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28/06/2018 | FRANCE | N°17-20002

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 juin 2018, 17-20002


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 7 mars 2017), que la société BCC a donné à bail des locaux à usage commercial à la société New Tokoy pour l'exploitation d'une activité de restauration ; que, les locaux ayant été endommagés à la suite d'un incendie, la bailleresse a assigné sa locataire pour la contraindre à réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire et lui

interdire toute activité dans l'intervalle ;

Attendu que, pour rejeter partiellement cet...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 7 mars 2017), que la société BCC a donné à bail des locaux à usage commercial à la société New Tokoy pour l'exploitation d'une activité de restauration ; que, les locaux ayant été endommagés à la suite d'un incendie, la bailleresse a assigné sa locataire pour la contraindre à réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire et lui interdire toute activité dans l'intervalle ;

Attendu que, pour rejeter partiellement cette demande, l'arrêt retient que l'article 88 de l'arrêté du 31 janvier 1986 n'impose aucune insertion des conduits de fumée extérieurs au local dans une gaine mais exige seulement une protection coupe-feu 2 heures dont l'expert judiciaire, comme les deux bureaux de contrôle, affirment qu'elle est, au cas d'espèce, assurée par le flocage réalisé par la société New Tokoy ;

Qu'en statuant ainsi, alors que ni l'expert judiciaire ni le bureau de contrôle Véritas n'avaient affirmé que le flocage réalisé par la locataire assurait une protection coupe-feu 2 heures, la cour d'appel, qui a dénaturé le rapport de l'expert judiciaire et l'avis du bureau de contrôle Véritas, a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société BCC de procéder à l'installation du conduit d'extraction des fumées dans une gaine de degré coupe-feu 2 heures, dans toute sa longueur y compris dans le parking et sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 7 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société New Tokoy aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société New Tokoy et la condamne à payer à la société BCC la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Briard, avocat aux Conseils, pour la société BCC.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir infirmé le jugement déféré excepté en ce qu'il dit que les réparations consécutives à l'incendie survenu dans le local commercial loué à la société New Tokyo ne requéraient pas l'obtention préalable par la locataire d'un avis favorable de la SCI BCC ni n'autorise le bailleur à exiger l'intervention d'un maître d'oeuvre aux frais de sa locataire, puis, statuant des chefs réformés et y ajoutant, enjoint la société New Tokyo de mettre en conformité le conduit de désenfumage intégré installé dans le local loué par insertion dans une gaine assurant une protection coupe-feu 2 heures dans les deux mois de la signification de l'arrêt à charge pour elle de justifier de l'exécution des travaux auprès du bailleur par l'attestation de l'entreprise, d'avoir débouté la SCI BCC de ses demandes accessoires, autre ou plus amples, tendant à voir condamner la société New Tokyo à entreprendre les travaux préconisés par M. Y..., expert judiciaire, dans son rapport déposé le 20 mai 2014 pour parvenir : à la mise en conformité du circuit d'extraction des fumées au regard de la réglementation relative à la prévention du risque incendie, à l'installation du conduit d'extraction des fumées dans une gaine de degré coupe-feu 2h, dans toute sa longueur y compris dans le parking, à l'installation d'un extracteur capable de fonctionner 1/2h avec des fumées, certifié par son constructeur, à la séparation du plénum et de la salle de restaurant par une protection coupe-feu 1h, à l'installation de hottes et de dispositifs de captation comportant des éléments permettant de retenir les graisses et pouvant être facilement nettoyés et remplacés, enjoindre la société New Tokyo à réaliser lesdits travaux, dans un délai de deux mois sous astreinte définitive de 500 € par jour, passé ce délai, désigner M. Z..., exploitant sous l'enseigne l'Atelier d'architecture, avec l'assistance du Bureau de contrôle technique Veritas, avec pour mission d'assurer la maitrise d'oeuvre, la surveillance et le contrôle de la bonne exécution des travaux préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport déposé le 20 mai 2014, dire que les frais d'intervention de M. Z... et, le cas échéant du bureau Véritas, seront intégralement supportés par la société New Tokyo, faire interdiction à la société New Tokyo d'exploiter son commerce jusqu'à la réalisation complète et conforme des travaux préconisés par M. Y..., assortir cette interdiction d'exploiter d'une astreinte de 1.000 € par infraction constatée et condamner la société New Tokyo à payer à la SCI BCC la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Aux motifs que la société New Tokyo vient aux droits de la société Tamaya, locataire de la SCI BCC suivant bail sous seing privé du 25 mars 2005, à laquelle elle a succédé par l'effet d'une cession du fonds de commerce de restaurant, bar intervenue en mars 2006 ; qu'aux termes du bail, il était convenu que la société Tamata prenait possession d'un local à « l'état brut » constitué d'une chape béton, d'un point d'alimentation eau de ville, d'un point d'évacuation eaux usées et d'eaux vannes, d'une séparation coupe-feu avec parking et couloirs, d'une séparation coupe-feu avec le premier étage, d'une installation alarme incendie et d'une vitrine ainsi que d'une réserve ; que la convention précisait que tous travaux d'aménagement pour exercer le commerce seraient à la charge exclusive du preneur de même que toutes transformations ou réparations rendues nécessaires par l'exercice de son activité ; qu'il est constant que la locataire a réalisé à ses frais en 2006 un circuit de désenfumage des fumées de cuisine qui, ensuite de modifications opérées en 2009 à la suite d'un contentieux opposant les parties avec un autre locataire à propos des nuisances olfactives et sonores induites par ce circuit, était au jour de l'incendie composé : - dans le local loué, d'une canalisation partant de la hotte de la cuisine, traversant le mur séparant le restaurant du parking fermé du premier étage de l'immeuble de la SCI, et joignant un extracteur de fumée constitué d'un ventilateur centrifuge installé dans le parking, au pied du mur séparatif, - dans le parking, outre cet extracteur de fumée, une canalisation de 30 mètres de long (ci-après désignée le conduit d'extraction), floquée, reliant l'extracteur à une ouverture dans le toit du parking ; que l'incendie du 2 octobre 2013, attribué par l'expert judiciaire (non contredit sur ce point) à une auto-inflammation des dépôts graisseux accumulés dans le moteur de l'extracteur, s'est propagé dans le conduit provoquant, selon les informations recueillies et les photographies communiquées (la société New Tokyo avait réalisé les travaux de réparation avant la venue de l'expert judiciaire), la destruction du moteur de l'extracteur, le décollement sur plusieurs mètres de flocage du conduit avec la chute de morceaux au sol ainsi que la fonte du joint d'étanchéité à la jonction du toit ; que le litige qui oppose les parties porte sur la conformité des travaux de réparation qu'a réalisés sans attendre l'issue de cette procédure la société New Tokyo, pressée de reprendre son activité commerciale ; que la cour souligne tout d'abord qu'en présence de dispositions conventionnelles expresses précisant que le bailleur livrait un local à l'état brut et que le locataire supportait la charge financière de tous les aménagements nécessaires à son activité commerciale ainsi que leur réparation, les travaux de réparation du circuit de désenfumage créé par la société New Tokyo pour l'évacuation des fumées de la cuisine du restaurant lui incombent incontestablement, le fait que certains éléments du circuit se trouvent en parties communes de l'immeuble de la SCI n'ayant aucune incidence sur leur prise en charge financière par le locataire ; que le tribunal a déduit des dispositions du droit commun du bail et des termes de la convention que la SCI BCC ne disposait d'aucun pouvoir de police lui permettant d'intervenir sur les conditions d'exploitation de l'activité commerciale de sa locataire, a fortiori sur les modalités de réparation d'un accessoire des locaux nécessaire à son activité que constitue le système d'évacuation des fumées de cuisine, ajoutant que les dispositions du bail relatives aux transformations visées à l'article 4 du § Charges et conditions devaient s'interpréter restrictivement comme n'autorisant l'ingérence du bailleur que dans les seules hypothèses de transformations ou réparations modifiant ou affectant la chose louée dans sa substance ou sa destination ; que la lecture des clauses du bail relatives aux Charges et conditions qui ne prévoient pas un « avis favorable du bailleur » ou son « consentement express et par écrit » que dans l'hypothèse, pour la première, de « transformations » en lien avec son activité commerciale (article 4) pour la seconde en cas de « changement de distribution » (article 5) confirme que l'accord du bailleur n'est contractuellement requis que dans des circonstances spécifiques, observation étant faite que si l'article 4 « Transformations » pose dans son premier alinéa le principe de l'obligation pour le preneur de supporter seul toutes transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité, l'alinéa 2 n'impose d'avis favorable du bailleur et n'autorise le contrôle de son architecte qu'en cas de transformations proprement dites ; que le tribunal en a valablement déduit que les réparations réalisées en l'espèce par la société New Tokyo sur son circuit de désenfumage ne requéraient pas d'avis favorable du bailleur ni n'autorisent la SCI BCC à exiger que la société New Tokyo ne finance l'intervention d'un maître d'oeuvre pour contrôler les éventuels travaux qui seraient ordonnés en cause d'appel ; que ceci étant, le bail fait obligation au locataire : - sous l'article 8 : « Jouissance des lieux », de se conformer strictement aux prescriptions de tous règlements, arrêtés de police, règlements sanitaires (
) et de respecter les règlements concernant les installations électriques et conduits de fluide, - sous l'article 9 « Exploitation du commerce », de se conformer rigoureusement aux lois, règlements et prescriptions administratives pouvant s'y rapporter ; qu'il n'est donc pas illicite de la part du bailleur, mais au contraire conforme au principe d'exécution de bonne foi des conventions, que la SCI BCC, tenue par ailleurs de l'obligation d'assurer la jouissance paisible de l'ensemble de ses locataires et qui pourrait voir sa responsabilité engagée par ces derniers dans l'hypothèse de dommages consécutifs au non-respect de prescriptions règlementaires relatives à la sécurité incendie, s'assure que les travaux réalisés par la société New Tokyo respectent cette réglementation, particulièrement après un incendie ; que l'expert judiciaire a constaté que la société New Tokyo avait remplacé l'extracteur et son moteur par un extracteur neuf, installé dorénavant dans le plenum de la cuisine du restaurant, que le conduit de fumée du parking avait été prolongé pour s'adapter à l'emplacement du nouvel extracteur et avait été refloqué ; qu'analysant les textes réglementaires applicables en l'espèce, à savoir, pour les parcs de stationnement, l'arrêté du 31 janvier 1986, article 88, pour les grandes cuisines, l'arrêté du 25 juin 1980, l'article PE 16 relatif aux conduits et extracteur, pour les ERP, l'arrêté du 22 juin 1990, l'expert judiciaire constate que toutes les dispositions relatives aux conduits exigent que ceux-ci soient placés dans une gaine établissant un degré coupe-feu 2h, aucun procédé de substitution tel que le flocage n'étant envisagé et que les extracteurs doivent avoir une capacité de fonctionnement avec des fumées à 400° pendant une demi-heure ; qu'au regard de cette réglementation, il conclut que le flocage réalisé par la société New Tokyo, fût-il coupe-feu 2h n'est pas conforme à la réglementation, que doit être établie entre la cuisine et la salle de restaurant une paroi coupe-feu d'1h et qu'il incombe à la locataire de justifier que les hottes ou dispositifs en place comportent des éléments permettant de retenir les graisses et pouvant être facilement nettoyés ; que ce faisant, l'expert judiciaire adopte la même analyse que le bureau de contrôle consulté par le bailleur, le bureau Veritas qui, dans ses différentes comptes rendus de visite, dont le dernier date du 29 septembre 2016, affirme que le conduit ne satisfait pas aux exigences des articles 88 de l'arrêté du 31 janvier 1986 et PE 16 § 2 de l'arrêté du 22 juin 1990 en ce qu'il doit être intégré dans une gaine ; que la société New Tokyo le conteste au visa notamment d'un rapport de la société Dekra du même agrément que le Bureau Veritas, qui affirmait au terme d'un rapport établi le 24 janvier 2014 que la gaine de désenfumage traversant le parking est traitée coupe-feu 2h et souligne que la commission de sécurité pour les risques d'incendie (
) de l'arrondissement de Senlis a émis un avis favorable à la poursuite de son activité ensuite d'une visite effectuée le 4 juillet 2014, ce qui conforte le respect de la réglementation ; que les parties, comme l'expert judiciaire et les deux bureaux de contrôle consultés, s'accordent à dire que s'appliquent ici, d'une part, la réglementation afférente aux ERP s'agissant d'un bar-restaurant accueillant du public, notamment les dispositions de l'article PE 16 § 2 de l'arrêté du 22 juin 1990, d'autre part pour la partie de l'installation traversant le parking de l'immeuble de la SCI, celle relative aux parcs de stationnement, notamment l'article 88 de l'arrêté du 31 janvier 1986 dans sa version modifiée le 21 mai 2008 ; que la cour observe que s'agissant du restaurant lui-même (l'EPR), l'article PE 16 § 2 de l'arrêté du 22 juin 1990 (dont l'expert judiciaire constate qu'il reproduit les dispositions antérieures de l'arrêté du 25 juin 1980) dispose : « à l'intérieur du bâtiment, les conduits doivent être installés dans une gaine rétablissant le degré CF des parois d'isolement entre niveaux, des parois des établissements tiers » dont les professionnels s'accordent à dire qu'il doit être coupe-feu 2 heures ; que ce texte ne comporte aucune exigence similaire pour les conduits extérieurs à l'ERP ; que s'agissant des parcs de stationnement, la cour constate que l'article 88 de l'arrêté du 31 janvier 1986 invoqué par le Bureau Veritas prévoit un certain nombre de dispositions particulières pour les conduites de liquide inflammables, de gaz, vapeur, de ventilation, avec pour certaines l'obligation de les intégrer dans des gaines (ainsi celles de liquides inflammables, celles de vapeur) et ajoute : « les autres conduits ou gaines mettant en communication le par cet des locaux ou logements voisins doivent être coupe-feu de traversée de degré cent vingt minutes au moins » ; que ce texte n'impose donc pour les conduits de fumée aucune insertion dans une gaine et exige seulement une protection coupe-feu 2h dont l'expert judiciaire comme les deux bureaux de contrôle affirment qu'elle est au cas d'espèce assurée par le flocage réalisé ; que la cour en déduit que les travaux réalisés par la société New Tokyo dans le parking sont conformes à la réglementation ; que par contre, selon les dispositions de l'article PE 16 § 2 précité, le conduit installé à l'intérieur du restaurant n'est pas conforme puisque simplement floqué (cf. les constatations du bureau d'études Leroux) ; que la cour observe, par ailleurs, que devant l'expert judiciaire, a été communiqué le certificat de conformité du ventilateur et que selon l'attestation de l'installateur, la société Sisteven, il présente bien une résistance au feu de 400°C pendant 2 heures (cf. page 13 du rapport d'expertise judiciaire) ; que concernant l'exigence posé par le bureau Veritas, en cela relayé par l'expert judiciaire, d'une paroi coupe-feu 1heure entre le plenum de la cuisine et la salle de restaurant, la cour constate que les textes invoqués par le bureau de contrôle sont l'article PE 6 de l'arrêté du 25 juin 1980 et le § 4.7 de l'instruction technique 246 qui concernent pour le premier, la séparation entre l'ERP et des locaux tiers (lorsqu'il est question ici de la séparation entre deux volumes internes au local loué) et, pour le second, les performances du ventilateur, étant par ailleurs rappelé qu'il est spécifié au bail que les cloisons avec parking et couloirs sont coupe-feu 2 heures et la séparation avec le plancher du 1er étage est coupe-feu 1 heure ; que la cour ne trouve donc pas dans les textes visés la confirmation de la nécessité d'une cloison coupe-feu 1 heure entre le plenum et la salle de restaurant dont la société Dekra a contesté la nécessité (cf. son courrier du 18 avril 2014) ; qu'enfin, concernant les caractéristiques de la hotte qui doit être selon la réglementation pourvue d'éléments « permettant de retenir les graisses et pouvant être facilement nettoyés et remplacés » la cour constate que l'expert judiciaire rappelle cette obligation mais ne s'explique pas sur les éléments manquants en l'espèce et que le bureau d'études Leroux consulté par la société New Tokyo explique, par ailleurs, que la hotte est une hotte de ventilation spécifique avec filtre à graisse qui est conforme ; qu'en définitive, seule est donc justifiée au terme de cette instance la non-conformité du conduit de fumée installé à l'intérieur du local loué ; que pour les raisons déjà exposées par la cour tenant à l'obligation pour le bailleur d'assurer aux autres locataires le respect de toute réglementation, notamment concernant les dispositifs de sécurité, la SCI BCC est fondée à réclamer la mise en conformité de ce conduit sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte puisqu'en l'espèce le reproche essentiel qu'on puisse faire à la société New Tokyo est sa rapidité à entreprendre les travaux de réparation ensuite de l'incendie, avant même la visite de l'expert judiciaire, dont on comprend cependant qu'elle était motivée par sa volonté de reprendre le plus rapidement possible son activité commerciale pour des raisons financières évidentes ; qu'il appartiendra à la société New Tokyo de justifier au bailleur l'exécution des travaux requis ; qu'il n'est pas justifié dans l'intervalle d'interdire l'activité commerciale de la société New Tokyo ; que la SCI BCC sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts puisque, pour l'essentiel, le refus de la société New Tokyo de s'incliner devant toutes les exigences de travaux formulées par le bureau Veritas était justifié,

Alors en premier lieu que le juge est tenu de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; que dans son rapport d'expertise, M. Y..., en réponse au dire de Me B... daté du 15 avril, indiquait : « Me B... mentionne l'avis favorable émis par la société Dekra dans son rapport d'inspection du 24/1/2014, pour une protection du conduit par flocage : en ce qui nous concerne, cet avis n'est pas de nature à modifier le nôtre sur la façon dont le réseau d'extraction des fumées du restaurant doit être reconstruit (§ 2.7.2.5). Le fait que la réglementation ne retienne pas la possibilité de protéger les conduits par flocage est probablement lié au fait que, en cas d'incendie, le flocage du conduit est porté à haute température, se désagrège et tombe en morceaux sur le sol de sorte qu'il vient un moment où le conduit n'est plus protégé. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé dans l'incendie considéré ici, ainsi qu'il ressort des photos 1 et 2. Le délai au bout duquel se produit cette dégradation du flocage peut, selon la nature du produit et/ou selon la façon dont il a été appliqué, être plus ou moins long, de sorte qu'il n'est pas possible de caractériser de façon fiable le degré CF d'un conduit floqué » ; que l'expert déduisait au paragraphe 2.7.2.5 de son rapport intitulé « Notre avis sur la reconstruction du réseau d'extraction : « le réseau d'extraction qui a été sinistré au cours de l'incendie du 2 octobre 2013 doit être reconstruit en respectant strictement les exigences réglementaires qui s'appliquent à lui, à savoir : le conduit doit être installé dans une gaine de degré CF de 2h » ; qu'il concluait son rapport en des termes identiques ; qu'en énonçant que l'expert judiciaire affirme que la protection coupe-feu 2h est au cas d'espèce assurée par le flocage réalisé, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise de M. Y... et a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1192 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,

Alors en deuxième lieu que le juge est tenu de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que dans son avis technique adressé le 29 septembre 2016 à la SCI BCC, le Bureau Veritas indiquait : « La règlementation impose donc que ce conduit soit encoffré dans une gaine coupe-feu 2h. La performance au feu de cette gaine doit donc être justifiée par un procès-verbal émis par un laboratoire agréé. La réalisation du flocage sur ce conduit ne permet donc pas de répondre aux exigences de la réglementation qui nécessite l'usage d'une gaine coupe-feu 2h. Cette exigence figure au niveau des procès-verbaux des précédentes commissions de sécurité mais également dans le rapport émis par M. Omar A... – Bureau Veritas en date du 2/12/2013. Le rapport de Dekra mentionne l'emploi d'un flocage Dussolan 2000. La performance au feu de ce flocage nous a été justifiée par le PV n° 13-A-119 justifiant d'un coupe-feu 2h sur un conduit métallique pour un flocage de type Dossolan 3000 ce qui ne correspond pas au produit employé. De plus, la nature du conduit (circulaire et non rectangulaire) ainsi que la répartition des suspentes ne vérifient pas les conditions d'emploi de ce procès-verbal. La performance au feu de ce conduit ne peut donc être justifiée ; qu'en énonçant que « les deux bureaux de contrôle », par conséquent et nécessairement le bureau de contrôle Veritas, affirment que la protection coupe-feu 2h est assurée par le flocage réalisé, la cour d'appel a dénaturé l'avis susvisé et a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1192 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,

Alors en troisième lieu que dans ses conclusions d'appel, la SCI BCC faisait valoir que dans son rapport d'expertise, M. Y... soulignait que d'après l'ensemble des textes réglementaires applicables, le conduit d'extraction devait être impérativement installé dans une gaine de degré CF 2h en ajoutant que la protection par flocage n'est pas envisagée comme une option possible et n'est donc pas un mode de protection conforme à la réglementation ; qu'il était ajouté que l'expert judiciaire avait relevé que lors de l'incendie survenu dans les locaux le 2 octobre 2013, le flocage du conduit, porté à haute température, s'était désagrégé et était tombé en morceaux sur le sol, sa mauvaise tenue au feu ayant été démontrée par l'ampleur des dégâts constatés en quelque minute sur une installation soi-disant équipée d'un coupe-feu 2h ; qu'il en était déduit que le flocage réalisé par la société New Tokyo exposait l'installation aux mêmes risques et que seule l'installation du conduit d'extraction dans une gaine coupe-feu 2h, dans toute sa longueur y compris dans la partie traversant le parking fermé situé à l'étage de l'immeuble, répondait aux exigences de sécurité au regard de la réglementation relative à la prévention du risque d'incendie ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,

Alors en quatrième lieu que dans ses conclusions d'appel la SCI BCC faisait valoir que la société Dekra Industrial, après avoir fait référence à plusieurs reprises dans son rapport à un « traitement coupe-feu de la gaine » dans le passage parking et dans le passage du tiers (page 3 § 1.3 et page 4, § 1.4), s'était référée ensuite indifféremment aux conduits de « ventilation » et de « désenfumage » ; qu'il était ajouté que la société Dekra Industrial faisait ainsi référence au procès-verbal de classement de la société Efectis France n° 13 - A – 119 applicable aux conduits de « ventilation » et non aux conduits de « désenfumage » et qu'en outre, les prescriptions visées dans ce document étaient totalement différente des travaux tels que réalisés par la société New Tokyo (conduits ronds et non rectangulaires, absence de renforts, flocage par un produit Dossolan 2000 et non 3000 ; qu'il en était déduit que le flocage réalisé par la société New Tokyo ne répondait pas aux caractéristiques d'une protection coupe-feu 2h ainsi que l'avait constaté tant l'expert judiciaire dans son rapport déposé le 20 mai 2014 que le Bureau Veritas dans son rapport établi le 29 septembre 2016 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-20002
Date de la décision : 28/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 07 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 28 jui. 2018, pourvoi n°17-20002


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP François-Henri Briard, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.20002
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