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10/07/2018 | FRANCE | N°16-22394

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 juillet 2018, 16-22394


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 avril 2016), que MM. D..., B..., dit C..., et Jean-Claude X... ont cédé les actions qu'ils détenaient dans le capital de la société WRM à des sociétés du groupe Sita ; que M. Alexandre X... a acquis 20% du capital de la société WRM puis a cédé ces titres à la société Regene, devenue Sita Recycling Polymers , détenue par la société Sita France devenue Suez RV France, et la société Innovation capital et Management (la société

ICM), et à la société CRR, devenue Cycléade, également filiale de la société Sita F...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 avril 2016), que MM. D..., B..., dit C..., et Jean-Claude X... ont cédé les actions qu'ils détenaient dans le capital de la société WRM à des sociétés du groupe Sita ; que M. Alexandre X... a acquis 20% du capital de la société WRM puis a cédé ces titres à la société Regene, devenue Sita Recycling Polymers , détenue par la société Sita France devenue Suez RV France, et la société Innovation capital et Management (la société ICM), et à la société CRR, devenue Cycléade, également filiale de la société Sita France ; que cette dernière ayant déposé plainte pour abus de biens sociaux et recel à l'encontre de son ancien président directeur général, M. Z..., notamment pour des facturations irrégulières entre les sociétés Regene et ICM, et les conditions de rachat par la société Sita France des titres de la société WRM, un arrêt, devenu irrévocable, du 1er mars 2013, a condamné M. et Mme Z..., MM. Jean-Claude X..., D..., A..., C... et E... pour abus de biens sociaux et recel, et a rejeté la demande d'indemnisation de la société Sita France formée au nom de ses filiales, victimes des abus de biens sociaux commis par leurs dirigeants; que la société Sita France, devenue Suez RV France, et ses filiales ont assigné devant le tribunal de grande instance M. et Mme Z..., MM. Alexandre et Jean-Claude X..., MM. A..., C..., D... et E... ainsi que les sociétés ICM, Evolve, Montcarville Investissements, Imprimerie Jack et WRM, afin d'obtenir l'annulation des cessions frauduleuses de titres de la société WRM, la restitution des prix de cession et, subsidiairement, obtenir la nullité de cette société, ainsi que la réparation des préjudices subis du fait de ces cessions ; que M. Alexandre X... a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au profit du tribunal de commerce, pour statuer sur les demandes relatives aux cessions de parts sociales et à la nullité d'une société commerciale ;

Attendu que M. Alexandre X... fait grief à l'arrêt de rejeter cette exception d'incompétence alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque deux demandes sont formées, l'une relevant de la compétence du tribunal de grande instance, juridiction de droit commun en application de l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire, et l'autre de la compétence exclusive du tribunal de commerce, chacune des deux juridictions saisies doit connaître de la demande relevant de sa compétence ; qu'il en est ainsi quand bien même les demandes seraient connexes ou indivisibles, cette connexité ou indivisibilité pouvant seulement déclencher un sursis à statuer et la présentation d'une question préjudicielle ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a constaté que conformément à l'article L. 721-3 du code de commerce, l'action en nullité de la société WRM et la demande de nullité de cession d'actions de cette même société relevaient de la compétence exclusive du tribunal de commerce ; que ces demandes ne pouvaient donc être soumises au tribunal de grande instance, quand bien même les demandes indemnitaires formées par la société Sita France et ses filiales ne pourraient être tranchées indépendamment de l'appréciation de la validité des cessions de titres de la société WRM et de la validité de la société WRM elle-même ; qu'en confirmant l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Alexandre X..., au motif de l'indivisibilité des différentes demandes, la demande de nullité de la société WRM et la demande de nullité de cessions d'actions relevant pourtant de la compétence exclusive du tribunal de commerce, la cour d'appel a violé l'article L. 721-3 du code de commerce ensemble les articles L. 211-3 et R. 211-3 du code de l'organisation judiciaire ;

2°/ qu'à supposer que l'indivisibilité entre les demandes puisse justifier leur regroupement devant le tribunal de grande instance en dépit de la compétence exclusive d'une autre juridiction, l'indivisibilité n'est caractérisée entre deux demandes que s'il existe un risque que les décisions rendues soient simultanément inexécutables ; qu'il n'existe aucune indivisibilité en cas de risque de contrariété de décisions si l'exécution de l'une n'est pas incompatible avec celle de l'autre ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a considéré que les demandes étaient indivisibles au seul motif d'un risque de contrariété de décisions ; qu'en confirmant l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, qui avait rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Alexandre X..., au motif de l'indivisibilité des différentes demandes, sans constater le risque que deux décisions simultanément inexécutables ne soient rendues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 721-3 du code de commerce et des articles L. 211-3 et R. 211-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que l'appréciation du préjudice subi par la société Sita France et ses filiales, du fait de la mise en place du montage litigieux, ne pouvait se faire indépendamment de l'appréciation de la validité, d'une part, des cessions des titres de la société WRM, et, d'autre part, de la société WRM elle-même,
la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée à la seconde branche, a pu retenir que le tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, était compétent pour statuer sur l'ensemble des demandes par une seule décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Alexandre X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux sociétés Suez RV France, Suez RV Plastiques ouest, Suez RV Recyclage, Regene, Suez RV Plastique Atlantique, Suez RV Ile-de-France, HTP et FEE Service ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. Alexandre X....

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris ayant rejeté l'exception d'incompétence invoquée par Alexandre X... au profit du tribunal de commerce de Paris ;

AUX MOTIFS QUE conformément à l'article L. 721-3 du code de commerce, l'action en nullité d'une société commerciale et la demande de nullité de cession d'actions d'une société commerciale relèvent toutes deux de la compétence exclusive du tribunal de commerce. Il est néanmoins possible de déroger à cette règle de compétence, si la contestation relative à une société commerciale s'insère de façon indivisible dans un litige plus vaste intégrant des demandes relevant de la compétence du tribunal de grande instance, juridiction de droit commun. En l'espèce, les demandes formées par la société Sita France et ses filiales à l'encontre solidairement de l'ensemble des défendeurs, dont monsieur Alexandre X..., visent à engager la responsabilité civile délictuelle de ces derniers afin d'obtenir une indemnisation du chef de l'article 1382 du code civil pour les activités déficitaires induites au préjudice du groupe Sita par le montage mis en place entre la société WRM et les autres sociétés. Aussi, l'appréciation des conséquences subies par la société Sita France et ses filiales par la mise en place de ce montage litigieux ne peut-elle se faire indépendamment de l'appréciation de la validité, d'une part, des cessions des titres de la société WRM, et, d'autre part, de la société WRM elle-même . Au vu de ces éléments, l'indivisibilité est caractérisée au profit de la compétence du tribunal de grande instance. Il convient en conséquence, afin d'éviter tout risque de contrariété de décisions, de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par monsieur Alexandre X....

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE par application de l'article L. 721-3 du code de commerce, les juridictions consulaires ont une compétence exclusive pour connaître des "contestations relatives aux sociétés commerciales". Les demandes de nullité de cessions d'actions des sociétés WRM, ainsi que la demande subsidiaire en annulation de la société WRM, constituent des contestations relatives à des sociétés commerciales. En tant que telles, elles relèvent donc, en principe, de la compétence du tribunal de commerce. Il peut être fait exception à cette règle de compétence, si la contestation relative à une société commerciale est insérée de façon indivisible dans un litige plus vaste, intégrant des demandes relevant de la compétence du tribunal de grande instance, juridiction de droit commun. En l'occurrence, l'action engagée par les sociétés demanderesses (groupe Sita) intègre des prétentions ressortant de la compétence du tribunal de commerce et, d'autres, qui relèvent de la responsabilité civile délictuelle, en particulier, les demandes énoncées contre l'ensemble des défendeurs pour les activités déficitaires induites au préjudice du groupe Sita par le montage des sociétés mises en place (WRM et autres). L'appréciation des conséquences de ce montage (autres que les cessions de titres supposées frauduleuses) ne peut pas se faire indépendamment de la connaissance ou non de la validité de ces cessions et de la validité de la société WRM, en ce qu'il ne peut guère être retenu que les activités déficitaires résulteraient d'un processus frauduleux fondé sur la création de la société WRM, si la vie interne de cette personne morale est considérée comme parfaitement normale (cc qui exclurait alors l'annulation des cessions de titres et l'annulation de la société elle-même). Les sociétés demanderesses ne s'y sont pas trompées, puisqu'elles ont tiré toutes les conséquences de l'existence d'un système frauduleux global (consacré par l'arrêt du 1er mars 2013), ayant nécessité la création de la société WRM, en sollicitant, en premier lieu, l'annulation des cessions de titres et/ou l'annulation de la société WRM. Il peut ainsi y avoir contrariété de décisions, même si cette possibilité de contrariété apparaît assez limitée, dès lors qu'il serait demandé, tant au tribunal de commerce, qu'au tribunal de grande instance, de tirer purement et simplement les conséquences des condamnations pénales, prononcées le 1er mars 2013, étant souligné que la portée de l'exception d'incompétence invoquée par Messieurs Jean-Claude et Alexandre X..., père et fils, ne peut être considérée comme limitée aux seules cessions effectuées par Monsieur Alexandre X... mais s'appliquant à toutes les cessions de titres WRM. S'il est exact que le rejet (hypothèse évoquée par Monsieur Alexandre X...) des prétentions en nullité des cessions de titres par le tribunal de commerce n'interdirait pas au tribunal de grande instance d'apprécier les responsabilités des défendeurs pour les activités déficitaires induites par le montage mis en place, dès lors que les fondements juridiques et l'objet des demandes sont différents, force est, toutefois, de constater qu'une telle situation serait particulièrement absurde, puisqu'elle conduirait à admettre le caractère normal du fonctionnement interne de la société WRM, alors que cette société se trouve au coeur du montage ayant justifié les condamnations prononcées par la cour d'appel de Versailles. En réalité, les cessions de titres dont l'annulation est sollicitée constituent le premier effet (construit et recherché) du montage décrit par l'arrêt du 1er mars 2013, tandis que les activités déficitaires dénoncées constituent une sorte de "dommage collatéral plus discret", également induit par le même montage, l'un étant lié à l'autre. Au total, il apparaît que les demandes (annulation des cessions de titres et demandes indemnitaires) peuvent effectivement s'analyser de façon distincte sur le strict plan juridique, mais elles n'en constituent pas moins des éléments indissociables d'un même processus frauduleux, mettant en cause de nombreuses personnes morales et physiques (dont les rôles sont imbriqués), ce qui caractérise leur indivisibilité et justifie la compétence du tribunal de grande instance de Paris, pour connaître de l'ensemble des prétentions des sociétés demanderesses, lesquelles prétentions sont la conséquence unique et directe de l'arrêt du 1er mars 2013, qui n'a statué que sur une partie des intérêts civils, en raison d'une difficulté de procédure (irrecevabilité). L'exception d'incompétence soulevée doit donc être rejetée.

1°) ALORS QUE lorsque deux demandes sont formées, l'une relevant de la compétence du tribunal de grande instance, juridiction de droit commun en application de l'article L. 211-3 du Code de l'organisation judiciaire, et l'autre de la compétence exclusive du tribunal de commerce, chacune des deux juridictions saisies doit connaître de la demande relevant de sa compétence ; qu'il en est ainsi quand bien même les demandes seraient connexes ou indivisibles, cette connexité ou indivisibilité pouvant seulement déclencher un sursis à statuer et la présentation d'une question préjudicielle ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a constaté que conformément à l'article L. 721-3 du Code de commerce, l'action en nullité de la société WRM et la demande de nullité de cession d'actions de cette même société relevaient de la compétence exclusive du tribunal de commerce ; que ces demandes ne pouvaient donc être soumises au tribunal de grande instance, quand bien même les demandes indemnitaires formées par la société Sita France et ses filiales ne pourraient être tranchées indépendamment de l'appréciation de la validité des cessions de titres de la société WRM et de la validité de la société WRM elle-même ; qu'en confirmant l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Alexandre X..., au motif de l'indivisibilité des différentes demandes, la demande de nullité de la société WRM et la demande de nullité de cessions d'actions relevant pourtant de la compétence exclusive du tribunal de commerce, la cour d'appel a violé l'article L. 721-3 du code de commerce ensemble les articles L. 211-3 et R. 211-3 du code de l'organisation judiciaire ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE à supposer que l'indivisibilité entre les demandes puisse justifier leur regroupement devant le tribunal de grande instance en dépit de la compétence exclusive d'une autre juridiction, l'indivisibilité n'est caractérisée entre deux demandes que s'il existe un risque que les décisions rendues soient simultanément inexécutables ; qu'il n'existe aucune indivisibilité en cas de risque de contrariété de décisions si l'exécution de l'une n'est pas incompatible avec celle de l'autre ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a considéré que les demandes étaient indivisibles au seul motif d'un risque de contrariété de décisions ; qu'en confirmant l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, qui avait rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Alexandre X..., au motif de l'indivisibilité des différentes demandes, sans constater le risque que deux décisions simultanément inexécutables ne soient rendues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 721-3 du code de commerce et des articles L. 211-3 et R. 211-3 du code de l'organisation judiciaire.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-22394
Date de la décision : 10/07/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 jui. 2018, pourvoi n°16-22394


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.22394
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