LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen,18 novembre 2016), que, par acte du 21 novembre 1994, Claude X... a donné à bail à Mme X... des terres agricoles d'une superficie de vingt et un hectares environ ; que, par acte du 5 novembre 2009, il a donné à bail à M. Y... un ensemble de douze parcelles d'une contenance de treize hectares environ ; que, par déclaration du 3 juillet 2013, il a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail le liant à M. Y... ; que celui-ci a demandé reconventionnellement la délivrance de quatre parcelles dont la jouissance ne lui avait pas été transmise ; que Claude X... est décédé le [...] , en laissant son frère André pour lui succéder ; que, par jugement du 20 novembre 2015, M. Y... a été placé en redressement judiciaire ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'ordonner la délivrance de quatre parcelles ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, par la recherche de la commune intention des parties à l'acte du 5 novembre 2009, retenu que les parcelles litigieuses figuraient dans le bail consenti à M. Y... et que celui-ci avait bénéficié, au même moment, du transfert des droits d'exploitation de la contenance totale consenti par Mme X..., titulaire du bail notarié du 21 novembre 1994 et se déclarant elle-même exploitante jusqu'au 29 septembre 2009, et que M. Y... avait réglé les appels de fermages correspondant à la totalité de la superficie visée au bail, la cour d'appel a pu en déduire que le preneur était fondé à obtenir du bailleur la délivrance des parcelles retenues à tort et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de résiliation ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que M. X... ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, d'une sous-location des parcelles à un tiers, ni de l'appauvrissement du sol qu'engendrerait la culture du lin pratiquée, lors d'une seule campagne, dans le contexte d'un échange non déclaré auquel le preneur avait mis fin spontanément , la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à M. Y... et à Mme Z..., ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à M. X... de délivrer à M. Y... la jouissance des parcelles sises commune de [...] référencées [...] d'une contenance de 4 ha 96 a 08 ca et d'AVOIR dit que faute pour M. X... de délivrer à M. Y... dans le délai de 15 jours à compter du présent arrêt les parcelles visées ci-dessus courra une astreinte provisoire de 20 € par jour de retard pendant quatre mois ;
AUX MOTIFS QUE Sur le bail : M. X... soutient que nonobstant les mentions du bail, les quatre parcelles litigieuses ([...]) ne faisaient pas partie des terres louées car elles avaient préalablement été louées à son épouse, Lydie B... épouse X... (alors belle-soeur des bailleurs, M. Claude X... et son épouse Mme Yvette C... épouse X...) par un bail notarié du 21/11/1994 qui s'était ensuite renouvelé par tacite reconduction ; que le fait que ce bail antérieur ait une date certaine opposable à l'égard de tous grâce à sa qualité d'acte notarié ne rend pas l'acte lui-même opposable aux tiers. Seule sa publication à la conservation des hypothèques aurait pu lui conférer cette qualité. Ce bail est donc inopposable à M. Y... qui peut valablement réclamer l'exécution du bail sous seing privé le liant à M. X... ; qu'il convient dès lors de vérifier s'il existait une commune intention des parties consistant à n'exécuter le bail que sur 9 des 13 parcelles visées ; qu'il est constant que les quatre parcelles litigieuses, contrairement aux 9 autres sur lesquelles portait également le bail notarié de 1994, n'ont jamais été délivrées à M. Y... sans qu'il adresse à son bailleur, au vu des documents produites, une quelconque réclamation à ce propos ; qu'il a néanmoins bénéficié des DPU (droit à paiement unique) afférents car Mme Lydie X..., se disant exploitante jusqu'au 29/9/2009, lui a cédé, le 15/5/2010, ses droits sur ces parcelles comme sur les autres visées dans le bail ; qu'il a également réglé un fermage correspondant à la totalité de la superficie visée au bail, conformément aux appels de fermage adressés par M. X... ; qu'en conséquence, les éléments produits ne permettent pas de considérer que les parties auraient entendu limiter le bail à 9 des 13 parcelles louées ; que M. Y... est donc bien fondé à obtenir la délivrance des parcelles litigieuses et à voir évaluer le préjudice que lui a occasionné la perte de jouissance de ces quatre parcelles. Le jugement sera confirmé sur ces deux points, sauf à modifier l'astreinte en la faisant courir de la notification du présent arrêt, en la limitant dans le temps et en prévoyant que la cour s'en réservera la liquidation ;
1) ALORS QU'entre deux preneurs successifs de la même chose louée, celui qui a l'antériorité du titre doit être préféré à l'autre, son droit, opposable aux tiers depuis le jour où il avait eu date certaine, l'étant par conséquent à celui de l'autre locataire, postérieur au sien ; qu'en affirmant que le bail de M. Y... résultant d'un acte sous seing privé du 5 novembre 2009 primait celui consenti par acte authentique en date du 21 novembre 1994 à Lydie X..., la cour d'appel a violé les articles 1134, 1328 et 1719 du code civil ;
2) ALORS QUE pour être opposables aux tiers, les baux immobiliers d'une durée de neuf ans n'ont pas à être publiés au Fichier immobilier ; qu'en affirmant, pour déclarer inopposable à M. Y... le bail notarié en date du 21 novembre 1994 consenti par Claude X... à Lydie X... pour une durée initiale de neuf ans, que seule sa publication à la conservation des hypothèques aurait pu le rendre opposable aux tiers, la cour d'appel a violé l'article 28-1° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
3) ALORS en toute hypothèse QUE nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que les juges du fond ne peuvent ordonner la délivrance de parcelles à un preneur second en date, dont la mise à disposition est contestée, sans que le preneur initial soit intervenu à l'instance ; qu'en ordonnant la délivrance à M. Y..., second preneur en date, des parcelles litigieuses qui avaient été initialement données à bail à Mme X... sans que cette dernière ait été attraite dans l'instance, la cour d'appel a violé l'article 14 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Claude X... de sa demande en résiliation du bail conclu le 5 novembre 2009 avec M. Michel Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur les fermages ; il ressort du décompte exposé par le tribunal paritaire des baux ruraux dans son jugement et non utilement contesté, que M. Y... a réglé l'ensemble des sommes dues au 25/6/2013 ; que M. Y... a adressé à l'avocat de M. X... en paiement des échéances des 29/9/2013, 29/3/2014 et 29/9/2014 trois chèques de 1 100 € respectivement les 17/2, 27/6 et 24/11/2014. Il est constant que ces chèques n'ont pas été encaissés par M. X... ; que restent en outre dues, au jour du présent arrêt, les échéances des 29/3/2015, 29/9/2015, 29/3/2016 et 29/9/2016 pour un total de 4 395,44 € (hors indexation) ; que sauf paiement intervenu depuis lors, 7 695,44 € restent dus (sans tenir compte de l'indexation du fermage). M. Y... étant placé en redressement judiciaire, il appartiendra le cas échéant à M. X... de déclarer cette créance entre les mains du mandataire judiciaire ; Sur la résiliation du bail ; que M. Y... admet avoir échangé avec M. D... pour la campagne 2012 les parcelles [...] , [...], [...], [...], [...], [...] et [...] (superficie 8 ha 77 a) contre une partie d'une parcelle [...] (9 ha 31 a) appartenant à ce dernier et reconnaît n'en avoir pas informé au préalable M. X... par lettre recommandée conformément aux prévisions de l'article L. 411-39 du code rural et de la pêche maritime ; que M. X... demande la résiliation du bail « d'une part pour sous-location, d'autre part pour un échange de parcelles dans l'irrespect total de la procédure de l'article L. 411-39 du code rural et de la pêche maritime. Cet échange ayant provoqué un préjudice certain » à sa propriété « en appauvrissant son potentiel de production » ; que M. X... n'apporte aucun élément qui établirait que M. Y... aurait en fait sous-loué les parcelles en cause et que l'échange dont M. Y... fait état – et que M. D... confirme dans une attestation – serait inexistant ; que M. Y... a manqué à ses obligations en omettant d'informer au préalable M. Y... de cet échange ; qu'il n'est pas en revanche établi que cet échange aurait continué en 2013. Ce point est contesté par M. Y... qui indique – a toujours indique dès ses premières conclusions contrairement à ce qu'affirme M. X... – qu'il avait récupéré les parcelles en cause en 2013 et y avait semé du blé ; qu'il est constant qu'en 2012 M. D... a semé du lin sur les parcelles échangées. Selon M. X..., cette culture appauvrirait le sol. M. Y... soutient, quant à lui, que cette culture a, au contraire, amélioré la qualité agronomique des parcelles, qui ont d'ailleurs produit l'année suivante 98 quintaux de blé à l'hectare ; qu'aucun élément ne permet de considérer que le sol aurait, de fait, été appauvri par cette culture. En toute hypothèse, le préjudice éventuel découlerait non de l'échange de parcelles en lui-même mais de la culture pratiquée sur les parcelles, sachant que M. Y... aurait toute aussi bien semer lui-même du lin sur ces parcelles avec les mêmes éventuelles conséquences préjudiciables pour le sol puisqu'aucune interdiction de pratiquer cette culture ne figure dans le bail ; qu'en conséquence, M. X... n'établit pas l'existence découlant du manquement imputable à M. Y... et sera donc débouté de sa demande de résiliation du bail ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la résiliation du bail consenti par M. Claude X... à M. Michel Y... ; que la sous location prohibée par l'article L 411-35 du code rural suppose une contrepartie financière, dont la preuve n'est pas rapportée en l'espèce ; que l'article L 411-39 du code rural autorise le preneur à procéder à l'échange de parcelles si tel est l'intérêt d'une meilleure exploitation, et prévoit la notification de cet échange au bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception, ce dernier disposant d'un délai de deux mois pour s'y opposer et saisir le tribunal. L'article L 411-31 du même code conditionne la résiliation du bail à la preuve d'un préjudice subi par le bailleur ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que M. Y... a procédé à l'échange de terres avec celles de M. D.... Il résulte de l'attestation établie par M. D... le 14.09.2013, mais également des dossiers PAC établis par M. Y... pour les campagnes 2011 à 2013 que cet échange n'a eu lieu que pour l'année 2012, a concerné les parcelles [...] , [...], [...], [...], [...], [...] et [...] pour y cultiver du lin textile ; qu'il n'est pas démontré par M. Claude X... que cette culture aurait appauvri sa terre, et les incertitudes qu'il avance sur les parcelles échangées contre les siennes, levées par l'analyse des documents susvisés, n'est pas plus de nature à lui causer un préjudice ; qu'enfin, le seul fait de n'avoir pu exercer le recours offert au bailleur pour contester l'échange ne saurait constituer le préjudice, sauf à faire de ce défaut d'information un motif automatique de résiliation, ce qui ne résulte pas de la loi ; que dès lors, faute de faire la démonstration de ce que l'échange litigieux lui a causé un préjudice, M. Claude X... sera débouté de sa demande de résiliation du bail rural qu'il a conclu avec M. Y... ;
1) ALORS QUE la sous-location prohibée est caractérisée par la mise à la disposition d'un tiers de tout ou partie du fonds loué moyennant une contrepartie qui n'est pas nécessairement financière ; qu'en retenant, pour débouter M. X... de sa demande en résiliation du bail pour sous-location prohibée, qu'une telle sous-location suppose une contrepartie financière, dont la preuve n'est pas rapportée, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
2) ALORS QUE le défaut d'information par le preneur de l'échange de parcelles auquel il a procédé entraîne la résiliation du bail dès lors que l'opération compromet la bonne exploitation du fonds ; qu'en retenant, pour débouter M. X... de sa demande en résiliation du bail pour échange illicite, que le bailleur devrait établir que son préjudice résultait de l'échange de parcelles en lui-même et pas uniquement de la culture pratiquée sur les parcelles, sachant que M. Y..., le preneur, aurait tout aussi bien pu semer lui-même du lin sur ces parcelles avec les mêmes éventuelles conséquences préjudiciables pour le sol, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31 et L. 411-39 du code rural et de la pêche maritime.