La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2018 | FRANCE | N°17-10148

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 juin 2018, 17-10148


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 novembre 2016), que M. X..., engagé le 18 janvier 1988 par la société Entreprise A Girard venant aux droits de la société Mastran, occupait le poste de directeur de filiale, responsable de centre de profit Mastran ; qu'une nouvelle organisation du groupe a été mise en place au cours du mois d'avril 2011 ; qu'il a été licencié pour faute grave le 13 juillet 2011 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le lic

enciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer divers...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 novembre 2016), que M. X..., engagé le 18 janvier 1988 par la société Entreprise A Girard venant aux droits de la société Mastran, occupait le poste de directeur de filiale, responsable de centre de profit Mastran ; qu'une nouvelle organisation du groupe a été mise en place au cours du mois d'avril 2011 ; qu'il a été licencié pour faute grave le 13 juillet 2011 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :

1°/ que la seule circonstance que le secteur d'activité d'une société évolue n'emporte pas modification du contrat de travail du salarié qui en demeure le directeur avec une délégation de pouvoirs identique ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'avant comme après la réorganisation d'avril 2011, M. X... était le directeur de la société Mastran, filiale du groupe Vinci Construction, avec la même délégation de pouvoirs, et que seules les activités dévolues à cette filiale avaient été modifiées, son secteur travaux neufs en déclin ayant été confié à une autre filiale, la société MCB, à la tête de laquelle se trouvait M. Z... ; qu'en jugeant que cette réorganisation avait modifié le contrat de travail de M. X... au motif inopérant que le salarié n'intervenait plus dans le secteur des travaux neufs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1121-1 du code du travail et 1134 ancien, devenu 1103 du code civil ;

2°/ que la création d'un échelon hiérarchique intermédiaire n'entraîne en soi aucun déclassement du salarié et donc aucune modification de son contrat de travail, dès lors que les fonctions et responsabilités du salarié ne sont pas modifiées ; qu'en retenant qu'un niveau intermédiaire entre lui et son ancien supérieur hiérarchique avait été ajouté, par son rattachement direct à M. Z..., directeur de la filiale MCB, pour juger que le contrat de travail de M. X... avait été modifié, lorsqu'il résultait de ses propres constatations que ce dernier avait conservé la plénitude de ses responsabilités et attributions de directeur de la société Mastran, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 du code du travail et 1134 ancien, devenu 1103 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté, par une appréciation souveraine de la valeur et la portée des pièces produites, que le transfert de l'ensemble du secteur "travaux neufs" à une nouvelle filiale MCB entraînait une diminution importante de l'activité de la filiale Mastran que dirigeait le salarié, et que ce dernier, qui était également depuis janvier 2004 responsable du centre de profit, recevait désormais ses pouvoirs et directives du nouveau responsable du centre de profit et directeur de la filiale MCB, ce qui constituait une réduction du champ de ses responsabilités, la cour d'appel en a exactement déduit l'existence d'une modification unilatérale du contrat de travail du salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Entreprise A Girard aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Entreprise A Girard à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise A Girard

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR en conséquence condamné la société Mastran à lui verser diverses sommes à titre d'indemnités et dommages et intérêts y afférents outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QU' « aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige, il est reproché à Monsieur Stéphane X... d'avoir refusé de signer l'ensemble des documents nécessaires à l'exercice de ses fonctions de Directeur de l'entreprise MASTRAN ;
Attendu que le salarié ne conteste pas avoir refusé de signer ces documents mais justifie son refus par le fait que son employeur aurait, au motif d'une simple réorganisation de la structure de la société, modifié unilatéralement des éléments essentiel de son contrat de travail, à savoir d'une part ses prérogatives en lui retirant l'activité des travaux neufs et en réduisant ses fonctions aux seuls monuments historiques, et d'autre part son positionnement hiérarchique en nommant à sa place un nouveau responsable de centre profit et ce faisant en ajoutant un niveau supplémentaire de subordination par rapport à la hiérarchie précédente;
Attendu qu'il ressort des éléments de la cause et en particulier des organigrammes, mandats, directives et délégations de signature produites aux débats:
- qu'avant la mise en oeuvre de la réorganisation du groupe, intervenue en avril 201l, Monsieur Stéphane X... était directeur de la filiale MASTRAN, responsable du centre de profit de MASTRAN ; que ses pouvoirs et les directives lui étaient délégués et données par le directeur d'activité de la Direction Régionale Provence ; que sur l'organigramme il apparaissait comme directeur de filiale MASTRAN et était rattaché au directeur d'activité 1, lui-même rattaché au Directeur Régional Provence ;
- qu'à partir du mois d'avril 2011, il est directeur de filiale MASTRAN mais n'est plus responsable du centre de profit de MASTRAN mais responsable de centre de profit monuments historiques; que ses pouvoirs et directives lui sont déléguées et données par un nouveau responsable de centre de profit Mastran, Monsieur Z... et non plus par le directeur d'activité de la direction régionale Provence ; que sur l'organigramme, il apparaît toujours comme directeur de filiale mais est rattaché non plus au directeur d'activité mais à Monsieur Z..., directeur de filiale MERIDIENNE DE CONSTRUCTION ET BATIMENT (MCB), lui-même rattaché au directeur d'activité 2 de la direction régionale Provence;

Attendu au regard de ce qui précède que c'est à bon droit que le salarié invoque une modification de son positionnement hiérarchique, un niveau intermédiaire entre lui et son ancien supérieur hiérarchique, le directeur d'activité de la direction régionale Provence, ayant été ajouté, avec son rattachement direct au directeur de la filiale MCB, nouveau responsable des centres de profit MCB et MASTRAN (contrat de mutation de Monsieur Z... du 31 mars 2011, note de service du 4 avril 2011) ;
Attendu qu'il est également établi, en particulier par l'analyse des parts de travaux monuments historiques/ travaux neufs MASTRAN 100% et travaux neufs :
-qu'avant avril 201l, les attributions de Monsieur X... portaient à la fois sur la restauration des monuments historiques mais aussi, pour une part importante, sur les travaux neufs; que les travaux fournis par la filiale Mastran se répartissaient ainsi en trois secteurs "monuments historiques", "travaux neufs (100% Mastran)" et "travaux neufs aidés" ; qu'à titre d'exemple, les chiffres étaient les suivants:
- en 2006 :901 819€ de" travaux monuments historiques", 1 101 561 € de "travaux neufs 100%
Mastran";
- en 2008: 1 499 181 € de" travaux monuments historiques", 685.539€ de "travaux neufs 100%
Mastran" et 685.000€ de "travaux aidés" sur un total de 2 869 720€;
- en 20l0: 2 517 000€ de" travaux monuments historiques", 0 € de "travaux neufs 100%
Mastran" et 1.331 000€' de "travaux aidés" sur un total de 3 848,000€;
Que l'argument invoqué par l'employeur selon lequel l'activité dédiée aux secteurs neufs s'accomplissait alors par l'intermédiaire de société en participation spécialement constituées pour chaque marché est inopérant dès lors qu'il ressort des éléments de la cause que la société Mastran intervenait dans ces marchés aux côtés d'autres sociétés, comme en atteste notamment le marché de requalification des trois aires d'autoroutes A.S.F du 3 novembre 2010 signé par Monsieur X... et une autre société et que le secteur des travaux neufs constituait une part importante de son activité;
Que de même, il importe peu, contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, qu'en 2010 la part des "travaux neufs 100% Mastran "ait été égale à 0 sur un total de 3 848 000€ comprenant 2 517 000€ de "travaux monuments historiques" et 1 331 000€ de "travaux neufs aidés", dès lors qu'il résulte de ce qui précède que les travaux neufs constituaient une partie importante de l'activité de la société MASTRAN;
-qu'après avril 2011, l'activité des travaux neufs (travaux 100% Mastran/ travaux neufs aidés) a été retirée du périmètre des fonctions de Monsieur X... et confiée à Monsieur Z..., nouveau responsable des centres de profit Mastran et MCB ; que ses fonctions ont ainsi été circonscrites aux monuments historiques comme en atteste son nouveau titre de responsable des monuments historiques et les observations écrites de l'employeur dans ses conclusions " la nouvelle organisation décidée au mois d'avril 2010 conservait Monsieur Stéphane X... dans son métier de prédilection les monuments historiques" ;
Attendu qu'il importe peu, contrairement à ce qu'a relevé le conseil de prud'hommes que les délégations de pouvoirs, les mandats et directives postérieures à avril 201l ne fassent que reprendre les attributions antérieures exercées ou plus précisément les pouvoirs précédemment délégués à Monsieur X... dès lors qu'il est établi que les dits pouvoirs ne pouvaient plus s'exercer sur le secteur des travaux neufs qui lui avait été retiré et se trouvaient cantonnés au secteur des monuments historiques;
Attendu que le changement de positionnement hiérarchique de Monsieur Stéphane X..., associé à la suppression de ses fonctions dans le domaine des travaux neufs, constituaient une modification unilatérale du périmètre de ses fonctions que l'employeur ne pouvait lui imposer sans son accord;
Attendu qu'il s'en suit que son refus d'accepter cette modification était justifié et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse;
Attendu que Monsieur Stéphane X... justifie être gérant depuis le 5 septembre 2011 de la SARL C.O.S METRES dont l'activité est l'économie de la construction;
Qu'il justifie du montant de ses revenus en 2010 de 67 044€ en 2011 de 56 244€ et en 2012 de 20 655€ par la production de ses avis d'imposition;
Qu'en considération de son ancienneté (23 ans) dans son emploi, de son âge (il est né [...] ) de son salaire mensuel brut lors de son licenciement de 4700€, il Y a lieu en application de l'article L.1235-3 du code du travail et compte tenu du préjudice subi, de lui allouer une somme de 100 000 E à titre de dommages et intérêts;
Attendu que les parties n'ont pas discuté les montants réclamés par Monsieur Stéphane X... au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférents; qu'il y a lieu d'accueillir ces chefs de demandes à hauteur des montants réclamés par le salarié »

1/ ALORS QUE la seule circonstance que le secteur d'activité d'une société évolue n'emporte pas modification du contrat de travail du salarié qui en demeure le directeur avec une délégation de pouvoirs identique ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'avant comme après la réorganisation d'avril 2011, M. X... était le directeur de la société Mastran, filiale du groupe Vinci Construction, avec la même délégation de pouvoirs, et que seules les activités dévolues à cette filiale avaient été modifiées, son secteur travaux neufs en déclin ayant été confié à une autre filiale, la société MCB, à la tête de laquelle se trouvait M. Z... ; qu'en jugeant que cette réorganisation avait modifié le contrat de travail de M. X... au motif inopérant que le salarié n'intervenait plus dans le secteur des travaux neufs, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L 1121-1 du Code du travail et 1134 ancien, devenu 1103 du Code civil ;

2/ ALORS QUE la création d'un échelon hiérarchique intermédiaire n'entraîne en soi aucun déclassement du salarié et donc aucune modification de son contrat de travail, dès lors que les fonctions et responsabilités du salarié ne sont pas modifiées; qu'en retenant qu'un niveau intermédiaire entre lui et son ancien supérieur hiérarchique avait été ajouté, par son rattachement direct à M. Z..., directeur de la filiale MCB, pour juger que le contrat de travail de M. X... avait été modifié, lorsqu'il résultait de ses propres constatations que ce dernier avait conservé la plénitude de ses responsabilités et attributions de directeur de la société Mastran, la Cour d'appel a violé les articles L 1121-1 du Code du travail et 1134 ancien, devenu 1103 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-10148
Date de la décision : 28/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 04 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 jui. 2018, pourvoi n°17-10148


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.10148
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award