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26/06/2018 | FRANCE | N°17-85590

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 juin 2018, 17-85590


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Pierre X...,
- La société Laura,

contre un arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-10, en date du 9 mai 2017, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, les a condamnés, chacun, à 1 000 euros d'amende dont 500 euros avec sursis, et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de

procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseil...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Pierre X...,
- La société Laura,

contre un arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-10, en date du 9 mai 2017, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, les a condamnés, chacun, à 1 000 euros d'amende dont 500 euros avec sursis, et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général Z... ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que le 1er juillet 2013, la police municipale de la commune de [...], en Seine-et-Marne, a dressé un procès-verbal à l'encontre de M. Pierre X... , en tant que maître d'ouvrage et gérant d'une société civile propriétaire, après avoir constaté la construction en cours sur un terrain d'environ 10 000 m², d'un chalet d'habitation d'un étage pour laquelle aucune autorisation n'avait été sollicitée et en violation du règlement de la zone naturelle (NA) du plan local d'urbanisme (PLU) et du classement de ces parcelles en espace boisé que le règlement du plan d'occupation des sols (POS) de 2003 mentionnait une zone ND comme soumise aux risques d'inondation sur laquelle étaient situées, au vu du plan cadastral, les parcelles en cause ; qu'un arrêté municipal a été pris le même jour mettant en demeure le propriétaire de faire cesser les travaux notifié en mains propres à M. X... le 8 juillet ; qu'un nouvel arrêté interrruptif de travaux a été pris le 30 septembre 2013 et que le ministère public a engagé des poursuites des chefs de construction sans permis de construire et en méconnaissance du classement des parcelles en zone inondable par le plan d'occupation des sols ; que condamnés en première instance, M. X... et la société Laura ont relevé appel, ainsi que le ministère public ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation :

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 160-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-9, R. 480-4 du code de l'urbanisme, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a ordonné à l'encontre de M. X... et la société Laura la mise en conformité des lieux ou des ouvrages dans un délai de trois mois, une astreinte de 7,00 euros par jour de retard après expiration du délai de trois mois pour mise en conformité des lieux ;

"aux motifs propres que les parcelles de la construction édifiée en cause sont situées en secteur ND du Plan d'occupation des sols secteur naturel à protéger dont une partie est soumise aux risques d'inondation de type B, et en secteur NA classé dans le PLU de la commune de [...] en zone totalement inconstructible ; [
] qu'il n'est pas contesté que le prévenu a édifié une construction, en l'espèce une habitation de 85 m², dans une zone inondable, totalement inconstructible, classée comme telle par le plan local d'urbanisme de la commune de [...] (chapitre 4) et sans solliciter de permis de construire, que ces deux manquements caractérisent les infractions prévues aux articles L. 421-1 et suivants et L. 160-1 et suivants du code de l'urbanisme ; [
] que la préexistence, avérée, lors de l'achat de l'habitation de ce terrain en 2008, d'un chalet à usage d'habitation et d'une éventuelle dalle de garage, ne peuvent justifier ces manquements ; qu'au demeurant il est précisé dans l'acte d'achat que tous les documents relatifs à l'urbanisme ont été mis à disposition de l'acquéreur par le notaire ; qu'il ne pouvait donc être ignoré que le terrain se situait en zone inondable ; que la déclaration de culpabilité à l'égard de M. X... et de la SCI [Laura] représentée par son gérant sera donc confirmée ; [
] que la peine prononcée en première instance, justement appréciée, sera confirmée ; que la situation n'étant pas régularisable et le prévenu s'étant vu notifier à deux reprises un arrêté d'interruption de travaux auquel il n'a pas été donné suite, une astreinte sera prononcée de 7 euros par jour à compter du délai de trois mois ordonnée par les premiers juges pour en conformité des lieux ;

"aux motifs éventuellement adoptés que le PLU prohibe toute construction en zone NA, zone inondable de surcroît ; [
] que l'acte notarié ne mentionne que l'existence du seul pavillon d'habitation ; [
] que même dans l'hypothèse soulevée par la défense d'un bâtiment existant, celui-ci ne pouvait faire l'objet d'une réhabilitation à usage d'habitation qu'après autorisation administrative ainsi que rappelé dans les documents d'urbanisme ; [
] qu'il est constant qu'aucune autorisation d'aucune sorte n'a jamais été seulement sollicitée ; [
] que, quelles que soient les discussions en cours avec les services municipaux, celles-ci ne peuvent aboutir à octroyer des droits impossibles puisque la zone est inondable selon le plan départemental de prévention des risques d'inondations, quand bien même la commune croirait devoir rendre pareille décision, elle ne lierait pas le juge pénal ; qu'en conséquence, la culpabilité tant de la société Laura que de M. X... étant établie et reconnue s'agissant de l'infraction de défaut de permis de construire, et démontrées s'agissant de l'infraction de non-respect du POS / PLU, ils en sont déclarés coupables ; [
] que M. X... n'a pas été condamné au cours des cinq années précédant les faits pour crime ou délit de droit commun aux peines prévues par les articles 132-30, 132-31 et 132-33 du code pénal ; qu'il peut, en conséquence, bénéficier du sursis simple dans les conditions prévues par les articles 132-29 à 132-34 de ce même code ; [
] qu'il résulte des éléments du dossier que les faits reprochés à la société Laura sont établis ; qu'il convient de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation ; [
] que la société Laura n'a pas été condamnée au cours des cinq années précédant les faits pour crime ou délit de droit commun aux peines prévues par les articles 132-30, 132-31 et 132-33 du code pénal ; qu'elle peut, en conséquence, bénéficier du sursis simple dans les conditions prévues par les articles 132-29 à 132-34 de ce même code ;

"alors que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et au respect de son domicile ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, ne pouvait ordonner la remise en état des lieux, par la destruction des constructions édifiées irrégulièrement, sans rechercher si cette mesure ne risquait pas de préjudicier gravement aux intérêts de la famille de M. X..., puisque celui-ci avait acquis le bien tandis qu'une habitation y était déjà édifiée et que ses beaux-parents occupaient l'ancien pavillon, rénové" ;

Attendu que, pour ordonner la remise en état des lieux sous astreinte, l'arrêt énonce que M. X... a fait édifier, pour le compte de la société Laura, propriétaire, une construction, en l'espèce une habitation de 85 m2, dans une zone inondable, totalement inconstructible, classée comme telle par le plan local d'urbanisme de la commune de [...] ( chapitre 4 ) et sans solliciter de permis de construire ; que la préexistence, avérée, lors de l'achat de l'habitation de ce terrain en 2008, d'un chalet à usage d'habitation et d'une éventuelle dalle de garage, ne peuvent justifier ces manquements ; qu'au demeurant il est précisé dans l'acte d'achat que tous les documents relatifs à l'urbanisme ont été mis à disposition de l'acquéreur par le notaire ; qu'il ne pouvait donc être ignoré que le terrain se situait en zone inondable ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire d'investigations en suite d'allégations non circonstanciées des prévenus, et qui a retardé la date d'effet de son ordre de démolir, a établi que la mesure prise ne constituait pas une atteinte disproportionnée à la vie familiale et au domicile, par rapport aux impératifs d'intérêt général des législations de l'urbanisme et de l'environnement et de protection de la sécurité des personnes ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-1, 132-20 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné M. X... et la société Laura, chacun, au paiement d'une amende de 1 000 euros dont 500 euros avec sursis ;

"aux motifs propres que la peine prononcée en première instance, justement appréciée, sera confirmée ;

"aux motifs éventuellement adoptés que M. X... n'a pas été condamné au cours des cinq années précédant les faits pour crime ou délit de droit commun aux peines prévues par les articles 132-30, 132-31 et 132-33 du code pénal ; qu'il peut, en conséquence, bénéficier du sursis simple dans les conditions prévues par les articles 132-29 à 132-34 de ce même code ; [
] que la société Laura n'a pas été condamnée au cours des cinq années précédant les faits pour crime ou délit de droit commun aux peines prévues par les articles 132-30, 132-31 et 132-33 du code pénal ; qu'elle peut, en conséquence, bénéficier du sursis simple dans les conditions prévues par les articles 132-29 à 132-34 de ce même code ;

"alors que le juge qui prononce une peine d'amende doit motiver ce chef de décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de motiver sa décision de condamner M. X... et la société Laura au paiement d'une amende de 1 000 euros dont 500 euros avec sursis, autrement qu'en se fondant sur la seule circonstance, insuffisante, tirée de ce que ces prévenus pouvaient bénéficier du sursis simple" ;

Vu les articles 132-1 et 132-20, alinéa 2, du code pénal, 485 et 512 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ;

Attendu que, pour condamner M. X... et la société Laura, déclarés coupables d'infractions au code de l'urbanisme, à 1 000 euros d'amende partiellement assortie du sursis, l'arrêt énonce que la peine prononcée en première instance, justement appréciée, sera confirmée ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans mieux s'expliquer sur la personnalité du prévenu, ni examiner la situation personnelle ainsi que le montant des ressources et charges de l'intéressé et de la société, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité et les dispositions civiles n'encourent pas la censure ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 9 mai 2017, mais en ses seules dispositions relatives aux amendes, les dispositions sur la culpabilité et sur la remise en état n'encourant pas la censure ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-85590
Date de la décision : 26/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 jui. 2018, pourvoi n°17-85590


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.85590
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