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14/06/2018 | FRANCE | N°17-15286

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 juin 2018, 17-15286


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 53, IV et VI, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Marcel X... a développé des épaississements pleuraux diagnostiqués le 5 janvier 1996 qui ont évolué en asbestose ; que le caractère professionnel de cette maladie a été reconnu ; que le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) lui a proposé l'indemnisation de s

es préjudices ; qu'à la suite de chacune des aggravations de l'état de santé de Mar...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 53, IV et VI, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Marcel X... a développé des épaississements pleuraux diagnostiqués le 5 janvier 1996 qui ont évolué en asbestose ; que le caractère professionnel de cette maladie a été reconnu ; que le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) lui a proposé l'indemnisation de ses préjudices ; qu'à la suite de chacune des aggravations de l'état de santé de Marcel X..., le FIVA a formulé des propositions d'indemnisation qui ont été acceptées ; que Marcel X... est décédé le [...] ; que, saisi par ses ayants droit, un tribunal des affaires de sécurité sociale a, par jugement du 15 avril 2014, reconnu la faute inexcusable de l'employeur de Marcel X... et a statué sur le recours subrogatoire du FIVA ; que, par lettre reçue le 20 mai 2016, le FIVA a offert diverses sommes aux ayants droit de Marcel X... pour l'aggravation du préjudice subie à compter du 7 juillet 2008 ; que Mmes Francine, Valérie, Danielle X... et MM. Z..., Jean-Paul, Philippe, Arnaud X... (les consorts X...) ont refusé une partie de cette offre et ont formé un recours devant une cour d'appel ;

Attendu que pour débouter les consorts X... de leur recours au titre de l'indemnisation complémentaire du préjudice physique et du préjudice moral de Marcel X..., l'arrêt énonce, d'une part, qu'au vu de la somme de 10 000 euros déjà versée en réparation de ce préjudice par le FIVA et celle de 10 000 euros allouée par le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'offre du FIVA de verser 5 000 euros complémentaire répare intégralement l'aggravation de son préjudice physique, d'autre part, qu'en fonction des éléments soumis à la cour d'appel et de l'indemnisation de son préjudice moral par la somme totale de 43 000 euros à l'issue des offres précédentes du FIVA et de l'indemnisation de 31 000 euros allouée par le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'offre du FIVA d'une somme de 11 200 euros au titre de l'indemnisation complémentaire est satisfactoire ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'une demande d'indemnisation complémentaire au titre d'une aggravation qu'elle devait seule évaluer, indépendamment des sommes déjà perçues par la victime en réparation du préjudice initial et des aggravations antérieures et de celles fixées par le tribunal des affaires de sécurité sociale sur le recours subrogatoire du FIVA, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les ayants droit de Marcel X... de leur recours en ce qui concerne l'indemnisation complémentaire de son préjudice physique et de son préjudice moral, l'arrêt rendu le 26 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat , avocat aux Conseils, pour Mmes Francine, Valérie, Danielle X... et MM. Z..., Jean-Paul, Philippe et Arnaud X....

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les ayants-droit de Marcel X..., exposants, de leur recours à l'encontre de l'offre du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante du 12 mai 2016 en ce qui concerne l'indemnisation complémentaire des préjudices physique, moral et d'agrément de Marcel X... et de leur recours à l'encontre du rejet d'indemnisation au titre du préjudice esthétique subi par Marcel X... de son vivant ;

AUX MOTIFS QUE, sur le préjudice d'incapacité fonctionnelle, les requérants ne contestent pas l'offre d'indemnisation au titre de l'aggravation du préjudice fonctionnel de Marcel X... ; que sur le préjudice physique, Marcel X... a souffert d'un syndrome restrictif sévère (VEMS à 59% de la théorique et CPT à 49% de la théorique), qui a entrainé des infections bronchiques ; qu'il est relevé le 22 décembre 2010 des douleurs « à type de coups de poing », « une irradiation bilatérale » et une « douleur thoracique » ; qu'il est décédé le [...] d'un arrêt cardio-respiratoire au décours d'un infarctus du myocarde après une hospitalisation de 48 heures pour la prise en charge d'un sepsis sévère à point de départ pulmonaire associé à une insuffisance rénale ; que toutefois le trouble restrictif était déjà important dès 2005 et l'augmentation massive des douleurs n'apparaît pas évidente au vu des pièces médicales ; que la ventilation nocturne est en revanche liée à un autre facteur qu'est l'apnée du sommeil ; que rien ne démontre que les lourdes pathologies dont il souffrait (lupus erythémateux, polyarthrite, insuffisance rénale mutlifactorielle, dyslipidémie), sans lien avec la contamination par l'inhalation de fibres d'amiante, ont eu des répercussions sur les douleurs physiques endurées en lien avec le syndrome restrictif, depuis l'aggravation de l'asbestose ; qu'au vu de la somme de 10.000 € déjà versée en réparation de ce préjudice par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, et 10.000 € alloué par le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'offre du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de verser 5.000 € complémentaire répare intégralement l'aggravation de son préjudice physique ; que sur le préjudice moral, les pièces médicales versées aux débats ne font pas état du retentissement moral de l'aggravation de l'état de santé sur la personne de Marcel X... ; que l'annonce de l'aggravation de sa pathologie par l'asbestose a incontestablement créé pour Marcel X... un préjudice lié à l'anxiété générée par le diagnostic, mais que toutefois il convient de rappeler qu'il était âgé de 74 ans ; que les attestations de son entourage démontrent qu'il était inquiet de l'évolution de sa maladie mais que pour autant il n'est pas établi que son état psychologique ait justifié un quelconque suivi ; que par ailleurs les multiples pathologies intercurrentes dont il souffrait qui sont sans rapport avec l'amiante affectent également l'état psychologique de la victime ; que dès lors l'aggravation de sa pathologie en lien avec l'amiante n'est pas seule à l'origine du retentissement moral sur le patient ; qu'en fonction des éléments soumis à la cour, et de l'indemnisation de son préjudice moral par la somme totale de 43.000 € à l'issue des offres précédentes du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et de l'indemnisation de 31.000 € allouée par le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'offre du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante d'une somme de 11.200 € au titre de l'indemnisation complémentaire est satisfactoire ; que sur le préjudice d'agrément, les consorts X... ne justifient pas d'une activité spécifique sportive ou de loisir dont Marcel X... aurait été privé du fait de l'aggravation de cette pathologie ; que les attestations versées aux débats, qui émanent des ayants-droit, se contentent d'indiquer qu'il ne pouvait plus faire d'effort et ne conservait qu'une faible activité, et que ce préjudice est déjà indemnisé au titre du préjudice d'incapacité fonctionnelle ; que cependant le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante propose de lui verser une somme complémentaire de 5.000 € au titre de la réparation complémentaire de ce poste de préjudice, en plus de la somme de 11.000 € précédemment allouée, de sorte que cette offre sera déclarée satisfactoire ; que sur le préjudice esthétique, le préjudice esthétique évoqué ne résulte pas des pièces produites ; qu'aucune photographie n'est produite aux débats ; que les pièces médicales ne font pas état d'un tel préjudice, ni d'une perte de poids ; qu'enfin l'assistance respiratoire utilisée de nuit n'est pas liée à la pathologie de l'amiante ; qu'il convient donc de rejeter la demande d'indemnisation d'un préjudice esthétique ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 pose le principe de la réparation intégrale des préjudices subis par les victimes de l'amiante ; qu'en considérant que, pour évaluer la pertinence de l'offre d'indemnisation complémentaire émise par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante le 12 mai 2016, il convenait de prendre en compte les précédentes sommes déjà versées par ce fonds au titre des précédentes aggravations de l'état de santé de Marcel X..., cependant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de ces précédents versements dans la mesure où l'offre du 12 mai 2016 avait un objet spécifique consistant à indemniser l'aggravation de l'état de santé de Marcel X... entre le 7 juillet 2008, date de la précédente offre acceptée, et le 23 décembre 2010, date de son décès, période non indemnisée jusqu'alors, la cour d'appel a méconnu le principe et le texte précités ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 pose le principe de la réparation intégrale des préjudices subis par les victimes de l'amiante ; qu'en considérant que, pour évaluer la pertinence de l'offre d'indemnisation complémentaire émise par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante le 12 mai 2016, il convenait de prendre en compte les préjudices fixés par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille dans son jugement du 15 avril 2014, cependant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de ces éléments dans la mesure où le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante était intervenu devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en qualité de subrogé dans les droit des ayants-droit de Marcel X... (cf. jugement du 15 avril 2014, p. 2 in fine et p. 3, alinéas 1 et 2), de sorte que ceux-ci n'ont perçu aucune somme supplémentaire à la suite du recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a méconnu le principe et le texte précités.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-15286
Date de la décision : 14/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 26 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 jui. 2018, pourvoi n°17-15286


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.15286
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