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12/07/2018 | FRANCE | N°17-15417

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 juillet 2018, 17-15417


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 223-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Attendu qu'à peine d'irrecevabilité de sa demande tendant à faire constater le manque de base légale de l'ordonnance d'expropriation, l'exproprié saisit le juge dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision définitive du juge administratif annulant la déclaration d'utilité publique ou l'arrêté de cessibilité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris,

19 janvier 2017), que, par ordonnance du 17 mars 2009, le juge de l'expropriation a prono...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 223-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Attendu qu'à peine d'irrecevabilité de sa demande tendant à faire constater le manque de base légale de l'ordonnance d'expropriation, l'exproprié saisit le juge dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision définitive du juge administratif annulant la déclaration d'utilité publique ou l'arrêté de cessibilité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2017), que, par ordonnance du 17 mars 2009, le juge de l'expropriation a prononcé, au profit de la commune de Crosne, le transfert de propriété d'une parcelle appartenant à Mme Y... et M. X..., sur le fondement d'un arrêté préfectoral de cessibilité du 3 juillet 2008 ; que, par arrêt notifié aux expropriés le 10 septembre 2013, une cour administrative d'appel a annulé l'arrêté et que, par ordonnance notifiée aux expropriés le 2 juin 2014, le Conseil d'Etat a constaté le désistement de la commune du pourvoi à l'encontre de cet arrêt ; que, le 22 juillet 2014, Mme Y... et M. X... ont saisi le juge de l'expropriation pour faire constater la perte de base légale de l'ordonnance d'expropriation et voir statuer sur les conséquences de son annulation ;

Attendu que, pour déclarer recevable la saisine du juge de l'expropriation, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que la décision de la cour administrative d'appel n'est devenue définitive qu'avec l'ordonnance de désistement rendue par le Conseil d'Etat et que le point de départ du délai de deux mois se situe à la date de notification de cette ordonnance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le délai de deux mois courait à compter de la notification de la décision contre laquelle aucune voie de recours ordinaire ne pouvait être exercée, soit à compter de la notification de l'arrêt annulant l'arrêté de cessibilité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE les demandes de M. X... et Mme Y... irrecevables ;

Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens de la procédure d'appel et rejette les demandes des parties formées en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la commune de Crosne

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir admis la recevabilité du recours introduit le 22 juillet 2014 par Monsieur X... et Madame Y..., en vue d'obtenir du juge judiciaire qu'il tire les conséquences de l'annulation de l'arrêté de cessibilité par l'arrêt du 4 juillet 2013 de la Cour administrative d'appel de Versailles et d'avoir, en conséquence :

- constaté l'absence de base légale du transfert à la Commune de Crosne de la propriété de la parcelle cadastrée [...] , sise [...] ;

- ordonné la restitution à leur profit de cette propriété, dans son état au jour de la prise de possession par la Commune de Crosne ;

- dit qu'ils devront eux-mêmes restituer, in solidum, la somme de 200 000 euros qu'ils ont reçue à titre d'indemnité ;

- fixé à 15 000 euros la somme que la Commune de Crosne devra leur verser à titre de dommages et intérêts ;

- dit qu'en application de l'article R 12-5-5 du code de l'expropriation, les frais de publicité foncière engagés en application de cette décision seront supportés par la Commune de Crosne ;

- condamné la Commune de Crosne à payer à Monsieur X... et Madame Y..., ensemble, la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la Commune de Crosne aux dépens de la procédure de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE : « Que l'article L 12-5, applicable à la cause, du code de l'expropriation dispose qu'en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale ;

Que l'article R-12-5-1 dudit code indique que l'exproprié qui entend faire constater par le juge le manque de base légale de l'ordonnance portant transfert de sa propriété transmet au greffe de la juridiction qui a prononcé l'expropriation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision du juge administratif annulant la déclaration d'utilité publique ou l'arrêté de cessibilité, un dossier qui comprend les copies de documents qu'il cite ;

Que l'article R. 12-5-1, de valeur réglementaire, ne peut contredire l'article L. 12-5, de valeur législative et doit s'interpréter par rapport à celui-ci ;

Que dès lors le point de départ du délai de deux mois pendant lequel tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation l'absence de base légale de l'ordonnance d'expropriation, s'entend nécessairement de la notification de la décision administrative devenue définitive ;

Qu'il n'est pas contesté que la décision de la Cour administrative d'appel n'est devenue définitive qu'avec l'ordonnance de désistement rendue par le Conseil d'Etat, peu important que cela ait été à l'initiative de la commune de Crosne ;

Que le point de départ du délai de deux mois se situe à la date de notification de cette ordonnance à M. X... et Mme Y..., dont il n'est pas contesté qu'elle situe au 2 juin 2014 ;

Qu'en conséquence la saisine du juge de l'expropriation du 22 juillet 2014, qui se situe dans le délai précité, est recevable ;

Que le jugement doit être infirmé ;

1°/ ALORS QUE le recours par lequel l'exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation la perte de base légale de l'ordonnance portant transfert de propriété doit être introduit dans le délai de forclusion de deux mois à compter de la notification de la décision définitive du juge administratif annulant la déclaration d'utilité publique ou l'arrêté de cessibilité ; qu'en contentieux administratif une décision définitive, qui doit être distinguée d'une décision irrévocable, est celle qui n'est plus susceptible d'un recours ordinaire, même si elle peut faire ou fait effectivement l'objet d'un pourvoi en cassation ; que pour admettre la recevabilité du recours introduit le 22 juillet 2014 par Monsieur X... et Madame Y..., la Cour d'appel a retenu que l'arrêt du 4 juillet 2013 de la Cour administrative d'appel de Versailles annulant l'arrêté de cessibilité n'était devenu définitif qu'au moment où le Conseil d'Etat avait pris acte du désistement par la Commune de Crosne du pourvoi qu'elle avait formé contre cet arrêt, de sorte que le point de départ du délai devait être fixé à la date de la notification aux expropriés de l'ordonnance de désistement, le 2 juin 2014, plutôt qu'à celle de la notification de la décision de la Cour administrative d'appel elle-même, le 10 septembre 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 12-5 et R. 12-5-1 du code de l'expropriation, ensemble les principes qui régissent le contentieux administratif ;

2°/ ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige ; que pour juger recevable le recours introduit le 22 juillet 2014 par Monsieur X... et Madame Y..., la cour d'appel a retenu qu'il n'était « pas contesté » que la décision du 4 juillet 2013 de la Cour administrative d'appel de Versailles annulant l'arrêté de cessibilité « n'était devenue définitive qu'avec l'ordonnance » du Conseil d'Etat constatant le désistement par la Commune de Crosne du pourvoi qu'elle avait formé contre cette décision ; qu'en statuant ainsi cependant que, dans ses conclusions, la Commune de Crosne entendait démontrer que le point de départ du délai de forclusion de deux mois devait être fixé à la date de notification de la décision de la Cour administrative d'appel elle-même, le 10 septembre 2013 (p. 11 et s.), ce dont il se déduisait qu'elle tenait la condition du caractère « définitif » de la décision d'annulation pour acquise dès cette date, et pas non seulement au moment de l'ordonnance de désistement, en date du 22 mai 2014, dont elle refusait aux expropriés le droit de se prévaloir (p. 11, in fine), la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-15417
Date de la décision : 12/07/2018
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Transfert de propriété - Ordonnance d'expropriation - Perte de base légale - Constatation - Saisine du juge de l'expropriation - Délai de forclusion - Point de départ - Détermination - Portée

Le délai de deux mois prévu à peine d'irrecevabilité par l'article R. 223-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique pour saisir le juge de l'expropriation d'une demande tendant à faire constater le manque de base légale de l'ordonnance d'expropriation court à compter de la notification de la décision du juge administratif annulant la déclaration d'utilité publique ou l'arrêté de cessibilité contre laquelle aucune voie de recours ordinaire ne peut être exercée, soit dans le délai de deux mois à compter de la notification d'un arrêt d'une cour administrative d'appel annulant l'arrêté de cessibilité et non à compter de la notification de l'ordonnance de désistement rendue par le Conseil d'Etat


Références :

article R. 223-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 jui. 2018, pourvoi n°17-15417, Bull. civ.Bull. 2018, III, n° 88.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, III, n° 88.

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15417
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