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21/06/2018 | FRANCE | N°17-19863

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 juin 2018, 17-19863


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. Y..., à M. Y... et à la Mutuelle des architectes français (la MAF) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Z..., la société Missions et activités générales de la construction (la société MAGC), M. X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MAGC, et la société civile professionnelle Stutz, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Construction bâtiment Bijou Mohamed (la soc

iété CBBM) ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, quatrième et cinquième b...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. Y..., à M. Y... et à la Mutuelle des architectes français (la MAF) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Z..., la société Missions et activités générales de la construction (la société MAGC), M. X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MAGC, et la société civile professionnelle Stutz, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Construction bâtiment Bijou Mohamed (la société CBBM) ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 6 mars 2017), que M. Y..., assuré auprès de la MAF, a été chargé par la société civile de construction vente Pharaon (la société Pharaon) d'une mission de maîtrise d'oeuvre lors de la construction d'un groupe d'immeubles vendus en l'état futur d'achèvement ; que le bureau d'études Bourdoncle a été chargé d'une mission de structure du gros oeuvre dont le lot a été confié à la société CBBM, tandis que le lot carrelage a été dévolu à M. Z... ; que, dans un second temps, la société Pharaon a confié une mission d'ordonnancement, pilotage et coordination (mission OPC) à la société MAGC ; qu'un procès-verbal de réception avec réserves a été signé le 20 mai 2008 ; que, se plaignant de divers préjudices commerciaux, la société Pharaon a assigné la liquidatrice de la société CBBM, M. Z..., l'assureur du BET Bourdoncle, le liquidateur de M. Y..., celui-ci et la MAF en indemnisation ;

Attendu que M. Y..., son liquidateur judiciaire et la MAF font grief à l'arrêt de déclarer l'architecte responsable, avec le BET Bourdoncle, de l'ensemble des préjudices et de le condamner, avec son assureur, à payer certaines sommes à la société Pharaon ;

Mais attendu qu'ayant retenu, au vu du rapport de l'expert judiciaire, que la société CBBM n'avait ni la dimension, ni l'encadrement, ni les compétences pour mener à bien un chantier de cette importance et que le liquidateur de M. Y... ne produisait pas d'éléments permettant d'infirmer les conclusions du technicien sur le non-respect, par le maître d'oeuvre, de son devoir de conseil dans le choix de l'entreprise et relevé que la piètre qualité des travaux entraînait, à l'exception d'un appartement entièrement refait, un déclassement de tous les logements générant, pour chacun d'eux, la moins-value calculée par l'expert, la cour d'appel, qui n'a pas accordé d'indemnisation forfaitaire, a pu condamner l'architecte et la MAF à indemniser la société Pharaon des préjudices subis dont elle a souverainement apprécié le montant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. Y..., et la Mutuelle des architectes français aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Mutuelle des architectes français et condamne in solidum M. X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. Y..., et la Mutuelle des architectes français à payer une somme globale de 3 000 euros à la société Pharaon ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités, M. Y... et la société Mutuelle des architectes français

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. Y..., avec le BET Bourdoncle, entièrement responsable des préjudices subis par la société Pharaon et d'avoir condamné in solidum Maître X..., mandataire judiciaire de M. Y..., la Mutuelle des Architectes Français et le BET Bourdoncle à payer à cette société les sommes de 89.404,53 € correspondant aux erreurs de superficie, 36,285,17 € au titre des travaux de reprise, 87.404,53 € au titre des frais provoqués par les retards de construction et 108.000 € pour la moins-value des ouvrages vendus, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

Aux motifs que « la SCCV Pharaon fait grief à Michel Y... d'être responsable de son préjudice notamment pour avoir choisi pour le lot gros æuvre l'entreprise CBBM qui n'avait, selon l'expert, « ni la dimension, ni l'encadrement ni les compétences pour ce type de projet, trop important pour elle ou alors avec un encadrement de maîtrise d'æuvre particulièrement vigilant, présent, réactif et compétent » .
Attendu que pour contredire cette appréciation, Maître X... échoue à produire des éléments objectifs tenant à la dimension ou à l'expertise de cette entreprise, à la présence d'un personnel d'encadrement qualifié pour réaliser dans les règles de l'art des travaux de construction similaires à ceux aujourd'hui querellés, voire des références à inscrire à l'actif de ladite entreprise.
Que la seule vérification du fait que l'entreprise CBBM était assurée à la date du 13 janvier 2005 s'avère dès lors inopérante pour infirmer les conclusions de l'expert susvisées, lesquelles sont étayées par un constat d'huissier du 16 mai 2008, les réserves sur les travaux exprimées les 20 mai et 2 juillet 2008 par la SCCV Pharaon décrivant les multiples manquements aux règles de l'art dans l'exécution des travaux et d'une manière générale le retard et la mauvaise qualité de ces derniers.
Que c'est à juste titre que les premiers juges ont donc retenu le caractère fautif du choix de cette entreprise opéré par l'architecte qui ne peut utilement soutenir, faute pour lui de l'avoir déconseillé, qu'un tel choix revenait in fine au maître de l'ouvrage » (arrêt p. 5) ;
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« Que, sur le partage des responsabilités, la SCCV Pharaon reproche au tribunal d'avoir opéré en retenant qu'elle avait concouru à hauteur de 30 % à l'existence de son préjudice, il y a lieu d'observer que les motifs des premiers juges font suite sur ce point à une appréciation de l'expert stigmatisant un manque de rigueur du maître de l'ouvrage à l'égard du maître d'æuvre.
Attendu cependant que la carence de l'architecte et du bureau d'études établie aux termes de l'analyse ci-dessus a porté avant tout un préjudice à la SCCV Pharaon, qui a été sanctionnée pour n'avoir pas livré les appartements à ses clients dans les conditions prévues avec ces derniers.
Que loin de constituer une négligence, son attitude à l'égard de ses partenaires défaillants consistant à tenter de suppléer à leur inertie en ayant notamment recours à la SARL MAGC n'est pas de nature à caractériser une faute de sa part, alors qu'il n'est pas établi en quoi une attitude plus ferme, voire l'engagement d'une procédure judiciaire de dénonciation des contrats, auraient été de nature à minorer son degré de responsabilité comme l'ont retenu les premiers juges qui seront réformés sur ce point ;
Que, sur les erreurs de superficie des appartements que la SCCV Pharaon reproche à Michel Y... d'avoir commises, la somme de 1721,23 euros réclamée en remboursement des frais de publication dont elle a du s'acquitter à la suite de la modification de l'état descriptif des lots et du règlement de copropriété comprenant les surfaces réelles des appartements, différentes de celles mentionnées dans les actes notariés, doit lui être accordée au regard des diligences qu'elle a du accomplir en conséquence.
Attendu que le tribunal a estimé par ailleurs que la SCCV Pharaon ne justifiait pas d'un préjudice financier et notamment de la diminution du prix de vente résultant d'une erreur dans ces superficies, en ce que les actes authentiques de vente des appartements n'étaient pas versés aux débats.
Attendu que la SCCV Pharaon fait valoir que les surfaces réelles sont inférieures à celles indiquées dans les actes notariés et produit un tableau comparatif de ces dernières, duquel il ressort effectivement une différence entre elles, excédant la surface de tolérance de 2 % prévue dans les contrats de vente, observation faite que la jurisprudence dont se prévaut Maître X... (Cass. Civ. 8 juin 2005, n° 04-11.797) ne prévoit nullement qu'en matière de vente en VEFA, le seuil de tolérance serait fixé à 5 %.
Que les calculs opérés par la SCCV Pharaon prenant en compte le prix de vente au m² et la superficie manquante pour chaque appartement permettent de retenir ainsi une somme totale de 83 926,10 euros.
Qu'à cette somme doivent être ajoutées celle de 1721,23 euros énoncée plus haut et celle 3500 euros, montant des frais de refonte de l'état descriptif de division des lots et de modification du règlement de copropriété dont a du s'acquitter la SCCV Pharaon.
Qu'il y a donc lieu de condamner Maître X... es qualités à payer de ce chef une somme totale de (83 926,10 + 3 500 + 1 721,23) = 89.147,23 euros.
Attendu, sur les frais relatifs aux travaux de reprise, que les premiers juges ont retenu que l'expert les avait chiffrés à la somme de 36.285,17 euros par des motifs adoptés par la cour, en sorte que Maître X... es qualités sera condamné au paiement de cette somme de ce chef, et non à celle de 25 399,61 euros calculée en considération de la retenue de 30% réformée au terme de l'analyse ci-dessus.

Attendu, sur la moins value des ouvrages, que l'expert ayant considéré à partir des éléments soumis à son appréciation, tenant notamment à l'aspect général de la résidence ressemblant désormais, du fait de la qualité « basique » des travaux, davantage à un logement social qu'à une résidence de standing, qu'elle devait être calculée selon un forfait dont il a fixé le prix à la somme de 9 000 euros pour chaque appartement.
Que les premiers juges ont correctement observé que cette moins value affectait six appartements et que la SCCV Pharaon ne rapportait pas la preuve de ses prétentions à voir calculer son préjudice de ce chef à une somme de 314 710 euros pour sept autres appartements, puisque le seul document communiqué sur ce point émanait d'elle même, sans qu'il soit établi que ces prix correspondent à ceux effectivement contenus dans des actes authentiques de vente.
Que cette preuve n'est pas davantage rapportée en cause d'appel.
Qu'il convient de constater en conséquence qu'au regard des constatations de l'expert, ces sept appartements restent affectés d'une moins value de 9 000 euros chacun, à l'exception cependant de celui refait par B... Z..., pour lequel aucun acte de vente n'était produit, les premiers juges ont ainsi valablement retenu qu'aucune moins value n'était applicable à ce bien.
Qu'il y a donc lieu de retenir que la moins value affecte 12 appartements et que son montant total se calcule à la somme de (9 000 x 12) = 108 000 euros et d'infirmer les premiers juges sur ce point » (arrêt p. 6 et 7) ;

1/ Alors que la responsabilité de l'architecte dans le choix d'une entreprise proposée au maître d'ouvrage est subordonnée à la preuve d'une faute de sa part ; que cette faute implique que l'architecte disposait d'informations lui permettant de connaître l'incapacité de l'entreprise conseillée pour effectuer les travaux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le liquidateur judiciaire de l'architecte ne produisait pas d'éléments objectifs relatifs aux capacités de l'entreprise CBBM à réaliser les travaux de construction en cause et que cette entreprise n'avait pas l'envergure ni la compétence pour assumer un chantier d'une telle importance ; qu'en statuant par ces seuls motifs, qui ne permettent pas de caractériser une faute, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2/ Alors que le juge doit répondre aux conclusions qui invoquent la faute du maître d'ouvrage ayant contribué à la réalisation de ses préjudices ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, le liquidateur judiciaire de l'architecte et son assureur ont reproché au maître d'ouvrage d'avoir imposé des modifications de plans, ce qu'avait retenu le tribunal ; qu'en écartant toute responsabilité du maître d'ouvrage sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3/ Alors que seule la mention d'une surface habitable approximative est imposée dans l'acte de réservation précédant la vente d'immeuble à construire ; que le vendeur ne peut donc obtenir réparation d'un préjudice tenant à une différence entre les surfaces réelles et les surfaces indiquées dans les actes de vente ; que la cour d'appel a condamné le liquidateur judiciaire de l'architecte et son assureur au paiement de la somme de 89.147,23 € calculée à partir du prix de vente au m² et de la différence entre les surfaces réelles des appartements et les surfaces indiquées dans les actes de vente ; qu'elle a ainsi violé les articles 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et R. 261-25 du code de la construction et de l'habitation ;

4/ Alors que le préjudice ne peut être évalué forfaitairement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que 13 appartements étaient affectés d'une moins value de 9000 € « calculée selon un forfait » (arrêt p. 7 § 1er) ; qu'en condamnant le liquidateur judiciaire de l'architecte et son assureur au paiement de la somme de 108.000 € (9000 € x 13), la cour a violé l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5/ Alors que le maître d'ouvrage doit justifier de l'existence des préjudices allégués, qui doivent être certains ; qu'il résulte des constatations mêmes du tribunal que la réduction de prix a concerné seulement 6 appartements ; qu'en décidant que les 7 autres appartements étaient affectés d'une moins-value de 9000 € chacun et en condamnant le liquidateur judiciaire de l'architecte et son assureur à payer la somme de 63 000 € à ce titre, la cour d'appel a derechef violé l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-19863
Date de la décision : 21/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 06 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 21 jui. 2018, pourvoi n°17-19863


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.19863
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