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26/06/2018 | FRANCE | N°17-86271

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 juin 2018, 17-86271


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

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M. X... Y...,
M. Aurélien Y...,
La société La Sauvagine,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 25 septembre 2017, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, les a condamnés respectivement à 5 000 euros, 3 000 euros et 5 000 euros d'amende et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 mai 2018 où étaient présents d

ans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Z...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
-
-
M. X... Y...,
M. Aurélien Y...,
La société La Sauvagine,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 25 septembre 2017, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, les a condamnés respectivement à 5 000 euros, 3 000 euros et 5 000 euros d'amende et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Z..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller Z..., les observations de Me A..., avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général B... ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire, commun aux demandeurs, et les observations complémentaire produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 et R. 421-1 et 14 du code de l'urbanisme, 132-1 et 132-20, alinéa 2, du code pénal, et les articles 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme de cette Convention, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt en ce qu'il a déclaré la société La Sauvagine, MM. Aurélien Y... et X... Y... coupables d'avoir exécuté ou fait exécuter des travaux de construction sans avoir obtenu au préalable un permis de construire et les a condamnés au paiement d'amendes et à la remise en état des lieux en leur état antérieur sous astreinte ;

"aux motifs que, sur la culpabilité, les prévenus sont poursuivis pour avoir, en qualité d'utilisateurs du sol, de bénéficiaires ou de responsables de l'exécution de travaux, - exécuté des travaux ou occupé le sol en infraction aux dispositions d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme, et plus particulièrement en ne respectant pas les articles ND 6 et ND 14 du POS et l'article N 2 du PLU, exécuté ou fait exécuter des travaux de construction sans avoir obtenu au préalable un permis de construire en l'espèce en rehaussant la partie sud du bâtiment et en effectuant des travaux portant sur un garage ; qu'à titre liminaire il est relevé que la procédure ne vise que la partie
sud du bâtiment litigieux et le garage à moto ; que par conséquent la cour n'a pas à donner acte aux prévenus de ce qui aurait été fait ou non sur la partie Nord de ce même bâtiment (
) ; que pour ce qui concerne la seconde infraction (défaut de permis de construire), il ne peut être sérieusement contesté que si M. Aurélien Y... avait bien déposé une demande de permis de construire : - une extension de 44 m2 pour la partie habitation (la surface existante déclarée étant de 86 m2) et une extension séparée de 23,76 m2 à usage de garage, les travaux avaient été entrepris bien avant le dépôt de cette demande vu leur avancement le 31 mai 2012, jour du contrôle ; que, de surcroît, cette demande de permis de construire a fait l'objet d'un refus le 5 juillet 2012 ; que M. X... Y... qui a déjà été poursuivi et condamné pour avoir réalisé la partie sud du bâtiment sans permis de construire ne saurait prétendre ignorer la législation pas plus que la société La Sauvagine, propriétaire du bien litigieux et son gérant M. Aurélien Y... puisque celui-ci avait déposé une demande d'autorisation de travaux ; que toutefois, ils ont déposé cette demande alors que les travaux étaient quasiment achevés et alors que de l'aveu de M. X... Y... à l'audience, ces travaux avaient débuté en 2011 puisque c'est lui-même qui les réalise petit à petit ; que les prévenus ont donc entrepris ces travaux en toute illégalité, sans aucune autorisation ; que peu importe qu'un permis de construire ait été accordé ultérieurement, permis qui de surcroît a été retiré par la suite ; que, quelle que soit l'issue de la procédure pendante devant le tribunal administration, l'infraction était, en tout état de cause, constituée le 31 mai 2012 ; que par voie de conséquence, le jugement déféré sera confirmé pour avoir retenu les prévenus dans les liens de la prévention de ce chef ; que sur la peine, le casier judiciaire de M. X... Y... comporte une mention pour des faits de nature identique ; que la gravité des faits, leur nature et la personnalité de M. X... Y... qui ne tient aucun compte des avertissements à lui délivrés par la justice, et ce alors qu'il a été par ailleurs expert près la cour d'appel d'Aix en Provence, justifient de confirmer la peine prononcée à son encontre par les premiers juges ; que les casiers judiciaires de la société La Sauvagine et de M. Aurélien Y... ne comportent pas de mention ; qu'ils ont été condamnés par le tribunal, chacun, à une amende de 3 000 euros avec sursis ; que le jugement sera réformé sur ce point ; que la nature des faits commis, leur gravité et la personnalité des prévenus telle qu'elle ressort de la procédure justifie en effet de condamner la société La Sauvagine à une amende de 5 000 euros, Aurélien Y... à une amende de 3 000 euros ; que sur la mesure de restitution ; que force est de constater qu'en l'état, aucune régularisation de la situation n'apparaît possible ; qu'en effet, le nouveau plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 11 mars 2013 et entré en vigueur le 15 avril 2013, prévoit que l'extension de constructions existantes à la date d'approbation du plan local d'urbanisme est autorisée si la construction a une existence légale, si elle fait plus de 50 m2 de surface de plancher, si l'extension est inférieure à 50 % de la surface existante, si après extension, la surface existant + extension n'excède pas 300m2 d'emprise au sol ; que la légalité de la construction est contestée par la direction départementale des territoires et de la mer qui affirme que le bâtiment litigieux appelé « maison de gardien » est un ancien garage dont la destination a été illégalement modifiée par de précédents propriétaires du bien ; que de ce fait, comme le soutient la direction départementale des territoires et de la mer, ce bâtiment resterait une construction illicite quand bien même l'acte de vente de la propriété à M. X... Y... mentionne « une maison de gardien » et non un garage ; que la cour n'a toutefois eu communication d'aucun élément qui viendrait corroborer les assertions de la direction départementale des territoires et de la mer ; qu'il sera donc supposé, en l'état, que la construction d'origine, telle que vendue à M. X... Y..., était légale ; que la construction faisait plus de 50 m2 ; que M. Aurélien Y... a déclaré qu'elle faisait 86 m2 dans la demande de permis de construire déposée par lui le 22 mai 2012 puis dans la demande déposée le 12 octobre 2012 ; que la surface créée ne pouvait donc excéder la moitié de cette surface soit 43 m² ; qu'or, l'extension de la maison (sans compter le garage de 23,76 m2) est de 44 m² ; qu'il convient de retenir les surfaces dactylographiées apparaissant sur le permis de construire officiel qui a donné lieu à un avis favorable (avant d'être rejeté) qui paraissent plus exactes que celles très curieusement surchargées qui apparaissent sur la demande de permis de construire communiquée à la cour, déclaration sur laquelle la surface initiale de la construction n'est plus de 86 m2 mais de 89 m2 ; qu'en conséquence, le jugement qui a ordonné la remise en état des lieux en leur état antérieur par la démolition des constructions illicites (l'extension de la partie habitation et le garage) sera confirmé sauf à dire, que cette remise en état devra intervenir dans un délai d'un an à compter du jour où la présente décision sera définitive et ce, sous astreinte de 75 euros par jour de retard passé ce délai ;

"1°) alors que, lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation, la délivrance ultérieure d'une autorisation régulière, si elle ne fait pas disparaître l'infraction consommée, fait obstacle à une mesure de démolition ou de remise en état des lieux ; qu'en prononçant la remise en état des lieux en leur état antérieur sous astreinte, aux motifs que la procédure administrative engagée serait indifférente, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;

"2°) alors que le juge qui prononce une mesure de démolition d'un ouvrage doit motiver sa décision et apprécier la nécessité et le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de la personne condamnée ; qu'en l'espèce, il était fait valoir que les travaux de cette résidence principale avait dû être fait en urgence, en l'état d'un bâtiment menaçant ruine ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la surface créée est de 44 m² alors que le plan local d'urbanisme n'autoriserait que 43 m², soit un dépassement seulement d'un m² ; qu'en ordonnant néanmoins une remise en état antérieur, en s'abstenant de rechercher si la démolition de l'ensemble des ouvrages en cause était nécessaire et si elle ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété des demandeurs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en l'espèce, pour condamner la société La Sauvagine et M. Aurélien Y..., la cour d'appel a uniquement retenu, de façon abstraite, que « la nature des faits commis, leur gravité et la personnalité des prévenus telle qu'elle ressort de la procédure justifie en effet de condamner la société La Sauvagine à une amende de 5 000 euros, M. Aurélien Y... à une amende de 3 000 euros ; qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants à justifier le prononcé d'une peine d'amende, la cour d'appel a manqué de base légale ;

"4°) alors qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en condamnant M. X... Y... à une peine de 5 000 euros d'amende aux seuls motifs que la gravité des faits, leur nature et la personnalité de M. X... Y... qui ne tient aucun compte des avertissements à lui délivrés par la justice, et ce alors qu'il a été par ailleurs expert près la cour d'appel d'Aix en Provence, justifient de confirmer la peine prononcée à son encontre par les premiers sans
justifier sa décision au regard des ressources et des charges du prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que MM. X... et Aurélien Y... et la société La Sauvagine ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs d'exécution de travaux sans permis de construire et exécution de travaux en violation du plan local d'urbanisme pour avoir construit sans autorisation une surélévation d'un bâtiment d'une surface de 44 m² et un garage de 23,76 m² ; que les juges du premier degré les ont déclarés coupables ; que les prévenus et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu que, pour ordonner une mesure de restitution, l'arrêt retient que les prévenus n'ont demandé un permis de construire que lorsque les travaux étaient pratiquement achevés, que le permis de construire en régularisation a été retiré et que les recours formés contre cette décision de retrait ont été rejetés par le tribunal administratif et la cour administrative d'appel, qu'un recours est pendant devant le Conseil d'Etat et que la régularisation n'est pas possible eu égard au plan local d'urbanisme ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte qu'aucun recours suspensif n'était intervenu contre la décision de retrait du permis de construire en régularisation, de nature à empêcher le prononcé de la mesure de remise en état, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le grief n'est pas fondé ;
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu qu'est irrecevable, comme nouveau et mélangé de fait, le moyen selon lequel la remise en état des lieux, mesure prononcée en première instance et discutée devant la cour d'appel, porterait une atteinte disproportionnée aux droits garantis par un texte conventionnel ;
D'où il suit que le grief ne peut qu'être écarté ;
Mais sur le moyen, pris en ses deux dernières branches :
Vu l'article 132-20, alinéa 2, du code pénal, ensemble l'article 132-1 du même code et les articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que pour condamner les prévenus à des amendes, l'arrêt énonce que le casier judiciaire de M. X... Y... comporte une mention pour des faits de nature identique, que la gravité des faits, leur nature et la personnalité de M.X... Y..., qui ne tient aucun compte des avertissements à lui délivrés par la justice, et ce alors qu'il a été par ailleurs expert près la cour d'appel d'Aix en Provence, justifient de confirmer la peine prononcée à son encontre par les premiers juges ; que les juges ajoutent que les casiers judiciaires de la SCI La Sauvagine et de M. Aurélien Y... ne comportent pas de mention, qu'ils ont été condamnés par le tribunal, chacun, à une amende de 3 000 euros avec sursis, que la nature des faits commis, leur gravité et la personnalité des prévenus telle qu'elle ressort de la procédure justifie en effet de condamner la SCI La Sauvagine à une amende de 5 000 euros et M. Aurélien Y... à une amende de 3 000 euros ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans s'expliquer sur les ressources et les charges des prévenus qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel ne l'a pas justifiée ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée aux peines, la déclaration de culpabilité et la mesure de remise en état des lieux n'encourant pas la censure ;

Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 25 septembre 2017, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-86271
Date de la décision : 26/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 25 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 jui. 2018, pourvoi n°17-86271


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.86271
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