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19/06/2018 | FRANCE | N°17-85046

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 juin 2018, 17-85046


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Cédric X...,

contre le jugement de la juridiction de proximité de BRIVE-LA-GAILLARDE, en date du 19 juin 2017, qui, pour infraction à la réglementation sur la transparence des vitres de véhicule, l'a condamné à 135 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 juin 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Cathala, Ricard, Parlos, Bon

nal, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de-Lamarzelle, conseillers référendaires ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Cédric X...,

contre le jugement de la juridiction de proximité de BRIVE-LA-GAILLARDE, en date du 19 juin 2017, qui, pour infraction à la réglementation sur la transparence des vitres de véhicule, l'a condamné à 135 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 juin 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Cathala, Ricard, Parlos, Bonnal, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de-Lamarzelle, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Z... ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure que M. X..., qui circulait à bord de son véhicule le 30 janvier 2017, a fait l'objet d'un procès-verbal pour conduite d'un véhicule ne respectant pas les prescriptions de transparence des vitres, prévues par les articles R.316-3 et R.316-3-1 du code de la route ;

En cet état ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 6 et 7 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er du Protocole additionnel n°1 à cette convention, R. 316-3 et R. 316-3-1 du code de la route, 111-4 du code pénal, 537, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que le jugement attaqué a déclaré M. X... coupable des faits reprochés et l'a condamné en répression à une amende contraventionnelle de 135 euros à titre de peine principale ;

"aux motifs que le texte réprimant cette infraction n'impose pas, à peine de nullité, le contrôle par photomètre du degré de transparence des vitres des voitures en circulation au-delà de la date du 1er janvier 2017 ; que la contravention est constituée dès lors qu'un service de police ou de gendarmerie peut estimer que la visibilité intérieure de l'avant d'un véhicule est insuffisante au regard des spécifications de l'article R. 316-3, 2e alinéa, du code de la route ; que les spécifications de l'article 1 de l'arrêté du 18 octobre 2016 s'adressent seulement aux constructeurs et aménageurs de véhicule ; que si l'article 2 de ce même texte crée des exceptions, celles-ci ne concernent manifestement pas le prévenu qui ne prétend pas d'ailleurs appartenir à l'une des catégories visées par ces exceptions ; qu'il ne produit au surplus aucun document permettant d'établir que son automobile dépend d'une autre catégorie que celles énoncées à l'article 1 de cet arrêté ; qu'une décision réglementaire est par principe applicable à compter du jour de sa publication ; qu'en l'espèce le décret 2016-448 du 13 avril 2016 fixait lui-même sa date d'entrée en vigueur à une date postérieure, soit le 1er janvier 2017 ; que si les règlements ne disposent que pour l'avenir, ce qui est ici le cas, ils ont vocation à s'appliquer immédiatement aux situations qu'ils décrivent ; qu'en l'espèce la sanction s'applique indistinctement à tout véhicule maintenu en circulation en infraction au code de la route au-delà de la date du 1er janvier ; qu'il n'existe donc aucune rétroactivité de la sanction encourue ;

"1°) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte, que le défaut de transparence des vitres d'un véhicule n'est incriminé que si le facteur de transmission régulière de la lumière est inférieur à 70 % et que la méconnaissance de ce seuil, qui n'est pas déterminable à l'oeil nu, doit être établie par un instrument de mesure ; qu'en retenant, pour déclarer M. X... coupable de cette infraction, que « la contravention est constituée dès lors qu'un service de police ou de gendarmerie peut estimer que la visibilité intérieure de l'avant d'un véhicule est insuffisante », quand la transparence des vitres est légalement considérée comme suffisante lorsque le coefficient de transmission lumineuse est supérieur à 70 % et quand la transparence des vitres du véhicule du prévenu n'avait fait l'objet d'aucune mesure par photomètre, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que seuls sont punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis et que l'infraction prévue à l'article R. 316-3-1 du code de la route requiert que le véhicule soit équipé de vitres dont le coefficient de transmission lumineuse est inférieur à 70 % ; qu'en retenant, pour en déclarer M. X... coupable, que l'infraction créée par le décret du 13 avril 2016 devait s'appliquer « indistinctement à tout véhicule maintenu en circulation » au-delà du 1er janvier 2017, date de son entrée en vigueur, quand l'équipement de vitres insuffisamment transparentes sur le véhicule, qui est un élément constitutif de l'infraction, avait été intégralement accompli sous l'empire de la loi ancienne à l'époque de laquelle ces vitres étaient homologuées, en sorte que les faits dont la réunion consommait l'infraction retenue n'avaient pas été exécutés, dans leur totalité, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la juridiction de proximité a fait une application rétroactive de la loi pénale plus sévère et violé les textes susvisés ;

"3°) alors que toute personne a droit au respect de ses biens ; qu'en retenant, pour en déclarer M. X... coupable, que l'infraction créée par le décret du 13 avril 2016 devait s'appliquer à tout véhicule « maintenu en circulation » au-delà du 1er janvier 2017, date de son entrée en vigueur, ce dont il résulte que M. X... aurait été tenu soit de cesser d'utiliser son véhicule dans l'état, conforme à la réglementation alors en vigueur, où il l'avait acquis, soit de faire procéder, à ses frais, au remplacement des vitres litigieuses, quand l'une et l'autre de ces options porte une atteinte disproportionnée à son droit de propriété, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés" ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'il résulte de l'article R.316-3 du code de la route, en premier lieu, que la preuve de l'infraction à la réglementation sur la transparence des vitres de véhicule est établie par la constatation, par l'agent verbalisateur, de ce que celle-ci n'est pas suffisante, en second lieu, qu'il est permis au contrevenant de rapporter la preuve contraire conformément à l'article 537 du code de procédure pénale, notamment en établissant que le facteur de transmission régulière de la lumière est d'au moins 70 % ;

D'où il suit que le grief n'est pas établi ;

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que le décret n°2016-448 du 13 mars 2016 modifiant la rédaction de l'article R. 316-3 du code de la route, relatif à la transparence des vitres de véhicule, est entré en vigueur le 1er janvier 2017 ; que le demandeur au pourvoi est donc mal fondé à contester son application à des faits constatés le 30 janvier suivant ;

Qu'en conséquence, le grief doit être écarté ;

Sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que l'atteinte au droit de propriété des détenteurs de véhicule résultant de l'application, depuis le 1er janvier 2017 aux véhicules maintenus en circulation à cette date, de la réglementation sur la transparence des vitres n'est pas disproportionnée au regard des exigences de sécurité routière et d'ordre public ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention des droits de l'homme, 111-4 du code pénal, R. 316-3 et R. 316-3-1 du code de la route, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que le jugement attaqué a déclaré M. X... coupable des faits reprochés et l'a condamné en répression à une amende contraventionnelle de 135 euros à titre de peine principale ;

"aux motifs que le texte réprimant cette infraction n'impose pas, à peine de nullité, le contrôle par photomètre du degré de transparence des vitres des voitures en circulation au-delà de la date du 1er janvier 2017 ; que la contravention est constituée dès lors qu'un service de police ou de gendarmerie peut estimer que la visibilité intérieure de l'avant d'un véhicule est insuffisante au regard des spécifications de l'article R. 316-3, 2e alinéa, du code de la route ; que les spécifications de l'article 1 de l'arrêté du 18 octobre 2016 s'adressent seulement aux constructeurs et aménageurs de véhicule ; que si l'article 2 de ce même texte crée des exceptions, celles-ci ne concernent manifestement pas le prévenu qui ne prétend pas d'ailleurs appartenir à l'une des catégories visées par ces exceptions ; qu'il ne produit au surplus aucun document permettant d'établir que son automobile dépend d'une autre catégorie que celles énoncées à l'article 1 de cet arrêté ; qu'une décision réglementaire est par principe applicable à compter du jour de sa publication ; qu'en l'espèce le décret 2016-448 du 13 avril 2016 fixait lui-même sa date d'entrée en vigueur à une date postérieure, soit le 1er janvier 2017 ; que si les règlements ne disposent que pour l'avenir, ce qui est ici le cas, ils ont vocation à s'appliquer immédiatement aux situations qu'ils décrivent ; qu'en l'espèce la sanction s'applique indistinctement à tout véhicule maintenu en circulation en infraction au code de la route au-delà de la date du 1er janvier ; qu'il n'existe donc aucune rétroactivité de la sanction encourue ;

"alors que le juge répressif ne peut déclarer un prévenu coupable d'une infraction sans en avoir caractérisé tous les éléments constitutifs ; qu'en déclarant M. X... coupable de la contravention de conduite d'un véhicule ne respectant pas les conditions de transparence des vitres fixées à l'article R. 316-3 du code de la route, par des motifs abstraits, généraux et impersonnels, sans identifier le véhicule et sans constater ni qu'il était en circulation, ni que le prévenu avait accompli un acte de conduite, ni que la vitre du pare-brise, la vitre latérale avant côté conducteur ou la vitre latérale avant côté passager présentait un facteur de transmission régulière de la lumière inférieur à 70 %, et en ne caractérisant dès lors aucun des éléments constitutifs de l'infraction poursuivie, la juridiction de proximité n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 537 dudit code, R.316-3 et R.316-3-1 du code de la route ;

Attendu que le juge répressif ne peut déclarer un prévenu coupable d'une infraction sans en avoir caractérisé tous les éléments constitutifs ;

Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de contravention à la réglementation sur la transparence des vitres de véhicule, le jugement attaqué se borne à viser le procès-verbal ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le procès-verbal de contravention, qui ne précisait pas concrètement quelles vitres étaient concernées ni en quoi leur transparence était insuffisante, ne comportait pas de constatations au sens de l'article 537 du code de procédure pénale, la juridiction de proximité n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement susvisé de la juridiction de proximité de Brive-la-Gaillarde, en date du 19 juin 2017, et, pour qu'ill soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal de police de PERIGUEUX, à ce désigné par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du tribunal de police auquel ont été transférées les archives et les minutes de la juridiction de proximité de Brive-la-Gaillarde et sa mention en marge ou à la suite du jugement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-85046
Date de la décision : 19/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Juridiction de proximité de Brive-la-Gaillarde, 19 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 jui. 2018, pourvoi n°17-85046, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.85046
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