LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Sébastien X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANÇON, chambre correctionnelle, en date du 18 mai 2017, qui, pour usage de faux, l'a condamné à 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur des restitutions ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FOUQUET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MONDON;
Vu les mémoires ampliatif et personnel produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 25 avril 2014, M. A... a déposé plainte à l'encontre de M. B..., gérant de la société GT collection, ayant pour activité la négociation d'automobiles de luxe, pour des faits d'abus de confiance ; qu'il a relaté avoir remis à celui-ci, le 6 octobre 2013, le véhicule Porsche 993 dont il était propriétaire, accompagné de la carte grise, en vue de sa vente ; qu'il n'avait plus revu son véhicule dans le parc de la société par la suite et n'avait jamais été payé ; que de même, le 28 novembre 2014, M. C... a déposé plainte pour abus de confiance en expliquant qu'il avait confié son véhicule Ferrari à M. B... dans le cadre d'un dépôt vente ; que le véhicule avait été vendu 59 000 euros mais qu'il n'avait touché pour sa part que 15 000 euros ; que l'enquête a permis d'établir que les deux véhicules avaient été cédés par M. B... à M. X... en paiement d'une dette ; que s'agissant du véhicule Porsche 993 de M. A..., M. B... a reconnu avoir lui-même rédigé et signé le certificat de vente et avoir rayé, daté et signé le certificat d'immatriculation au nom de M. A... Nicolas, ce qui a été confirmé par M. X... qui, présent lors de la signature du certificat de cession, a ensuite utilisé ces documents pour faire immatriculer le véhicule à son nom ; que M. X... ayant été condamné pour ces faits par le tribunal correctionnel des chefs de recel d'abus de confiance et usage de faux a formé appel de cette décision, ainsi que le ministère public ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 6, § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, préliminaire et 593 du code de procédure pénale, 121-3 et 441-1 du code pénal, violation de la présomption d'innocence, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la déclaration de culpabilité de M. X... du chef d'usage de faux et l'a condamné à une peine de 3 000 euros d'amende ;
"aux motifs qu'il ressort des pièces D. 155, D. 156 et D. 157 de la procédure que le 8 avril 2014, un document administratif "déclaration de cession d'un véhicule "a été signé par M. B... en qualité de vendeur, le nom de l'ancien propriétaire étant M. A..., et par l'acquéreur M. X... ; que ce document faisait suite à la signature de la carte grise du véhicule Porsche 993 de M. A... de la main de M. B... et devant M. X... lors des tractations liées à l'achat du véhicule ; qu'un troisième document "demande de certificat d'immatriculation d'un véhicule" a été rempli et signé par M. X... le 8 avril 2014 ; que M. A... avait précisé dans sa plainte qu'il n'avait jamais donné mandat à M. B... de signer les pièces administratives pour la vente du véhicule à sa place, même s'il lui avait remis de nombreux accessoires du véhicule ; au vu du premier jugement, le procureur général de cette cour a ordonné la restitution du véhicule à M. A... le 4 juillet 2016 ; que M. X... estime que le gérant de la Sarl disposait d'un mandat de vente qui l'autorisait non seulement à conduire les négociations pour le compte du propriétaire mais également de signer en ses lieu et place la carte grise et les documents nécessaires à la cession du véhicule et à la demande d'immatriculation ; qu'il appuie sa démonstration par la production d'un jugement civil du tribunal de Besançon du 3 novembre 2015 qui a suivi son analyse et admis sa bonne foi ; que la cour remarque cependant d'une part que si la signature portée sur la carte grise peut ne pas être analysée comme celle d'un faussaire de manière naturelle, celle portée sur le certificat de cession laisse apparaître clairement et sans ambiguïté que l'ancien propriétaire n'était ni la société GT Collection, ni M. B..., mais bien M. A..., d'autre part que ce document a été signé par M. X..., enfin que sa demande d'immatriculation en préfecture a été faite avec ces deux documents falsifiés et qu'au demeurant, ce dernier n'a pas démontré sa bonne foi et son erreur en recherchant à restituer rapidement le véhicule Porsche à son légitime propriétaire tout en conservant une action éventuelle à l'encontre de M. B... qui l'aurait abusé ; que la cour confirmera le jugement du tribunal correctionnel de Besançon sur la déclaration de culpabilité de M. X..., tous les éléments constitutifs du délit d'usage de faux en écriture étant réunis ; que la cour, au vu de la relaxe partielle prononcée, réformera la peine prononcée et condamnera M. X... à la peine de 3 000 euros d'amende ;
"1°) alors que le droit au respect de la présomption d'innocence implique que la preuve de la commission des faits délictueux soit rapportée par la partie poursuivante sans que l'on puisse reprocher au prévenu de ne pas démontrer qu'il n'a pas commis les faits qui lui sont imputés ; qu'en se bornant, pour retenir M. X... dans les liens de la prévention du chef d'usage de faux, à considérer que le prévenu « n'a pas démontré sa bonne foi et son erreur », la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les principes et les textes susvisés ;
"2°) alors qu'il n'y a d'usage de faux punissable qu'autant que l'acte d'usage du document altéré est susceptible d'occasionner à autrui un préjudice actuel ou éventuel ; que le délit d'usage de faux ne peut être caractérisé que si le prévenu a agi dans l'intention de nuire ; qu'en s'abstenant de rechercher en quoi M. A..., qui avait mis son véhicule en vente, avait subi un préjudice à raison des conditions de sa nouvelle immatriculation par M. X... qui l'avait acquis, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément matériel de l'infraction et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 441-1 du code pénal ;
"3°) alors que le délit d'usage de faux ne peut être caractérisé que si le prévenu a sciemment utilisé le document litigieux, en ayant conscience de sa fausseté ; qu'en s'abstenant de vérifier l'existence de l'élément intentionnel de l'infraction, quand le prévenu faisait valoir qu'il avait pu légitimement penser que M. B... agissait dans le cadre d'un mandat de vente, et en ne s'expliquant pas sur le jugement civil du 3 novembre 2015 par lequel le tribunal de grande instance de Besançon a admis l'erreur légitime de M. X... sur le mandat de vente apparent, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Et sur le premier moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que pour écarter l'argumentation de M. X... selon laquelle M. B... disposait d'un mandat de vente qui l'autorisait non seulement à conduire les négociations pour le compte du propriétaire mais également à signer en ses lieu et place la carte grise et les documents nécessaires à la cession du véhicule ainsi qu'à son immatriculation et déclarer M. X... coupable d'usage de faux, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient notamment que si la signature portée sur la carte grise peut ne pas être analysée comme celle d'un faussaire de manière naturelle, celle portée sur le certificat de cession laisse apparaître clairement et sans ambiguïté que l'ancien propriétaire n'était ni la société GT Collection, ni M. B..., mais bien M. A..., qu'il relève que ce document a été rempli et signé par M. B..., se faisant passer pour son réel propriétaire, en présence de M. X..., qui l'a lui-même signé ; que les juges ajoutent que sa demande d'immatriculation en préfecture a été faite avec ces deux documents falsifiés ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, dont il résulte que M. X... avait connaissance de l'altération de la vérité dans les documents dont il a fait usage et dès lors que l'établissement d'un faux certificat de cession d'un véhicule en dépôt-vente, à l'insu du vendeur, est de nature à causer un préjudice à celui-ci, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris sur les mesures de confiscation et restitution des véhicules Ferrari Modena et Porsche 993 à MM. C... et A... ;
"1°) alors que seuls peuvent être confisqués et restitués les biens dont le condamné est propriétaire ; qu'en confirmant le jugement entrepris qui a ordonné la restitution à M. C... du véhicule Ferrari Modena au sort pénal duquel M. X... est totalement étranger, sans constater qu'il aurait été la propriété exclusive de M. B... ou qu'il en avait la libre disposition, quand M. X... faisait valoir qu'il en avait fait l'acquisition par l'intermédiaire de M. B..., professionnel de l'automobile mandaté par M. C... pour la vente de ce véhicule, de sorte qu'il en était le légitime détenteur et propriétaire, l'arrêt attaqué, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de toute base légale ;
"2°) alors que la confiscation n'est autorisée que sous réserve des droits des propriétaires de bonne foi ; que M. X..., dont la relaxe du chef de recel d'abus de confiance est fondée sur l'absence de preuve de la connaissance de l'origine délictuelle du véhicule Porsche 993 au moment de son acquisition, avait la qualité de tiers de bonne foi et en était le légitime propriétaire ; qu'en écartant sa demande de restitution de ce véhicule et en ordonnant sa restitution à M. A... sans aucun motif et sans vérifier si M. X... avait la qualité de propriétaire de bonne foi, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Et sur le deuxième et le troisième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 478, 484 et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que toute personne autre que le prévenu, la partie civile ou la personne civilement responsable qui prétend avoir droit sur des objets placés sous main de justice, peut en réclamer la restitution à la juridiction correctionnelle saisie des poursuites ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'en confirmant la restitution à leur propriétaire initial respectif des véhicules cédés par M. B... à M. X..., sans répondre aux conclusions de ce dernier qui faisait valoir avoir acquis et détenu ces automobiles de bonne foi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le troisième moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-1 et 132-20 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à une peine d'amende correctionnelle de 3 000 euros ;
"alors qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ; qu'en se bornant à réformer la peine d'emprisonnement délictuel avec sursis prononcée à l'encontre de M. X... et en le condamnant à une peine de 3 000 euros d'amende, sans s'expliquer sur la personnalité du prévenu, sur sa situation personnelle et sur le montant de ses ressources comme de ses charges, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision quant à la peine au regard des textes précités et du droit à un procès équitable ;
Vu l'article 132-20, alinéa 2, du code pénal, ensemble l'article 132-1 du même code et les articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour infirmer le jugement, la cour énonce qu'au vu de la relaxe partielle prononcée, la peine sera réformée et M. X... condamné à 3000 euros d'amende ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans s'expliquer sur les ressources et les charges du prévenu qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 18 mai 2017, mais en ses seules dispositions relatives à la peine prononcée et aux restitutions ordonnées au profit de M. C... et M. A..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept juin deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.