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20/06/2018 | FRANCE | N°16-20794

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 juin 2018, 16-20794


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 mai 2016), statuant en référé, que M. Y... a été engagé le 1er janvier 2005 en qualité de technicien par la société Schindler ; qu'il a fait l'objet d'une notification de mise à pied le 5 novembre 2009 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 30 décembre 2014 ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de prescription, de la condamner à verser au salarié certaines sommes

provisionnelles à titre de rappel de salaires, d'indemnité compensatrice de congés p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 mai 2016), statuant en référé, que M. Y... a été engagé le 1er janvier 2005 en qualité de technicien par la société Schindler ; qu'il a fait l'objet d'une notification de mise à pied le 5 novembre 2009 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 30 décembre 2014 ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de prescription, de la condamner à verser au salarié certaines sommes provisionnelles à titre de rappel de salaires, d'indemnité compensatrice de congés payés afférente et de dommages-intérêts et de la condamner à délivrer au salarié un bulletin de salaire rectifié pour le mois de décembre 2009, alors, selon le moyen :

1°/ que le point de départ de la prescription de l'action en justice ouverte au salarié aux fins de contester le bien-fondé d'une sanction disciplinaire prononcée à son encontre court à compter de la date de notification de cette sanction, date à laquelle le salarié a pris connaissance des faits lui permettant d'exercer cette action ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société Schindler avait notifié à M. Y... une mise à pied disciplinaire le 5 novembre 2009, laquelle a été effectuée le 24 novembre 2009 et que M. Y... a attendu plus de cinq ans, soit le 30 décembre 2014, pour saisir le conseil de prud'hommes de Versailles afin de contester le bien-fondé de cette sanction et obtenir un rappel de salaire correspondant ainsi que des dommages-intérêts ; qu'en écartant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par la société Schindler au motif inopérant que la retenue sur salaire n'avait été matérialisée sur un bulletin de salaire remis au salarié le 31 décembre 2009, cependant que le salarié avait eu pleine et entière connaissance des faits qui lui étaient reprochés et de la sanction décidée par la société Schindler dès la notification de cette dernière le 5 novembre 2009, de sorte que l'action introduite le 30 décembre 2014 était prescrite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 2224 du code civil dans sa rédaction applicable au litige et L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que saisi d'une demande indemnitaire, le juge doit réparer le préjudice allégué par la victime sans qu'il n'en résulte pour celle-ci ni perte ni profit ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de la part de l'employeur ; qu'au cas présent, dans ses écritures, la société Schindler contestait l'existence d'un quelconque préjudice subi par M. Y..., lequel se bornait quant à lui à solliciter, outre un rappel de salaires, une somme à titre de dommages-intérêts du seul fait du « non-respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles qui lui étaient applicables » ; que la cour d'appel avait déjà alloué à M. Y... une provision à hauteur de 102, 32 euros, à titre de rappel de salaires correspondant à la mise à pied litigieuse, dont le bien-fondé n'avait été contesté par le salarié que cinq ans après et sur le seul fondement de l'insuffisance du règlement intérieur de l'entreprise, outre une provision de 10,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ; qu'en affirmant néanmoins que « la retenue injustifiée sur le salaire » avait « nécessairement causé un préjudice au salarié, qui sera réparé par l'octroi d'une indemnité à hauteur de 600 euros », sans caractériser l'existence d'un quelconque préjudice résultant du manquement constaté de l'employeur, indépendamment de celui qui était déjà compensé par le rappel de salaires alloué, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible ; que pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré ;

Attendu qu'ayant constaté que si la sanction a été prononcée et notifiée le 5 novembre 2009 à M. Y... et exécutée le 24 novembre 2009, elle a reçu sa concrétisation en ce qui concerne la retenue de salaire, sur le bulletin de paye édité le 31 décembre 2009, la cour d'appel en a exactement déduit que la juridiction prud'homale avait été valablement saisie le 30 décembre 2014, soit dans le délai de prescription de cinq ans résultant de la loi antérieure et moins de trois ans après l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ayant réduit la prescription applicable en matière de salaires à trois ans ;

Et attendu, ensuite, que la cour d'appel a souverainement apprécié le montant du préjudice subi par le salarié dont, par une décision motivée, elle a justifié l'existence ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer l'intervention volontaire du syndicat CGT Schindler Ile-de-France, DR Grand Ouest et filiales RCS recevable et de la condamner à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour la défense des intérêts collectifs de la profession, alors, selon le moyen :

1°/ que la compétence d'un syndicat pour engager une action en justice ne peut excéder celle de l'assise territoriale de ce syndicat telle que délimitée par ses statuts, ce dont il résulte que le syndicat ayant pour objet la défense des salariés relevant d'une ou plusieurs directions régionales déterminées d'une société n'a pas la capacité à agir pour la défense de salariés exerçant au sein de directions régionales autres que celles visées par ses statuts ; qu'en déclarant recevable l'intervention volontaire du « syndicat CGT Schindler de la direction régionale de l'Ile-de-France, de la direction régionale Grand Ouest et des filiales RCS » et en jugeant qu'avait qualité à agir aux côtés de tous les salariés de la société Schindler, indépendamment de leur lieu d'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, L. 2131-1 et L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article 32 du code de procédure civile ;

2°/ que l'action en justice des syndicats professionnels est limitée aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que le litige individuel dont l'objet est de contester la légalité d'une sanction disciplinaire individuelle ne suffit pas à caractériser un préjudice correspondant à la définition de l'intérêt collectif de la profession et permettant à un syndicat d'agir en justice, au sens de l'article L. 2132-3 du code du travail, peu important que la sanction disciplinaire soit devenue illicite du fait d'une déclaration postérieure d'illégalité du règlement intérieur de l'entreprise ; que, pour dire l'intervention du syndicat CGT Schindler Ile-de-France recevable et lui allouer une provision à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que « les questions relatives à la licéité des dispositions du règlement intérieur qui concernent l'ensemble des salariés soumis à ce règlement d'une part, et d'autre part, qui répondent à une obligation légale de l'employeur, sont susceptibles de causer un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le litige portait uniquement sur une demande d'annulation d'une sanction disciplinaire individuelle et le versement d'un rappel de salaire et de dommages-intérêts correspondants, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un intérêt collectif de la profession et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que l'illicéité des dispositions du règlement intérieur d'une entreprise qui concernent l'ensemble des salariés soumis à ce règlement, indépendamment de l'établissement où ils exercent leurs fonctions, cause un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession, et qu'il en résulte que l'intervention du syndicat est recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen du pourvoi incident :

Attendu que les salariés et le syndicat CGT Schindler Ile-de-France , DR Grand Ouest et filiales RCS font grief à l'arrêt de rejeter la demande des salariés tendant à voir ordonner la communication de l'arrêt à l'inspecteur du travail et aux représentants du personnel, sur le fondement de l'article L. 1322-4 du code du travail, alors selon le moyen, que la disposition de l'article L. 1322-4 du code du travail prévoit la communication de tout jugement, y compris les décisions rendues en référé, qui écartent l'application d'une disposition du règlement intérieur comme étant contraire aux dispositions des articles L. 1321-1 à L. 1321-3 et L. 1321-6 du code du travail ; qu'ayant elle-même constaté que le règlement intérieur de la société Schindler était illicite dès lors qu'il ne fixait pas, contrairement aux dispositions de l'article L. 1321-1 du code du travail, la durée maximale pour la mise à pied disciplinaire, la cour d'appel ne pouvait pas refuser d'ordonner la transmission de sa décision sur le fondement de l'article L. 1322-4 du code du travail qu'elle a violé ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni du dispositif, ni des motifs de l'arrêt que la cour d'appel ait statué sur la demande d'application de l'article L. 1322-4 du code du travail ; que le moyen, qui relève de l'omission de statuer, est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Schindler.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR rejeté l'exception de prescription, d'AVOIR condamné la société Schindler à verser à Monsieur Y... les sommes provisionnelles de 102,32€ à titre de rappel de salaires, 10,23€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente et 600 € à titre de dommages-intérêts, d'AVOIR condamné la société Schindler à délivrer à Monsieur Y... un bulletin de salaire rectifié pour le mois de décembre 2009, et d'AVOIR condamné la société Schindler à verser au syndicat Schindler DR Ile-de-France, DR Grand Ouest et filiales RCS une somme provisionnelle de 600 € à titre de dommages-intérêts pour la défense des intérêts collectifs de la profession ;

AUX MOTIFS QUE « la société Schindler soulève la prescription de l'action laquelle a été engagée par M. Y... le 30 décembre 2014 alors que la sanction a été prononcée le 5 novembre 2009 et effectuée le 24 novembre 2009, soit plus de cinq ans à compter de la saisine. Aux termes de l'application combinée de l'article 2224 du code civil et de la loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l'emploi, promulguée le 16 juin et entrée en vigueur le 17 juin suivant, reprise à l'article L. 3245-1 du code du travail, le délai de prescription des actions visant l'exécution et la rupture du contrat de travail a été réduit de deux à cinq ans. Si la sanction a été prononcée et notifiée le 5 novembre 2009 à M. Y... et effectuée le 24 novembre 2009, il n'en demeure pas moins qu'elle a reçu sa concrétisation en ce qui concerne la retenue de salaire, sur le bulletin de paye édicté le 31 décembre 2009. Il s'en suit, que le conseil des Prud'hommes a été valablement saisi le 30 décembre 2009, soit cinq ans avant le terme du délai pour agir valablement. Le jugement déféré est infirmé sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS QUE « M. Y... est fondé à obtenir la condamnation de la société Schindler à lui payer, à titre provisionnel, les sommes respectives de 102,32 euros brut à titre de rappel de salaire et 10,23 euros brut d'indemnité compensatrice de congés payés afférente, outre la remise d'un bulletin de salaire rectifié pour le mois de décembre 2009. M. Y... sollicite la condamnation de la société Schindler à lui payer une indemnité provisionnelle de 3.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice résultant des manquements de son employeur sur le fondement de la responsabilité délictuelle. La société Schindler s'oppose à cette prétention. L'employeur a appuyé la sanction disciplinaire litigieuse sur un règlement intérieur censuré pour son insuffisance, postérieurement à sa mise en oeuvre. Toutefois, la retenue injustifiée sur le salaire, qui n'a jamais été restituée par la société Schindler malgré les réclamations réitérées du salarié depuis la décision rendue par la cour de cassation en octobre 2010 et connue de celle-ci ainsi qu'il résulte des pièces produites aux débats, a nécessairement causé un préjudice au salarié, qui sera réparé par l'octroi d'une indemnité à hauteur de 600 euros » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le point de départ de la prescription de l'action en justice ouverte au salarié aux fins de contester le bien-fondé d'une sanction disciplinaire prononcée à son encontre court à compter de la date de notification de cette sanction, date à laquelle le salarié a pris connaissance des faits lui permettant d'exercer cette action ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société Schindler avait notifié à Monsieur Y... une mise à pied disciplinaire le 5 novembre 2009, laquelle a été effectuée le 24 novembre 2009 (arrêt, p. 5, al.13) et que Monsieur Y... a attendu plus de cinq ans, soit le 30 décembre 2014, pour saisir le conseil de prud'hommes de Versailles afin de contester le bien-fondé de cette sanction et obtenir un rappel de salaire correspondant ainsi que des dommages-intérêts (arrêt, p.2, al. 7) ; qu'en écartant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par la société Schindler au motif inopérant que la retenue sur salaire n'avait été matérialisée sur un bulletin de salaire remis au salarié le 31 décembre 2009, cependant que le salarié avait eu pleine et entière connaissance des faits qui lui étaient reprochés et de la sanction décidée par la société Schindler dès la notification de cette dernière le 5 novembre 2009, de sorte que l'action introduite le 30 décembre 2014 était prescrite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 2224 du code civil dans sa rédaction applicable au litige et L.3245-1 du Code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE saisi d'une demande indemnitaire, le juge doit réparer le préjudice allégué par la victime sans qu'il n'en résulte pour celle-ci ni perte ni profit ; qu'il en résulte que le juge ne peut déduire l'existence d'un préjudice de la seule constatation d'un manquement de la part de l'employeur ; qu'au cas présent, dans ses écritures (p.10), la société Schindler contestait l'existence d'un quelconque préjudice subi par Monsieur Y..., lequel se bornait quant à lui à solliciter, outre un rappel de salaires, une somme à titre de dommages-intérêts du seul fait du « non-respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles qui lui étaient applicables » (concl. adv. p.17) ; que la cour d'appel avait déjà alloué à Monsieur Y... une provision à hauteur de 102, 32 €, à titre de rappel de salaires correspondant à la mise à pied litigieuse, dont le bien-fondé n'avait été contesté par le salarié que cinq ans après et sur le seul fondement de l'insuffisance du règlement intérieur de l'entreprise, outre une provision de 10,23 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ; qu'en affirmant néanmoins que « la retenue injustifiée sur le salaire » avait « nécessairement causé un préjudice au salarié, qui sera réparé par l'octroi d'une indemnité à hauteur de 600 euros » (arrêt, p. 6, al. 4), sans caractériser l'existence d'un quelconque préjudice résultant du manquement constaté de l'employeur, indépendamment de celui qui était déjà compensé par le rappel de salaires alloué, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré l'intervention volontaire du syndicat CGT Schindler Ile de France recevable et d'AVOIR condamné la société Schindler à verser au syndicat Schindler DR Ile-de-France , DR Grand Ouest et filiales RCS une somme provisionnelle de 600€ à titre de dommages-intérêts pour la défense des intérêts collectifs de la profession ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur le moyen d'irrecevabilité tiré du défaut de qualité à agir du syndicat CGT Ile de France Grand Ouest et filiales RCS : La société Schindler soulève avant toute défense au fond, l'irrecevabilité de l'action engagée par le syndicat CGT Ile de France Grand Ouest et filiales, au motif premièrement, que la demande d'annulation d'une sanction disciplinaire ne caractérise pas un préjudice correspondant à la définition de l'intérêt collectif de la profession qu'il représente telle que définie par l'article L. 2132-3 du code du travail ; deuxièmement, le défaut de capacité à agir de ce syndicat, d'une part, pour la défense des intérêts d'un salarié qui exerce son activité hors du périmètre géographique visé par ses statuts, et d'autre part, pour défaut de communication d'un pouvoir régulier de M. B... pour la représentation en justice. En réplique, M. Y... et le syndicat CGT Ile de France Grand Ouest soutiennent que les délégués permanents ou non permanents des organisations de salarié ont qualité pour représenter en justice et que M. B... justifie d'une désignation régulière pour représenter son organisation. Ils ajoutent que le code du travail ne définit aucune limite territoriale pour l'activité des délégués alors que l'appartenance de M. B... au syndicat n'est pas discutée et qu'il est bien salarié de l'entreprise Schindler. L'article R.1453-2 du code du travail désigne, pour assister ou représenter les parties devant le conseil des prud'hommes, notamment :
" 2° les délégués permanents et non permanents des organisations d'employeur et de salariés."
Il est admis le caractère limitatif de cette liste. Il se constate, au vu des pièces produites aux débats, que M. Adrien B..., membre du bureau de ce syndicat, est bien délégué syndical permanent du syndicat CGT Schindler Ile de France Grand Ouest et filiales RCS et titulaire d'une délégation régulière prise conformément aux statuts du syndicat (dont il n'est pas contesté que les statuts ont été régulièrement déposés), en vue de représenter son syndicat en justice ainsi que les salariés. Au surplus, il est muni d'un pouvoir régulier émanant de M. Y... pour représenter ce dernier devant le Conseil des prud'hommes et la cour. Aucune disposition ne fixe de limite géographique à la représentation d'un salarié par un délégué syndical, ni de ce syndicat, devant une juridiction. La société Schindler invoque les statuts du syndicat partie à l'instance en soutenant que le syndicat CGT Schindler des Directions Régionales de l'Ile de France, Grand Ouest et des filiales RC ne peut intervenir pour les salariés affectés dans des établissements implantés hors de cette zone géographique, tel que M. Y..., technicien rattaché au site méditerranée, agence de Cannes. Il s'observe que le siège social de la société Schindler est situé à Vélizy Villacoublay de sorte que l'action a été engagée par M. Y... devant le conseil des Prud'hommes de Versailles puis la cour d'appel de Versailles, sans qu'à aucun moment la société Schindler ne discute cette compétence territoriale. Au surplus, l'action est exercée devant le conseil de prud'hommes de Versailles de sorte que la compétence territoriale du syndicat qui correspond à l'Ile de France, intègre les actions que les salariés peuvent présenter devant le conseil de prud'hommes du lieu du siège de la société. En effet, l'agence de Cannes dépend de la direction méditerranée, qui ne sont, ni l'une ni l'autre, constitué en société distincte, ni filiale de la société Schindler. L'extrait Kbis de la société Schindler, édité le 15 juillet 2014, de même que le bulletin de paye du salarié à l'entête de la société Schindler France, confirment cette analyse. Il s'en déduit que le syndicat CGT Schindler de la direction régionale de l'Ile de France, de la direction régionale Grand Ouest et des filiales RCS a bien qualité à agir aux côtés de tous les salariés de cette société pour les actions prud'homales les opposant à la société Schindler, indépendamment du lieu d'exécution du contrat de travail du salarié. Par ailleurs, les questions relatives à la licéité des dispositions du règlement intérieur qui concernent l'ensemble des salariés soumis à ce règlement d'une part, et d'autre part, qui répondent à une obligation légale de l'employeur, sont susceptibles de causer un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession. Il s'en déduit que le syndicat CGT Schindler de la direction régionale de l'Ile de France, de la direction régionale Grand Ouest et des filiales RC justifie de sa capacité et de sa qualité à agir. L'ordonnance déférée est confirmée en ce qu'elle a déclaré l'intervention volontaire du syndicat CGT Schindler Ile de France recevable et infirmée en ce qu'elle a dit que la SA Schindler est bien fondée en sa demande de défaut de droit d'agir de Adrien B... » ;

ET AUX MOTIFS QUE : « Sur les demandes du syndicat : Le syndicat sollicite la condamnation de la société Schindler à lui payer une indemnité provisionnelle d'un montant de 4.000 euros en réparation de son préjudice puisque toutes les démarches effectuées auprès de la société Schindler pour obtenir l'annulation de la sanction disciplinaire et le paiement du salaire correspondant se sont révélées vaines. La société Schindler soutient que les dispositions de l'article L. 2262-11 du code du travail ne sont pas applicables en l'espèce. Cette disposition vise le respect des accords collectifs et la possibilité, pour un syndicat de solliciter des dommages et intérêts en cas de violation des accords collectifs. L'article précité dispose que les organisations ou groupements ayant la capacité d'agir en justice, liés par une convention ou un accord, peuvent intenter en leur nom propre toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et, le cas échéant des dommages et intérêts contre toute personne liée par la convention ou l'accord. Tel est le cas puisqu'il est démontré par les pièces produites aux débats, que l'organisation syndicale est intervenue à de nombreuses reprises auprès de l'employeur pour obtenir l'annulation des sanctions illicites, le retrait de la sanction du dossier personnel du salarié et la restitution des salaires prélevés au titre de la mise à pied du salarié depuis la décision rendue par la cour de cassation jusqu'à l'année 2014. La société Schindler a constamment refusé, en soutenant que les sanctions étaient fondées, ce qui caractérise un trouble manifestement illicite. La cour condamne la société Schindler à payer au syndicat CGT Schindler, une indemnité provisionnelle à hauteur de 600 euros » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la compétence d'un syndicat pour engager une action en justice ne peut excéder celle de l'assise territoriale de ce syndicat telle que délimitée par ses statuts, ce dont il résulte que le syndicat ayant pour objet la défense des salariés relevant d'une ou plusieurs directions régionales déterminées d'une société n'a pas la capacité à agir pour la défense de salariés exerçant au sein de directions régionales autres que celles visées par ses statuts ; qu'en déclarant recevable l'intervention volontaire du « syndicat CGT Schindler de la direction régionale de l'Ile de France, de la direction régionale Grand Ouest et des filiales RCS » et en jugeant qu'il avait qualité à agir aux côtés de tous les salariés de la société Schindler, indépendamment de leur lieu d'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable en la cause, L. 2131-1 et L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article 32 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE l'action en justice des syndicats professionnels est limitée aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que le litige individuel dont l'objet est de contester la légalité d'une sanction disciplinaire individuelle ne suffit pas à caractériser un préjudice correspondant à la définition de l'intérêt collectif de la profession et permettant à un syndicat d'agir en justice, au sens de l'article L. 2132-3 du code du travail, peu important que la sanction disciplinaire soit devenue illicite du fait d'une déclaration postérieure d'illégalité du règlement intérieur de l'entreprise ; que, pour dire l'intervention du syndicat CGT Schindler Ile de France recevable et lui allouer une provision à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que « les questions relatives à la licéité des dispositions du règlement intérieur qui concernent l'ensemble des salariés soumis à ce règlement d'une part, et d'autre part, qui répondent à une obligation légale de l'employeur, sont susceptibles de causer un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession » (arrêt, p.4, der. al.) ; qu'en statuant ainsi, cependant que le litige portait uniquement sur une demande d'annulation d'une sanction disciplinaire individuelle et le versement d'un rappel de salaire et de dommages-intérêts correspondants, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un intérêt collectif de la profession et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 2132-3 du code du travail. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Y... et le syndicat CGT Schindler des directions régionales de l'Ile-de-France, de la direction régionale Grand-Ouest et des filiales de RCS.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Y... de sa demande tendant à obtenir l'annulation de la mise à pied disciplinaire dont il a fait l'objet,

AUX MOTIFS QUE la demande d'annulation de la sanction disciplinaire, qui suppose l'examen du fond de l'affaire, n'entre pas dans les pouvoirs de la cour d'appel statuant en la forme des référés tels que définis par les [ articles R. 1455-5, R 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail ] ; que toutefois la formation des référés est compétente pour faire cesser un trouble manifestement illicite, tel que celui qui résulte du prononcé d'une sanction disciplinaire dans les conditions non conformes aux dispositions de l'article L.1321-1 du code du travail ; que le règlement intérieur de la société Schindler qui ne fixe pas, contrairement aux dispositions de l'article L.1321-1 du code du travail, de durée maximale pour la mise à pied disciplinaire est illicite, de sorte que la mise à pied et la retenue de salaire subséquente, sont constitutives d'un trouble manifestement illicite ;

ALORS QUE la mise à pied prononcée illégalement en application d'un règlement intérieur qui ne prévoit pas la durée maximale de cette sanction constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser en en prononçant l'annulation ; qu'en refusant d'annuler la mise à pied disciplinaire dont a fait l'objet M. Y... tout en constatant que cette sanction avait été prise en application d'un règlement intérieur illicite et qu'elle était constitutive d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6, L. 1321-1 et L. 1331-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande du salarié tendant à voir ordonner la communication de l'arrêt à l'inspecteur du travail et aux représentants du personnel, sur le fondement de l'article L. 1322-4 du Code du travail,

AUX MOTIFS QUE ce texte dispose qu'à l'occasion d'un litige individuel, une copie du jugement est adressée à l'inspecteur du travail et aux membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail pour les matières relevant de sa compétence ; que la décision rendue en la forme des référés, dénommée ordonnance, ne relève pas de l'application de cette disposition ; que la demande à ce titre est rejetée ;

ALORS QUE la disposition de l'article L. 1322-4 du Code du travail prévoit la communication de tout jugement, y compris les décisions rendues en référé, qui écartent l'application d'une disposition du règlement intérieur comme étant contraire aux dispositions des articles L. 1321-1 à L. 1321-3 et L. 1321-6 du Code du travail ; qu'ayant elle-même constaté que le règlement intérieur de la société Schindler était illicite dès lors qu'il ne fixait pas, contrairement aux dispositions de l'article L. 1321-1 du Code du travail, la durée maximale pour la mise à pied disciplinaire, la Cour d'appel ne pouvait pas refuser d'ordonner la transmission de sa décision sur le fondement de l'article L. 1322-4 du Code du travail qu'elle a violé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-20794
Date de la décision : 20/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 jui. 2018, pourvoi n°16-20794


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.20794
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