LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 avril 2017), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 29 janvier 2014, pourvois n° 13-11.269, 12-29.853) que M. X... a été placé sous le régime de la curatelle simple par un jugement du 23 février 1995 ; qu'en juin 2001, il a souscrit une convention de compte courant avec la société Crédit du Nord (la banque), laquelle lui a consenti un crédit par découvert en compte ; que, le solde débiteur du compte ayant atteint une somme de l'ordre de 95 000 euros, la banque a dénoncé le crédit puis assigné M. X... en paiement ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter la demande en nullité de la convention de crédit souscrite par lui sans l'assistance de son curateur, et de le condamner à payer à la banque une certaine somme, alors, selon le moyen :
1°/ que le jugement portant ouverture d'une curatelle est opposable aux tiers deux mois après que mention en a été portée en marge de l'acte de naissance de la personne assistée, selon les modalités prévues par le code de procédure civile ; que ce n'est qu'en l'absence de cette mention que l'opposabilité de cette décision suppose que soit rapportée la preuve que le tiers avait personnellement connaissance du jugement ouvrant cette mesure ; qu'en retenant, pour infirmer le jugement de premier ressort et juger qu'il n'y a pas lieu à prononcer la nullité des actes de disposition litigieux effectués sur le compte bancaire de M. X..., sans que celui-ci ait été assisté de son curateur, que si la mesure de curatelle est opposable à la banque dès sa publication, M. X... ne démontre pas que la banque ait été mise au courant, la cour d'appel a violé l'article 493-2 du code civil, auquel renvoie l'article 509, alinéa 2, du même code, dans leur rédaction issue de la loi du 3 janvier 1968, applicable en la cause ;
2°/ que, si les actes de disposition faits par le majeur en curatelle sans l'assistance de son curateur, ne sont pas nuls de plein droit, de sorte que les juges du fond disposent de la faculté d'apprécier « eu égard aux circonstances de la cause », s'ils doivent ou non en prononcer l'annulation, c'est à la condition que ces actes n'aient pas nui aux intérêts du majeur en curatelle ; et que ces « circonstances de la cause » ne peuvent résider dans une prétendue absence de connaissance par le tiers de la mesure d'assistance, laquelle, du fait de sa publicité, lui est au demeurant opposable ; qu'en refusant de prononcer la nullité des actes de disposition litigieux motifs pris du défaut de connaissance par la banque de la mesure de curatelle dont bénéficiait son client, - pourtant régulièrement publiée - la cour d'appel a violé l'article 510-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 1968, applicable en la cause ;
3°/ que si les actes de disposition faits par le majeur en curatelle sans l'assistance de son curateur, ne sont pas nuls de plein droit, de sorte que les juges du fond disposent de la faculté d'apprécier « eu égard aux circonstances de la cause », s'ils doivent ou non en prononcer l'annulation, c'est à la condition que ces actes n'aient pas nui aux intérêts du majeur en curatelle ; qu'en se fondant sur des éléments de fait survenus entre 2000 et 2002, sans aucun rapport ni concomitance avec les virements très importants effectués à une date unique, le 12 juillet 2004, la cour d'appel a statué par motifs inopérants et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la mesure de curatelle prend uniquement fin par jugement du juge des tutelles prononçant la mainlevée de la mesure de protection ; que pour rejeter la demande de nullité des actes de disposition litigieux effectués sans l'assistance du curateur, l'arrêt retient qu'il ne résultait pas des circonstances que la très proche famille de M. X... ait pu considérer qu'il relevait encore en juillet 2004 de la mesure de protection ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 493, 493-1 et 507 du code civil, ensemble l'article 509 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi du 3 janvier 1968, applicable en l'espèce ;
Mais attendu que les actes de disposition faits par le majeur en curatelle, seul, sans l'assistance d'un curateur, sont susceptibles d'annulation sur le fondement de l'article 510-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 applicable en l'espèce, et que ce texte, qui n'édicte pas une nullité de droit, laisse au juge la faculté d'apprécier leur validité, eu égard aux circonstances de la cause ; qu'après avoir constaté que la mesure de protection de M. X..., placé sous curatelle entre le 23 février 1995 et le 22 octobre 2007, avait été régulièrement publiée ce qui la rendait opposable à tous, l'arrêt retient qu'il ressort de l'ensemble des éléments versés aux débats et notamment de la procédure d'instruction faisant suite à la plainte de M. X... pour abus de faiblesse, que ce dernier n'était pas sous l'emprise d'un employé de banque et qu'il a, en toute connaissance de cause, procédé à plusieurs virements bancaires, afin d'apporter une aide financière à ses enfants ; que de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a souverainement estimé qu'en l'absence de toute insanité d'esprit ou de vice du consentement, il n'y avait pas lieu d'annuler les actes litigieux, qui correspondaient à la volonté lucide du majeur protégé ; que le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches, qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Crédit du Nord la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR condamné Monsieur X... à payer au Crédit du Nord la somme de 89 560 euros, outre 3 000 euros au titre des frais inéquitablement exposés en premier ressort et en appel ;
AUX MOTIFS QUE « que devant la cour de renvoi, M. X... produit un extrait des registres de l'Etat civil de la ville de Marseille, faisant Etat des mentions suivantes :
« répertoire civil numéro 95-601 du 12 octobre 1995. L'officier de l'Etat civil (avec une signature illisible) le 6 décembre 1995 » et plus bas « une inscription été prises au répertoire civil sous le numéro 95 601 du 12 octobre 95 » ;
qu'il n'est pas contesté par le crédit du Nord que ces mentions sont opposables erga omnes et permettent à l'intéressé d'opposer le jugement de curatelle du 23 février 95, et toutes ses conséquences juridiques ;
que la mesure de curatelle ayant pris fin le 22 octobre 2007, la demande de nullité de la convention de crédit est soumise aux dispositions de l'article 5-un du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2009, de la loi numéro 2007-308 du 5 mars 2007 ;
que le majeur en curatelle ou son curateur peuvent demander l'annulation d'un acte fait par le majeur seul alors que l'assistance du curateur était requise, mais cette nullité a un caractère facultatif et est laissée à l'appréciation du juge, eu égard aux circonstances de la cause ;
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que le débat est donc recentré sur les virements, et sur la nécessaire offre de prêt qui aurait dû être proposée au bout de trois mois de fonctionnement débiteur, en l'absence de tout accord sur une autorisation de découvert du compte courant :
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qu'au plan juridique, il n'est donc pas possible de se fonder sur un quelconque abus de faiblesse, ou a fortiori insanité d'esprit ou vice du consentement pour, à partir de l'article 510-un du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007, solliciter la nullité soit des ordres de virement considérés comme des actes de disposition, soit du prêt qui aurait du faire l'objet d'une offre de prêt à partir d'un fonctionnement débiteur de plus de trois mois, et qui en réalité n'a jamais été authentifié ;
qu'à cet égard l'audition du préposé de la banque en tant que témoin assisté est dans sa lecture indivisible de l'ordonnance de non-lieu qui a suivi, ce qui ne permet nullement de retenir la connaissance par la banque d'une quelconque mesure de curatelle, la manifestation d'un handicap lors de l'ouverture du compte en 2001, ou d'un déficit lors des ordres de virement juillet 2004, la perception d'une pension d'invalidité dont la banque aurait été au courant n'étant pas assimilable à l'existence d'une mesure de protection, et la banque protestant d'ailleurs de l'absence de domiciliation de cette pension chez elle ;
qu'ainsi, et si cette mesure est opposable à la banque dés sa publication, force est de constater que lors de l'ouverture du compte-courant, M. X... ne démontre pas que la banque ait été mise au courant ;
que bien mieux, le 2 août 2001, l'intéressé a rempli un bulletin d'adhésion à l'assurance Winterthur, où il n'a pas de déclaré de maladie atteignant le système nerveux, en contradiction complète avec les raisons ayant motivé la mesure de protection ;
que le 9 août 2000, intéressé a signé seul en l'étude notariale de Me B... notaire, une promesse synallagmatique de vente d'immeubles à [...], pour 789 360 francs, en indiquant la profession de commerçant, ne faisant l'objet d'aucune mesure de procédure civile ou commerciale susceptible de restreindre sa capacité ou de mettre obstacle à la libre disposition de ses biens ;
que suivants délégation de pouvoir en date du 2 mai 2001, le fils de l'intéressé Grégory, gérant d'une société MJKMG a délégué ses pouvoirs les plus larges à son père ;
que selon un sous-seing privé en date du 2 août 2001, l'intéressé s'est constitué caution personnelle et solidaire de la même société avec le consentement exprès de son épouse commune en biens, et interventions de cette dernière à l'acte ;
que le 23 août 2001, l'épouse a donné procuration à son mari sur un compte ouvert au crédit du Nord ;
que le 5 mars 2002, les époux se sont conjointement et solidairement constitués caution solidaires de la société Planet vidéo, le mari indiquant la profession de commerçant ;
que l'intéressé a été gérant de la société le bocage jusqu'au 30 Décembre 2002, pour être remplacé par son fils ;
qu'il ne résulte nullement de ces circonstances que la très proche famille ait pu considérer M. X... comme relevant encore en juillet 2004 de la mesure de protection, parce qu'il aurait été incapable de mesure la portée d'un acte de disposition, surtout dans la mesure où cet acte bénéficiait directement à ses enfants ou à leurs sociétés, sachant que la famille est décrite comme très unie et qu'il apparaît invraisemblable que les enfants n'aient pas été au courant des initiatives de leur père, au plus lorsqu'ils ont été crédités ;
qu'à cette égard, l'expression employée spontanément devant le juge par le préposé de la banque est très parlante : « en patriarche, il en avait assez de voir progresser les débits des comptes de ses enfants. Ses enfants exagéraient mais il ne voulait pas qu'il leur arrive quoi que ce soit.. » ;
que la cour ne privilégie pas cette version, mais estime que la vision d'un majeur affaibli soumis à la pression de l'employé de banque ne repose sur aucun élément concret, et relève qu'à réception des sommes litigieuses, les enfants n'ont nullement invoqué la situation de faiblesse de leur père, ou a fortiori invoqué sa mesure de protection ;
qu'en l'absence d'abus de faiblesse, d'insanité d'esprit ou de vice du consentement, la cour ne discerne pas comment la banque pouvait ne pas satisfaire aux ordres de virements, et aurait en toute hypothèse poursuivi son seul intérêt, alors qu'il s'agissait à l'évidence de rééquilibrer les comptes des entreprises des enfants rien ne démontrant qu'en juillet 2004 leur déconfiture était prévisible ;
que seul le fonctionnement débiteur sur plus de trois mois aurait dû déboucher sur une offre de prêt, ce qui est sanctionné par la perte des intérêts, la cour estimant au vu des pièces régulièrement communiquées que la banque ne connaissait pas la mesure de protection en juillet 2004, même si elle lui est opposable en droit, et qu'ainsi elle a été surprise par l'intervention novembre 2004 du curateur ;
qu'au regard de ces circonstances, la cour estime devoir infirmer le jugement de premier ressort en jugeant qu'il n'y a pas lieu à prononcer la nullité des actes de disposition constitués par des ordres de virement, ou par le prêt devant être consenti dès lors que le fonctionnement débiteur du compte avait dépassé trois mois ; »
1°) ALORS D'UNE PART QUE le jugement portant ouverture d'une curatelle est opposable aux tiers deux mois après que mention en a été portée en marge de l'acte de naissance de la personne assistée, selon les modalités prévues par le code de procédure civile ; que ce n'est qu'en l'absence de cette mention que l'opposabilité de cette décision suppose que soit rapportée la preuve que le tiers avait personnellement connaissance du jugement ouvrant cette mesure ; qu'en retenant, pour infirmer le jugement de premier ressort et juger qu'il n'y a pas lieu à prononcer la nullité des actes de disposition litigieux effectués sur le compte bancaire de Monsieur X..., sans que celui-ci ait été assisté de son curateur, que si la mesure de curatelle est opposable à la banque dès sa publication, Monsieur X... ne démontre pas que la banque ait été mise au courant, la cour d'appel a violé l'article 493-2 du code civil, auquel renvoie l'article 509 alinéa 2 du même code, dans leur rédaction issue de la loi du 3 janvier 1968, applicable en la cause ;
2°) ALORS D'AUTRE PART QUE, si les actes de disposition faits par le majeur en curatelle sans l'assistance de son curateur, ne sont pas nuls de plein droit, de sorte que les juges du fond disposent de la faculté d'apprécier « eu égard aux circonstances de la cause », s'ils doivent ou non en prononcer l'annulation, c'est à la condition que ces actes n'aient pas nui aux intérêts du majeur en curatelle ; et que ces « circonstances de la cause » ne peuvent résider dans une prétendue absence de connaissance par le tiers de la mesure d'assistance, laquelle, du fait de sa publicité, lui est au demeurant opposable ; qu'en refusant de prononcer la nullité des actes de disposition litigieux motifs pris du défaut de connaissance par la banque de la mesure de curatelle dont bénéficiait son client, - pourtant régulièrement publiée - la cour d'appel a violé l'article 510-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 1968, applicable en la cause ;
3°) ALORS ENCORE QUE si les actes de disposition faits par le majeur en curatelle sans l'assistance de son curateur, ne sont pas nuls de plein droit, de sorte que les juges du fond disposent de la faculté d'apprécier « eu égard aux circonstances de la cause », s'ils doivent ou non en prononcer l'annulation, c'est à la condition que ces actes n'aient pas nui aux intérêts du majeur en curatelle ; qu'en se fondant sur des éléments de fait survenus entre 2000 et 2002, sans aucun rapport ni concomitance avec les virements très importants effectués à une date unique, le 12 juillet 2004, la cour d'appel a statué par motifs inopérants et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS ENFIN QUE la mesure de curatelle prend uniquement fin par jugement du juge des tutelles prononçant la mainlevée de la mesure de protection ; que pour rejeter la demande de nullité des actes de disposition litigieux effectués sans l'assistance du curateur, l'arrêt retient qu'il ne résultait pas des circonstances que la très proche famille de Monsieur X... ait pu considérer qu'il relevait encore en juillet 2004 de la mesure de protection ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 493, 493-1 et 507 du code civil, ensemble l'article 509 du civil, dans leur rédaction issue de la loi du 3 janvier 1968, applicable en l'espèce.