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13/06/2018 | FRANCE | N°17-83964

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 juin 2018, 17-83964


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Luc X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 29 mai 2017, qui, dans la procédure suivie contre M. Santi Carlo Y... du chef d'établissement d'attestation inexacte, a prononcé sur les intérêts civils et l'a condamné à des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mai 2018 où étaient p

résents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soular...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Luc X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 29 mai 2017, qui, dans la procédure suivie contre M. Santi Carlo Y... du chef d'établissement d'attestation inexacte, a prononcé sur les intérêts civils et l'a condamné à des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 21 mai 2014, M. Luc X... a fait citer directement M. Santi Carlo Y... devant le tribunal correctionnel du chef d'établissement d'une attestation faisant état de faits matériellement inexacts ; qu'il exposait qu'à sa requête M. Gérard B... avait été cité devant le tribunal de police pour avoir, le 27 mars 2013, lors de l'assemblée générale de copropriétaires de la résidence Country park, commis la contravention de diffamation non publique à son préjudice en déclarant : "Luc X... n'avait pas eu l'autorisation de s'occuper de la mise en place de la barrière sur le chemin de la [...]" ; qu'il relatait que, au cours de cette instance, il avait été produit par M. B... une attestation de M. Y... dans laquelle ce dernier énonçait : "J'ai été président de séance à l'assemblée générale des copropriétaires du Country park du 18 septembre 2009. Je peux affirmer sur l'honneur que sur le point 34 de l'ordre du jour, les copropriétaires ont voté uniquement, selon l'article 26, l'installation d'un portail sur le chemin de la [...] et le choix de la société Electro Alpes pour l'édification de ce portail, comme du reste le certifie le procès verbal émis par le syndic Citya Lottier" ; que, selon M. X..., ces énonciations étaient inexactes, étant donné que, lors de ce vote, les copropriétaires n'avaient pas uniquement voté sur le principe de l'installation d'un portail, mais lui avaient également donné mission de se charger du dossier de la mise en place du portail ; que, par jugement du 23 janvier 2015, le tribunal a renvoyé M. Y... des fins de la poursuite et a condamné M. X... à payer au prévenu la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; que M. X... a seul relevé appel de la décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 devenu 1240 du code civil, 441-7 du code pénal, 472, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté M. Luc X... de sa demande d'indemnisation à un euro symbolique pour des faits poursuivis sous la qualification de faux et l'a condamné pour procédure abusive ;

"aux motifs que le procès-verbal de l'assemblée générale du 18 septembre 2009, qui aurait été annulé pour des questions de forme, n'est pas produit aux débats ; que toutefois, le procès-verbal qui avait été établi par l'huissier de justice mandaté par M. X... pour assister aux débats, mentionne, s'agissant de la délibération n° 34 concernant la décision à prendre au sujet de l'installation d'un portail :
« M. X... fournit un courrier et un plan de M. Gérard C.... Il y a un devis d'Electroalpes. Il est passé au vote : mission est donnée à M. X... pour obtenir l'accord des riverains pour la mise en place d'un portail en haut du chemin de [...]. Est voté le principe de la mise en place de ce portail et le devis de la société Electroalpes » ; que le rapport établi par une stenotypiste assistant l'huissier de justice reprend les propos suivants tenus par M. Y..., président de séance, lorsqu'a été abordé l'ordre du jour concernant le portail :
« Il y a un devis de 17 732 euros, plus les chapeaux de gendarmes, les télécommandes et le télépasse pour l'entrée visiteur. On peut dire 20 000 euros tout compris. C'est le devis de la société Electroalpes. Si on met le portail à la place du parking, il y a la place pour mettre un coulissant, on l'a fait vérifier. Il y a deux places de parking de la copropriété où il y a une centrale électrique il y a la place pour faire entrer le portail coulissant » ; qu'il s'en suit une discussion entre des copropriétaires, dont MM. X... et Y... conclut de façon suivante :
« on n'y reviendra alors on dit oui pour la réalisation du portail et non pour l'ASL, sinon c'est du temps perdu car on ne peut pas décider aujourd'hui. On passe au vote pour une dépense de 20 000 euros pour le portail mais cette somme sera répartie entre nous et les autres riverains qui sont d'accord. C'est M. X... qui s'occupera de ça et on verra au bout de trois mois s'il y a les conditions pour dépenser cette somme ou si le portail tombe à l'eau » ; que dans l'attestation qualifiée d'inexacte établie le 13 septembre 2013, c'est-à-dire quatre ans après l'assemblée générale, M. Y... indique que « les copropriétaires ont voté uniquement, selon l'article 26, l'installation d'un portail sur le chemin de la [...] et le choix de la société Electroalpes pour l'édification de ce portail ; que cette affirmation apparaît tout à fait exacte au regard des éléments susvisés et le fait qu'il n'est pas mentionné qu'il avait été en outre demandé à M. X..., dans le cadre de la discussion entre les copropriétaires, de rechercher l'accord du plus grand nombre en vue de cette installation, ne saurait pour autant constituer le délit d'établissement d'une attestation ou d'un certificat faisant état de faits matériellement inexacts tel que prévus par l'article 441-7 du code pénal ; qu'en tout état de cause, c'est à bon droit que le tribunal a relevé, pour prononcer la relaxe, l'absence d'intention coupable de M. Y... dont rien ne démontre qu'il ait voulu, en établissant l'attestation critiquée, faire une relation inexacte des faits qui s'étaient déroulés quatre ans auparavant ; qu'ainsi la partie civile ne démontre à l'encontre de M. Y... aucune faute civile commise dans le cadre et dans les limites des faits qui ont fait l'objet de la poursuite à son initiative et qui serait à l'origine du préjudice moral qu'il invoque ;

"1°) alors que le délit d'établissement d'une fausse attestation peut résulter du fait d'omettre sciemment une partie des faits dont son auteur prétend rendre compte ; que M. X... a fait citer M. Y... pour avoir établi une attestation indiquant que, lors de l'Assemblée générale des copropriétaires de la résidence Country Park du 18 septembre 2009, avait seulement été voté la décision de faire installer un portail, alors que lors de cette Assemblée générale, il s'était vu confier la mise en oeuvre de la délibération portant sur l'installation du portail ; que dès lors que la cour d'appel constatait que le rapport de sténotypie annexé au procès-verbal d'huissier établi lors de cette réunion, mentionnait que M. X... avait été chargé de mettre en oeuvre la délibération en faveur de l'installation d'un portail et que M. Y... attestait que le vote de l'Assemblée générale avait seulement porté sur la décision , ce dont il résultait qu'il niait que l'Assemblée générale ait confié une mission à M. X..., en rapport avec ce projet, elle ne pouvait au seul motif que l'attestation rendait effectivement compte de la délibération portant sur la décision de faire installer le portail, sans tenir compte de l'omission de la mission confiée à M. X..., estimé que le délit n'était pas établi ;

"2°) alors qu'en outre, en jugeant qu'en tout état de cause, la conscience d'établir une attestation fausse n'était pas établie, sans se prononcer sur les conclusions qui soutenaient que M. Y... ne pouvait avoir oublié la décision de confier à M. X... la mission de mettre en oeuvre le projet d'installation d'un portail dans la résidence, alors qu'il en avait lui-même donné acte lors de l'assemblée générale du 18 septembre 2009, comme le révélait la sténotypie rendant compte des discussions lors cette réunion, laquelle se déroulait dans des conditions très particulières en présence d'un huissier et d'une sténotypiste et qu'ensuite, M. X... avait accompli cette mission, qui avait conduit à voter des devis complémentaires qu'il avait sollicités, lors de l'Assemblée générale de 2012, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Attendu que pour confirmer le jugement attaqué en ses dispositions civiles, l'arrêt relève, après avoir constaté que le procès-verbal établi par l'huissier ayant assisté à l'assemblée générale litigieuse, ainsi que le rapport de la sténotypiste ayant assisté ce dernier, mentionnent que les copropriétaires de la résidence Country park ont voté le principe de la mise en place d'un portail et l'acceptation du devis de la société Electroalpes, et donné mission à M. X... d'obtenir l'accord des riverains pour contribuer au paiement des travaux, que les énonciations de l'attestation apparaissent exactes et que le fait que M. Y... n'ait pas mentionné qu'il avait été en outre demandé à M. X..., dans le cadre de la discussion entre les copropriétaires, de rechercher l'accord du plus grand nombre en vue de cette installation, ne saurait pour autant constituer le délit d'établissement d'une attestation ou d'un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ; que les juges ajoutent que c'est à bon droit que le tribunal a relevé, pour prononcer la relaxe, l'absence d'intention coupable de M. Y... dont rien ne démontre qu'il ait voulu, en établissant l'attestation critiquée, faire une relation inexacte de faits qui s'étaient déroulés quatre ans auparavant ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que le fait que l'assemblée générale des copropriétaires ait donné mission à M. X... d'obtenir l'accord des riverains pour contribuer au paiement des travaux n'était pas de nature à établir qu'il avait eu l'autorisation de se charger de la mise en place du portail, en sorte que l'omission de cette circonstance dans l'attestation litigieuse ne rendait pas les faits qui y étaient relatés matériellement inexacts, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et n'avait pas à suivre la partie civile dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 472, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, confirmatif, a condamné M. X... à verser à M. Y... la somme de 3 000 euros pour abus de constitution de partie civile ;

"aux motifs que cette citation directe étant abusive, c'est à bon droit que le tribunal a condamné M. X... à payer à M. Y... une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale ;

"et aux motifs éventuellement adoptés que la procédure intentée par M. X... s'étant révélée particulièrement mal fondée, il convient de le condamner à payer à M. Y... une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale ;

"1°) alors que selon l'article 472 du code de procédure pénale, la partie civile qui a mis en mouvement l'action publique ne peut être condamnée à des dommages-intérêts que s'il est constaté qu'elle a agi de mauvaise foi ou témérairement ; qu'en se contentant de constater, par motifs éventuellement adoptés que l'action de la partie civile était particulièrement mal fondée, sans faire état d'une action téméraire ou d'une mauvaise foi de la partie civile et de la conscience par elle d'agir abusivement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"2°) alors qu'en outre, la témérité et la mauvaise foi sont exclues lorsque la matérialité des faits infractionnels est établie ; que dès lors que la cour d'appel n'a pas nié le fait que l'attestation établie ne rendait pas exactement compte des décisions prises lors de l'assemblée générale du 18 septembre 2009, elle ne pouvait condamner la partie civile pour procédure abusive" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que pour confirmer la condamnation du demandeur au paiement de la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la procédure intentée par l'intéressé s'est révélée particulièrement mal fondée ;

Mais attendu qu'en l'état de ce seul motif, sans mieux rechercher si la partie civile avait agi de mauvaise foi ou avec témérité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 29 mai 2017, mais en ses seules dispositions relatives aux dommages-intérêts alloués en application de l'article 472 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-83964
Date de la décision : 13/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 29 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 jui. 2018, pourvoi n°17-83964


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.83964
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