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13/06/2018 | FRANCE | N°17-83885

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 juin 2018, 17-83885


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. X... Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 7e section, en date du 1er juin 2017, qui, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa plainte des chefs de faux en écriture publique et usage et escroquerie ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard

, président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. X... Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 7e section, en date du 1er juin 2017, qui, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa plainte des chefs de faux en écriture publique et usage et escroquerie ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme A... ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller Z..., les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général A... ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1 et 441-1 du code pénal, 85, 86, 429, 430, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le refus d'informer sur la plainte avec constitution de partie civile de M. X... tapie pour faux en écriture publique, usage de faux et escroquerie au jugement ;

"aux motifs qu'en application de l'article 86 du code de procédure pénale, le magistrat instructeur ne peut prononcer un refus d'informer que lorsque les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à les supposer démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; qu'il ressort de la procédure que dans le cadre d'une instruction ouverte sur réquisitoire introductif et supplétifs pour usage abusif de pouvoirs sociaux et recel, détournement de fonds publics, complicité et recel de cette infraction et escroquerie en bande organisée, la brigade financière a été chargée d'une commission rogatoire par un magistrat instructeur ; que le 9 juillet 2014, le commandant E... G..., assisté du commandant Thierry B..., tous deux en fonction dans ce service, ont établi un document sous un intitulé général de procès-verbal consistant plus exactement, au vu de son objet mentionné en marge et de son contenu, en une synthèse intermédiaire sur les «négociations intervenues en 1992 et 1993 entre M. Y... et le Crédit Lyonnais en vue de la cession de la participation de BTF dans ADIDAS» ; que venant confirmer cette appellation, le rapport commence ainsi : « Rendons compte comme suit des résultats des investigations réalisées en vue de préciser les conditions dans lesquelles M. Y... et le groupe Crédit Lyonnais via sa filiale société de banque Occidentale (SDBO) ont acquis et géré la cession d'une participation dans l'équipement sportif ADIDAS » ; qu'ils exposaient chronologiquement les événements successifs et éléments issus d'auditions ou étude de pièces ; que les rédacteurs concluaient ainsi « les faits ayant pu être établis par les investigations ne permettent pas de donner crédit à la thèse de M. Y... et aux conclusions des arbitres » ; que nonobstant les observations développées au mémoire, il apparaît à la lecture intégrale de ce rapport qu'il constitue un rapport de synthèse intermédiaire d'enquête fait à partir d'une analyse des investigations et auditions en exécution de la commission rogatoire, pour être ensuite soumises à la discussion des parties, et non une relation ou une constatation de faits ; qu'il y a lieu en conséquence de faire application de la jurisprudence constante en la matière selon laquelle les appréciations portées par les policiers dans un rapport d'enquête destiné à un magistrat, fussent-elles erronées, ne peuvent recevoir aucune qualification, notamment celle de faux en écriture publique commis par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions, visée par la partie civile ; qu'il résulte par ailleurs des conclusions produites par la partie civile et signifiées par les sociétés Cdr Créances et Cdr Consortium de réalisation le 30 juin 2015 dans la procédure civile les opposant notamment à M. Y... ainsi que de la liste des 163 pièces jointes communiquées (D2/119 à 124) que, contrairement aux termes de la plainte avec constitution de partie civile, ces sociétés n'ont pas produit dans le cadre d'une instance judiciaire le rapport litigieux qui n'apparaît pas parmi les pièces communiquées précisément listées ; qu'il n'est qu'évoqué en page 63 des conclusions produites (D2/63), à l'appui de son argumentation, mais sur cinq lignes parmi les 118 pages des conclusions et de surcroît par simple renvoi à une pièce produite, non par ces sociétés, mais par le parquet général ; que la cour relève que, dans son mémoire, l'avocat du demandeur n'apporte aucune appréciation contraire à ces constats résultant de ses propres pièces et déjà effectuées par le magistrat instructeur ; qu'il ressort donc de la procédure que les sociétés CDR Créances et CDR Consortium de réalisation n'ont fait que mentionner dans leurs conclusions un rapport de synthèse d'enquête ne pouvant lui-même revêtir aucune qualification pénale, préalablement produit à l'instance par le ministère public et dès lors de surcroît soumis au débat contradictoire ; que les faits exposés dans la plainte ne sont donc pas susceptibles de revêtir les qualifications pénales d'escroquerie au jugement et d'usage de faux en écriture publique visées dans celle-ci ou toute autre qualification pénale ;

"1°) alors que la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public ; que cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 86, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; que, d'autre part, un procès-verbal de synthèse qui prétend rendre compte de ce qu'un policier a constaté au vu des pièces d'un dossier d'enquête et d'instruction est susceptible de faire la preuve des faits dont il rend compte, son rapport ne vaudrait-il qu'à titre de renseignement, et ainsi constituer un faux, si son auteur rapporte des faits qu'il sait inexacts ; que, dans son mémoire, la partie civile soutenait que le rapport établi par M. F... avait procédé à la dénaturation volontaire de certaines pièces de la procédure, faisant ainsi état d'une note datée du 24 novembre 1992, selon laquelle M. C... aurait dressé à M. D... la situation de M. Y..., alors que cette note ne mentionnait aucunement le nom de l'auteur et du destinataire de l'écrit, ce qui était destiné à établir que M. Y... n'était pas en mesure de refuser les offres du Crédit lyonnais ; qu'il dénonçait également certaines omissions de déclarations dont l'enquêteur prétendait pourtant rendre compte, toujours en vue d'établir que M. Y... connaissait le montage qu'il allait ensuite dénoncé comme l'ayant trompé ; que, pour estimer que les faits n'étaient pas susceptibles de recevoir la qualification de faux, la chambre de l'instruction a considéré que ce rapport n'avait pas de valeur probante, dès lors qu'il ne comportait aucune constatation personnelle, l'enquêteur se contentant de procéder à l'analyse des pièces du dossier, qui seraient soumises au débat contradictoire ; que dès lors que l'enquêteur prétendait procéder à certaines constatations au vu des pièces de l'enquête, son rapport constituait un élément de preuve, au moins à titre de renseignement, la chambre de l'instruction ne pouvait justifier un refus d'informer, sans avoir recherché si les différentes altérations au moins intellectuelles dénoncées par la partie civile étaient établies et s'il était nécessaire de déterminer si elles étaient frauduleuses, ce qui nécessitait l'ouverture d'une instruction ;

"2°) alors que la preuve de faits est libre en matière civile ; qu'en ne recherchant pas si l'enquêteur ne pouvait savoir que son rapport pourrait être utilisé dans le cadre de la procédure civile d'ores et déjà engagée, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"3°) alors que l'escroquerie au jugement résulte de toutes manoeuvres frauduleuses déterminantes de l'obtention d'une décision favorable à la partie qui les commet ; que le fait de se prévaloir, dans des conclusions, d'un document produit par une autre partie, suffit pour caractériser les manoeuvres frauduleuses, si celui qui s'en prévaut sait que ce document ne rend pas compte de la réalité et l'invoque en vue de tromper le juge ; qu'en estimant que le fait pour les sociétés CDR de faire état d'un rapport d'enquête sinon constitutif de faux, du moins inexact, n'était pas constitutif d'escroquerie au jugement, dès lors que ces parties n'avaient pas produit ce document lequel avait été produit par le parquet, dans la procédure civile, au vu des conclusions de ces parties annexées à la plainte de M. Y..., tout en constatant que ces parties s'étaient prévalues de ce rapport, elle a violé l'article 311 -1 du code pénal ;

"4°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait considérer à la vue des seules pièces produites par la partie civile, que les sociétés CDR n'avaient pas produit le document en question, ce qui excluait l'escroquerie, quand la partie civile n'avait jamais été appelée à s'expliquer sur ce point, conformément à l'article 86 alinéa 2 du code de procédure pénale, et qu'aucun acte d'instruction n'a été réalisé afin de déterminer dans quelles conditions le parquet avait produit ces pièces, dans le cadre de la procédure civile, les parties ayant été autorisé à solliciter du parquet qu'il produise des pièces de la procédure d'instruction en cours ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié le refus d'informer qu'elle a confirmé" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que le 20 juillet 2015, M X... Y... a déposé plainte avec constitution de partie civile des chefs d'escroquerie au jugement, faux en écriture publique commis par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions et usage, exposant que les sociétés CDR Créances et CDR Consortium de réalisation avaient produit devant la cour d'appel de Paris, dans le cadre du contentieux en matière de révision d'arbitrage les opposant aux liquidateurs des sociétés du groupe Y..., à lui-même et son épouse, un rapport de police issu de la procédure pénale dans laquelle les sociétés CDR sont parties civiles, soutenant que ce rapport, présenté comme le résultat des investigations réalisées en vue de préciser les conditions dans lesquelles M Y... et la Société de banque occidentale ont acquis, financé et géré la cession d'une participation dans la société Adidas, est une construction intellectuelle destinée à convaincre que les époux Y... et le groupe éponyme n'ont subi aucun préjudice du fait des agissements de leurs banquiers, que les arguments repris à ce rapport sont ceux développés par les sociétés CDR devant les juges qui les ont rejetés, que ce rapport est un faux et que son utilisation par ces sociétés constitue une escroquerie au jugement, celles-ci en faisant intervenir un tiers , ayant créé une apparence destinée à tromper le juge civil, et qu'enfin la narration des éléments de faits retenus par le policier émaillée d'omissions, est entachée d'erreurs grossières ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance de refus d' informer, l'arrêt relève que dans le cadre de l'information, les enquêteurs commis ont établi, le 9 juillet 2014, un procès-verbal établissant une synthèse intermédiaire sur les négociations intervenues en 1992 et 1993 entre M. Y... et le Crédit Lyonnais en vue de la cession de la participation de X... Y... Finance dans Adidas, en rendant compte chronologiquement des résultats des investigations réalisées en vue de préciser les conditions dans lesquelles M. Y... et le groupe Crédit Lyonnais via sa filiale société de banque Occidentale (SDBO) ont acquis et géré la cession d'une participation dans l'équipementier sportif Adidas et qu'au terme de ce document, ils retenaient que ces investigations ne permettent pas de donner crédit à la thèse de M. Y... et aux conclusions des arbitres, qu'il retient que ce rapport de synthèse intermédiaire d'enquête ne constitue pas une relation ou une constatation de faits mais un document soumis à discussion, ne pouvant revêtir aucune qualification pénale et qu'il a été versé aux débats devant la juridiction civile par le seul ministère public, les sociétés CDR Créances et CDR Consortium de réalisation le mentionnant seulement dans leurs écritures ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-83885
Date de la décision : 13/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 01 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 jui. 2018, pourvoi n°17-83885


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.83885
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