LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, ci-près annexé :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué (Caen, 28 mars 2017) de fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité principale et de l'indemnité de remploi leur revenant à la suite de l'expropriation, au profit de l'établissement public foncier de Normandie, d'une parcelle leur appartenant ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs non critiqués, que, si M. et Mme X... faisaient valoir que la parcelle comprenait également un hangar, un parking et diverses autres surfaces de circulation qui n'avaient pas été valorisées, la valorisation par comparaison avec les termes de référence tenait compte des bâtiments construits et non de la superficie de la parcelle elle-même qui constituait un accessoire de ces bâtiments, et souverainement relevé, sans dénaturation, que la partie située à l'arrière, qui ne disposait pas d'une entrée indépendante et supportait un hangar délabré recouvert d'une couverture en fibro-ciment, était de nature plus à dévaloriser la parcelle qu'à la valoriser, la cour d'appel, qui a écarté la méthode de la récupération foncière et qui n'a pas refusé d'évaluer un préjudice dont elle aurait constaté l'existence, a, par ces seuls motifs, souverainement choisi la méthode d'évaluation de l'indemnité de dépossession et fixé le montant de celle-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme X... font le même grief à l'arrêt ;
Mais attendu, d'une part, que, le premier moyen étant rejeté, le moyen tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que l'indemnité principale s'établissait à la somme de 539 470 euros, y compris celle de 4 400 euros correspondant à l'indemnisation au titre de l'emplacement publicitaire, la cour d'appel, qui a retenu que l'indemnité de remploi serait calculée selon le barème habituel, soit 10 % au-delà de 15 000 euros, et qu'aucune indemnité de remploi n'était due au titre de l'emplacement publicitaire, a légalement justifié sa décision de fixer à la somme de 53 507 euros le montant de cette indemnité, qu'elle a souverainement apprécié, dans les limites de l'article R. 322-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité les indemnités dues par l'EPFN aux époux X... à la somme de 539 470 euros au titre de l'indemnité principale et à la somme de 53 507 euros pour l'indemnité de remploi et de les AVOIR débouté du surplus de leurs demandes;
AUX MOTIFS QUE M. et Mme X... font valoir que la parcelle comprend également un hangar, un parking et diverses autres surfaces de circulation qui n'ont pas été valorisées (
) ; qu'en ce qui concerne la partie de la parcelle située à l'arrière de la partie déjà évoquée, il faudrait établir qu'elle peut être utilisée indépendamment de la partie avant ; qu'or, elle ne dispose pas d'une entrée indépendante et supporte un hangar délabré au vu des photos produites recouvert d'une couverture en fibro-ciment ; qu'il faudrait pour pouvoir valoriser cette partie déduire de son éventuelle valeur le coût de démolition du hangar ; que M. et Mme X... n'ayant fourni aucun devis de démolition de cet ensemble, il n'y pas lieu de tenir compte de cette surface arrière plus de nature, en fait, à dévaloriser qu'à valoriser la parcelle ;
1°) ALORS QUE les indemnités allouées à l'exproprié couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; qu'en jugeant que la partie arrière de la parcelle expropriée ne pouvait être valorisée, faute de « bénéficier d'un accès indépendant » (arrêt, p. 4, dern. al.) la cour d'appel s'est prononcée par un motif impropre à exclure l'indemnisation des époux X... au titre de la surface totale de la parcelle dont ils étaient expropriés et a violé l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits et l'homme ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, le juge ne peut dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que l'EPFN ne prétendait pas que la partie arrière de la parcelle exproprié qui constituait la « plus grande partie de l'emprise foncière totale » n'était pas desservie par un accès indépendant mais soulignait, au contraire, qu'elle « était desservi(e) par un passage extérieur situé au nord de l'emprise, donnant sur le parking commun en bordure de la rue » (ses conclusions, p. 10, al. 2) ; qu'en retenant, pour lui dénier toute valeur et refuser d'en tenir compte, qu'il n'était pas établi qu'« elle p(ouvait) être utilisée indépendamment de la partie avant » dès lors qu'elle « ne dispos(ait) pas d'une entrée indépendante » (arrêt, p. 4, dern. al.), alors que cette partie de la parcelle disposait d'un accès indépendant, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a méconnu l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE dans le cadre de la procédure d'expropriation de droit commun d'un terrain bâti, les juges du fond ne peuvent imposer à l'exproprié l'application de la méthode de la récupération foncière sans caractériser en quoi il aurait été tenu de démolir la construction édifiée sur le terrain en l'absence d'expropriation ; qu'en retenant que, pour valoriser la partie arrière de la parcelle expropriée « il (aurait fallu) déduire de son éventuelle valeur le coût de démolition du hangar » motif pris de ce qu'il aurait été « délabré au vu des photos produites » et « recouvert d'une couverture en fibro-ciment » (arrêt, p. 4, dern. al.) quand ces considérations n'étaient pas de nature à établir que les époux X... auraient été tenus de démolir ce hangar et devaient, par conséquent, en supporter le coût, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits et l'homme ;
4°) ALORS QUE, en toute hypothèse, le juge doit trancher lui-même le litige dont il est saisi ; qu'en refusant de trancher la question de la valeur de la partie arrière de la parcelle selon la méthode de la récupération foncière qui, aux termes de l'arrêt, « aurait » dû lui être appliquée, motifs pris de ce que la valeur du terrain nu n'aurait été qu'« éventuelle » et que les expropriés n'auraient « fourni aucun devis de démolition » (arrêt, p. 4, dern. al. et p. 5, al. 1), alors qu'elle était tenue d'indemniser ces derniers de l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation et ainsi d'évaluer la valeur de cette partie de la parcelle objet de l'expropriation, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil, ensemble l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
5°) ALORS QUE, en toute hypothèse, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en imputant aux époux X... de n'« (avoir) fourni aucun devis de démolition » du hangar bâti sur la partie arrière de la parcelle pour « ne (pas) tenir compte de cette surface » (arrêt, p. 5, al. 1) cependant qu'il appartenait à l'EFPN qui refusait de la valoriser au prétexte pris de « l'état d'extrême dégradation du bien » (ses conclusions, p. 18, al. 4) de produire un tel devis visant à démontrer que le coût de démolition aurait été supérieur à la valeur du terrain, allégation que les époux X... contestaient, la cour d'appel à inverser la charge de la preuve et violé l'article 9 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité les indemnités dues par l'EPFN aux époux X... à la somme de 539 470 euros au titre de l'indemnité principale et à la somme de 53 507 euros pour l'indemnité de remploi et de les AVOIR débouté du surplus de leurs demandes;
AUX MOTIFS QUE, au total, l'indemnité principale s'établit à 539 470 euros ; que l'indemnité de remploi sera calculée, selon le barème habituel, soit sur la base de 20% de l'indemnité principale jusqu'à 5000 euros, de 15% de cette indemnité de 5001 à 15 000 euros et10% au-delà ; que l'indemnité principale (hors emplacement publicitaire qui ne saurait donner lieu à indemnité de remploi) étant de 535 070 euros, la somme due est de 53 507 euros.
1°) ALORS QUE la cassation à intervenir du chef du dispositif par lequel la cour d'appel a fixé l'indemnité principale due par l'EPFN à la somme de 539 470 euros entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a condamné l'expropriant à leur verser la somme de 53 507 euros au titre de l'indemnité de remploi, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les indemnités allouées à l'exproprié couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; qu'en fixant l'indemnité de remploi à la somme de 535 070 euros, correspondant à 10 % de la fraction de l'indemnité principale prise en considération, quand elle a indiqué se baser sur le barème habituellement appliqué en la matière, en application duquel l'indemnité de remploi est égale à « 20 % de l'indemnité principale jusqu'à 5 000 euros, de 15 % de cette indemnité de 5 001 à 15 000 euros et de 10 % au-delà » (arrêt, p. 5, al. 3) ce qui aurait dû la conduire à leur octroyer la somme de 54 507 euros de ce chef, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé, ce faisant, l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.