LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 octobre 2016), que Mme Y... a été engagée par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Somme à compter du 22 mars 2004 en qualité de responsable adjoint du service relations avec les professionnels de santé/délégués de l'assurance maladie ; qu'elle a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 10 octobre 2011 et a été déclarée en affection de longue durée pour une durée de cinq ans soit jusqu'au 10 octobre 2016 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 6 octobre 2014 en réparation du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen :
Attendu que la CPAM fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité-résultat, alors selon le moyen :
1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif au harcèlement moral entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a accordé à la salariée des dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à l'obligation de prévention du harcèlement moral, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la CPAM de la Somme produisait le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 9 décembre 2010 évoquant le « plan de formation 2011 » mis en oeuvre dans le cadre de la réorganisation entreprise, les résultats positifs de l'étude de satisfaction des agents sur « l'organisation du travail », « l'ambiance de travail », « la charge de travail » et « le stress au travail », la mise en place « d'actions destinées à diminuer la charge de travail » et les effets encourageants des actions mises en oeuvre précédemment (cf. production n° 11) ; que la CPAM de la Somme produisait en outre un tableau sur les plans de prévention des risques psychosociaux de l'assurance maladie d'avril 2014 détaillant les « démarches de préventions locales », « les mesures d'accompagnement du changement » et « dialogue social » (cf. production n° 12) ; qu'en se bornant à retenir qu'il ne résultait pas des éléments produits aux débats que l'employeur avait pris des mesures de prévention du harcèlement conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, sans s'expliquer sur les pièces susvisées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'employeur ne peut se voir reprocher de ne pas avoir pris des mesures propres à faire cesser des faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral, que s'il a une connaissance suffisante de ceux-ci ; qu'en l'espèce, pour condamner la CPAM de la Somme à verser à la salariée la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral, la cour d'appel a relevé que tandis qu'il avait constaté des tensions entre Mme A... et Mme Y..., l'employeur n'avait pris aucune mesure pour mettre fin à cette situation et pour éviter que la situation ne dégénère ; qu'en statuant ainsi, sans faire ressortir en quoi les tensions connues par l'employeur étaient de nature à l'alerter sur le propre comportement de Mme A... et à justifier qu'ils prennent des mesures pour préserver la santé et la sécurité de Mme Y..., cette dernière ne s'étant jamais plainte de la situation avant la saisine de la juridiction prud'homale, soit trois ans après les faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1 et L. 4121-1 du code du travail, dans leurs rédactions applicables ;
4°/ qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi par elle sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en allouant à la salariée, outre des dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi en cours d'exécution du contrat de travail, des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat résultant de l'absence de mesures nécessaires à la protection de la salariée contre ce harcèlement, sans caractériser en quoi le préjudice ainsi réparé était distinct de celui déjà indemnisé au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de réparation intégrale du préjudice, de l'article 1147 du code civil, ensemble les articles L. 1222-1 et L. 4121-1 du code du travail, dans leurs rédactions applicables ;
Mais attendu d'abord que le rejet du premier moyen rend sans objet la première branche du second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence ;
Attendu ensuite que sous le couvert de défaut de motivation et de manque de base légale, les deuxième et troisième branches du moyen ne tendent qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve, dont elle a déduit l'existence de manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ;
Attendu enfin que les obligations résultant des articles L. 1152-1 et L. 4121-1 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la CPAM de la Somme à payer à Mme Y... les sommes de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du harcèlement moral subi, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné la CPAM de la Somme aux dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE« Sur le harcèlement moral :
Qu'aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel;
Qu'une situation de harcèlement moral se déduit essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateur d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction ;
Que le salarié a la charge d'établir la matérialité de faits précis et concordants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral; que dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Que dès lors qu'ils peuvent être mis en rapport avec une dégradation des conditions de travail, les certificats médicaux produits par un salarié figurent au nombre des éléments à prendre en considération pour apprécier l'existence d'une situation de harcèlement moral, laquelle doit être appréciée globalement au regard de l'ensemble des éléments susceptibles de la caractériser ;
Qu'en l'espèce, Mme Y... produit aux débats de nombreuses pièces médicales attestant d'un état anxio-dépressif lié à son activité professionnelle depuis le 6 octobre 2011, état de santé qui l'empêche toujours de reprendre son travail à ce jour ; qu'il apparaît notamment au regard de l'ensemble des attestations que la réunion avec ses trois collaboratrices et sa supérieure hiérarchique, Mme A..., ce jour-là, a occasionné chez elle, un traumatisme psychologique qui a conduit la salariée à solliciter la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident survenu au cours de cette réunion auprès de la CPAM, procédure qui est toujours en cours, la salariée ayant formé un recours contre la décision de cette dernière de ne pas reconnaître le caractère professionnel de cet accident ;
Qu'il résulte des éléments du dossier que cette réunion avait été sollicitée auprès de Mme A... par les salariées du service RPS afin de savoir les raisons pour lesquelles elles ne s'étaient pas vu attribuer de points de compétence, contrairement à des collègues d'autres services ;
Qu'il ressort de l'enquête effectuée par la CPAM concernant le déroulement de cette réunion que si les salariées n'ont pas toutes la même version concernant l'attitude physique de Mme A..., l'une, Mme B..., affirmant que cette dernière était agitée, qu'elle élevait la voix presque à crier et qu'elle ne se contenait plus alors que les deux autres, Mme C... et Mme D... indiquent qu'elle avait employé un ton ferme et sec mais correct envers Mme Y..., il résulte néanmoins de l'ensemble de ces témoignages que Mme A..., a mis en cause cette dernière, affirmant qu'elle « n'avait pas fait son travail' » et qu'elle ne lui avait pas fait remonter de propositions de points de compétence au sujet des trois salariées du service RPS, remettant ainsi en cause en leur présence ses capacités professionnelles ; que deux salariées indiquent en outre qu'elles ont été gênées d'assister à une telle scène, Mme B... ajoutant que ce « n'était pas respectueux de la personne de Mme Y... » ;
Que les attestations concordantes versées aux débats, tant des membres de la famille ou de proches de Mme Y... que de celles des salariés de la CPAM, par ailleurs investis de mandat de délégué du personnel, délégué syndical ou membre du CHSCT permettent d'établir qu'à compter de cette réunion, l'état de santé de Mme Y... s'est fortement dégradée, M. E... ayant notamment constaté le lendemain chez elle « des larmes, des difficultés à s'exprimer, un état de stress et d'abattement et au final une situation de détresse importante » ; que M. F... fait quant à lui état, de « larmes, de spasmes, et d'un choc verbal » ;
Que M. E... atteste également que le climat de travail et l'environnement professionnel de Mme Y... était depuis quelques mois très dégradés ; que M. F... explique que le 17 juin 2011, Mme Y... lui avait indiqué avoir subi de la part de Mme A... des vexations de mépris avec des phrases de type « Vous êtes quand même capable de réfléchir ? Ca vous arrive ? » ;
Qu'en outre, il apparaît à l'examen des pièces produites par la salariée un manque de communication ou une rétention d'information de la part de Mme A... envers Mme Y..., un déficit manifeste d'écoute et de présence pour répondre aux interrogations de la salariée et l'existence de directives de dernière minute, ce qui constitue les manifestations d'un management générateur de stress et de pressions ; que sur ce dernier point, force est de constater par exemple que par mail du 7 juin 2011, Mme A... a sollicité des informations pour la réunion du lendemain alors que celle-ci était prévue depuis le 30 mai précédent ;
Que de même, il apparaît que Mme A... n'a aucunement respecté la procédure d'entretien annuel d'évaluation et d'accompagnement 2011 fixée par la note de service du 23 mai 2011 concernant Mme Y... puisque son entretien d'évaluation a eu lieu le 1er septembre 2011 alors même que la date maximum était fixée au 26 août 2011 ;
Que Mme Y... fournit par conséquent des éléments qui, pris dans leur ensemble, laisse supposer l'existence d'un harcèlement moral ;
Que la CPAM de la Somme fait valoir quant à elle que Mme Y... n'a pas accepté la réorganisation opérée en 2010 qui a notamment consisté à ce que le service géré par Mme Y... soit rattaché à un pôle plus large sous la responsabilité de Mme A..., si bien que Mme Y... est devenue sa subordonnée ;
Que M. G..., Directeur de la CPAM au moment des faits, a ainsi mentionné des tensions entre les deux femmes qu'il attribue au fait que Mme Y... ne voulait pas de cette réorganisation ;
Que cependant la CPAM échoue à démontrer que les agissements de Mme A... sont étrangers à tout harcèlement moral et qu'ils sont la simple expression de l'exercice normal de ses prérogatives ; que si la CPAM fait valoir que les entretiens annuels d'évaluation ont fait l'objet d'un report jusqu'au 21 septembre 2011, il n'est nullement démontré que le non-respect de la procédure d'entretien annuel d'évaluation ait concerné d'autres salariés que Mme Y... ; que d'autre part, il ne ressort pas des pièces produites que les reproches adressées à cette dernière lors de la réunion du 6 octobre 2011, et ce, en présence de ses collaboratrices, soient justifiés, en ce qu'il n'est nullement démontré l'existence d'une circulaire ou d'une note de service faisant état de la nécessité de faire des propositions de points de compétence ; qu'il n'est pas non plus démontré que Mme A... ait sollicité Mme Y... sur ce point alors même que selon les trois salariées du service, les responsables des autres services de la CPAM avaient déjà fait leur proposition ; qu'il apparaît dès lors que Mme A... a passé outre l'avis de Mme Y... ;
Que la CPAM n'explicite pas l'attitude de Mme A... vis à vis de Mme Y..., qu'elle n'apporte pas d'éléments suffisants à caractériser que la souffrance au travail de cette dernière soit liée à la seule réorganisation de l'entreprise et au refus par la salariée du changement opéré au sein des différents services ;
Qu'il convient dès lors de retenir l'existence de faits répétés constitutifs d'un harcèlement moral de la part de l'employeur, qui ont eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Que Mme Y... justifie d'un préjudice important concernant son état de santé puisqu'elle n'a toujours pas repris le travail à ce jour et est toujours suivi par dépression, ce qui entraîne pour elle également des conséquences en terme d'évolution de carrière et en terme financier puisqu'elle ne perçoit plus de ressources depuis le 26 janvier 2014 ;
Que ces éléments doivent conduire à lui allouer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
(
) Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Qu'au vu de la solution donnée au présent litige et de la situation économique respective de chacune des parties, il convient de condamner la CPAM de la Somme à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il convient de débouter l'employeur de sa demande formée sur le même fondement » ;
1°) ALORS QUE le salarié doit établir la matérialité d'éléments de fait précis, répétés et concordants laissant présumer l'existence d'un harcèlement, ce qui suppose la production d'éléments précis, circonstanciés et extérieurs à son seul ressenti, faisant état de faits suffisamment graves ; qu'en l'espèce, pour admettre que Mme Y... avait fourni des éléments qui, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel s'est fondée sur des éléments médicaux établis des années après les faits par les médecins traitants de la salariée dont ils se bornaient à reprendre les déclarations sur l'origine de l'affection médicalement constatée (cf. les certificats du Docteur H... indiquant « selon les dires de la patiente », « Mme Y... évoque, décrit
») ainsi que sur des attestations émanant notamment de membres de la famille de l'intéressée et de proches évoquant, en termes généraux et quasi-identiques, une dégradation de son état de santé à compter d'une réunion au cours de laquelle, selon l'enquête de la CPAM, son travail avait été mis en cause par sa supérieure hiérarchique, de même qu'une altération de son climat de travail et de son environnement professionnel depuis plusieurs mois, M. F... attestant que la salariée « lui avait indiqué avoir subi de la part de Mme A... des vexations de mépris avec des phrases du type « vous êtes quand même capable de réfléchir ? Ca vous arrive ? » ; qu'il ressort également de l'arrêt que la salariée produisait des pièces faisant apparaitre, de manière tout aussi générale, un manque de communication, une rétention d'information de la part de la supérieure hiérarchique, un déficit d'écoute et de présence, de même que l'existence de directives de dernière minute dont la seule manifestation concrète était la réception d'un mail demandant la veille des informations sur une réunion programmée depuis une semaine à peine et enfin l'organisation légèrement différée (6 jours) de l'entretien d'évaluation de la salariée ; qu'en statuant ainsi, lorsqu'en l'absence de faits graves, précis et personnellement constatés, ces éléments ne pouvaient à eux-seuls faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE le salarié doit établir la matérialité des éléments de fait qu'il invoque comme laissant présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a imposé à l'employeur de démontrer que le léger retard dans l'organisation de la procédure d'entretien annuel d'évaluation concernait d'autres salariés que Mme Y..., que les reproches dont cette dernière avait fait l'objet lors de la réunion du 6 octobre 2011 étaient justifiés et que l'intéressée avait été préalablement sollicité sur ce point ; qu'en statuant ainsi, lorsqu'il appartenait à la salariée d'établir la matérialité les faits qu'elle alléguait comme faisant présumer un harcèlement moral, ce qui lui imposait de prouver que l'organisation légèrement différée de son entretien d'évaluation la concernait exclusivement et que c'est sans demande préalable et de manière injustifiée qu'elle avait été mise en cause par sa supérieure hiérarchique lors de la réunion litigieuse, la cour d'appel a violé l'article L.1154-1 du code du travail ;
3°) ALORS QUE le mécanisme probatoire spécifiquement institué en matière de harcèlement moral, en ce qu'il se traduit par un aménagement de la charge de la preuve favorable au salarié, a pour corollaire l'examen par le juge de l'ensemble des éléments de preuve invoqués par l'employeur pour justifier que les agissements qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, afin de justifier objectivement les faits allégués par la salariée comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral, l'employeur, après avoir souligné leur ancienneté (3 ans), la tardiveté de la demande de reconnaissance d'accident du travail (2 ans) et l'avis d'aptitude à la reprise fixé au 1er mai 2013, faisait valoir, preuves à l'appui, que des formations, des plans de prévention des risques psychosociaux et autres mesures avaient été mis en place pour préserver la santé et la sécurité des salariés, dont le comité d'entreprise avait salué l' « impact très positif sur le travail des agents » (cf. productions n° 11 et 12), Mme A... ayant pour sa part toujours veillé à ce que la charge de travail de son équipe reste raisonnable (cf. productions n° 10); que l'employeur ajoutait qu'aucune rétention de convocation à une formation ne pouvait lui être reprochée à l'endroit de Mme Y..., celle-ci qui avait bénéficié de formations régulières, ayant été personnellement destinataire de la convocation litigieuse (cf. production n° 27), la salariée ne pouvant pas davantage contester la date de son entretien annuel d'évaluation, en l'état d'une décision de report de la clôture « au 12 septembre 2011 » et au « 21 septembre 2011, dernier délai », concernant « l'ensemble du personnel » (production n° 18) ; qu'enfin, indiquant que les faits dénoncés étaient à mettre sur le compte du comportement difficile de la salariée qui admettait mal la nouvelle réorganisation mise en oeuvre au sein du service, l'employeur produisait, outre un rapport de 2006 faisant apparaitre de la part de la salariée un déficit d'« adaptabilité aux interlocuteurs et [d']écoute », un manque de « diplomatie » et une tendance à avoir des « réactions un peu autoritaires par moment » dues à un trop grand « désir de s'imposer » (production n° 15), divers éléments sur les mésententes entretenues par la salariée à l'encontre de son ancienne responsable et de deux collaborateurs M. I... et Mme J... ayant toutes nécessité l'intervention de la direction (cf. productions n° 16, 21 à 23) ainsi que l'attestation de Mme A... qui déclarait s'être « à plusieurs reprises
trouvée en difficulté », avec la salariée qui « ne [lui] avait pas transmis de demande de points de compétence pour le service RPS », celle-ci ayant « nié [sa] position hiérarchique », et « sapé [son] autorité auprès du service RPS » (cf. production n° 19) ; qu'en jugeant que l'employeur ne justifiait pas objectivement les faits invoqués par le salarié comme faisant présumer un harcèlement moral, sans concrètement s'expliquer sur l'ensemble des circonstances et des pièces mises en avant par la CPAM de la Somme, la cour d'appel a méconnu le régime probatoire applicable en matière de harcèlement moral et violé les article L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;
5°) ALORS QU'en ne s'expliquant pas sur ces éléments précis, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°) ALORS à tout le moins QUE le salarié ne peut se plaindre, sous l'angle d'un harcèlement moral, d'une situation à la manifestation de laquelle il a participé ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que les faits dénoncés par la salariée étaient à mettre sur le compte du comportement difficile de cette dernière qui admettait mal la nouvelle réorganisation mise en oeuvre ; que pour en justifier, il produisait, outre un rapport faisant apparaitre de sa part un déficit d'« adaptabilité aux interlocuteurs et [d']écoute », un manque de « diplomatie » et une tendance à avoir des « réactions un peu autoritaires par moment » dues à un trop grand « désir de s'imposer » (production n° 15), divers éléments sur les mésententes entretenues par la salariée à l'encontre de son ancienne responsable et de deux collaborateurs M. I... et Mme J... ayant toutes nécessité l'intervention de la direction (cf. productions n° 16, 21 à 23) ainsi que les attestation de Mme A... (cf. production n° 19) et de M. G... (cf. production n° 20) énonçant qu'ils avaient été confrontés à une attitude d'opposition de Mme Y..., cette dernière n'ayant visiblement pas accepté les changements globaux intervenus au sein de la CPAM ; qu'en se bornant à retenir, après avoir seulement visé l'attestation de M. G..., que l'employeur n'apportait pas d'éléments suffisants à caractériser que la souffrance au travail de la salariée était liée à la seule réorganisation de l'entreprise et à son refus du changement opéré au sein des différents services, sans faire ressortir en quoi, bien que nombreux, précis et concordants, ces éléments ne permettaient pas de se convaincre que les faits dénoncés par l'intéressée étaient en réalité imputables à l'attitude d'opposition de la salariée elle-même, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la CPAM de la Somme à payer à Mme Y... les somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité-résultat, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné la CPAM de la Somme aux dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE «M. G..., directeur de la CPAM au moment des faits, a ainsi mentionné des tensions entre les deux femmes qu'il attribue au fait que Mme Y... ne voulait pas de cette réorganisation ;
(
) Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de prévention du harcèlement moral par l'employeur:
Qu'il résulte de l'article L1152-4 du Code du travail que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ;
Qu'aux termes de l'article L. 4121-1 du même code, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ;
Qu'il ne résulte pas des éléments produits aux débats que l'employeur ait pris des mesures de prévention du harcèlement conformément aux articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail ; qu'alors même qu'une réorganisation était en cours et qu'il avait constaté des tensions entre Mme A... et Mme Y..., il n'a pris aucune mesure pour mettre fin à cette situation et pour éviter que la situation ne dégénère ; que ce faisant, il a manqué à son obligation de sécurité résultat ;
Que les obligations résultant des articles L1152-4 et L1152-1 sont distinctes de sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques ;
Qu'il convient dès lors de faire droit à la demande de Mme Y... et de lui allouer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Qu'au vu de la solution donnée au présent litige et de la situation économique respective de chacune des parties, il convient de condamner la CPAM de la Somme à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il convient de débouter l'employeur de sa demande formée sur le même fondement » ;
1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif au harcèlement moral entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a accordé à la salariée des dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à l'obligation de prévention du harcèlement moral, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°) ALORS subsidiairement QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la CPAM de la Somme produisait le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 09 décembre 2010 évoquant le « plan de formation 2011 » mis en oeuvre dans le cadre de la réorganisation entreprise, les résultats positifs de l'étude de satisfaction des agents sur « l'organisation du travail », « l'ambiance de travail », « la charge de travail » et « le stress au travail », la mise en place « d'actions destinées à diminuer la charge de travail » et les effets encourageants des actions mises en oeuvre précédemment (cf. production n° 11) ; que la CPAM de la Somme produisait en outre un tableau sur les plans de prévention des risques psychosociaux de l'assurance maladie d'avril 2014 détaillant les « démarches de préventions locales », « les mesures d'accompagnement du changement » et « dialogue social » (cf. production n° 12) ; qu'en se bornant à retenir qu'il ne résultait pas des éléments produits aux débats que l'employeur avait pris des mesures de prévention du harcèlement conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, sans s'expliquer sur les pièces susvisées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE l'employeur ne peut se voir reprocher de ne pas avoir pris des mesures propres à faire cesser des faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral, que s'il a une connaissance suffisante de ceux-ci ; qu'en l'espèce, pour condamner la CPAM de la Somme à verser à la salariée la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral, la cour d'appel a relevé que tandis qu'il avait constaté des tensions entre Mme A... et Mme Y..., l'employeur n'avait pris aucune mesure pour mettre fin à cette situation et pour éviter que la situation ne dégénère ; qu'en statuant ainsi, sans faire ressortir en quoi les tensions connues par l'employeur étaient de nature à l'alerter sur le propre comportement de Mme A... et à justifier qu'ils prennent des mesures pour préserver la santé et la sécurité de Mme Y..., cette dernière ne s'étant jamais plainte de la situation avant la saisine de la juridiction prud'homale, soit trois ans après les faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1 et L. 4121-1 du code du travail, dans leurs rédactions applicables ;
4°) ALORS QU'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi par elle sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en allouant à la salariée, outre des dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi en cours d'exécution du contrat de travail, des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat résultant de l'absence de mesures nécessaires à la protection de la salariée contre ce harcèlement, sans caractériser en quoi le préjudice ainsi réparé était distinct de celui déjà indemnisé au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de réparation intégrale du préjudice, de l'article 1147 du code civil, ensemble les articles L. 1222-1 et L. 4121-1 du code du travail, dans leurs rédactions applicables.