LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 19 mai 2014, la société civile immobilière CMR (la SCI), représentée par son gérant, M. X..., et ce dernier à titre personnel, ont assigné Mme Y... en paiement d'une certaine somme au titre de son compte courant d'associé ;
Attendu que, pour déclarer cette demande irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'abord, que, s'agissant d'un compte courant d'associé débiteur, remboursable à tout moment, son exigibilité est immédiate, ensuite, que celui-ci n'ayant observé aucune opération depuis le 31 décembre 2008, le délai quinquennal était expiré depuis le 31 décembre 2013, pour en déduire que la prescription était acquise lorsque l'assignation a été délivrée ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater la clôture du compte ou une demande de paiement émanant de la SCI, qui aurait entraîné l'exigibilité du compte au 31 décembre 2008, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X... et la SCI CMR
PREMIER MOYEN CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable pour cause de prescription la demande de la SCI CMR ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des pièces produites que pour l'achat de l'immeuble situé [...] , la SCI CMR a souscrit en son nom propre deux crédits auprès de la BNP Paribas, selon acte du 31 juillet 2001 ; QUE pour garantir le remboursement de ces emprunts, M. Patrick X... et Mme Claude Y... ont chacun souscrit, en ce qui le concerne, un contrat d'assurance de groupe garantissant le décès, l'invalidité absolue et définitive, et l'incapacité de travail ; QUE la demande d'affiliation prévoyait expressément que l'affiliation était demandée auprès de l'assurance de groupe souscrit par la BNP qui sera bénéficiaire des sommes assurées en cas de sinistre résultant de décès ou d'invalidité absolue et définitive ; QU'il résulte par ailleurs de la notice du contrat d'assurance que son objet était de garantir l'organisme prêteur, de telle sorte que Mme Claude Y... ne peut prétendre en être la bénéficiaire directe ; QU'à partir de mars 2006, Mme Claude Y... a mis en oeuvre l'assurance groupe en raison de la survenance d'une grave maladie et la SCI CMR a perçu à compter de cette date le montant intégral des échéances sur son compte bancaire ouvert dans les livres de la BNP Paribas, ce qui a permis de couvrir le règlement des échéances mensuelles ; QUE par courrier du 25 octobre 2007, Mme Claude Y... a notifié à M. Patrick X... la fin de leur association et par courrier du même jour a dénoncé le bail la liant à la SCI CMR ; QU'en réponse, par lettre du 11 juillet 2008, M. Patrick X..., gérant de la SCI CMR, a pris acte de la dénonciation du bail mais a demandé à son associée d'assumer la charge de la moitié de l'emprunt souscrit au titre de sa participation aux dette sociales ; QUE néanmoins, M. Patrick X... reconnaît dans ce courrier qu'il était avec Mme Claude Y... co-titulaire d'un bail verbal sans solidarité à l'égard de la SCI CMR ; QU'en raison du congé donné par Mme Claude Y..., il est demeuré seul titulaire de ce contrat et devait donc en supporter la charge financière pour le tout ; QU'il ne peut donc être reproché à Mme Claude Y... de ne pas avoir poursuivi le paiement d'un loyer dont elle n'était plus redevable. QUE ce problème est d'ailleurs totalement distinct de la constitution d'un solde débiteur de son compte d'associé ;
QU'il résulte des comptes de la SCI CMR que Mme Claude Y... a prélevé sur les comptes de la société, 21 871,69 € en 2006, 24 189,55 € en 2007 et 5 846,52 € en 2008 ; QUE ces prélèvements ont été inscrits sur son compte courant d'associé qui présentait au 31 décembre 2008 un solde débiteur de 49 183,85 € ; QU'aucun mouvement n'est intervenu depuis cette date ; QUE par conséquent, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que cette somme représentait la créance de la SCI à l'encontre de Mme Claude Y... au titre du fonctionnement de ladite société ;
QU'il est de jurisprudence constante que le point de départ de la prescription se situe au jour de l'exigibilité de la créance ; que s''agissant d'un compte courant d'associé débiteur remboursable à tout moment, son exigibilité est immédiate ; QUE dès lors que le compte courant d'associé de Mme Claude Y... n'a observé aucune opération depuis le 31 décembre 2008, le délai quinquennal prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce applicable au cas d'espèce, était expiré depuis le 31 décembre 2013 de telle sorte que la prescription était acquise lorsque M. Patrick X... a fait délivrer assignation le 19 mai 2014 ;
ALORS QUE le point de départ du délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; que l'inscription d'une créance en compte courant lui faisant perdre son individualité, seul le solde du compte courant constitue une créance exigible entre les parties ; que ce solde n'est exigible qu'à la clôture du compte courant ; que dès lors, la prescription de l'action en paiement du solde d'un compte courant ne peut courir avant cette clôture ; qu'en jugeant le contraire, pour fixer le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement de M. X... à la date de la dernière remise, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et de l'article 2224 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande M. Patrick X... tendant à la condamnation de Mme Y... à lui payer des dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE M. Patrick X... ne peut justifier d'aucun préjudice direct et personnel résultant pour lui du prélèvement par Mme Claude Y... de diverses sommes sur le compte bancaire de la SCI CMR, qui, seule pourrait invoquer la perte de sa trésorerie ; QUE même s'il a fait des apports en compte courant, rien n'établit qu'il n'aurait pas été en mesure de louer le local délaissé par Mme Claude Y..., ce qui aurait permis de couvrir les frais d'emprunts ; QU'il n'est donc pas démontré un lien direct entre les prélèvements faits par Mme Claude Y... et l'obligation pour M. Patrick X... d'abonder le compte de la SCI ; QUE par conséquent; il sera débouté de sa demande à ce titre et le jugement sera confirmé ;
1- ALORS QUE l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en admettant qu'il ait été possible de louer à un tiers le local loué à Mmes Y... et appartenant à la SCI, M. X... n'était pas tenu de procéder à cette location pour limiter le préjudice résultant pour lui de l'obligation de rembourser le prêt sans bénéfice du versement d'un loyer ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2- ALORS QU'en tout état de cause, la cour d'appel ne pouvait énoncer que Mme Y... avait « délaissé » le local, que son mari aurait ainsi pu relouer, sans s'expliquer sur les circonstances, qui étaient constantes et qu'elle avait elle-même constatées, selon lesquelles Mme X... avait repris son activité à temps partiel en 2008 et n'avait dénoncé le bail qu'en octobre 2007, M. X... n'ayant pris acte de cette dénonciation qu'au mois de juillet 2008, les prélèvements litigieux ayant été opérés entre 2006 et 2008 ; qu'en omettant cette recherche, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.