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21/06/2018 | FRANCE | N°17-18354

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 juin 2018, 17-18354


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 mars 2017), que,
par suite de l'expropriation à son profit d'un local commercial, la société Bordeaux métropole aménagement (BMA) a saisi le juge de l'expropriation en fixation des indemnités revenant à la société BNP Paribas, occupante évincée de ce local ;

Sur le premier moyen, ci après annexé :

Attendu que la société BNP Paribas fait grief à l'arrêt de dire que la société BMA lui a proposé des locaux équivalents à ceux dont

elle est évincée ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la première proposition de l'expropriant...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 mars 2017), que,
par suite de l'expropriation à son profit d'un local commercial, la société Bordeaux métropole aménagement (BMA) a saisi le juge de l'expropriation en fixation des indemnités revenant à la société BNP Paribas, occupante évincée de ce local ;

Sur le premier moyen, ci après annexé :

Attendu que la société BNP Paribas fait grief à l'arrêt de dire que la société BMA lui a proposé des locaux équivalents à ceux dont elle est évincée ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la première proposition de l'expropriant au mois de septembre 2013 portait sur un local situé dans un immeuble déjà bien implanté, dont la banque pouvait consulter les plans et visiter le chantier, et qui a été livré au premier trimestre 2014, la cour d'appel, qui a pu en déduire que ce local, dont il n'était pas soutenu qu'il n'ait pas été disponible à la date du jugement de première instance, existait au jour de l'offre, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen, ci après annexé :

Attendu que la société BNP Paribas fait le même grief à l'arrêt ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'expropriant s'était engagé à ce que les nouveaux baux préservent l'intégralité des droits actuels de la BNP Paribas et, par motifs adoptés, que c'était à tort que celle-ci soutenait que l'emplacement faisant l'objet de la première proposition ne bénéficiait pas de la même commercialité que le local dont elle était évincée, et que le caractère divisible du local proposé permettait à la banque de l'aménager comme elle l'entendait, la cour d'appel, appréciant souverainement l'équivalence matérielle et juridique de ce local, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen, ci après annexé :

Attendu que la société BNP Paribas fait grief à l'arrêt de dire que la société BMA est fondée à lui refuser toute indemnité, à l'exception des indemnités pour frais de déménagement et pour trouble de jouissance ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société BNP Paribas s'était vu offrir un local équivalent à celui dont elle était évincée, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne pouvait lui être alloué d'autre indemnité qu'une indemnité de déménagement et une indemnité compensatrice de sa privation de jouissance ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société BNP Paribas aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir dit que l'expropriant a fait à la société BNP Paribas deux proposions de relogement équivalentes, et d'avoir, en conséquence, dit que BMA était fondée à refuser à la BNP Paribas toute indemnité, exceptés les frais de déménagement sur factures acquittées ainsi qu'une indemnité pour trouble de jouissance de 8.622 € équivalent à deux mois de loyer de l'ancienne agence ;

Aux motifs propres que « Sur l'équivalence de l'offre de relogement.

L'article L322-12 prévoit que l'expropriant peut en lieu et place du paiement de l'indemnité, offrir au commerçant évincé un local équivalent situé dans la même agglomération.

Le local abandonné est un fonds de commerce d'agence bancaire situé [...] . Il est constant que cette agence est située à un emplacement particulièrement privilégié, au centre de [...] dans une rue très passante, à proximité immédiate de la médiathèque, de l'église, de la poste, d'un cinéma, de nombreux autres commerces et d'agences bancaires. L'emplacement est desservi par une ligne de bus et il existe à proximité une station de tramway.

Le local de 408 m2 est réparti sur deux niveaux, 257m2 en rez-de-chaussée et 151m2 au premier étage. La façade est de 19 m/l et donne sur un large trottoir. L'ensemble est dans état d'usage L'expropriant a fait au banquier évincé deux propositions. La seconde proposait un relogement temporaire à proximité dans l'îlot 4 de la zac et un relogement définitif au carrefour de la rue [...] et de la rue de la [...] dans un immeuble qui restait à construire. La première consistait en une installation définitive, rue [...] dans l'îlot 4 de la ZAC, au rez-de-chaussée d'un immeuble en construction qui a été livré au premier trimestre 2014. Les surfaces alors disponibles, modulables et divisibles étaient de 537m2.

Le commerçant évincé ne peut refuser une proposition de relogement équivalent.

Avec ses propositions l'expropriant prétend offrir au banquier la possibilité de poursuivre son exploitation commerciale, à proximité de son ancien emplacement (moins de 150 mètres) dans des locaux neufs qu'il peut agencer à sa guise, situés dans une zone économiquement revitalisée à proximité d'un parking, du tramway et d'une voie piétonne. Enfin, l'expropriant s'engage à ce que les baux qui seront consentis par les nouveaux bailleurs soient équivalents à ceux négociés pour les locaux abandonnés.

La BNP qui a refusé les offres de relogement de l'expropriant, estime quant à elle que les propositions ne sont pas équivalentes pour ne pas être "d'équivalence totale", entendu comme, non seulement de la situation des locaux, de leur consistance, de leurs aménagements, mais également des accès, des commodités offertes, du degré de commercialité et d'achalandage ainsi que la possibilité de reconstitution de la clientèle.

La BNP estime que les deux offres sont inacceptables, car au moment des offres les locaux offerts n'existant pas encore, il lui était impossible d'apprécier leurs conditions d'aménagement, leur accessibilité par les personnes à mobilité réduite et par les convoyeurs de fonds et que concernant l'offre n° 2 elle n'était pas acceptable pour comporter deux déménagements, avec travaux d'aménagement et transfert de clientèle. Elle estime également que les offres l'éloignent de la zone de chalandise et qu'il existe une incertitude sur les "caractères juridiques des locaux proposés".

1.- Sur l'inexistence des locaux proposés.

Si l'implantation définitive dans la deuxième proposition devait se faire dans un immeuble à construire, avant de refuser la proposition, la BNP, si elle avait été de bonne foi, aurait pu au moins demander à consulter les plans. Au demeurant, cette deuxième proposition résultait d'une hypothèse formulée par la BNP qui avait indiqué accepter un relogement temporaire si celui-ci lui permettait à terme de revenir sur la place [...]. Quant à la première proposition, au mois de septembre 2013, l'immeuble dans lequel était projetée l'installation de l'agence bancaire qui a été livré au premier trimestre 2014 était déjà bien implanté et la BNP pouvait non seulement consulter les plans mais également visiter le chantier.

2. - Sur la localisation rue [...] ou au carrefour de la rue [...] et de la rue de la [...].

La banque reproche à ces situations une installation dans un secteur actuellement encore à faible commercialité avec une absence de visibilité et d'accessibilité sur la place [...]; où se trouve installés ses concurrents directs. A titre d'illustration de cette faible commercialité elle produit un reportage photographique (pièce 14) qui aurait été effectué en mars 2016. On notera que la commercialité du secteur ne peut s'apprécier sur la seule vue du reportage communiqué qui révèle, par ailleurs, un quartier désert aussi bien rue de la [...] qu'avenue de l'[...], où se trouvait implantée l'agence BNP, ou encore place [...], l'espace tant convoité. La preuve de l'absence de commercialité du secteur proposé pour le relogement n'est pas établie.

3. La proposition de l'expropriant de laisser un DAB BNP sur la place [...] serait une preuve supplémentaire de la différence de commercialité entre les deux secteurs, sauf qu'il ne s'agit pas d'une offre de l'expropriant, mais d'une exigence de la banque au cours des négociations sur le relogement que l'expropriant s'était engagé à satisfaire. Il ne peut être tiré aucun argument décisif de ce fait.

4- le manque de place de stationnements. Indépendamment du fait que le programme d'aménagement comprend la création de parkings publics, compte tenu de l'éloignement tout relatif de l'agence initiale des propositions de relogement (une centaine de mètre), les problématiques de stationnement qui sont celles du centre-ville de [...] concernent de la même manière l'avenue de l' [...] et la rue [...].

5.-la clientèle de la BNP. L'expropriant a pu indiquer, sans être démenti, qu'il tenait du directeur de l'agence que l'essentiel de sa clientèle était professionnelle et qu'elle se situait, non seulement sur [...], mais également sur les communes limitrophes. Dans cette hypothèse, l'importance d'une présence sur la place [...] reste à démontrer. De plus, la clientèle privée d'une banque est largement captive et le déplacement de 'son agence" de moins de 200 mètres, hypothèses de l'espèce, ne peuvent la décider à changer d'enseigne.

6.- les caractères juridiques des locaux proposés. La BNP ne peut tirer aucun argument du fait qu'on ne lui a pas communiqué les baux qui lui auraient été proposés dans l'hypothèse d'un relogement, alors que l'expropriant s'est engagé par écrit à ce que les nouveaux baux reprennent les dispositions négociées dans l'ancien ( .. .ils préserveront l'intégralité de vos droits actuels.. la durée du bail, l'objet des activités exercées ainsi que les clauses contractuelles que vous aviez pu négocier avec M. Z... seront maintenues - courrier BMA / BNP du 28 novembre 2013).

7. - L'accessibilité de la rue [...] aux transporteurs de fonds. On peut douter de la pertinence de cette argumentation alors que l'expropriant explique, sans être démenti encore une fois, qu'une société de transport de fonds a pour client le supermarché établi rue [...], en face des locaux de remplacement proposés dans la solution 1 et on ajoutera que si la BNP avait quelque doute à cet égard, il lui était loisible de s'en inquiéter auprès de l'aménageur avant de refuser sa proposition ou de fournir une attestation d'une société de transport de fonds justifiant de l'impossibilité pour elle de s'arrêter rue [...].

8.- L'accessibilité ERP. Les implantations proposées devant se faire dans des bâtiments neufs, les normes d'accessibilité pour les commerces sont nécessairement inscrites dans les programmes. Cet argument pour justifier du rejet des propositions n'est pas très sérieux.

En définitive, comme le soutient l'expropriant, les solutions de relogement proposées, rejetées sans véritable examen, et qui n'ont pas été autrement contestées que comme il a été discuté ci-avant, et non pas sur les aménagements spécifiques liés à l'activité bancaire, sont bien équivalentes au sens des dispositions des articles L 314-2 et L 314-5 du code de l'urbanisme »,

Et aux motifs adoptés que « sur l'équivalence des locaux proposés

Selon l'article L 322-12 du Code de l'Expropriation, l'expropriant peut se soustraire au paiement de l'indemnité en offrant au commerçant évincé un local équivalent situé dans la même agglomération. La notion d'équivalence doit s'entendre non seulement de la situation des locaux, de leur consistance et de leurs agencements mais également des accès, des commodités offertes, du degré de commercialité et d'achalandage ainsi que de la possibilité de reconstitution de clientèle. L'offre de relogement faite par l'expropriant, dès lors qu'elle porte bien sur un local équivalent, ne constitue pas une simple proposition au regard de laquelle l'exproprié conserverait une entière liberté de choix. Le commerçant ne peut refuser une telle offre (cf. Cass. Civ 3ème, 28 février 1996, n° 95-70005).

En l'espèce, le premier local proposé par BMA était situé dans l'îlot 4 de la ZAC Rue [...] (Résidence l'Essentiel). Il s'agissait d'un immeuble pouvant soit être acheté soit être loué en cours de construction par la société PICHET. Il a été livré au premier trimestre 2014. Ce local, visité par le Juge de l'Expropriation au cours d'un autre transport, était d'une taille largement suffisante puisque d'une superficie totale disponible de 537 m2 il avait en outre l'avantage d'être divisible. La BNP PARIBAS avait donc la possibilité de l'aménager comme elle l'entendait. C'est à tort que cette banque soutient que ce site ne bénéficierait pas de la de la même commercialité. En effet, la rue [...] n'est qu'à 150 mètres de la Place [...] et aussi proche du tramway. Elle est en train de devenir le centre d'une nouvelle zone piétonne. En outre, cette rue va bénéficier de la création d'un parc de stationnement souterrain et il est prévu que le marché se déploie jusqu'à la Place de la [...]. La clientèle habituelle de l'agence n'aurait donc guère été perturbée. Enfin, BMA a proposé à BNP PARIBAS de conserver, pour sa clientèle occasionnelle, un GAB sur l'Avenue de l'[...] soit au pied de la Place [...], Cette première offre était satisfactoire. L'attractivité de ce site s'est d'ailleurs depuis confirmée par l'implantation d'une pizzeria et d'un cabinet ophtalmologique.

BMA a aussi proposé à BNP P ARIBAS de se reloger temporairement dans ce même emplacement de l'îlot 4, pendant les travaux de l'îlot 2 où est située l'actuelle agence, puis de retourner dans cet îlot 2 à l'angle de la Rue [...] et de la Rue de la [...]. Ce second emplacement, aussi proche et accompagné de la même proposition de conserver un GAB donnant sur la Place [...], était également équivalente. Le grand groupe qu'est BNP PARIBAS disposait des moyens humains et financiers pour concevoir une telle relocalisation dans un délai compatible avec l'expropriation en cours.

S'agissant de l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et aux convoyeurs de fonds, ce soi-disant problème apparaît bien tardivement soulevé. Il était en tout état de cause facile à régler s'agissant de locaux neufs et modulables.

Les refus de BNP PARIBAS n'ont jamais été motivés en raison d'un loyer trop élevé. Cette question n'est donc manifestement pas centrale.

Il sera retenu que l'expropriant a proposé à l'expropriée deux locaux lui permettant de poursuivre son activité dans des conditions suffisamment comparables à celles dont elle bénéficie au sein de son actuel fonds de commerce. Partant, l'indemnisation devant revenir à BNP PARIBAS sera appréciée non pas en fonction de la perte de son fonds de commerce mais seulement à l'aune de ce qu'elle aurait déboursé pour se réinstaller dans les locaux jugés équivalents.»,

1°/ Alors que l'expropriant ne peut se soustraire au paiement d'une indemnité principale d'expropriation qu'en offrant au commerçant évincé un local équivalent situé dans la même agglomération ; qu'à cette fin, l'expropriant doit proposer un local équivalent qui existe et qui peut ainsi être mis à la disposition de l'exproprié au jour où l'offre lui est notifiée par l'expropriant ; qu'en l'espèce, il résulte des motifs propres et adoptés de la cour que les locaux proposés par BMA à la société BNP Paribas n'existaient pas lorsque l'expropriant lui a notifié son offre le 10 septembre 2013, puisque le local objet de la première proposition était en cours de réalisation avec une livraison prévisible « au premier trimestre 2014» et que le local objet de la seconde proposition se situait « dans un immeuble à construire » ; qu'en considérant néanmoins que BMA avait offert à BNP Paribas des locaux équivalents lui permettant de se soustraire au paiement d'une indemnité d'expropriation, la cour a violé les articles L. 311-4 et L. 322-12 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

2°/ Alors, subsidiairement, que, l'expropriant ne peut se soustraire au paiement d'une indemnité principale d'expropriation qu'en offrant au commerçant évincé un local équivalent situé dans la même agglomération ; qu'à cette fin, l'expropriant doit non seulement proposer un local équivalent existant au jour de son offre, mais encore un local existant et disponible au jour de la décision de première instance, date à laquelle est évaluée l'indemnité d'expropriation ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (Cf. conclusions récapitulatives du 6 décembre 2016, p. 8), si, en tout état de cause, les locaux proposés par BMA étaient disponibles au jour de la décision de première instance, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 322-2 et L. 322-12 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir dit que l'expropriant a fait à la société BNP Paribas deux proposions de relogement équivalentes, et d'avoir, en conséquence, dit que BMA était fondée à refuser à la BNP Paribas toute indemnité, exceptés les frais de déménagement sur factures acquittées ainsi qu'une indemnité pour trouble de jouissance de 8.622 € équivalent à deux mois de loyer de l'ancienne agence ;

Aux motifs propres que « Sur l'équivalence de l'offre de relogement.

L'article L322-12 prévoit que l'expropriant peut en lieu et place du paiement de l'indemnité, offrir au commerçant évincé un local équivalent situé dans la même agglomération.

Le local abandonné est un fonds de commerce d'agence bancaire situé [...] . Il est constant que cette agence est située à un emplacement particulièrement privilégié, au centre de [...] dans une rue très passante, à proximité immédiate de la médiathèque, de l'église, de la poste, d'un cinéma, de nombreux autres commerces et d'agences bancaires. L'emplacement est desservi par une ligne de bus et il existe à proximité une station de tramway.

Le local de 408 m2 est réparti sur deux niveaux, 257m2 en rez-de-chaussée et 151m2 au premier étage. La façade est de 19 m/l et donne sur un large trottoir. L'ensemble est dans état d'usage L'expropriant a fait au banquier évincé deux propositions. La seconde proposait un relogement temporaire à proximité dans l'îlot 4 de la zac et un relogement définitif au carrefour de la rue [...] et de la rue de la [...] dans un immeuble qui restait à construire. La première consistait en une installation définitive, rue [...] dans l'îlot 4 de la ZAC, au rez-de-chaussée d'un immeuble en construction qui a été livré au premier trimestre 2014. Les surfaces alors disponibles, modulables et divisibles étaient de 537m2.

Le commerçant évincé ne peut refuser une proposition de relogement équivalent.

Avec ses propositions l'expropriant prétend offrir au banquier la possibilité de poursuivre son exploitation commerciale, à proximité de son ancien emplacement (moins de 150 mètres) dans des locaux neufs qu'il peut agencer à sa guise, situés dans une zone économiquement revitalisée à proximité d'un parking, du tramway et d'une voie piétonne. Enfin, l'expropriant s'engage à ce que les baux qui seront consentis par les nouveaux bailleurs soient équivalents à ceux négociés pour les locaux abandonnés.

La BNP qui a refusé les offres de relogement de l'expropriant, estime quant à elle que les propositions ne sont pas équivalentes pour ne pas être "d'équivalence totale", entendu comme, non seulement de la situation des locaux, de leur consistance, de leurs aménagements, mais également des accès, des commodités offertes, du degré de commercialité et d'achalandage ainsi que la possibilité de reconstitution de la clientèle.

La BNP estime que les deux offres sont inacceptables, car au moment des offres les locaux offerts n'existant pas encore, il lui était impossible d'apprécier leurs conditions d'aménagement, leur accessibilité par les personnes à mobilité réduite et par les convoyeurs de fonds et que concernant l'offre n° 2 elle n'était pas acceptable pour comporter deux déménagements, avec travaux d'aménagement et transfert de clientèle. Elle estime également que les offres l'éloignent de la zone de chalandise et qu'il existe une incertitude sur les "caractères juridiques des locaux proposés".

1.- Sur l'inexistence des locaux proposés.

Si l'implantation définitive dans la deuxième proposition devait se faire dans un immeuble à construire, avant de refuser la proposition, la BNP, si elle avait été de bonne foi, aurait pu au moins demander à consulter les plans. Au demeurant, cette deuxième proposition résultait d'une hypothèse formulée par la BNP qui avait indiqué accepter un relogement temporaire si celui-ci lui permettait à terme de revenir sur la place [...]. Quant à la première proposition, au mois de septembre 2013, l'immeuble dans lequel était projetée l'installation de l'agence bancaire qui a été livré au premier trimestre 2014 était déjà bien implanté et la BNP pouvait non seulement consulter les plans mais également visiter le chantier.

2. - Sur la localisation rue [...] ou au carrefour de la rue [...] et de la rue de la [...].

La banque reproche à ces situations une installation dans un secteur actuellement encore à faible commercialité avec une absence de visibilité et d'accessibilité sur la place [...]; où se trouve installés ses concurrents directs. A titre d'illustration de cette faible commercialité elle produit un reportage photographique (pièce 14) qui aurait été effectué en mars 2016. On notera que la commercialité du secteur ne peut s'apprécier sur la seule vue du reportage communiqué qui révèle, par ailleurs, un quartier désert aussi bien rue de la [...] qu'avenue de l'[...], où se trouvait implantée l'agence BNP, ou encore place [...], l'espace tant convoité. La preuve de l'absence de commercialité du secteur proposé pour le relogement n'est pas établie.

3. La proposition de l'expropriant de laisser un DAB BNP sur la place [...] serait une preuve supplémentaire de la différence de commercialité entre les deux secteurs, sauf qu'il ne s'agit pas d'une offre de l'expropriant, mais d'une exigence de la banque au cours des négociations sur le relogement que l'expropriant s'était engagé à satisfaire. Il ne peut être tiré aucun argument décisif de ce fait.

4- le manque de place de stationnements. Indépendamment du fait que le programme d'aménagement comprend la création de parkings publics, compte tenu de l'éloignement tout relatif de l'agence initiale des propositions de relogement (une centaine de mètre), les problématiques de stationnement qui sont celles du centre-ville de [...] concernent de la même manière l'avenue de l' [...] et la rue [...].

5.-la clientèle de la BNP. L'expropriant a pu indiquer, sans être démenti, qu'il tenait du directeur de l'agence que l'essentiel de sa clientèle était professionnelle et qu'elle se situait, non seulement sur [...], mais également sur les communes limitrophes. Dans cette hypothèse, l'importance d'une présence sur la place [...] reste à démontrer. De plus, la clientèle privée d'une banque est largement captive et le déplacement de 'son agence" de moins de 200 mètres, hypothèses de l'espèce, ne peuvent la décider à changer d'enseigne.

6.- les caractères juridiques des locaux proposés. La BNP ne peut tirer aucun argument du fait qu'on ne lui a pas communiqué les baux qui lui auraient été proposés dans l'hypothèse d'un relogement, alors que l'expropriant s'est engagé par écrit à ce que les nouveaux baux reprennent les dispositions négociées dans l'ancien ( .. .ils préserveront l'intégralité de vos droits actuels.. la durée du bail, l'objet des activités exercées ainsi que les clauses contractuelles que vous aviez pu négocier avec M. Z... seront maintenues - courrier BMA / BNP du 28 novembre 2013).

7. - L'accessibilité de la rue [...] aux transporteurs de fonds. On peut douter de la pertinence de cette argumentation alors que l'expropriant explique, sans être démenti encore une fois, qu'une société de transport de fonds a pour client le supermarché établi rue [...], en face des locaux de remplacement proposés dans la solution 1 et on ajoutera que si la BNP avait quelque doute à cet égard, il lui était loisible de s'en inquiéter auprès de l'aménageur avant de refuser sa proposition ou de fournir une attestation d'une société de transport de fonds justifiant de l'impossibilité pour elle de s'arrêter rue [...].

8.- L'accessibilité ERP. Les implantations proposées devant se faire dans des bâtiments neufs, les normes d'accessibilité pour les commerces sont nécessairement inscrites dans les programmes. Cet argument pour justifier du rejet des propositions n'est pas très sérieux.

En définitive, comme le soutient l'expropriant, les solutions de relogement proposées, rejetées sans véritable examen, et qui n'ont pas été autrement contestées que comme il a été discuté ci-avant, et non pas sur les aménagements spécifiques liés à l'activité bancaire, sont bien équivalentes au sens des dispositions des articles L 314-2 et L 314-5 du code de l'urbanisme»

Et aux motifs adoptés que « sur l'équivalence des locaux proposés

Selon l'article L 322-12 du Code de l'Expropriation, l'expropriant peut se soustraire au paiement de l'indemnité en offrant au commerçant évincé un local équivalent situé dans la même agglomération. La notion d'équivalence doit s'entendre non seulement de la situation des locaux, de leur consistance et de leurs agencements mais également des accès, des commodités offertes, du degré de commercialité et d'achalandage ainsi que de la possibilité de reconstitution de clientèle. L'offre de relogement faite par l'expropriant, dès lors qu'elle porte bien sur un local équivalent, ne constitue pas une simple proposition au regard de laquelle l'exproprié conserverait une entière liberté de choix. Le commerçant ne peut refuser une telle offre (cf. Cass. Civ 3ème, 28 février 1996, n° 95-70005).

En l'espèce, le premier local proposé par BMA était situé dans l'îlot 4 de la ZAC Rue [...] (Résidence l'Essentiel). Il s'agissait d'un immeuble pouvant soit être acheté soit être loué en cours de construction par la société PICHET. Il a été livré au premier trimestre 2014. Ce local, visité par le Juge de l'Expropriation au cours d'un autre transport, était d'une taille largement suffisante puisque d'une superficie totale disponible de 537 m2 il avait en outre l'avantage d'être divisible. La BNP PARIBAS avait donc la possibilité de l'aménager comme elle l'entendait. C'est à tort que cette banque soutient que ce site ne bénéficierait pas de la de la même commercialité. En effet, la rue [...] n'est qu'à 150 mètres de la Place [...] et aussi proche du tramway. Elle est en train de devenir le centre d'une nouvelle zone piétonne. En outre, cette rue va bénéficier de la création d'un parc de stationnement souterrain et il est prévu que le marché se déploie jusqu'à la Place de la [...]. La clientèle habituelle de l'agence n'aurait donc guère été perturbée. Enfin, BMA a proposé à BNP PARIBAS de conserver, pour sa clientèle occasionnelle, un GAB sur l'Avenue de l'[...] soit au pied de la Place [...], Cette première offre était satisfactoire. L'attractivité de ce site s'est d'ailleurs depuis confirmée par l'implantation d'une pizzeria et d'un cabinet ophtalmologique.

BMA a aussi proposé à BNP PARIBAS de se reloger temporairement dans ce même emplacement de l'îlot 4, pendant les travaux de l'îlot 2 où est située l'actuelle agence, puis de retourner dans cet îlot 2 à l'angle de la Rue [...] et de la Rue de la [...]. Ce second emplacement, aussi proche et accompagné de la même proposition de conserver un GAB donnant sur la Place [...], était également équivalente. Le grand groupe qu'est BNP PARIBAS disposait des moyens humains et financiers pour concevoir une telle relocalisation dans un délai compatible avec l'expropriation en cours.

S'agissant de l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et aux convoyeurs de fonds, ce soi-disant problème apparaît bien tardivement soulevé. Il était en tout état de cause facile à régler s'agissant de locaux neufs et modulables.

Les refus de BNP PARIBAS n'ont jamais été motivés en raison d'un loyer trop élevé. Cette question n'est donc manifestement pas centrale.

Il sera retenu que l'expropriant a proposé à l'expropriée deux locaux lui permettant de poursuivre son activité dans des conditions suffisamment comparables à celles dont elle bénéficie au sein de son actuel fonds de commerce. Partant, l'indemnisation devant revenir à BNP PARIBAS sera appréciée non pas en fonction de la perte de son fonds de commerce mais seulement à l'aune de ce qu'elle aurait déboursé pour se réinstaller dans les locaux jugés équivalents »,

1°/ Alors que l'expropriant ne peut se soustraire au paiement d'une indemnité principale d'expropriation qu'en offrant au commerçant évincé un local équivalent situé dans la même agglomération, de nature à lui permettre de se réinstaller dans des conditions similaires à celles dont il bénéficiait antérieurement ; que l'équivalence s'apprécie au regard notamment de la nature du bail et du montant du loyer de ce local comparés à celui du local exproprié ; qu'en l'espèce, la société BNP Paribas a exploité son fonds de commerce dans l'immeuble exproprié situé [...] en vertu de deux baux commerciaux distincts, l'un conclu avec la SCI Bernier etamp; Fils, l'autre conclu avec Monsieur Z... ; qu'en estimant que chacun des deux locaux proposés par BMA était équivalent à celui exproprié en se bornant à constater que la société BMA s'était engagée à ce que le nouveau bail reprenne les «dispositions négociées dans l'ancien» bail conclu « avec Monsieur Z... », sans rechercher comme elle y était invitée, s'il reprendrait également les dispositions négociées dans l'ancien bail conclu avec la SCI Bernier etamp; Fils, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 322-12 du code de l'expropriation ;

2°/ Alors que l'expropriant ne peut se soustraire au paiement d'une indemnité principale d'expropriation qu'en offrant au commerçant évincé un local équivalent situé dans la même agglomération, de nature à lui permettre de se réinstaller dans des conditions similaires à celles dont il bénéficiait antérieurement ; que l'équivalence s'apprécie au regard notamment du degré de commercialité et d'achalandage de l'emplacement de ce local comparé à celui exproprié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le local initial situé [...] bénéficiait d' « un emplacement particulièrement privilégié, au centre de [...], dans une rue très passante, à proximité immédiate de la médiathèque, de l'église, de la poste, d'un cinéma, de nombreux autres commerces et d'agences bancaires » ; qu'en considérant néanmoins que les locaux proposés étaient équivalents à celui exproprié, au motif propre inopérant que « l'absence de commercialité » des emplacements proposés n'était pas établie et au motif adopté que les locaux proposés se situaient dans un quartier « en train de devenir le centre d'une nouvelle zone piétonne, quand il appartenait à la cour de rechercher si ces emplacements, à l'instar de celui exproprié, étaient particulièrement et d'ores et déjà privilégiés, la cour a violé l'article L. 322-12 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

3°/ Alors que l'expropriant ne peut se soustraire au paiement d'une indemnité principale d'expropriation qu'en offrant au commerçant évincé un local équivalent situé dans la même agglomération, de nature à lui permettre de se réinstaller dans des conditions similaires à celles dont il bénéficiait antérieurement ; que l'équivalence du local s'apprécie au regard notamment de l'agencement et des commodités offertes de ce local, comparés à celui exproprié ; qu'en l'espèce, la cour a constaté, par motifs adoptés des premiers juges, que les locaux proposés étaient neufs et que dès lors qu'ils étaient livrés brut de décoffrage, la société BNP Paribas « pouvait l'aménager comme elle l'entendait » ce qui supposait un agencement moyennant d'importants travaux ; qu'en considérant que les locaux proposés non aménagés étaient équivalents au local exproprié qui était aménagé, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 322-12 du code de l'expropriation.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir dit que Bordeaux Métropole était fondée à refuser à la BNP Paris toute indemnité, sous réserve des frais de déménagement sur factures acquittées et d'une indemnité pour trouble de jouissance à deux mois de loyer de l'ancienne agence, soit 8.622 euros ;

Aux motifs qu' « en application des dispositions de l'article L. 322-12 [(
)
Toutefois, l'expropriant peut, au lieu et place du paiement de l'indemnité, offrir au commerçant (
) évincé un local équivalent situé dans la même agglomération. Dans ce cas, il peut être alloué au locataire, outre l'indemnité de déménagement, une indemnité compensatrice de sa privation de jouissance] dès lors que la banque a refusé les propositions relogement qui lui ont été faites, l'expropriant est en droit de rejeter toute demande d'indemnité, à l'exception de l'indemnité de déménagement, sur devis accepté, et une indemnité pour trouble de jouissance correspondant, comme il est d'usage en l'absence de circonstances particulières, à deux mois de loyer » ,

Alors qu'aux termes de l'article L. 322-12 du code de l'expropriation, lorsque l'expropriant a offert au commerçant évincé un local équivalent à celui exproprié, il peut être alloué au locataire exproprié « outre une indemnité déménagement, une indemnité compensatrice de sa privation de jouissance » ; que l'article n'exclut toutefois pas d'autres indemnités accessoires telles l'indemnisation des frais d'agencement du nouvel local ; qu'en refusant néanmoins d'indemniser l'exposante des frais de travaux qu'elle sollicitait en infirmant le jugement de première instance sur ce point, motif prix d'une offre de local équivalent, la cour a violé l'article L. 322-12 du code de l'expropriation.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-18354
Date de la décision : 21/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 22 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 21 jui. 2018, pourvoi n°17-18354


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18354
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