La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2018 | FRANCE | N°14-20117

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 juillet 2018, 14-20117


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. Z... de ce qu'il reprend l'instance en lieu et place de M. A..., en qualité de liquidateur de la société Atonis ;

Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s'apprécie au regard de la seule date de la

cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de rep...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. Z... de ce qu'il reprend l'instance en lieu et place de M. A..., en qualité de liquidateur de la société Atonis ;

Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report, peu important que cette date ait été qualifiée de provisoire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Atonis, dont M. Y... était le dirigeant, a été mise en liquidation judiciaire le 16 février 2009, M. A... étant nommé liquidateur avant d'être remplacé par M. Z... ; que le 15 septembre 2010, le liquidateur a assigné M. Y... en responsabilité pour insuffisance d'actif ;

Attendu que, pour condamner M. Y... à contribuer à l'insuffisance d'actif à concurrence de la somme de 80 000 euros, l'arrêt, après avoir constaté que la date de cessation des paiements avait été fixée, dans le jugement d'ouverture, au 16 février 2009, retient qu'au vu d'un ensemble d'éléments concordants, qu'il énumère, l'état de cessation des paiements peut être fixé à la date du 2 février 2008 ; qu'il en déduit qu'en refusant de "déposer le bilan" dans le délai légal de quarante-cinq jours et en ne permettant pas une déclaration de cessation des paiements avant le 12 février 2009, M. Y... a commis une faute de gestion ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la date de cessation des paiements avait été fixée par le jugement d'ouverture au 16 février 2009, la cour d'appel, qui n'a pas apprécié au regard de cette seule date les conséquences de la non-déclaration de l'état de cessation des paiements par le dirigeant, a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la condamnation à supporter l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une d'entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt de ce chef ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne M. Z..., en qualité de liquidateur de la société Atonis, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné M. Y... à payer à Me A..., ès qualités, la somme de 80.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société Atonis ;

AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions de l'article L. 651-2 du Code de commerce issues de l'ordonnance du 18 décembre 2008 applicables, tout dirigeant de droit ayant commis une faute de gestion ayant contribué à une insuffisance d'actif peut être condamné à supporter en tout ou partie cette insuffisance ; qu'en l'espèce, Guy Y... exerçait jusqu'à la date de sa révocation en date du 11 février 2009, les fonctions de président soit ayant la qualité de dirigeant de droit de la société Atonis au sens de l'article susvisé permettant de rechercher à son encontre l'existence d'éventuelles fautes de gestion en vue de sa condamnation pour insuffisance d'actif et ce indépendamment de l'exercice effectif par ce dernier des pouvoirs inhérents à cette fonction ; qu'il résulte de l'état des créances de l'article L. 622-24 du Code de commerce que le passif vérifié de la liquidation judiciaire de la société Atonis s'élève à hauteur de la somme de 1.285.241,75 euros, sous réserve des contestations du passif chirographaire et privilégié en cours et à hauteur de la somme supplémentaire de 2.076.876,37 euros et que l'actif s'élève à hauteur de la somme de 271.868,76 euros ; qu'il existe par conséquent une insuffisance d'actifs certaine d'au moins 1.013.373 euros ouvrant l'action en comblement de passif de l'article L. 651-2 du Code de commerce et à l'encontre de Guy Y... en sa qualité de dirigeant ; que par ailleurs, il est démontré que l'état de cessation des paiements de la société Atonis est antérieur à la date retenue provisoirement par le tribunal soit le 16 février 2009 ; qu'il résulte en effet des déclarations de créances au passif, accompagnées de leurs pièces justificatives que de nombreuses factures demeuraient impayées à partir de fin 2005 et en particulier un arriéré locatif à compter de 2006, des factures de fournitures en date de 2007 et à hauteur de la somme de 277.623,05 euros ; que les documents comptables produits aux débats dont M. Y... ne conteste pas avoir eu connaissance font également apparaître des résultats négatifs depuis l'exercice clos au 31 août 2005 et au 31 août 2007 le total des dettes s'élève à hauteur de la somme de 4.326.465 euros alors que l'actif circulant ne représente que la somme de 1.713.421 euros et qu'il n'est justifié à cette date d'aucune disponibilité immédiate de trésorerie ; qu'il résulte également du rapport du commissaire aux comptes en date du 2 février 2008 sur l'exercice clos le 31 août 2007 approuvant les comptes de cet exercice qu'ils se soldent pas une perte de 736.799 euros et portant le cumul des pertes réalisées depuis la création de la société à hauteur de la somme de 3.179.000 euros ; que le caractère compromis de la situation financière de la société Atonis est confirmé par la lettre de convocation du président du Tribunal de commerce de Saint-Quentin en date du 7 mai 2008 compte tenu des inscriptions de privilèges requises par les organismes fiscaux et ainsi que le non dépôt des comptes sociaux de l'entreprise ; qu'il ajoute que les comptes intermédiaires au 30 octobre démontrent la poursuite d'une activité déficitaire et fait connaître son doute quant à la possibilité pour la société de poursuivre son activité et ce, compte tenu de l'absence de budget de trésorerie et de concours financier de l'actionnaire ; que M. Guy Y... n'a pas justifié de l'existence d'un quelconque concours bancaire à cette date et ce, malgré les demandes réitérées en ce sens suite à la procédure d'alerte du commissaire aux compte, à la convocation du président du Tribunal de commerce ni même dans le cadre de la présente procédure en responsabilité pour insuffisance d'actif ; qu'en effet, M. Guy Y... ne justifie avoir effectué aucun apport au profit de la société Atonis postérieurement à l'année 2004, puisqu'il déclare lui-même ne plus avoir procédé à un quelconque versement suite à la cession d'actions au profit de la société C..., soit en mai 2006 ; que l'existence de ce compte courant d'associé ne peut dès lors justifier de l'existence d'une quelconque trésorerie en février 2008 permettant de contester utilement l'état de cessation des paiements au vu du passif exigible démontré à cette date mais au contraire d'une dette importante de cette dernière à cette même date et à hauteur de la somme de 431.770,82 euros au vu de la déclaration de créance de M. Y... à la procédure collective à ce titre ; que la seule affirmation par M. Y... d'un soutien financier de la société Seynex ou de la société Seyn International sans aucun justificatif à l'appui ne peut suffire à démontrer l'existence d'un quelconque actif disponible en février 2008 et alors qu'au contraire la créance de la société Seyn déclarée à hauteur de la somme de 447.694,62 euros à la présente procédure collective et au titre d'une demande de remboursement de prêt a fait l'objet d'une ordonnance de rejet du Juge-commissaire en date du 19 octobre 2011 et à l'encontre de laquelle il n'est pas justifié d'un appel et au motif que la société n'a pas justifié de l'existence de sa créance et que la créance de la société Seyntex déclarée à hauteur de la somme de 1.259.852,32 euros au titre de factures impayées fait l'objet d'une ordonnance de rejet du Juge-commissaire en date du 19 octobre 2011 et à l'encontre de laquelle il n'est pas justifié d'un appel et au motif que la société n'a pas justifié de l'existence de sa créance ; que la société Atonis se contente d'affirmer l'existence d'un concours financier de la société C... en sa qualité d'actionnaire unique de cette première, sans le démontrer par aucun élément et alors qu'au contraire, il est constant que cette dernière souhaitait que M. Y... procède au dépôt de bilan de la société Atonis en sa qualité de président en février 2008 ; que l'ensemble de ces éléments concordants démontrent que dès le 1er trimestre 2008, la société Atonis était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que l'état de cessation des paiements peut être fixé à la date du 2 février 2008 retenue par le commissaire aux comptes, de telle sorte qu'en refusant de déposer le bilan dans le délai de 45 jours imparti par l'article L. 634-4 du Code de commerce et nécessitant pour ce faire sa révocation et ne permettant pas une déclaration de l'état de cessation des paiements avant le 12 février 2009, M. Y... en sa qualité de dirigeant a dès lors manqué à ses obligations légales ; que ce dépassement d'une durée significative car d'une année et consécutif non pas à une simple négligence du dirigeant mais à une obstruction puisque sa révocation a été nécessaire pour que la déclaration de l'état de cessation des paiements puisse être effectuée, constitue par conséquent une faute de gestion caractérisée ; que la preuve de l'existence d'un lien causal entre cette faute et l'insuffisance d'actif de la société Atonis résulte de l'accroissement du passif entre le 20 mars 2008, date de l'expiation du délai de 45 jours, et le 12 février 2009, date de la déclaration de l'état de cessation des paiements et ce, au vu des bordereaux de déclaration de créances ; que le rapport du commissaire aux comptes en date du 2 février 2008 justifie d'une activité déficitaire de la société Atonis depuis 2007, pour autant poursuivie jusqu'à la date de la déclaration de l'état de cessation des paiements de la société Atonis le 12 février 2009 et d'une faute de gestion au sens de l'article L. 651-2 du Code de commerce ayant contribué à l'insuffisance d'actif au vu des dettes postérieures au regard des déclarations de créance et donc la traduction comptable se manifeste entre autres par l'existence de capitaux propres négatifs depuis 2005, sans que cette circonstance justifie cependant d'une faute de gestion autonome ; qu'aucun document comptable de la société Atonis n'a été produit postérieurement au 31 août 2007 et jusqu'au 11 février 2009, ce qui est confirmé par l'expert-comptable de la société Atonis et alors qu'en application de l'article L. 123-12 du Code de commerce, M. Y... en sa qualité de président et non pas M. C... désigné à cette fonction depuis 1 jour à la date de la déclaration de l'état de cessation des paiements, était tenu à l'établissement d'une comptabilité conforme et qu'en ne respectant pas une telle obligation, il s'est privé d'un outil de gestion indispensable pour appréhender la situation économique et financière de l'entreprise et de nature à lui permettre de prendre toute mesure utile au redressement ou de cessation d'activité nécessaire et dès lors constitue une faute de gestion au sens de l'article susvisé ; que compte tenu à la fois des fautes de gestion susvisées retenues à l'encontre de M. Y..., de leur gravité mais aussi de l'absence d'enrichissement personnel consécutif au profit de ce dernier et de l'importance de l'insuffisance d'actifs, il convient de faire droit à la demande de condamnation en paiement à l'encontre de M. Y... à hauteur de la somme de 80.000 euros ;

1° ALORS QUE la cessation des paiements se caractérise par l'impossibilité de faire face, avec son actif disponible, à ses dettes certaines, non contestées, échues et ne faisant l'objet d'aucun moratoire ; qu'en affirmant que la cessation des paiements s'évinçait d'un « arriéré locatif à compter de 2006 » sans s'interroger, comme elle y était invitée, sur sa certitude et son exigibilité contestées par M. Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du Code de commerce, ensemble l'article L. 631-1 du Code de commerce ;

2° ALORS QUE la cessation des paiements se caractérise par l'impossibilité de faire face, avec son actif disponible, à ses dettes certaines, non contestées, échues ne faisant l'objet d'aucun moratoire ; qu'en affirmant que la cessation des paiements s'évinçait de « factures de fournitures en date de 2007 et à hauteur de la somme de 277.623,05 euros » sans s'interroger, comme elle y était invitée, sur la certitude et l'exigibilité de cette dette contestées par M. Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du Code de commerce, ensemble l'article L. 631-1 du Code de commerce ;

3° ALORS QUE Me A..., ès qualités, indiquait lui-même dans ses conclusions d'appel qu'« un appel a(vait) été formé » contre les ordonnances du 19 octobre 2011 ayant rejeté les créances des sociétés Seyn International et Seyntex (conclusions de Me A..., ès qualités, du 29 mai 2012, p. 15, § 2 et p. 17, § 2) et produisait les « déclarations d'appel des sociétés Seyn International et Seyntex » (pièce n°92) à l'appui de cette affirmation, ce que ne contestait pas M. Y... ; qu'en retenant pourtant, pour juger que M. Y... ne démontrait pas l'existence de réserves de crédit augmentant l'actif disponible pour faire face au passif exigible à partir de 2008, qu'il n'était pas justifié d'un appel à l'encontre des ordonnances du 19 octobre 2011 ayant rejeté les créances des sociétés Seyn International et Seyntex, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

4° ALORS QUE l'état de cessation des paiements ne s'évince pas de pertes comptables ; qu'en relevant cependant que le résultat de la société Atonis était déficitaire et que celle-ci enregistrait des pertes comptables depuis sa création, pour retenir l'état de cessation des paiements au 2 février 2008 et imputer à faute à M. Y... d'avoir tardé à déclarer cette situation, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard en violation des articles L. 631-1 et L. 651-2 du Code de commerce ;

5° ALORS QUE la poursuite d'une activité déficitaire n'est pas fautive lorsqu'existent des perspectives de redressement ; qu'en imputant à faute à M. Y... d'avoir poursuivi l'activité de la société Atonis au seul motif que cette société enregistrait d'importantes pertes comptables et que son résultat était déficitaire, sans rechercher, comme elle y était ainsi invitée, s'il n'existait pas, compte tenu du rachat de la société Atonis par le Groupe Seyntex, de son soutien financier et de la perspective de conclure de nouveaux marchés, des perspectives de redressement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du Code de commerce ;

6° ALORS QUE M. Y... faisait valoir qu'à compter du 31 août 1997, la comptabilité de la société Atonis était tenue par son actionnaire unique, la Groupe Seyntex ; qu'en retenant qu'aucun document comptable n'était produit postérieurement au 31 août 2007, ce dont elle a déduit qu'aucune comptabilité n'avait été tenue par la société Atonis après cette date, sans répondre à ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

7° ALORS QUE l'insuffisance d'actif résulte de la différence entre le passif et l'actif ; qu'en s'abstenant de prendre en compte, pour chiffrer l'insuffisance d'actif de la société Atonis, les actions en recouvrement en cours à l'encontre des sociétés Seyn International, qui était débitrice d'une somme de 235.640,98 euros envers Atonis, et envers la société Seyntex, qui était débitrice d'une somme de 377.587,89 euros envers cette société, invoquées par les deux parties et pouvant, par l'apport d'une somme de 600.000 euros, réduire l'insuffisance d'actif de 1.000.000 d'euros à 400.000 euros, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-20117
Date de la décision : 04/07/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 30 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 jui. 2018, pourvoi n°14-20117


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:14.20117
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award