LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble l'article L. 243-2, alinéa 2, du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte authentique du 29 septembre 2004, dressé par M. X..., notaire associé au sein de la société civile professionnelle X... (le notaire), M. et Mme Y... (les acquéreurs) ont acquis de la société ABCD (le vendeur) un immeuble en l'état futur d'achèvement ; que le vendeur a fait état de la souscription d'une assurance dommages-ouvrage et remis au notaire instrumentaire une attestation d'assurance, laquelle, annexée à l'acte notarié, s'est révélée être un faux ; que le dirigeant de la société ABCD a été déclaré coupable de faux et usage de faux, et condamné à indemniser les acquéreurs ; que ceux-ci ont assigné le notaire en responsabilité civile et indemnisation ;
Attendu que, pour condamner le notaire à indemniser les acquéreurs, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'afin de vérifier la véracité des déclarations du vendeur quant à la souscription des assurances obligatoires, il s'est borné à se faire remettre une attestation de l'assureur prétendu, ayant l'apparence de validité, alors qu'il aurait dû se livrer à des diligences complémentaires pour s'assurer de sa réalité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que de telles diligences ne s'imposaient au notaire qu'en présence d'éléments, qu'elle n'avait pas relevés, de nature à faire naître un doute sur l'existence et l'étendue des assurances obligatoires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SCP notariale à payer aux époux Y... diverses sommes à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 243-2 alinéa 2 du code des assurances, lorsqu'un acte intervenant avant l'expiration du délai de 10 ans prévu par l'article 2270 du code civil a pour effet de transférer la propriété ou la jouissance d'un bien, quelle que soit la nature du contrat destiné à conférer ces droits, mention doit être faite, dans le corps de l'acte ou en annexe de l'existence d'assurance ; que la loi n'impose donc au notaire que la mention de l'existence ou non d'une assurance, cependant, cela ne le dispense pas, dans le cadre de son devoir de conseil, d'assurer l'efficacité de l'acte, ni de son obligation de vigilance l'obligeant à vérifier la réalité et la portée de l'attestation d'assurance produite, obligatoire en l'espèce ; qu'en l'espèce il ressort des écritures des parties et des pièces produites que le notaire s'est contenté de l'attestation d'assurance produite par le vendeur qui avait toutes les apparences d'une attestation valable sans en vérifier l'efficacité ni la réalité, par exemple en téléphonant ou en écrivant à l'agent d'assurance afin de s'assurer que les primes avaient été payées et que l'assurance était bien valable ; qu'il n'a donc pas satisfait à son devoir de conseil ni à son obligation de vigilance et, en ce, a commis une faute contractuelle vis à vis des acheteurs qui ont perdu la chance d'être indemnisé par l'assureur ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le notaire a pour obligation de prendre toutes les précautions lui permettant de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il dresse dont il est le garant ; qu'il sera rappelé que dans ce cadre, le notaire chargé de dresser un acte de vente d'un immeuble de moins de dix ans est tenu par l'article L. 243-2 du code des assurances de faire mention dans le corps de l'acte ou en annexe, de l'existence ou de l'absence d'assurances prévues aux articles L. 241-1 et suivants du même code, celles-ci étant rendues obligatoires par l'article L. 242-1 du même code ; qu'il est constant que le coût important de cette assurance conduit souvent les personnes construisant pour leur propre compte ou pour autrui à ne pas la souscrire ; que c'est pourquoi il incombe au notaire rédacteur de vérifier l'exactitude des déclarations du vendeur ou des attestations qu'il produit, quand bien même celles-ci présenteraient toutes les apparences de sincérité ; que sauf à vider de tout son contenu une stipulation essentielle du contrat et de toute portée son obligation professionnelle, l'officier ministériel doit ainsi s'assurer de la souscription réelle de la garantie, mais également de sa portée et de ce qu'elle est en cours de validité, ce qui implique notamment que les primes aient bien été payées ; que le notaire amené à vérifier tous ces points pourra utilement s'adresser à l'assureur pour se faire délivrer une attestation de l'effectivité de la couverture et une quittance des primes ; que s'il est constant en l'espèce que la SCP Rostowski a reçu l'acte sans disposer d'éléments de nature à faire douter de l'exactitude de l'attestation d'assurance produite, le notaire rédacteur n'en a pas moins manqué à son obligation de vigilance en s'abstenant de vérifier la réalité et la portée de l'assurance souscrite, laquelle, par sa nature et sa portée juridique, et spécialement dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, conditionnait l'efficacité de la vente ; que sa négligence est d'autant plus avérée qu'il n'a pas plus vérifié le paiement effectif des primes ni même sollicité la copie du contrat (conditions générales et particulières), laquelle seule aurait pu le renseigner tant sur l'étendue de la garantie que sur sa durée : que la faute du notaire est ainsi suffisamment établie.
ALORS QUE satisfait à ses obligations le notaire qui vérifie et mentionne l'existence d'un contrat d'assurance couvrant les dommages de nature décennale, en se fondant sur une attestation ferme et précise de garantie établie par l'assureur ; qu'en imputant à faute au notaire de ne pas avoir « vérifi(é) l'efficacité (et) la réalité » de l'assurance dommage ouvrage, bien qu'elle ait constaté que l'attestation d'assurance produite par le vendeur « avait toutes les apparences d'une attestation valable » (arrêt, p. 4, al. 5) et qu' « aucun élément n'était de nature à faire douter de (son) exactitude » (jugement p. 4, al. 2) de sorte que l'officier ministériel était en droit de se fier à sa régularité apparente et n'avait pas l'obligation de vérifier que l'assurance avait effectivement été souscrite et les primes payées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 243-2, alinéa 2, du code des assurances, ensemble l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce.