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14/06/2018 | FRANCE | N°16-19216

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 juin 2018, 16-19216


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mars 2016), rendu en référé, que M. X... est titulaire d'un bail rural sur une parcelle appartenant aux consorts Z... ; que la commune a manifesté sa volonté d'en acquérir une partie ; que, par acte du 25 avril 2012 conclu entre la commune et M. X..., celui-ci a déclaré lui céder son droit au bail en contrepartie d'une somme ; que, par acte du 2 juin 2015, la commu

ne a saisi le juge des référés en réitération de l'engagement en la forme authen...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mars 2016), rendu en référé, que M. X... est titulaire d'un bail rural sur une parcelle appartenant aux consorts Z... ; que la commune a manifesté sa volonté d'en acquérir une partie ; que, par acte du 25 avril 2012 conclu entre la commune et M. X..., celui-ci a déclaré lui céder son droit au bail en contrepartie d'une somme ; que, par acte du 2 juin 2015, la commune a saisi le juge des référés en réitération de l'engagement en la forme authentique sous astreinte et en paiement d'une provision ;

Attendu que, pour accueillir ces demandes, l'arrêt retient que la convention ne pouvait s'analyser en un acte de résiliation du bail en l'absence des bailleurs, mais que rien n'interdisait à M. X... de convenir avec la commune acquéreur de ne pas s'opposer à la vente ce qui impliquait une renonciation de sa part au bail et à son droit de préemption, conforme à l'économie globale d'un accord que confirmait le projet d'acte notarié ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse sur le sens et la portée d'un acte, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la commune de [...] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune de [...] et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. X....

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... à payer à la commune de [...], à titre provisionnel, 5.000 euros en réparation du préjudice causé à cette dernière par un refus abusif de formaliser les engagements conclus le 25 avril 2012, et la privation de jouissance qui en découle, d'avoir ordonné à M. X... de se présenter devant le notaire chargé d'authentifier la vente de la parcelle [...] entre les consorts Z... et la commune de [...] pour y exprimer sa renonciation au droit de préemption sur cette parcelle et sa renonciation au droit au bail rural sur cette même parcelle, en contrepartie d'une indemnité versée par la commune de 3.196 euros et d'avoir dit que cette obligation est assortie d'une astreinte de 500 euros par infraction constatée, caractérisée par une absence de M. X... à un rendez-vous convenu entre les différents intervenants et le notaire ;

AUX MOTIFS QUE

« L'article 1134 du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

La convention signée le 25 avril 2012 entre M. X... et M. A... en qualité de maire de la commune de [...], rappelle le projet de cession par les consorts Z... à la commune, de la parcelle [...] et expose que M. X...:

- Accepte de céder son droit au bail sur une partie de cette parcelle, cadastrée après division ZP 139 de 1 ha 59 a 89 ca dont la commune deviendra propriétaire, moyennant paiement d'une indemnité de 3 196 €;

- Achètera l'autre partie de la parcelle cadastrée, après division, ZP 138, de 5 ha 40a 48 ca.

Sur la portée de cette convention :

Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties qui les concluent. Les consorts Z... n'étant pas partie à la convention du 25 avril 2012, celle-ci ne peut s'analyser en un acte de résiliation d'un commun accord du bail rural qui les lie à M. X... et ne peut davantage valoir engagement des propriétaires à vendre quoi que ce soit

Pour autant rien n'interdisait à M. X... de convenir de ce qu'il ne s'opposerait pas à la vente de la parcelle, ZP 139, ce qui implique une renonciation de sa part au bail rural qu'il détient sur celle-ci ainsi qu'à son droit de préemption, moyennant paiement d'une certaine somme, ces renonciations ne pouvant être formalisées que dans le cadre de la vente de la parcelle en cause.

Telle était au demeurant l'économie globale du projet comme en témoigne le projet d'acte de vente de la parcelle [...] établi par le notaire qui stipule

- Que les consorts Z... vendent cette parcelle à la commune au prix de 7990 €;

- Que M. X... intervient à cet acte pour dire qu'il renonce à son droit de préemption » (arrêt, p. 3) ;

« Sur la méconnaissance par M. X... de ses engagements:

Le projet d'acte de vente de la parcelle [...] n'est pas daté, mais la commune mentionne une signature fixée au 3 août 2012, date qui n'est pas démentie et est cohérente avec la chronologie rappelée ci-dessus.

A cette date, contrairement à ce que M. X... expose dans son courrier du 23 octobre, il existait un accord avec la commune, qui l'obligeait à intervenir à l'acte de vente, comme celui-ci le mentionnait, pour exprimer sa renonciation à son droit de préemption, moyennant versement de la somme convenue le 25 avril. M. X... ne dément pas avoir été invité à participer à cette signature. Il est constant qu'il ne s'est pas présenté.

Ce faisant il a manqué à ses engagements contractuels alors même qu'il n'invoque pas un refus de la commune de régler la somme convenue.

La résistance opposée par M. X... à l'exécution de son engagement est, sans contestation sérieuse, abusive. Privant la commune de la possibilité de jouir de la parcelle [...] pour réaliser son projet elle lui cause un préjudice qui, si la commune le décompose, est unique. Ce préjudice sera réparé, à titre provisionnel, par l'allocation de 5 000 €.

Sur l'obligation de faire:

L'article 809 du code de procédure civile dispose que le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il a été analysé ci-dessus que l'obligation contractée par M. X... ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Il s'agit d'une obligation de faire. Il convient d'en ordonner l'exécution et donc d'ordonner à M. X... de se présenter devant le notaire chargé d'authentifier la vente de la parcelle [...] entre les consorts Z... et la commune de [...] pour y exprimer sa renonciation au droit de préemption sur cette parcelle et sa renonciation au droit au bail rural sur cette même parcelle, en contrepartie d'une indemnité versée par la commune de 3 196 . Cette obligation sera ordonnée sous astreinte de 500 € par infraction constatée, celle-ci étant caractérisée par une absence à un rendez-vous convenu entre les différents intervenants et le notaire » (arrêt, p. 5) ;

1°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, les deux parties s'accordaient pour analyser la convention signée le 25 avril 2012 comme un accord de résiliation du bail rural, la commune de [...] demandant uniquement la condamnation de M. X... à réitérer sa renonciation à son droit au bail ; qu'en jugeant que M. X... avait, par cette convention, renoncé au bail rural qu'il détient sur la parcelle [...] ainsi qu'à son droit de préemption, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que la convention du 25 avril 2012 ne s'analyserait pas en un acte de résiliation mais en une renonciation de la part de M. X... au bail rural qu'il détient sur la parcelle [...] ainsi qu'à son droit de préemption, la cour d'appel, qui a soulevé un moyen sans avoir préalablement recueilli les observations des parties, a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en déduisant la renonciation de M. X... à exercer son droit de préemption d'un acte ayant pour objet la renonciation à son droit au bail et d'un projet d'acte de vente établi par le notaire qui stipulait que M. X... intervenait à cet acte pour dire qu'il renonçait à son droit de préemption, la cour d'appel n'a pas caractérisé des actes manifestant sans équivoque la volonté de M. X... de renoncer à son droit de préemption et a violé l'article 1134 du code civil ;

4°) ALORS QUE le juge des référés ne peut ordonner l'exécution de l'obligation et accorder une provision au créancier que si l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que le juge, qui doit interpréter un contrat, tranche une contestation sérieuse ; qu'en ordonnant à M. X... de se présenter devant le notaire chargé d'authentifier la vente de la parcelle [...] pour y exprimer sa renonciation au droit de préemption et sa renonciation au droit au bail et en le condamnant à payer à la commune de [...] une provision de 5.000 euros tandis que l'existence de la créance faisait l'objet d'une contestation sérieuse puisqu'elle dépendait de l'interprétation de la convention du 25 avril 2012, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse, a violé l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-19216
Date de la décision : 14/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 jui. 2018, pourvoi n°16-19216


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.19216
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