LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Z... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 271 du code civil ;
Attendu que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'à cet effet, le juge prend en considération, notamment, la situation respective de chacun des époux en matière de pensions de retraite ;
Attendu que, pour fixer à 20 000 euros le montant de la prestation compensatoire due par l'époux, l'arrêt relève qu'après avoir été conjointe d'exploitant de 1989 à 1997, Mme Z... est désormais exploitante en son nom propre et retient que si ses droits à retraite seront minimes, cette situation est sans rapport avec la dissolution de l'union matrimoniale ;
Qu'en statuant ainsi, sans prendre en considération les droits prévisibles de Mme Z... en matière de retraite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la seconde branche du moyen :
Vu l'article 271 du code civil ;
Attendu que, pour limiter à une certaine somme le montant de la prestation compensatoire à la charge de M. X..., l'arrêt retient que la demande est excessive au regard de la durée du mariage, de la situation professionnelle des parties, qui n'ont consenti aucun sacrifice à ce titre, ainsi que du choix du régime matrimonial de la séparation de biens ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la situation de concubinage de M. X..., invoquée par Mme Z... , n'avait pas une incidence sur l'appréciation des conditions de vie respectives des parties, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer une prestation compensatoire de 20 000 euros, l'arrêt rendu le 20 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la SCP Yves et Blaise Capron la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme Z... .
Il est fait grief à l'arrêt, sur ce point infirmatif, attaqué D'AVOIR débouté Mme Bénédicte Z... de sa demande tendant à la condamnation de M. Thierry X... à lui payer une prestation compensatoire, en ce que cette demande excédait la somme de 20 000 euros, et de sa demande tendant à la condamnation de M. Thierry X... à constituer une garantie pour le paiement de la prestation compensatoire ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 270 du code civil prévoit que " l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ", et l'article 271 du même code précise que " la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ". / Il convient de rappeler que, au cas d'appel général comme en l'espèce, et peu important que Mme Z... n'ait conclu à la réformation du jugement qu'en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire et aux dommages et intérêts, la cour doit se placer au jour où elle statue pour apprécier le droit à prestation compensatoire et en fixer éventuellement le montant. / Il sera d'abord relevé que les parties concluent de manière concordante sur les objectifs de la prestation compensatoire fixés par la loi, excluant que la prestation ait pour objet de corriger les effets du régime de séparation de biens choisi par les parties ou d'égaliser les situations de fortune. / Il sera ensuite constaté que, si les époux ont fait le choix du régime de séparation de biens, ils ont ensuite, en cours d'union, créé une indivision importante par l'acquisition de la propriété de [...] et par la création des Sci dont ils sont associés pour moitié. / À cet égard, si les parties font état d'erreurs importantes de la part de l'expert judiciaire, il s'agit d'un débat qui intéresse la liquidation du régime matrimonial et la sortie de l'indivision, les époux s'opposant sur pratiquement tous les points intéressant la liquidation et notamment la valeur des parts des Sci. / Etant rappelé que le mariage a duré 14 ans, dont 9 ans de vie commune, que le couple n'a pas eu d'enfant et qu'il s'agissait pour chacun d'un deuxième mariage, il convient d'examiner la situation respective des parties. /Monsieur : âgé de 60 ans, formateur ; en 2014, il a perçu 3 540 euros par mois au titre des salaires et assimilés. / En raison de la baisse très importante de son revenu en 2015 après une rupture conventionnelle avec l'un de ses employeurs, et de la diminution de ses indemnités de chômage en 2016, son revenu mensuel sur le premier trimestre de cette année a été de 1 486 euros. / Cette diminution conséquente, concomitante à la présente procédure, et à propos de laquelle aucune explication précise n'est fournie, M. X... évoquant vaguement la réforme de la formation continue, ne peut être analysée que comme la conséquence du débat financier en cours entre les époux. / Les éventuels revenus fonciers et de capitaux mobiliers que M. X... pourrait actuellement percevoir sont ignorés. / Il détient 90% des parts de la Sci B... constituée en 2014 avec ses enfants, y a injecté partie de son épargne (assurance-vie de l'ordre de 162 000 euros) pour l'achat d'une maison dans le Vaucluse (prix de 280 000 euros), et détient 1/4 de participation dans la société X... Capi constituée en 2007 avec ses enfants dans le cadre de la vente par Monsieur des actions dont il était titulaire dans la société Andhea. / À cet égard, si M. X... prend soin de répondre aux conclusions de Mme Z... qui détaillent la liste des sociétés dans lesquelles il détient ou a détenu des parts, il reste taisant sur la Sci C... à propos de laquelle Madame affirme, sans être démentie, qu'elle est constituée par Monsieur avec ses enfants et qu'il l'a utilisée pour des transferts de fonds avec la Sci Drh. / Il est également propriétaire d'une cave dans la Sarthe et de deux parcelles de vignes dans la Sarthe dont la valeur actuelle est ignorée. / Il n'est pas démontré qu'il ait dissimulé de l'argent à l'étranger comme le prétend Mme Z... , les pièces produites relatives au compte aux Etats-Unis démontrant qu'il a effectué des virements à l'étranger pour le compte de sa soeur et de son beau-frère sur la demande de ceux-ci. / Par ailleurs, si M. X... prétend connaître de sérieux problèmes de santé, les pièces produites ne permettent pas de s'en convaincre. La nature de l'intervention devant avoir lieu le 12 juillet 2016 est inconnue, et le motif du rendez-vous en consultation externe d'orthopédie le 18 août suivant l'est tout autant. / L'accident survenu dans les vignes en avril 2005 alors qu'il utilisait un engin agricole lui a causé une fracture de la main. S'il s'est vu reconnaître un taux d'incapacité de 20% par la Mdph en juillet 2011, l'appelant ne produit aucun élément démontrant que ce léger handicap ait eu depuis lors une quelconque incidence sur son emploi ou ses multiples activités (travaux de bâtiment, trek en moto, etc). / Quant à Mme Z... , son revenu imposable, selon les avis d'imposition produits, est de 9 422 euros en 2014, soit pratiquement identique aux années précédentes. / Après avoir été conjointe d'exploitant de 1989 à 1997, elle est exploitante en nom propre. Ses droits à retraite seront minimes, mais cela n'a rien à voir avec la rupture du lien conjugal. / L'intimée fait état d'un état de santé altéré et produit un certificat médical établi le 10 mars 2015 par un médecin généraliste selon lequel elle présente des pathologies (lombalgies, tendinites, notamment) qui entraîne un handicap dans son activité professionnelle. / Elle indique tenter de vendre la maison dont elle est propriétaire à [...] dans la Sarthe. / Selon M. X..., Mme Z... dissimulerait la réalité des ventes de vin et aurait des revenus bien plus conséquents. Cette allégation n'est pas prouvée. / L'argumentation de l'intimée selon laquelle elle serait victime de son époux qui l'aurait manipulée en lui faisant croire que les Sci la protégeraient alors qu'il s'agissait pour lui de récupérer 50 % de son travail d'exploitante ne peut être admise./ Outre qu'il s'agit d'une affirmation non démontrée quant à l'abus dont elle aurait été victime, il faut souligner que les époux dont l'âge et l'expérience sont avérés, y compris l'expérience d'une précédente union et d'un divorce, ont fait le choix d'un régime de séparation de biens, puis d'une indivision, manifestant ainsi très clairement leur volonté de mise en commun d'une partie importante de leur patrimoine. Que Mme Z... regrette aujourd'hui les choix qu'elle a pu faire dans le cadre matrimonial ne lui confère pas pour autant la possibilité de les remettre en cause par ses prétentions au titre de la prestation compensatoire. / De plus, M. X... fait la preuve, par de nombreuses attestations, qu'il s'est investi personnellement dans le travail des vignes comme dans l'amélioration du bâti. Encore faut-il rappeler que M. X... s'est blessé en avril 2005 alors qu'il maniait un engin agricole dans les vignes. Il est ainsi démontré non que M. X... aurait sacrifié sa carrière pour aider son épouse comme il le prétend, non que Mme Z... serait la victime d'un mari qui aurait profité de son travail comme elle le prétend, mais que le couple oeuvrait de concert pour valoriser les propriétés, chacun à sa mesure, l'époux menant une autre activité professionnelle tandis que l'épouse se consacrait pleinement à l'exploitation. / Au vu des éléments qui précèdent, si la disparité dans les conditions de vie respectives créée par la rupture du mariage existe indéniablement, l'épouse connaissant un niveau de vie inférieur à celui qui était le sien durant la vie commune du fait des revenus du mari, les prétentions financières de Mme Z... au titre de la prestation compensatoire sont très excessives compte tenu de la durée du mariage, des carrières professionnelles respectives, de l'absence d'un quelconque sacrifice de l'un ou de l'autre au profit du conjoint, et des choix des époux quant au régime matrimonial et à la gestion de leurs biens. /M. X... devra verser à Mme Z... un capital de 20 000 euros au titre de la prestation compensatoire. / Eu égard au montant de la somme allouée, il n'y a pas lieu de contraindre le débiteur à constituer une garantie » (cf., arrêt attaqué, p. 8 à 11) ;
ALORS QUE, de première part, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'à cet effet, les juges doivent notamment tenir compte de la situation respective des époux en matière de pensions de retraite ; qu'en énonçant, dès lors, pour fixer à la somme de 20 000 euros la prestation compensatoire due par M. Thierry X... à Mme Bénédicte Z... et pour débouter en conséquence Mme Bénédicte Z... de sa demande tendant à la condamnation de M. Thierry X... à constituer une garantie pour le paiement de la prestation compensatoire, que les droits à retraite de Mme Bénédicte Z... seraient minimes, mais que cela n'avait rien à voir avec la rupture du lien conjugal, la cour d'appel, qui a ainsi refusé de prendre en considération, comme elle le devait, la situation de Mme Bénédicte Z... en matière de pensions de retraite, a violé les dispositions des articles 270 et 271 du code civil ;
ALORS QUE, de seconde part, les juges doivent prendre en compte, pour apprécier le droit d'un époux à une prestation compensatoire et fixer le montant de la prestation compensatoire, la situation de concubinage dans laquelle vit l'un des époux ; qu'en fixant, dès lors, à la somme de 20 000 euros la prestation compensatoire due par M. Thierry X... à Mme Bénédicte Z... et en déboutant en conséquence Mme Bénédicte Z... de sa demande tendant à la condamnation de M. Thierry X... à constituer une garantie pour le paiement de la prestation compensatoire, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme Bénédicte Z... , si M. Thierry X... ne vivait pas dans une situation de concubinage avec une femme avec laquelle il partageait une partie de ses charges courantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 270 et 271 du code civil.