LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée, en qualité de chanteuse, à compter du 16 mars 1997, par contrats de travail à durée déterminée dits d'usage, par la société Pub Opéra dirigée par M. Y... ; qu'à compter de mars 2009, l'organisation des spectacles et l'engagement des intermittents ont été confiés à la société Dream Event ; qu'après avoir mis l'employeur en demeure de régulariser sa situation, la salariée a, le 12 octobre 2010, pris acte de la rupture de son contrat de travail puis a saisi la juridiction prud'homale pour demander, notamment, la requalification de ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée ; qu'elle y a attrait les sociétés Pub Opéra et Dream Event ainsi que M. A... en qualité de liquidateur de la société New Pub ; que le conseil de prud'hommes a, par jugement du 15 mai 2012, notamment dit que la société Pub Opéra avait la qualité d'employeur de Mme X..., a requalifié les contrats en contrat à durée indéterminée et dit que la prise d'acte, par la salariée, de la rupture de son contrat de travail devait avoir les effets d'une rupture sans cause réelle et sérieuse ; que le 19 décembre 2013, une procédure collective a été ouverte à l'égard de la société Pub Opéra et, le 1er janvier 2015, un plan de continuation a été homologué, Mme B... étant désignée commissaire à l'exécution du plan ; que la société Pub Opéra, le mandataire judiciaire et la commissaire à l'exécution du plan ont interjeté appel de la décision du conseil de prud'hommes ; que Mme X... a appelé en intervention forcée M. Y... ;
Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que toute demande dirigée à l'encontre de M. Y..., appelé en intervention forcée, est irrecevable alors, selon le moyen :
1°/ que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel est caractérisée par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; que tel est le cas de l'ouverture, postérieure au jugement, d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de l'employeur ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait précisément valoir, dans ses écritures d'appel « soutenues oralement lors de l'audience », que « conformément à l'article 555 du code de procédure civile, l'évolution du litige implique la mise en cause de M. Charles Y... du fait du redressement judiciaire de la SA Pub Opéra intervenu postérieurement au jugement » ; qu'en se bornant à retenir que « les circonstances qu'elle invoque pour mettre en cause sa responsabilité, à savoir qu'il était son seul interlocuteur, qu'il l'a délibérément embauchée suivant des contrats de travail à durée déterminée sans lui proposer d'écrits, qu'il la rémunérait avec retard, qu'il gérait son emploi du temps, planifiait les dates et les horaires de ses prestations, étaient connues d'elle lors de l'instance devant le conseil de prud'hommes », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'évolution du litige ne résultait pas de la procédure de redressement judiciaire de l'employeur ouverte postérieurement au jugement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, si l'évolution du litige ne résultait pas de la circonstance tenant à l'impossibilité pour l'exposante d'obtenir le versement des condamnations exécutoires du jugement du conseil de prud'hommes, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige ; qu'ayant relevé que l'action de la salariée pour mettre en cause la responsabilité personnelle du dirigeant de la société employeur était fondée sur des circonstances connues de celle-ci lors de l'instance devant le conseil de prud'hommes, la cour d'appel, qui en a déduit que l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Pub opéra n'avait pas modifié les données juridiques du litige et ne constituait pas une évolution de celui-ci n'encourt pas le grief de ces branches ;
Mais sur la troisième branche du moyen :
Vu l'article 555 du code de procédure civile,
Attendu que pour dire irrecevables les demandes dirigées contre M. Y..., la cour d'appel retient que les circonstances qu'invoque la salariée pour mettre en cause sa responsabilité étaient connues d'elle lors de l'instance devant le conseil de prud'hommes ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'en l'absence d'évolution du litige, la cour d'appel, qui ne pouvait que dire la mise en cause du tiers irrecevable sans statuer au fond sur les demandes dirigées à son encontre, a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit toute demande à l'encontre de M. Y..., intervenant forcé, irrecevable, l'arrêt rendu le 2 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit irrecevable l'appel en intervention forcée de M. Y... ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que toute demande dirigée à l'encontre de M. Charles Y..., appelé en intervention forcée, est irrecevable ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de condamnation in solidum du dirigeant de la SA Pub Opéra :
Que selon les dispositions combinées des articles 554 555 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui ont figuré en notre [comprendre : une autre] qualité, ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique la remise en cause ;
Que toutefois, l'article 555 est d'interprétation stricte dès lors qu'il déroge au double degré de juridiction ; qu'il s'en déduit que si toute personne peut être mise en cause devant une cour d'appel par la voie de l'intervention forcée en cas d'évolution du litige, cette intervention n'est recevable que si elle est motivée par une circonstance révélée postérieurement au jugement entrepris et modifiant les données du litige ;
Que Mme X... soutient que M. Charles Y... a toujours été son interlocuteur et l'unique décisionnaire en ce qui concerne la société en général et la relation contractuelle avec elle en particulier dès lors qu'il l'a engagée, gérait son emploi du temps, planifiait les dates et les horaires de ses prestations ;
Que les demandes de Mme X... formulées à l'encontre de M. Charles Y... devant la cour d'appel dans le cadre d'une intervention forcée sont irrecevables en ce que les circonstances qu'elle invoque pour mettre en cause sa responsabilité, à savoir que celui-ci était son seul interlocuteur, qu'il l'a délibérément embauchée suivant des contrats de travail à durée déterminée sans lui proposer d'écrits, qu'il la rémunérait avec retard, qu'il gérait son emploi du temps, planifiait les dates et les horaires de ses prestations, étaient connues d'elle lors de l'instance devant le conseil de prud'hommes » ;
1°/ ALORS QUE l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel est caractérisée par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; que tel est le cas de l'ouverture, postérieure au jugement, d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de l'employeur ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait précisément valoir, dans ses écritures d'appel « soutenues oralement lors de l'audience » (arrêt, p. 4, § 6), que « conformément à l'article 555 du code de procédure civile, l'évolution du litige implique la mise en cause de M. Charles Y... du fait du redressement judiciaire de la SA Pub Opéra intervenu postérieurement au jugement » (conclusions, pp. 32-33) ; qu'en se bornant à retenir que « les circonstances qu'elle invoque pour mettre en cause sa responsabilité, à savoir qu'il était son seul interlocuteur, qu'il l'a délibérément embauchée suivant des contrats de travail à durée déterminée sans lui proposer d'écrits, qu'il la rémunérait avec retard, qu'il gérait son emploi du temps, planifiait les dates et les horaires de ses prestations, étaient connues d'elle lors de l'instance devant le conseil de prud'hommes » (arrêt, p. 8, § 4), sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'évolution du litige ne résultait pas de la procédure de redressement judiciaire de l'employeur ouverte postérieurement au jugement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QU'en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée (conclusions, pp. 33 à 35, § n°1.2), si l'évolution du litige ne résultait pas de la circonstance tenant à l'impossibilité pour l'exposante d'obtenir le versement des condamnations exécutoires du jugement du conseil de prud'hommes, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE, au surplus, la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige, est une condition de recevabilité de l'intervention forcée et non des demandes dirigées contre l'intervenant forcé ; qu'en retenant pourtant que « les demandes de Mme X... formulées à l'encontre de M. Charles Y... (...) sont irrecevables en ce que les circonstances qu'elle invoque (...) étaient connues d'elle lors de l'instance devant le conseil de prud'hommes » (arrêt, p. 8, § 4), la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 555 du code de procédure civile.