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04/07/2018 | FRANCE | N°16-24498

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 juillet 2018, 16-24498


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 juin 2016) que James Y... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder sa fille, Françoise, en l'état d'un testament olographe du 17 juin 2009, déposé au rang des minutes d'un notaire, léguant à Mme X... différents biens ; qu'assignée par cette dernière en délivrance du legs, Mme Y... a sollicité l'annulation du testament pour insanité d'esprit et vice du consentement ainsi que la restitution à la succession de sommes perçues par Mme X... par r

emise de chèques ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 juin 2016) que James Y... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder sa fille, Françoise, en l'état d'un testament olographe du 17 juin 2009, déposé au rang des minutes d'un notaire, léguant à Mme X... différents biens ; qu'assignée par cette dernière en délivrance du legs, Mme Y... a sollicité l'annulation du testament pour insanité d'esprit et vice du consentement ainsi que la restitution à la succession de sommes perçues par Mme X... par remise de chèques ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'annuler le testament et de rejeter sa demande de délivrance du legs, alors, selon le moyen :

1°/ que les manoeuvres dolosives doivent être caractérisées et avoir déterminé le consentement de leur victime prétendue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a elle-même constaté, outre l'ancienneté de la relation, que Mme X... « apportait incontestablement une aide et une présence » à James Y... et « s'occupait de lui ainsi qu'en attestent plusieurs personnes » et qui a rappelé à juste titre la règle de l'article 1116 du code civil, n'a cependant caractérisé aucune manoeuvre dolosive de Mme X... de nature à vicier le consentement de James Y... à l'origine du testament olographe du 17 juin 2009 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 901 et 1116 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que la violence physique de nature à vicier le consentement suppose des actes concrets propres à influer sur la volonté de leur victime prétendue ; qu'en l'espèce, s'agissant de l'incident unique remontant à l'année 2004, Mme X... expliquait dans ses conclusions d'appel qu'il s'agissait d'un accident, James Y... ayant « trébuché et perdu l'équilibre » après qu'elle l'eut « repoussé » lors d'une dispute au cours de laquelle il lui avait « fait mal » ; qu'en affirmant que Mme X... reconnaissait l'incident mais « l'expliquait par la nécessité de se défendre », la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Mme X... en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que la violence morale de nature à vicier le consentement à un acte juridique suppose des actes concrets caractérisant des pressions exercées en vue d'obtenir la réalisation de cet acte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait se borner à faire état d'attestations émanant, pour l'essentiel, de voisins relatives à l'existence de disputes du couple sans constater des actes concrets caractérisant des pressions exercées par Mme X... sur James Y... en vue d'obtenir l'établissement du testament litigieux en sa faveur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 901 et 1112 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4°/ que Mme X... versait aux débats non seulement les quatre attestations d'amis proches dont la cour d'appel a fait état, mais aussi le témoignage du docteur C..., médecin traitant personnel de M. Y..., qui certifiait avoir constaté l'assistance apportée par Mme X... à James Y... à son domicile jusqu'à son entrée en maison de retraite ; que, par ailleurs, il résultait des écritures respectives des parties, concordantes sur ce point, que Mme Y... rencontrait son père sans aucune entrave de la part de Mme X... ; que, par motif adopté du premier juge, la cour d'appel a elle-même constaté que père et fille étaient « en contact » à l'époque du testament ; qu'enfin, la cour d'appel a elle-même constaté qu'à la suite du décès, la seule discussion ayant opposé Mme Y... à Mme X... était la portée à reconnaître au testament et nullement celle de sa validité ou, plus généralement, d'une quelconque maltraitance par Mme X... de James Y... qui était son compagnon depuis 20 ans ; que, faute de s'expliquer sur ces éléments de nature à conforter la réalité des soins et du dévouement de Mme X... envers James Y... et l'absence de tout mauvais traitement ou de manoeuvres destinés à conditionner ce dernier à des fins purement intéressées, la cour d'appel a privé à nouveau sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 901 et 1112 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, souverainement estimé, hors toute dénaturation, et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, que James Y... se trouvait au moins depuis la fin 2008 dans un état de vulnérabilité psychique et physique et que le comportement autoritaire et agressif de Mme X..., qui exerçait sur lui une emprise morale certaine, lui avait interdit d'exprimer un consentement libre et éclairé aux dispositions testamentaires prises en faveur de celle-ci, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer à Mme Y... la somme de 33 500 euros au titre des chèques émis sur le compte de James Y... du 29 novembre 2006 au 13 janvier 2012, alors, selon le moyen :

1°/ que le possesseur qui prétend avoir reçu une chose en don manuel, notamment par chèque, bénéficie d'une présomption ; qu'il appartient donc à celui qui revendique la chose de rapporter la preuve de l'absence d'un tel don, ou de prouver que la possession dont se prévaut le détenteur de la chose ne réunit pas les conditions légales pour être efficace ; qu'en l'espèce, en affirmant que « l'intention libérale ne se présume pas et qu'il appartient à Mme X... d'en apporter la preuve », la cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 1315 et 2279 du code civil ;

2°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif aux vices de consentement qui auraient affecté l'établissement du testament du 17 juin 2009 entraînera la cassation par voie de conséquence du chef concernant les chèques litigieux sur le fondement de motifs renvoyant à cette première motivation par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

3°/ que la violence morale de nature à vicier le consentement à un acte juridique suppose des actes concrets caractérisant des pressions exercées en vue d'obtenir la réalisation de cet acte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait se borner à faire état du « contexte de violences ci-dessus retenu » (motifs propres) ou « compte tenu de ce qui a été dit sur les vices de consentement pour cette même période » (motifs adoptés), sans constater des actes concrets contemporains des chèques litigieux caractérisant des pressions exercées par Mme X... sur James Y... en vue d'obtenir leur établissement en sa faveur dans le contexte d'une relation de couple ancienne de 20 ans et d'un dévouement effectivement constaté ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 901 et 1112 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4°/ que la signature manuscrite est l'une des mentions essentielles du chèque, à défaut de laquelle il ne vaut pas comme chèque ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à faire état d'une « signature incertaine » pour refuser globalement aux chèques litigieux, sans distinguer entre eux, la valeur de don manuel par chèque de James Y... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a statué par un motif inopérant au regard des dispositions combinées des articles 901 du code civil, L. 131-2 et L. 131-3 du code monétaire et financier ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que les dons manuels invoqués par Mme X... résultaient de la remise de chèques non renseignés de la main de James Y... et dont la signature était incertaine, l'arrêt relève qu'à cette époque, l'état de santé de ce dernier se dégradait et que son placement dans un établissement de soins était envisagé, ce qui était de nature à générer des frais importants peu compatibles avec des dons manuels, et retient que le climat de violences entretenu par Mme X... auprès du défunt excluait toute intention libérale librement consentie ; que, de ces énonciations et appréciations, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche, la cour d'appel a pu déduire que, dans le contexte décrit, le défunt n'avait pas consenti aux dons manuels, de sorte que Mme X... devait être condamnée à la restitution des sommes reçues ; que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré nul le testament signé par M. James Y... le 17 juin 2009 et débouté en conséquence Mme X... de sa demande de délivrance du legs qui lui était consenti par ce testament,

AUX MOTIFS PROPRES SUIVANTS : il appartient à Mme Y... d'apporter la preuve de l'existence d'un vice du consentement, au sens de l'article 1116 du code civil ; il est procédé à une appréciation in concreto du vice, de sorte que le vice du consentement doit être apprécié en considération de la personne qui en est victime (Civ. 1re, 22 avr. 1986) et de la personne qui est bénéficiaire de l'acte contesté ; c'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a caractérisé le contexte de violence dont James Y... était victime de la part de Mme X..., qui n'était pas sa compagne, n'ayant jamais véritablement vécu avec lui et ayant toujours conservé son propre logement, qui était de 28 ans sa cadette et lui apportait incontestablement une aide et une présence ; il ressort de façon concordante des nombreuses attestations de voisins et de proches que Mme X... avait à l'égard de James Y... un comportement violent verbalement et physiquement, le coupait de ses proches, était souvent sous l'empire de l'alcool, et avait changé les clefs de sa propre initiative, et que James Y... se plaignait à ses voisins de sa situation ; il est par ailleurs produit un certificat médical relatif à une blessure en 2004 dont James Y... affirmait qu'elle lui avait été occasionnée par Mme X... qui le reconnaît mais l'explique par la nécessité de se défendre, alors que James Y... avait déjà 81 ans et avait été gravement malade (cancer avec séquelles) en 2002, et également un rapport d'intervention de la police ; il ne peut être dans ces conditions considéré que James Y... était consentant lorsqu'il a établi le testament de juin 2009 ; les quatre attestations produites par Mme X..., émanant d'une cliente-amie de celle-ci, du garagiste de James Y..., d'une amie de Mme X... qui affirme inexactement qu'elle a vécu 25 ans avec James Y..., et d'un voisin qui fait également état d'une vie maritale, d'où il ressort qu'elle s'occupait de James Y..., ne sont pas de nature à contredire les éléments produits par Mme Y... (arrêt, p. 6); dès lors que le testament est nul, Mme X..., qui n'a aucune autre qualité à hériter, est mal fondée à solliciter la délivrance du legs ; il est observé qu'avant l'engagement de la procédure à son initiative, le notaire lui avait adressé un projet lui attribuant la valeur du terrain légué, les parts de la société ne se trouvant plus dans l'actif de la succession à la date du décès de James Y... et que Mme X... n'a pas répondu à cette proposition (arrêt, p. 7) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE SUIVANTS : Mme Y... indique que Mme X... se montrait très autoritaire avec son père, voire insultante et violente, tout en l'isolant de sa famille et de ses amis ; elle produit des attestations de voisins relatant des disputes verbales et des insultes adressées par Mme X... à M. Y... ; M. D... évoque l'année 2010 ; M. E... n'évoque pas de date ; Mme F... indique le 20 juin 2014 que Mme X... hurlait sur M. Y... et le malmenait depuis des années, surtout depuis 2006 alors qu'il était diminué physiquement et se déplaçait avec difficulté ; Mme G... relate qu'au printemps 2007, M. Y... a dit devant elle que son amie était méchante avec elle, le traitait mal et qu'il était même arrivé qu'elle le frappe ; sur ce point, il est produit un certificat médical établi le 16 septembre 2004 par le service des urgences du centre hospitalier, qui rapporte que M. Y... dit avoir été victime d'une agression par son amie le 9 septembre après avoir déjà été brûlé par elle 3 jours avant ; il présentait une plaie franche au niveau du menton d'environ 5 cm suturée par 5 points; l'ITT a été fixée à 10 jours ; l'agressivité, l'autoritarisme et la mainmise de Mme X... à l'égard de M. Y... ressortent également du rapport médico-social établi par les services du Conseil Général de la Charente à la suite de visites dès le début de l'année 2011 ; les constatations qui y sont effectuées montrent la volonté de Mme X... de ne pas laisser M. Y... communiquer avec autrui ; le juge des tutelles, au vu de ce rapport et des divers éléments recueillis, a pu ainsi noter dans le jugement de mise sous tutelle, dans ses dispositions quant au choix du tuteur, que Mme X... présentait une personnalité complexe et autoritaire, laissant peu de place à la parole de M. Y... ; l'ensemble de ces éléments sur l'état de vulnérabilité psychique et physique présenté par M. Y... depuis au moins la fin 2008, sur le comportement à son égard de Mme X... qui, certes, s'occupait de lui ainsi qu'en attestent plusieurs personnes, mais qui l'isolait des autres et alors qu'il avait besoin d'une aide et donc de la sienne puisqu'elle voulait seule s'en charger, démontre qu'elle exerçait sur lui, par son agressivité verbale, voire physique, une emprise morale certaine ; cela permet de dire qu'en juin 2009, et dans ces conditions de vie qui l'ont progressivement conditionné, M. Y... âgé et affaibli n'avait pas la faculté de donner un consentement libre et éclairé aux dispositions testamentaires qu'il a prises en faveur de Mme X... ; dès lors et en application de l'article 901 du code civil, le testament du 17 juin 2009 sera déclaré nul ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE les manoeuvres dolosives doivent être caractérisées et avoir déterminé le consentement de leur victime prétendue ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a elle-même constaté, outre l'ancienneté de la relation, que Mme X... « apportait incontestablement une aide et une présence » à M. Y... (arrêt, p. 6, § 4) et « s'occupait de lui ainsi qu'en attestent plusieurs personnes » (motifs adoptés du jugement, p. 4, § 6) et qui a rappelé à juste titre la règle de l'article 1116 du code civil (arrêt, p. 6, § 2), n'a cependant caractérisé aucune manoeuvre dolosive de Mme X... de nature à vicier le consentement de M. Y... à l'origine du testament olographe du 17 juin 2009 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 901 et 1116 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE la violence physique de nature à vicier le consentement suppose des actes concrets propres à influer sur la volonté de leur victime prétendue ; qu'en l'espèce, s'agissant de l'incident unique remontant à l'année 2004, Mme X... expliquait dans ses conclusions d'appel qu'il s'agissait d'un accident, M. Y... ayant « trébuché et perdu l'équilibre » après qu'elle l'eut « repoussé » lors d'une dispute au cours de laquelle il lui avait « fait mal » (conclusions d'appel de Mme X..., p. 5) ; qu'en affirmant que Mme X... reconnaissait l'incident mais « l'expliquait par la nécessité de se défendre », la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Mme X... en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la violence morale de nature à vicier le consentement à un acte juridique suppose des actes concrets caractérisant des pressions exercées en vue d'obtenir la réalisation de cet acte ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait se borner à faire état d'attestations émanant, pour l'essentiel, de voisins relatives à l'existence de disputes du couple sans constater des actes concrets caractérisant des pressions exercées par Mme X... sur M. Y... en vue d'obtenir l'établissement du testament litigieux en sa faveur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 901 et 1112 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE Mme X... versait aux débats non seulement les quatre attestations d'amis proches dont la Cour d'appel a fait état, mais aussi le témoignage du Docteur C..., médecin traitant personnel de M. Y..., qui certifiait avoir constaté l'assistance apportée par Mme X... à M. Y... à son domicile jusqu'à son entrée en maison de retraite ; que, par ailleurs, il résultait des écritures respectives des parties, concordantes sur ce point, que Mme Y... rencontrait son père sans aucune entrave de la part de Mme X... ; que, par motif adopté du premier juge, la Cour d'appel a elle-même constaté que père et fille étaient « en contact » à l'époque du testament (jugement confirmé, p. 6, § 1er); qu'enfin, la Cour d'appel a elle-même constaté qu'à la suite du décès, la seule discussion ayant opposé Mme Y... à Mme X... était la portée à reconnaître au testament (arrêt, p. 7, § 1er) et nullement celle de sa validité ou, plus généralement, d'une quelconque maltraitance par Mme X... de M. Y... qui était son compagnon depuis 20 ans ; que, faute de s'expliquer sur ces éléments de nature à conforter la réalité des soins et du dévouement de Mme X... envers M. Y... et l'absence de tout mauvais traitement ou de manoeuvres destinés à conditionner ce dernier à des fins purement intéressées, la Cour d'appel a privé à nouveau sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 901 et 1112 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Mme X... à restituer à Mme Y... la somme de 33.500 € au titre des chèques émis sur le compte de James Y... du 29 novembre 2006 au 13 janvier 2012,

AUX MOTIFS PROPRES SUIVANTS : il est constant que d'octobre 2009 à décembre 2011, ont été émis sur le compte de James Y... douze chèques d'un montant respectif de 500 à 5.000 € dont Mme X... soutient qu'il s'agirait de libéralités consenties par James Y.... Il est observé que n'est pas invoqué comme fondement à cette demande la nullité des actes établis pendant la période suspecte de deux ans précédant la publicité de l'ouverture de la tutelle visé par l'article 464 du code civil. Cependant, l'intention libérale ne se présume pas et il appartient à Mme X... d'en apporter la preuve, ce en quoi elle est défaillante, rien ne justifiant sur une période de vingt-six mois, alors que l'état de santé de James Y... se dégradait, que son placement en Ephad était envisagé et était de nature à générer des frais, des donations importantes à Mme X..., de sorte que la cause de ces versements n'est pas établie ; en outre, les chèques ne sont pas renseignés de la main de James Y..., et la signature en est incertaine ; dans le contexte de violences ci-dessus retenu, la qualification de libéralité est à exclure. Le jugement sera confirmé par adoption de motifs en ce qu'il a condamné Mme X... au remboursement de cette somme, étant observé que, contrairement à ce que soutient Mme X... sur une acceptation tacite de Mme Y... résultant de l'absence de signalement de ces chèques au juge des tutelles, Mme Y... signalait dès janvier 2012 à celui-ci les chèques que s'octroyait Mme X..., mais qu'elle n'en a obtenu la copie de la banque qu'en octobre 2013, de sorte que Mme X... ne peut se prévaloir d'une demande tardive de Mme Y... ; la circonstance que le nom de Mme X... ait été mentionné dans l'avis de décès de James Y... paru dans la presse n'était en rien de nature à exclure une telle demande lors de la découverte des débits sur les comptes de James Y..., et il est rappelé que l'action en justice a été engagée par Mme X.... Mme Y... demande en appel que la somme à rembourser soit portée à 33.500 € par adjonction de cinq nouveaux chèques pour un total de 10.500 € dont elle a depuis obtenu copie, établis entre novembre 2006 et mai 2009(pièce 32). Il sera fait droit à cette demande, selon le même raisonnement, Mme X... n'établissant pas la cause de ces chèques et notamment pas l'intention libérale à son profit ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE SUIVANTS : du 27 octobre 2009 au 13 janvier 2012, 12 chèques ont été émis du compte de M. Y... ouvert auprès du Crédit AgricoIe au profit de Mme X... qui indique qu'il s'agit de gratifications à son profit pour l'affection et les soins prodigués. Les signatures qui figurent sur ces chèques ne sont pas toutes de la même main et les chèques ne sont pas tous non plus renseignés par M. Y.... Compte tenu de ce qui a été dit sur les vices affectant son consentement pour cette même période, il n'est pas nécessaire de faire procéder à une recherche sur les écritures. Même si certains chèques ont été signés par lui, le consentement de M. Y... était vicié ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE le possesseur qui prétend avoir reçu une chose en don manuel, notamment par chèque, bénéficie d'une présomption ; qu'il appartient donc à celui qui revendique la chose de rapporter la preuve de l'absence d'un tel don, ou de prouver que la possession dont se prévaut le détenteur de la chose ne réunit pas les conditions légales pour être efficace ; qu'en l'espèce, en affirmant que « l'intention libérale ne se présume pas et qu'il appartient à Mme X... d'en apporter la preuve » (arrêt, p. 7, § 4 et 7), la Cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 1315 et 2279 du code civil ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif aux vices de consentement qui auraient affecté l'établissement du testament du 17 juin 2009 entraînera la cassation par voie de conséquence du chef concernant les chèques litigieux sur le fondement de motifs renvoyant à cette première motivation par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la violence morale de nature à vicier le consentement à un acte juridique suppose des actes concrets caractérisant des pressions exercées en vue d'obtenir la réalisation de cet acte ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait se borner à faire état du « contexte de violences ci-dessus retenu » (motifs propres) ou « compte tenu de ce qui a été dit sur les vices de consentement pour cette même période » (motifs adoptés), sans constater des actes concrets contemporains des chèques litigieux caractérisant des pressions exercées par Mme X... sur M. Y... en vue d'obtenir leur établissement en sa faveur dans le contexte d'une relation de couple ancienne de 20 ans et d'un dévouement effectivement constaté ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 901 et 1112 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la signature manuscrite est l'une des mentions essentielles du chèque, à défaut de laquelle il ne vaut pas comme chèque ; que la Cour d'appel ne pouvait se borner à faire état d'une « signature incertaine » pour refuser globalement aux chèques litigieux, sans distinguer entre eux, la valeur de don manuel par chèque de M. Y... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant au regard des dispositions combinées des articles 901 du code civil, L. 131-2 et L. 131-3 du Code monétaire et financier.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-24498
Date de la décision : 04/07/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 21 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 jui. 2018, pourvoi n°16-24498


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.24498
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