La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2018 | FRANCE | N°18-81773

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 juin 2018, 18-81773


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Franck X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AGEN, en date du 8 mars 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de complicité de vol avec arme, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 juin 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procÃ

©dure pénale : M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. Castel, conseille...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Franck X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AGEN, en date du 8 mars 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de complicité de vol avec arme, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 juin 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller GUÉRY, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire, des articles 137, 137-3, 143-1, 144, 144-1, 145-2, 145-3, du code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance portant prolongation de la détention provisoire du demandeur et dit que ce dernier restera détenu jusqu'à ce qu'il en soit autrement décidé ;

"aux motifs qu' il résulte de ce qui précède qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne mise en examen a, nonobstant ses dénégations, pu commettre les faits pour lesquels elle est poursuivie ; qu'en effet, M. Franck X... est mis en cause pour avoir participé en tant que complice, au vol avec arme au Casino de [...], par l'analyse comparative de sa téléphonie avec celle de deux co-mis en examen, par la découverte, caché dans le jardin de son domicile, d'un fusil présentant de fortes similitudes avec celui utilisé par l'un des auteurs du vol avec arme , modèle ancien du début du XXème siècle, canons longs et fins, bretelle déformée en cuir et par les déclarations en garde à vue de M. Benjamin D... en présence de son avocat, depuis largement rétractées, mais précises et détaillées et qui se sont trouvées confirmées par les investigations ultérieures des gendarmes ; que les faits poursuivis sont d'une particulière gravité, s'agissant d'une attaque de nature crapuleuse commise de nuit, dans un établissement de jeux en présence de clients, par trois individus masqués et armés, assistés de complices dans la préparation et la perpétration de l'acte ; ces faits, intolérables dans toute société civilisée, heurtent au plus haut point la conscience publique, génèrent un sentiment d'insécurité durable dans la population et portent profondément atteinte à la paix sociale ; dès lors, ces faits causent un trouble à l'ordre public à caractère exceptionnel qui persiste ; que si les déclarations des personnes mises en examen sont désormais rapprochées après les dernières interrogations et confrontations, demeurent leur caractère évolutif et des divergences, notamment s'agissant des contacts entre les téléphones de MM. E... , Armin A... et X..., justifiant toujours que celui-ci soit empêché de se concerter avec les co-mis en examen, les garanties de représentation dont il justifie, hébergement et emploi, étant inefficaces à cet égard ; que ni les contraintes d'un contrôle judiciaire ni celles d'une assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettraient de prévenir avec certitude les risques énoncés plus haut ; en effet, ces mesures qu'elles qu'en soient les modalités, ne présentent pas un degré de coercition suffisant pour atteindre ces finalités et ne permettraient pas de faire obstacle à une concertation en raison des moyens de communication à distance ; qu'elles sont en outre inadaptées à faire cesser le trouble à l'ordre public ; que dès lors qu'au regard des éléments ci-dessus spécifiés, la détention provisoire constitue le moyen indispensable de parvenir aux objectifs ci-après énumérés, alors que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique de par les fonctions définies à l'article 137 du code de procédure pénale : - mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, - empêcher une concertation frauduleuse entre le mis en examen et les co-auteurs ou complices ; que compte tenu de la complexité et de la multiplicité des investigations nécessaires, s'agissant de faits criminels de vol avec arme, complicité de vol avec arme, recel de vol avec arme, reprochés à sept personnes mises en examen, dont les déclarations évolutives ont engendré de nombreuses vérifications de tous ordre, l'incarcération du demandeur n'a pas excédé une durée raisonnable, que la poursuite de l'information est justifiée par l'exécution d'une mesure d'expertise ; que le délai prévisible d'achèvement de la procédure peut être fixé à quatre mois ;

"1°) alors que le motif tiré de la nécessité de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction ou les circonstances de sa commission, ne peut, au bout d'un certain temps, justifier le maintien en détention provisoire ; qu'en affirmant qu'eu égard à la « particulière gravité » des faits poursuivis qui sont « intolérables dans toute société civilisée » et « heurtent au plus haut point la conscience publique », la détention provisoire constitue en l'espèce le moyen « indispensable » pour mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, cependant qu'elle statuait deux ans et huit mois après la commission des faits et plus d'un an après le placement en détention provisoire du demandeur, ce dont il ressortait que le motif tiré de la nécessité de mettre fin au trouble exceptionnel à l'ordre public ne pouvait plus justifier le maintien de cette mesure, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que le motif tiré de la nécessité de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction ou les circonstances de sa commission, ne peut justifier le maintien en détention provisoire que si, est suffisamment établi, par des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, en quoi, au-delà de la gravité intrinsèque de l'infraction et du trouble que par sa nature même elle est susceptible de susciter dans l'opinion publique, l'ordre public est en l'espèce troublé de manière exceptionnelle et persistante ; qu'en se bornant à affirmer qu'eu égard à la « particulière gravité » des faits poursuivis qui sont « intolérables dans toute société civilisée » et « heurtent au plus haut point la conscience publique », la détention provisoire constitue en l'espèce le moyen « indispensable » pour mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, la chambre de l'instruction n'a pas caractérisé en quoi, au regard des éléments précis et circonstanciés de l'espèce, plus de deux ans et huit mois après la commission de l'infraction, quelle qu'en soit la gravité intrinsèque, l'ordre public restait troublé de manière exceptionnelle et persistante, n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors que le motif tiré de la nécessité de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction ou les circonstances de sa commission ne peut justifier de manière pertinente le maintien en détention provisoire que s'il repose sur des faits de nature à montrer que l'élargissement du détenu troublerait réellement l'ordre public ; qu'en se bornant à affirmer qu'eu égard à la « particulière gravité » des faits poursuivis qui « portent atteinte à la paix sociale » et « heurtent au plus haut point la conscience publique », la détention provisoire constitue en l'espèce le moyen indispensable de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, sans nullement rechercher ni préciser en quoi, plus de deux ans et huit mois après la commission de l'infraction, l'élargissement du demandeur, âgé de 21 ans, dépourvu de tout casier judiciaire, poursuivi en qualité de complice et qui a déjà subi plus d'un an de détention provisoire, troublerait réellement et effectivement l'ordre public, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;

"4°) alors que le placement et le maintien en détention provisoire ne peuvent être ordonnés qu'à titre exceptionnel ; que le risque de concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, au sens de l'article 144 du code de procédure pénale, susceptible de justifier ledit placement ou maintien en détention provisoire, ne peut être présumé et doit être précisément et positivement établi au regard des circonstances de l'espèce ; qu'après avoir retenu, au soutien du rejet d'une précédente demande de mise en liberté du 5 septembre 2007 que des confrontations entre le demandeur et les co-mis en examen restaient à effectuer pour parfaire la manifestation de la vérité et que dans cette optique, M. X... devait rester strictement placé hors d'état de communiquer pour empêcher toute concertation frauduleuse, et relevé qu'au cours de ces confrontations trois des personnes mises en cause avaient déclaré « ne pas comprendre ce que MM. X... et B... C... faisaient dans cette procédure » et encore « insistaient pour dire que MM. C... et X... n'étaient pour rien dans cette affaire », la chambre de l'instruction qui se borne à énoncer, au soutien de la prolongation de la détention provisoire du demandeur, que, bien que les déclarations des personnes mises en examen soient désormais rapprochées à la suite des confrontations intervenues, « demeurent leur caractère évolutif et des divergences, notamment s'agissant des contacts entre les téléphones
justifiant toujours que le (demandeur) soit empêché de se concerter avec les co-mis en examen », a simplement présumé l'existence d'un tel risque, sans nullement le caractériser positivement et effectivement au regard des éléments précis et circonstanciés du dossier et n'a pas légalement justifié sa décision ;

"5°) alors que c'est nécessairement au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, que les juges du fond doivent se prononcer pour déterminer si la détention provisoire demeure l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs prévus par l'article 144 du code de procédure pénale ; qu'au soutien de l'absence de risque de concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses co-auteurs ou complices, propre à justifier son maintien en détention provisoire, le demandeur, au regard des éléments précis et circonstanciés de l'espèce, avait fait valoir qu'ayant constamment contesté sa participation directe ou indirecte aux faits pour lesquels il était mis en examen il était placé dans l'impossibilité de procéder à une quelconque concertation frauduleuse ou d'exercer la moindre pression, qu'en outre, plus d'un an et demi séparait les faits litigieux de sa mise en examen de sorte que s'il avait dû adopter une telle attitude, il aurait déjà très largement eu le temps de le faire, ce qui n'est nullement établi par les importantes investigations réalisées, qu'en outre l'ensemble des protagonistes de ce dossier ont déjà été entendus et leurs positions cristallisées notamment devant le juge d'instruction et qu'ils sont tous incarcérés, de sorte qu'aucune pression ou concertation frauduleuse ne pourrait être réalisée par le demandeur si ce dernier devait être placé sous contrôle judiciaire ; qu'en se bornant à énoncer, au soutien de la prolongation de la détention provisoire du demandeur, que, bien que les déclarations des personnes mises en examen soient désormais rapprochées à la suite des confrontations intervenues, « demeurent leur caractère évolutif et des divergences, notamment s'agissant des contacts entre les téléphones
justifiant toujours que celui-ci (le demandeur) soit empêché de se concerter avec les co-mis en examen », sans nullement rechercher ni caractériser, au regard des éléments précis et circonstanciés invoqués par le demandeur, la réalité du risque de concertation frauduleuse entre le demandeur et les co-mis en examen, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite d'investigations relatives à un vol avec arme, commis le 26 juillet 2015, par plusieurs personnes, l'ouverture d'une information judiciaire et la mise en examen, début octobre 2016, de deux personnes, M. X... a été interpellé, mis en examen à son tour du chef susénoncé, le 2 mars 2017, et placé le même jour en détention provisoire ; que, par ordonnance, en date du 19 février 2018, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire de l'intéressé, qui a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire, après avoir constaté qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner l'appelant d'avoir participé aux faits pour lesquels il a été mis en examen, l'arrêt énonce que si les déclarations des personnes mises en examen sont désormais rapprochées après les derniers interrogatoires et confrontations, demeurent leur caractère évolutif et des divergences, notamment s'agissant des contacts téléphoniques entre les principaux mis en cause et M. X..., justifiant toujours que celui-ci soit empêché de se concerter avec eux, les garanties de représentation dont il justifie, hébergement et emploi, étant inefficaces à cet égard ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-81773
Date de la décision : 20/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Agen, 08 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 jui. 2018, pourvoi n°18-81773


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:18.81773
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award