LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° E 17-12.032 et M 17-24.734 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Bordeaux, 9 septembre 2015 et 24 novembre 2016), rendus sur renvoi après cassation (1re Civ., 8 octobre 2013, pourvoi n° 11-26.600), que la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes, venant aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Nord (la banque), a assigné M. X... en paiement de diverses sommes au titre d'un prêt et d'un découvert en compte bancaire ; que celui-ci a sollicité reconventionnellement l'allocation de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° M 17-24.734, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa contestation des dates de valeur pratiquées par la banque relatives au découvert de son compte bancaire ;
Attendu que le moyen, qui critique un chef de dispositif inexistant, est inopérant ;
Sur le deuxième moyen du même pourvoi, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'expertise ;
Attendu que le moyen, qui critique le rejet de la demande subsidiaire d'expertise relative aux dates de valeur sur lesquelles la cour d'appel n'a pas statué, est inopérant ;
Sur le troisième moyen du même pourvoi, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts contre la banque ;
Attendu que le moyen, qui se heurte à l'appréciation souveraine par les juges du fond de la qualité d'emprunteur averti, n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° E 17-12.032, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque la somme de 37 432,97 euros arrêtée au 28 septembre 2015 ;
Attendu, d'abord, que, le pourvoi n° M 17-24.734 étant rejeté, le grief, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est devenu sans objet ;
Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que le décompte produit par la banque était conforme aux demandes figurant dans les dernières écritures de l'emprunteur, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° E 17-12.032 par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... à payer à la Caisse d'épargne la somme de 37 432,97 euros arrêtée au 28 septembre 2015 ;
Aux motifs qu'en exécution de l'arrêt du 9 septembre 2015, la caisse d'épargne produisait un décompte des sommes dues au titre de la convention de découvert, en déduisant du montant en principal, soit la somme de 47 943,05 euros, montant non contesté par M. X..., les sommes prélevées depuis le 23 février 2000 au titre des agios calculés au taux effectif global et annulés par la cour, soit la somme de 21 959,94 euros et en y substituant les agios calculés au taux d'intérêt légal depuis cette date et en ajoutant les intérêts de retard au taux légal courant à compter de la clôture du compte du 10 mai 2006, soit les sommes respectives de 6 677,04 euros et de 4 772,82 euros ; que dans la mesure où la caisse d'épargne versait aux débats l'ensemble des relevés du compte, objet de la convention de découvert, sur lesquels apparaissait, année par année, le montant trimestriel des agios calculés au taux effectif global, la cour était en mesure de vérifier que le calcul du montant des sommes réclamées après annulation du taux effectif global était conforme aux prescriptions de la cour sans qu'il soit besoin d'un décompte plus précis ; qu'il y avait donc lieu de condamner M. X... à verser à la caisse d'épargne la somme de 37 432,97 euros arrêtée au 28 septembre 2015 outre les intérêts au taux légal postérieurs à cette date et ce, jusqu'au règlement effectif des sommes dues avec capitalisation des intérêts dus par années entières depuis cette même date ;
Alors 1°) que la cassation à intervenir du précédent arrêt du 9 septembre 2015 rendu par la cour d'appel de Bordeaux entraînera, par voie de conséquence, celle du présent arrêt sur le fondement de l'article 625 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que tout jugement doit être motivé ; qu'en s'étant bornée à énoncer être « en mesure de vérifier que le calcul du montant des sommes réclamées après annulation du taux effectif global était conforme aux prescriptions de la cour sans qu'il soit besoin d'un décompte plus précis », la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi n° M 17-24.734 par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant débouté M. X... de sa contestation sur les dates de valeur pratiquées par la banque ;
Aux motifs que M. X..., qui employait d'ailleurs le conditionnel dans son allégation concernant la pratique des dates de valeur illégales, s'en tenait à des considérations générales sans produire la moindre pièce ni le moindre relevé de compte pouvant servir de fondement à ses accusations ; que si la banque avait la charge de la preuve de la licéité des dates de valeur pratiquées, encore était-il nécessaire que le débiteur fournisse un minimum d'éléments de contestation à partir desquels cette preuve pourrait être apportée ; qu'en l'absence de production de ces éléments, la contestation de M. X... au sujet des dates de valeur serait rejetée ;
Alors qu'il appartient au juge de se prononcer sur la licéité des dates de valeur pratiquées par l'établissement bancaire ; qu'en refusant de procéder à la recherche sur ce point que lui avait enjoint de faire la Cour de cassation dans son précédent arrêt du 8 octobre 2013, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 1131 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'expertise formée par M. X... ;
Aux motifs qu'une mesure d'instruction ne pouvait être ordonnée pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;
Alors 1°) qu'il ne peut y avoir carence d'une partie s'agissant de pièces auxquelles elle ne peut avoir accès ; qu'en déboutant M. X... de sa demande d'expertise fondée sur la détention de documents que seule la caisse d'épargne pouvait détenir, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que les juges ne sont souverains pour refuser d'ordonner une expertise que si leurs motifs ne traduisent pas une méconnaissance des règles sur la preuve ; qu'en l'espèce, la charge de la preuve de la créance incombait à la banque, de sorte que la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts contre la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charentes ;
Aux motifs propres que M. X... était exploitant agricole depuis 1979 comme associé de la société familiale et avait constitué en 2001 la A... X... dont il était le gérant ; qu'il disposait d'une expérience de vingt ans dans le domaine des exploitations viticoles et s'était enquis en 2003, auprès de son expert-comptable, du refus de la banque de financer son chai et des plantations, ce qui prouvait son intérêt et sa volonté de participer à la gestion financière de l'entreprise ; qu'il résultait de ces éléments et de ceux retenus par le tribunal que M. X..., loin d'être un profane en la matière, était au contraire un emprunteur averti qui n'hésitait pas à faire connaître et prévaloir ses choix auprès de l'établissement financier ; qu'il ne pouvait donc valablement soutenir que l'établissement financier lui avait imposé ses décisions ; et aux motifs, adoptés du tribunal, que M. X... avait souscrit auprès de la Caisse d'épargne divers prêts, entre 1998 et 2000, pour financer l'exploitation viticole dans laquelle il participait à la gestion ; qu'un courrier adressé par lui le 19 décembre 2003 à un cabinet comptable démontrait que s'il n'avait pas de réel pouvoir décisionnaire puisque minoritaire, il s'intéressait cependant à la gestion de la SCEA familiale puisqu'y mentionnant être le seul à vouloir arrêter cette société ; que lors de la souscription des prêts, il ne pouvait être considéré comme un emprunteur non averti devant être spécialement mis en garde par la banque ;
Alors 1°) que tout professionnel n'est pas nécessairement un emprunteur averti ; qu'en s'étant fondée sur la circonstance que M. X... exerçait la profession d'exploitant agricole depuis 1979 et disposait d'une expérience de vingt ans dans le domaine des exploitations viticoles, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause ;
Alors 2°) que dans la lettre du 19 décembre 2003 sur laquelle les juges se sont fondés, M. X... avait indiqué n'avoir jamais participé à la gestion de la société de famille et être le seul à vouloir l'arrêter, en sa qualité d'associé minoritaire ; qu'en ayant déduit des termes de cette lettre la qualité d'emprunteur averti de M. X..., les juges ont méconnu l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ;
Alors 3°) qu'en ayant déduit des éléments rappelés dans les motifs que M. X... « n'hésitait pas à faire connaître et prévaloir ses choix auprès de l'établissement financier » et qu'il avait ainsi la qualité d'emprunteur averti, sans préciser de quels choix précis il se serait prévalu auprès de la banque ni sur quelle pièce du dossier elle s'est fondée pour procéder à une telle affirmation, quand la seule référence à un courrier du 19 décembre 2003 à l'expert-comptable pour s'enquérir du refus de la banque de signer le chai et les plantations ne aurait à lui seul étayer une telle allégation, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut manifeste de motivation et a violé l'article 455 du code de procédure civile.