LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies ;
Attendu que la société Pharmacie centrale, preneur à bail de locaux commerciaux à usage d'officine de pharmacie appartenant à la société civile immobilière Anni (la SCI), l'a assignée en révision triennale du loyer ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que l'expert judiciaire indique ne pas être "en mesure de dire s'il y a eu modification notable des éléments de valeur locative au regard des facteurs locaux de commercialité à la hausse ou à la baisse" ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;
Condamne la SCI Anni aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Anni et la condamne à payer à la société Pharmacie centrale la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Pharmacie centrale
La société Pharmacie Centrale fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en réduction de loyer ;
AUX MOTIFS QUE l'action en révision du loyer du bail commercial conclu par la société Pharmacie Centrale n'est pas soumise à l'article L. 145-38 du code de commerce qui n'est pas applicable en Nouvelle-Calédonie ; qu'elle est régie par la délibération du Congrès n° 94 du 8 août 2000 relative à la révision des loyers des baux d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal ; attendu que l'article 4 de la délibération précitée dispose : « pour la détermination du montant des loyers des baux à renouveler ou à réviser, et à défaut d'accord entre les parties, il est tenu compte des facteurs locaux de commercialité. Ils dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée, et des modifications que ces éléments subissent de manière durable provisoire. » ; que l'article 11 précise : « la demande en révision ne pourrait être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. De nouvelles demandes pourront être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable. À moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'index du bâtiment de Nouvelle-Calédonie BT 21 publiée par l'institut de la statistique et des études économiques, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer ; en aucun cas, il ne sera tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, ni des investissements du preneur, ni des moins ou plus-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours. » ; qu'il résulte de ces textes que, par dérogation au principe général selon lequel le loyer doit être fixé en fonction des facteurs locaux de commercialité, une révision judiciaire du loyer en cours de bail ne peut intervenir qu'en cas d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative ; que le rapport d'expertise déposé par M. Y... ne révèle pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative ; qu'en effet, l'expert judiciaire indique ne pas être « en mesure de dire s'il y a eu une modification notable des éléments de valeur locative au regard des facteurs locaux de commercialité (à la hausse ou à la baisse) » ; que dans ces conditions, la demande de révision du loyer à la baisse d'être rejetée ;
ALORS QUE commet un déni de justice le juge qui rejette une demande au motif que l'expert qu'il a désigné n'a pas été en mesure de déterminer si elle était fondée, sans même vérifier les éléments de preuve présentés au soutien de cette prétention ; que dès lors, en se bornant à retenir, pour rejeter la demande de la société Pharmacie Centrale tendant à faire réduire le montant du loyer dû à la société Anni en raison d'une variation de plus de 10 % de la valeur locative de l'immeuble donné à bail, que l'expert judiciaire désigné afin d'apprécier cette variation indiquait ne pas avoir été en mesure de dire s'il y avait eu modification notable des éléments de valeur locative au regard facteurs locaux de commercialité, la cour d'appel, qui s'est ainsi abstenue de se prononcer sur le bien-fondé des demandes de la société Pharmacie Centrale, a violé l'article 4 du code civil.