pas un abus dès lors que les conditions d'application en sont remplies, que sa mise en jeu n'est pas équivoque et que la bonne foi de celui-ci qui s'en prévaut n'est pas mise en cause. En l'absence de mauvaise foi précisément établie à l'encontre de la société Foncia Franchise au moment de la mise en oeuvre de la clause incriminée, le grief de résiliation abusive sera donc écarté » ;

Alors, d'une part, que dans sa lettre du 28 août 2014, la SARL Twin avait écrit, en réponse à la mise en demeure du 31 juillet 2014 : « Outre la date choisie pour l'envoi de ce courrier, en une période dont chacun sait en France qu'elle est d'intense activité, j'apprécie le rappel que vous faîtes en votre 1er paragraphe, selon lequel les redevances de franchise et de communication sont dues en contrepartie de l'utilisation effective de la marque, de la signalétique et du savoir-faire Foncia
de l'assistance permanente du franchise
de suivre des formations rémunérées
et de la publicité organisée au sein du réseau. Votre rappel de ces dispositions me permet de souligner qu'en matière d'assistance, de données d'utilisation de la marque et d'exploitation du savoir-faire Foncia, j'ai adressé plusieurs courriers recommandés depuis janvier 2011 pour lesquels je n'ai jamais eu de réponse. Ces courriers soulignaient systématiquement des dysfonctionnements, et les seules réponses que j'aie jamais eues portaient sur nos relations financières (
). Pour en revenir au seul point qui vous préoccupe : le point financier. Peut-être avez-vous observé que j'ai effectué un virement spécifique couvrant à la date où je l'ai fait l'intégralité des factures de redevances de communication. C'est donc bien pour marquer qu'à mes yeux, Foncia est défaillant pour ce qui concerne les données d'enseigne, les prestation fournies et l'assistance réelle à un développement commercial (
) » ; qu'en retenant que ce courrier n'articulait « aucun grief
précis » à l'encontre du franchiseur, là où ses termes clairs et précis dénonçaient les défaillances du franchiseur « pour ce qui concerne les données d'enseigne, les prestation fournies et l'assistance réelle à un développement commercial (
) », la cour d'appel les dénaturés, violant l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Alors, d'autre part, qu'en retenant que la lettre du 28 août 2014 ne faisait état « d'aucun grief précis », là où ses termes dénonçaient sans équivoque l'absence de réponse de la société Foncia Franchise aux multiples courriers qui, depuis janvier 2011 , lui avaient été adressés par la société Twin pour dénoncer « des dysfonctionnements » en « matière d'assistance, de données d'utilisation de la marque et d'exploitation du savoir-faire Foncia », la cour d'appel les a une nouvelle fois dénaturés, violant l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-16535
Date de la décision : 04/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 24 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 sep. 2018, pourvoi n°17-16535


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16535
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