LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 2224 et 2234 du code civil et L. 218-2 du code de la consommation ;
Attendu que le point de départ du délai biennal de prescription prévu à l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Pascal X... a souscrit, par acte notarié, auprès de la société Crédit foncier de France (la banque) deux emprunts destinés à l'acquisition d'un bien immobilier ; que la banque a prononcé la déchéance du terme le 6 mars 2012, quelques jours avant le décès du débiteur survenu [...] ; que, sur requête de la banque du 4 août 2015, le président du tribunal de grande instance a désigné, le même jour, la Direction nationale d'interventions domaniales (la DNID) curateur à la succession vacante ; que, le 5 novembre suivant, la banque a délivré à la DNID, ès qualités, un commandement de payer valant saisie immobilière ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de la banque, l'arrêt retient que celle-ci ne démontre pas s'être trouvée dans l'impossibilité d'accomplir, dans le délai de deux ans après le prononcé de la déchéance du terme, les diligences de nature à lui permettre d'agir en recouvrement de sa créance à l'encontre de la succession, soit en agissant utilement auprès du notaire pour faire établir la dévolution successorale, soit en faisant désigner un curateur à la succession ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la banque était intervenue auprès du notaire, à plusieurs reprises, dès avril 2013, pour obtenir communication de la dévolution successorale et qu'en réponse à sa dernière lettre du 18 juillet 2014, celui-ci l'avait informée, le 21 juillet, de la transmission du dossier à la DNID, ce dont il ressortait que la banque n'avait eu connaissance qu'à cette date de la vacance de la succession lui permettant d'agir en désignation d'un curateur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Crédit foncier de France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, confirmant le jugement entrepris, déclaré irrecevables les demandes du CREDIT FONCIER DE FRANCE dirigées contre la Direction Nationale d'Interventions Domaniales (CNID) ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Le Crédit foncier de France fait valoir, pour s'opposer au constat de la prescription, qu'en application de l'article 2234 du code civil, la prescription biennale qui a commencé à courir le 6 mars 2012 été interrompue par le décès de M. X..., intervenu le [...] , et jusqu'à la désignation de la DNID en qualité de curateur à sa succession, le 4 août 2015. Il soutient en effet que le décès du débiteur le plaçait "légalement" dans l'impossibilité d'agir, impossibilité qui selon lui perdurait tant qu'il demeurait dans l'ignorance de la dévolution successorale. Il soutient également que le "jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer", au sens de l'article 2224 du code civil aurait été en ce qui le concerne le 21 juillet 2014, date d'un courrier du notaire chargé de la succession X.... Il convient d'abord de constater que ledit courrier du 21 juillet 2014 dont se prévaut la banque ne contient aucune annonce de la vacance de la succession mais, en réponse à un courrier de la banque du 18 juillet, une simple information de ce que le dossier avait été transmis à la DNID le 27 juin 2014. Il résulte de l'ensemble des éléments de la cause qu'alors qu'il il appartenait à la banque, qui avait prononcé la déchéance du terme, de faire toutes diligences pour avoir connaissance des héritiers de son débiteur ou obtenir la désignation d'un représentant de la succession dès qu'elle a eu connaissance du décès, étant rappelé que le décès ne constitue pas en lui-même une cause d'interruption de la prescription, elle est cependant restée inactive à ce titre pendant les trois années qui ont suivi le décès de M. X..., alors même qu'elle se trouvait en relations avec le notaire chargé de la succession au moins depuis le mois d'avril 2013. En effet, ayant eu l'espoir d'une prise en charge de la dette par la compagnie d'assurance, ce n'est que par courriers du 9 avril 2013, puis du 29 août 2013, l'assureur ayant refusé, qu'elle a prié le notaire de lui communiquer la dévolution successorale, demande réitérée le seulement le 27 février, puis le 18 juillet 2014. Aucun de ces éléments n'est de nature à démontrer que la banque se soit trouvée dans l'impossibilité d'accomplir dans le délai de deux années les diligences de nature à lui permettre d'agir en recouvrement de sa créance à l'encontre de la succession, soit en agissant utilement auprès du notaire pour faire établir la dévolution successorale, soit en faisant désigner un curateur à la succession, étant observé qu'il ne ressort d'aucun des éléments produits qu'une probabilité d'établissement de la dévolution successorale ait existé » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE affirme au visa de l'article 2234 du code civil que la prescription a été suspendue le 17 mars 2012, date du décès de Monsieur X... et ce jusqu'à la désignation d'un curateur à succession vacante obtenue par ordonnance le 4 août 2015, faisant observer qu'il n'a pas pu agir avant cette désignation. Il en déduit que le délai de prescription a donc été prolongé d'autant et que le commandement de payer valant saisie délivré le 05 novembre 2015 l'a donc été dans le délai légal. L'article 2234 du code civil dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. Il appartient à celui qui invoque l'impossibilité d'agir en cas de force majeure de démontrer que l'empêchement allégué répond aux critères de la force majeure. Au cas présent, le créancier poursuivant prétend n'avoir pu agir qu'à compter du 4 août 2015, date à laquelle il a obtenu par ordonnance du Président du tribunal de grande instance de Bobigny la désignation du curateur à succession vacante sur présentation d'une requête le même jour. Cependant, tandis que le décès de Monsieur X... est survenu le [...] , le CREDIT FONCIER DE FRANCE n'a présenté sa requête que le 4 août 2015, soit plus de trois années après le prononcé de la déchéance du terme et ce, sans justifier d'aucun motif expliquant sa carence dans cette démarche, laquelle aurait manifestement pu être entreprise bien avant l'expiration du délai de prescription biennale. Il résulte de ces constatations que le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE ne démontre pas s'être trouvé, après le décès de Monsieur X..., face à un cas de force majeure présentant un caractère irrésistible. La prescription étant acquise au 6 mars 2014, la créance était prescrite au moment de la délivrance du commandement de payer le 5 novembre 2015 » ;
1°) ALORS QUE le créancier d'une succession vacante est dans l'impossibilité d'agir en paiement contre la succession tant qu'aucun curateur n'a été désigné pour gérer la succession ; qu'en l'espèce, pour déclarer le CREDIT FONCIER DE FRANCE prescrit dans son action, la Cour d'appel a constaté que le décès de Monsieur X... avait eu lieu [...] , que la banque était restée inactive pendant trois années, et qu'elle aurait pu agir utilement contre le notaire pour connaître la composition de la succession ; qu'en statuant ainsi, quand la succession de Monsieur X... s'était révélée vacante et que seule la désignation effective de la DNID comme curateur à la succession de Monsieur X... pouvait permettre au CFF d'agir en paiement, la Cour d'appel a violé les articles 2224 et 2234 du Code civil et L.218-2 du Code de la consommation ;
2°) ALORS en toute hypothèse QU' à admettre que le point de départ d'une action en paiement contre une succession vacante court à compter du moment où le créancier aurait dû connaître l'état de vacance de la succession, il appartient en tout état de cause au juge du fond, pour définir le point de départ de la prescription, de définir la date à laquelle ce créancier aurait pu connaître l'état effectif de vacance de la succession ; qu'en l'espèce, pour déclarer le CREDIT FONCIER DE FRANCE prescrit dans son action, la Cour d'appel a constaté que le décès de Monsieur X... avait eu lieu [...] , que la banque était restée inactive pendant trois années, et qu'elle aurait pu agir utilement contre le notaire pour connaître la composition de la succession ; qu'en statuant de la sorte, sans définir la date à laquelle la banque aurait été effectivement en mesure de connaître l'état effectif de vacance de la succession alors que le CREDIT FONCIER DE FRANCE faisait valoir qu'il avait relancé à plusieurs reprises le notaire afin que celui-ci lui communique l'état de la succession et que ce dernier ne l'avait averti que le 21 juillet 2014 de la seule transmission du dossier à la DNID, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2224 et 2234 du Code civil et L.218-2 du Code de la consommation ;
3°) ALORS en tout état de cause QU'en reprochant au CREDIT FONCIER DE FRANCE de ne pas avoir « agi utilement » auprès du notaire afin de connaître l'état de la succession et l'identité des héritiers, tout en constatant qu'après avoir eu connaissance de l'absence de prise en charge du prêt par l'assurance-crédit, en 2013, elle avait par quatre fois sollicité le notaire afin que celui-ci lui communique la dévolution de la succession, le notaire ne l'ayant averti que le 21 juillet 2014 de la transmission du dossier à la DNID, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 2224 et 2234 du Code civil et L.218-2 du Code de la consommation.