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20/06/2018 | FRANCE | N°17-14305

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 juin 2018, 17-14305


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2017), que M. Y..., salarié de la société Paris Reuilly depuis 1996, laquelle exploite un hôtel situé à Paris et a fait l'objet d'un changement de gérant en avril 2011, a été licencié pour faute grave le 6 décembre 2011 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'annulation de son licenciement pour harcèlement moral ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de reconnaître l'existence d'un har

cèlement moral et d'avoir dit que le licenciement était nul alors, selon le moyen :
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2017), que M. Y..., salarié de la société Paris Reuilly depuis 1996, laquelle exploite un hôtel situé à Paris et a fait l'objet d'un changement de gérant en avril 2011, a été licencié pour faute grave le 6 décembre 2011 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'annulation de son licenciement pour harcèlement moral ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de reconnaître l'existence d'un harcèlement moral et d'avoir dit que le licenciement était nul alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il en résulte que ne peuvent s'analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, des insultes proférées à l'encontre du salarié à une date et à une heure donnée ; qu'en statuant sans avoir constaté d'autres agissements que les propos qui auraient été tenus par l'employeur le 12 septembre 2011, vers 6 heures, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'agissements répétés, a violé le texte susvisé ;

2°/ que la nullité d'un licenciement en raison du harcèlement moral dont un salarié a fait l'objet ne peut être prononcée que s'il est établi que celui-ci a été licencié « pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements » ; qu'en l'absence de lien entre le harcèlement et le licenciement, celui-ci n'est pas nul ; qu'en se bornant à relever, pour juger nul le licenciement de M. Y..., qu'il était fondé sur une altercation avec le directeur survenue à un époque « contemporaine » des faits de harcèlement moral retenus et avec les mêmes protagonistes, sans avoir ni constaté ni caractérisé que M. Y... avait été licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

Mais attendu d'abord que le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de faits dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit que le salarié établissait des faits qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement et que l'employeur ne démontrait pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu ensuite qu'ayant constaté que le licenciement était fondé sur le reproche fait au salarié d'une altercation avec le directeur de l'établissement survenue à une époque contemporaine des faits de harcèlement, la cour d'appel a pu en déduire que le licenciement avait été prononcé à l'encontre d'un salarié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Paris Reuilly aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Paris Reuilly à payer à Me Z... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Paris Reuilly

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SAS Paris Reuilly à payer à M. Y... la somme de 4 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Aux motifs que les premiers juges ont retenu pour caractériser le harcèlement moral, des faits datés de septembre 2011, vers 6 heures, pendant le service de M. Y... ; que selon la scène survenue à cette date, le directeur de l'hôtel aurait injurié M. Y... en ces termes : « tu vas pas me faire chier sale arabe, abruti, connard, imbécile car je vais de te foutre à la porte, et ce n'est pas tes lettres ni l'inspecteur du travail ni les prud'hommes qui me feront peur car on est un grand groupe hôtelier qui ont de grands avocats qui sont payés pour mater et faire le nettoyage de connards de ton espèce » ; que ces propos résultent d'une attestation établie par un collègue de M. Y..., M. A..., démissionnaire le 19 septembre 2011, complétée par son auteur dans une seconde attestation ; que les deux ne comportent pas de contradiction et que même si la date de la scène attestée demeure imprécise, elle est située « début septembre 2011 », avant le 19 septembre où l'intéressé n'était plus dans l'établissement ; que la formation du témoin programmée le 12 septembre jour des faits selon M. Y... n'était pas incompatible avec son arrivée préalable à l'hôtel à 6h50 le même jour ; que les premiers juges ont à juste titre estimé que ces attestations corroborant les affirmations de M. Y... sur le traitement particulièrement dégradant dont il faisait l'objet, notamment dans sa lettre à l'employeur du 23 novembre 2011, laissaient présumer un harcèlement moral ; qu'en l'absence de pièce produite par l'employeur démontrant que les agissements décrits ne procédaient pas d'un harcèlement, celui-ci est constitué ;

Alors qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il en résulte que ne peuvent s'analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, des insultes proférées à l'encontre du salarié à une date et à une heure donnée ; qu'en statuant sans avoir constaté d'autres agissements que les propos qui auraient été tenus par l'employeur le 12 septembre 2011, vers 6 heures, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'agissements répétés, a violé le texte susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement était nul et d'avoir condamné la SAS Paris Reuilly à payer à M. Y... les sommes de 14 184 € pour rupture illicite du contrat de travail, 3 374 € à tire d'indemnité conventionnelle de licenciement, 3 546 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que le harcèlement moral invoqué par le salarié est constitué ; que les premiers juges doivent être approuvés d'avoir conclu que le licenciement de M. Y... prononcé le 14 décembre 2011 était nul, fondé sur une altercation avec le directeur, survenue le 6 décembre 2011, à une époque contemporaine des faits de harcèlement moral retenus et avec les mêmes protagonistes ;

Aux motifs éventuellement adoptés que les faits de harcèlement moral de M. B... à l'égard de M. Y... sont constitués (
) ; que le licenciement notifié le 14 décembre 2011 est fondé sur une altercation entre M. Y... et M. B... survenue le 6 décembre 2011 ;

Alors 1°) que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, celle du chef de dispositif relatif à la nullité du licenciement ;

Alors 2°) que la nullité d'un licenciement en raison du harcèlement moral dont un salarié a fait l'objet ne peut être prononcée que s'il est établi que celui-ci a été licencié « pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements » ; qu'en l'absence de lien entre le harcèlement et le licenciement, celui-ci n'est pas nul ; qu'en se bornant à relever, pour juger nul le licenciement de M. Y..., qu'il était fondé sur une altercation avec le directeur survenue à un époque « contemporaine » des faits de harcèlement moral retenus et avec les mêmes protagonistes, sans avoir ni constaté ni caractérisé que M. Y... avait été licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-14305
Date de la décision : 20/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 jui. 2018, pourvoi n°17-14305


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Laurent Goldman, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.14305
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