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13/06/2018 | FRANCE | N°17-10618

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 juin 2018, 17-10618


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après s'être rapprochée de la société Guinot qui anime un réseau d'instituts de beauté sous franchise, et reçu de celle-ci un document d'information précontractuelle (DIP), Mme X... épouse Y... (Mme Y...) a créé, le 7 octobre 2011, la société Prestige beauté, qui a conclu, le 17 octobre suivant, un contrat d'affiliation au réseau pour l'exploitation d'un magasin sous cette enseigne ; que le 2 avril 2013, la société Prestige beauté a été mise en liquidation jud

iciaire, la société D... Z... étant désignée liquidateur ; que reprochant à l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après s'être rapprochée de la société Guinot qui anime un réseau d'instituts de beauté sous franchise, et reçu de celle-ci un document d'information précontractuelle (DIP), Mme X... épouse Y... (Mme Y...) a créé, le 7 octobre 2011, la société Prestige beauté, qui a conclu, le 17 octobre suivant, un contrat d'affiliation au réseau pour l'exploitation d'un magasin sous cette enseigne ; que le 2 avril 2013, la société Prestige beauté a été mise en liquidation judiciaire, la société D... Z... étant désignée liquidateur ; que reprochant à la société Guinot une omission d‘information précontractuelle, Mme Y... et la société Prestige beauté l'ont assignée en annulation du contrat pour dol et en réparation de leurs préjudices ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches :

Attendu que la société Guinot fait grief à l'arrêt d'annuler le contrat d'affiliation alors, selon le moyen :

1°/ que le dol implique l'intention de tromper ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que les prétendues omissions relatives à la présentation des sites pilotes, la rentabilité des affiliés, la présentation du marché et la nature de la concurrence des dépositaires, constitueraient des manoeuvres dolosives, sans rechercher si lesdites omissions étaient intentionnelles de la part de la société Guinot et destinées à tromper son cocontractant ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ que la société Guinot produisait deux mails des époux Y... qui établissaient que ceux-ci avaient connaissance des instituts dépositaires avant la conclusion du contrat de franchise ; que l'absence de mentions des dépositaires dans le DIP n'a donc pu induire les époux Y... en erreur et ne pouvait par conséquent constituer une réticence dolosive ; qu'en considérant néanmoins que l'omission des dépositaires dans le DIP constituerait une manoeuvre dolosive, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

3°/ que la société Guinot produisait deux mails des époux Y... qui établissaient que ceux-ci avaient connaissance des instituts dépositaires avant la conclusion du contrat de franchise ; qu'en considérant néanmoins que l'omission des dépositaires dans le DIP constituerait une manoeuvre dolosive, la cour d'appel a dénaturé par omission les mails en question, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

4°/ que la société Guinot produisait un mail des époux Y... par lequel les époux Y... disaient avoir photographié les devantures des dépositaires rémois et joindre les photos prises ; qu'en affirmant que la société Guinot n'apportait pas la preuve que les photos de devanture versées au dossier aient été prises par les affiliés pendant la période précontractuelle, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des consorts Y..., en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

5°/ que même à supposer que les photos de devanture versées au dossier ne seraient pas celles que les époux Y... disaient avoir prises dans leur mail du 21 juillet 2011, il ressortait de ce mail que les époux Y... avaient bien pris des photos des devantures des dépositaires, et qu'ils connaissaient donc nécessairement les soins et produits proposés par les dépositaires ; qu'en affirmant que la société Guinot ne rapportait pas la preuve que les photos de devanture versées au dossier avaient été prises par les affiliés pendant la période précontractuelle , la cour d'appel a en tout état de cause statué par un motif inopérant, en violation de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu que l'arrêt relève que le DIP ne contient pas de présentation du réseau des affiliés et retient que la société Prestige beauté et Mme Y... n'ont été alertées ni sur la faible rentabilité des sites pilotes ni sur le fait que les résultats des affiliés faisaient apparaître des pertes au titre des deux premières années d'exploitation ; qu'il relève encore que le DIP ne mentionne pas la présence de quatre instituts « dépositaires », dans la zone d'implantation prévue au contrat, lesquels ne sont cités que sur le site internet de la société Guinot, et retient que Mme Y... et la société Prestige beauté ont contracté dans la certitude que ces prétendus dépositaires ne bénéficiaient pas du savoir-faire Guinot et ne proposaient pas des soins et produits identiques à ceux des affiliés, de sorte qu'ils ne constituaient pas une réelle concurrence ; qu'il relève qu'elles n'ont découvert qu'en cours d'exécution du contrat que ces dépositaires bénéficiaient du savoir-faire Guinot et des mêmes avantages que les affiliés, soit, notamment, de formations, de signes de ralliement, du marketing, du matériel utilisé pour les soins et du logiciel ; qu'il ajoute que la société Guinot a dissimulé à Mme Y... la véritable nature de la concurrence des dépositaires et lui a même menti en lui affirmant, après qu'elle eut découvert leur existence, que les dépositaires n'avaient, en aucun cas, le même statut que les affiliés, dans la mesure où ils ne bénéficiaient pas de la formation ni du savoir-faire de la société ; qu'en l'état de ces seules constatations et appréciations, relevant de son pouvoir souverain et faisant ressortir que la société Guinot avait volontairement dissimulé des informations essentielles, déterminantes du consentement de Mme Y... et de la société Prestige beauté, la cour d'appel a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen, pris en sa sixième branche, en ce qu'il est dirigé contre la condamnation de la société Guinot à payer à Mme Y... une certaine somme :

Attendu que la société Guinot fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme Y... la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral alors, selon le moyen, qu'une demande faite à titre subsidiaire est formulée uniquement dans l'hypothèse où la demande principale ne serait pas accueillie ; qu'un juge ne peut par conséquent, sans méconnaître les termes du litige, accorder à la fois tout ou partie d'une demande principale et également tout ou partie d'une demande subsidiaire ; qu'au cas présent, les consorts Y... demandaient, à titre principal, l'indemnisation des pertes subies et du préjudice moral et, à titre subsidiaire, l'indemnisation des sommes perçues par la société Guinot et des investissements réalisés ; que, pourtant, la cour d'appel a alloué aux consorts Y... à la fois des sommes demandées à titre principal (50 000 euros au titre des pertes subies et 50 000 euros au titre du préjudice moral) et des sommes demandées à titre subsidiaire (9 375 euros au titre des sommes perçues par la société Guinot et 130 000 euros au titre des investissements réalisés) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est sans méconnaître les termes du litige que la cour d'appel a fixé le montant des dommages-intérêts dus à Mme Y... en réparation du préjudice moral qu'elle avait subi ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa sixième branche, en ce qu'il est dirigé contre les condamnations de la société Guinot à payer à la SCP D... Z... , ès qualités, certaines sommes à titre de dommages-intérêts :

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Attendu qu'après avoir constaté que la société D... Z... , ès qualités, demandait le paiement d'une somme, au titre des pertes subies, subsidiairement, d'autres sommes, au titre de celles perçues par la société Guinot d'une part, de l'investissement réalisé en pure perte d'autre part, et plus subsidiairement encore, d'une somme au titre du passif déclaré, l'arrêt condamne la société Guinot à payer à la société D... Z... , ès qualités, les sommes de 9 875,18 euros, au titre des frais engagés pour conclure le contrat, de 130 000 euros, au titre des investissements réalisés en pure perte, et de 50 000 euros, au titre d'une partie des pertes subies ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d ‘appel a méconnu les termes du litige et violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Guinot à payer à la société D... Z... , prise en la personne de M. Z..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Prestige beauté, les sommes de 9 875,18 euros, au titre des frais engagés pour conclure le contrat, de 130 000 euros, au titre des investissements réalisés en pure perte, et de 50 000 euros, au titre d'une part des pertes subies, l'arrêt rendu le 16 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Guinot aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Guinot

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris et, statuant à nouveau, d'avoir annulé le contrat d'affiliation du 17 octobre 2011, d'avoir condamné la société Guinot à payer à la SCP D... Z... , prise en la personne de Maître Bruno Z..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, les sommes de 9.875,18 €, au titre des frais engagés pour conclure le contrat, de 130.000 € au titre des investissements réalisés en pure perte et de 50.000 € au titre des pertes subies, et d'avoir condamné la société Guinot à payer à Mme Y... la somme de 50.000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Aux motifs que « L'article L,330-3 du code commerce dispose que «toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause » ; que selon les dispositions de l'article L.330-3 du code de commerce, le document d'information pré contractuelle (ci-après DIP), «dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités». Selon l'article R.330-1 du code commerce, le DIP doit contenir : « 1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités (
) ; 2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque (
) ; 3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. (
) ; 4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants. Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché. Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ; 5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte : a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ; b) L'adresse des [...] avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée; Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ; c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé " d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ; 6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités. Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation » ; que la méconnaissance, par un franchiseur, de son obligation pré-contractuelle d'information n'entraîne la nullité du contrat de franchise ou d'affiliation que s'il est démontré que celle-ci est constitutive d'un dol, d'une réticence dolosive ou d'une erreur, de nature à vicier le consentement du franchisé ; qu'en premier lieu, les appelants font grief à la société Guinot d'avoir méconnu son obligation pré-contractuelle d'information, en leur ayant fourni des informations erronées ou incomplètes dans le DIP. Ils soutiennent que le consentement de la société Prestige Beauté a été vicié, s'agissant de la rentabilité du projet, dans la mesure où la société Guinot a caché l'absence de rentabilité des établissements pilotes, n'a pas révélé que le réseau d'affiliés était déficitaire et a remis des documents servant de base au compte de résultat prévisionnel trompeurs, ainsi qu'un état erroné du marché local. Or, la rentabilité constitue une qualité substantielle du contrat de franchise et d'affiliation et ces renseignements erronés les auraient conduits à contracter ; que les appelants exposent que le document d'information précontractuelle fourni par la société Guinot présente une évolution favorable du chiffre d'affaire des 4 établissements pilotes, alors que la société Maxmat était clairement déficitaire de 2006 à 2010, et les trois autres sociétés sans réelle rentabilité. De plus, la société Guinot aurait induit Madame Y... et la société Prestige Beauté en erreur en prétendant que le mode de fonctionnement des établissements-pilotes était identique à celui des instituts affiliés ; que, or, même si les chiffres d'affaires des sites pilotes ne figurent pas au nombre des mentions obligatoires du DIP, il convient de vérifier que les informations relatives à ceux -ci qui sont fournies sont exactes ; que la société Guinot présente, dans le DIP, l'évolution des chiffres d'affaires de ses établissements pilotes sur 5 ans, de 2000 à 2005, période pendant laquelle ceux-ci atteignent des valeurs supérieures à 300.000 euros (Pièce n°4 page 21), ce qui s'avère exact ; qu'il résulte cependant des comptes des sites-pilotes depuis 2008 et jusqu'à 2012, versés aux débats par les appelants, que la société Maxmat a toujours été déficitaire de 2006 à 2012, mise à part l'année 2011, et que les sociétés Bellatrix, Marine et l'établissement de Châlons sur Saone affichaient un résultat très faible pendant ces mêmes années, le maximum s'élevant à 22 700 euros annuels, la troisième année d'exploitation, concernant la seule société Marine, qui cumulait pourtant l'exploitation de trois centres de beauté. Ces informations tempèrent singulièrement les données relatives aux seuls chiffres d'affaires, en donnant une image beaucoup moins favorable de l'expérimentation du concept sous forme d'affiliation. Au surplus, les appelants exposent à juste titre que ces pilotes étaient issus de la franchise "Le Salon de Beauté" réservée aux esthéticiennes diplômées et n'étaient pas proposés, contrairement aux contrats d'affiliation, aux investisseurs non spécialisés ; que la société Guinot aurait également caché, selon les appelants, à Madame Y... et à la société Prestige Beauté, que le réseau d'affiliés était déficitaire depuis sa création en 2010, et que de nombreux affiliés avait été placés en liquidation judiciaire, ces informations montrant l'absence de rentabilité réelle du réseau ; que la société Guinot n'a pas fait figurer au DlP la liste des affiliés, la liste de ceux d'entre eux ayant quitté le réseau l'année précédant la remise du DIP et le motif de ces départs, la liste des instituts "dépositaires", et, enfin, les comptes annuels des deux derniers exercices de l' affilieur, qui auraient mis en évidence la baisse de chiffre d'affaires de la société Guinot, alors que ces informations étaient déterminantes pour le consentement éclairé de Mme Y... et imposées par le code de commerce ; que, or, le DIP ne contient pas de présentation du réseau des affiliés, conforme à l'article précité, se contentant de renvoyer au site Internet de la société Guinot, ce qui ne satisfait pas aux prescriptions légales ; qu'en effet, les affiliés n'ont pas reçu communication de la date de signature de l'ensemble des contrats d'affiliation des membres du réseau, les empêchant ainsi d'appréhender avec exactitude la pérennité de celui-ci ; que par ailleurs, la liquidation de la société Twin's Institut à Grasse, dans l'année précédant la signature du DIP, en 2011, n'est pas mentionnée ; qu'en outre, la société Prestige Beauté et Mme Y... produisent, sans être sérieusement contredites par la société Guinot, un état financier du réseau affiliation, faisant apparaître des pertes au titre des deux premières années d'exploitation, pour les affiliés déposant leurs comptes ; qu'enfin, la présence, dans la zone d'implantation prévue par le contrat proposé, de 4 instituts« dépositaires» qui sont en réalité des distributeurs agréés Guinot (Pièce 8), déjà installés sur la ville de Reims avant l'arrivée de la société Prestige Beauté, n'est pas mentionnée, contrairement aux prescriptions rappelées plus haut de l'article R. 330-1 50 du code du commerce ; que ces omissions constituent des manoeuvres dolosives ayant vicié le consentement de Madame Y... et de la société Prestige Beauté, qui auraient été alertées par la faible rentabilité des sites pilotes, les exercices déficitaires des deux premières années d'exploitation des affiliés et la présence concurrente, sur Reims, de "dépositaires" Guinot ; que la société Prestige Beauté et Madame Y... exposent que la société Guinot a fait figurer au DIP l'état local de la ville de Beauvais, sans commune mesure avec celle de Reims, et a communiqué, seulement dans un second temps, l'état du marché de la ville de Reims qui présentait des statistiques anciennes et incomplètes ; que la société Guinot soutient que l'état local du marché communiqué avec le DIP était bel et bien celui de Beauvais, dans la mesure où il s'agissait de faire figurer un exemple local de marché dans le DIP, et que, par ailleurs, la société Prestige Beauté s'est vue communiquer un état local du marché correspondant effectivement à la ville de Reims en août 2011, autrement dit plus de 21 jours avant la signature du contrat d'affiliation ; que la société Guinot prétend aussi que les documents ne sont en rien trompeurs et, les hypothèses de chiffres d'affaires présentées dans les documents n'étant pas contractuelles, ne pouvaient engager sa responsabilité ; que, or, s'il appartient au franchisé, sur la base des éléments communiqués par le franchiseur, de réaliser lui-même une analyse d'implantation précise, encore faut-il que les éléments essentiels fournis par celui-ci pour éclairer son cocontractant soient exacts et complets et lui permettent de se déterminer en toute connaissance de cause ; que la présentation sincère du marché local constitue une obligation déterminante et essentielle du franchiseur ; qu'il résulte du dossier que l'état local du marché daté d'août 2011 rassemble pour l'essentiel des statistiques anciennes datant de l'année 2007 et une analyse sociodémographique établie à partir d'informations d'évolution de population de 1999 à 2007, alors que le contrat d'affiliation a été signé en octobre 2011, plus de 4 ans plus tard. Surtout, il fait état de la concurrence dans la zone de proximité immédiate et dans la zone de proximité élargie, sans préciser la présence de 4 instituts « dépositaires» (Harmonie Beauté [...]; Cassiopée [...]; Coryse [...] et Azur Beauté [...] ), revendeurs de produits Guinot et dispensant les soins Guinot ; que cette omission est de nature à affecter le chiffre d'affaires et la rentabilité prévisionnels de l'activité, nécessairement contrainte par la concurrence existante ; qu'elle a donc vicié le consentement de Madame Y... et de la société Prestige Beauté ; (
) qu'en second lieu, les appelants soutiennent que le dol a porté sur la nature de la concurrence des dépositaires ; qu'en effet, ils soutiennent que le DIP ne mentionnait pas l'existence des dépositaires, sur le marché local, alors même que cette mention aurait dû y figurer ; que par ailleurs, ils exposent avoir été trompés sur la nature de la concurrence que ces dépositaires pouvaient exercer ; que l'intimée soutient que contrairement à ce que prétendent les appelants, la société Prestige Beauté ct les époux Y... étaient parfaitement informés de l'existence des dépositaires de la marque Guinot, mentionnés dans l'état local du marché, ct ce, bien avant la conclusion du contrat d'affiliation ; que tout d'abord, le DIP précisait que la liste complète des dépositaires, franchisés et affiliés était disponible sur les sites internet de Guinot ; qu'ensuite, les époux Y... sont allés voir eux-mêmes les instituts dépositaires, ont pris des photographies et les ont communiquées à la société Guinot par mail ; que mais il résulte du dossier que les époux Y... et la société Prestige Beauté ont contracté avec la société Guinot dans la certitude que les prétendus dépositaires ne bénéficiaient pas du savoir-faire Guinot et ne constituaient pas de ce fait une réelle concurrence. Ce n'est qu'en cours d'exécution du contrat que les époux Y... ont découvert que ceux-ci disposaient des mêmes avantages que les affiliés et, surtout, du savoir-faire Guinot : les formations, les signes de ralliement et le marketing, le matériel utilisé pour dispenser les soins, le logiciel ; que la société Guinot a dissimulé aux époux Y... la véritable nature de la concurrence des dépositaires et est même allée jusqu'à leur mentir, puisqu'ayant découvert par eux mêmes leur existence, les époux Y... ont questionné Monsieur B..., directeur Affiliation de la société Guinot à leur propos, et ce dernier leur a indiqué que ces dépositaires n'avaient, en aucun cas, le même statut que les affiliés, dans la mesure où ils ne bénéficiaient pas de la formation ainsi que du savoir-faire Guinot ; que la société Guinot ne démontre pas que les époux Y... savaient, lorsqu'ils ont contracté, que les dépositaires Guinot proposaient des soins et produits de la marque Guinot identiques à ceux proposés par les affiliés, ne rapportant pas la preuve que les 2 photographies versées au dossier aient été prises par les affiliés au moment des faits, à savoir pendant la période précontractuelle ; que cette réticence imputable à la société Guinot a également altéré le consentement de l'affilié ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les appelants et d'annuler le contrat d'affiliation ; (
) que les appelants soutiennent que la société Prestige Beauté a subi plusieurs préjudices : d'une part, un préjudice consécutif à la nullité qui impose la condamnation de la société Guinot à l'indemniser des pertes subies cumulées, du fait et sous l'emprise du contrat annulé, soit la somme de 413.515 euros au titre des pertes subies, cumulées, la restitution des sommes perçues par la société Guinot au titre du droit d'entrée, du prix des enseignes lumineuses et drapeaux Guinot, des appareils et du mobilier cabine loués à Guinot et de la location d'enseigne, soit la somme totale de 20.607,18 euros, ainsi que le remboursement des sommes investies en pure perte au titre du prêt contracté, du capital social, de la dette de compte courant de Prestige Beauté contractée auprès de Mme Y..., soit la somme totale de 196.571 euros; d'autre part, un préjudice dû au dol de 50.000 euros ; que l'intimée soutient que dans la mesure où le prononcé de la nullité n'est pas justifié, les préjudices lui étant prétendument consécutifs sont inexistants ; que si l'annulation n'est pas une sanction suffisante pour réparer le dommage causé à la victime du dol, cette dernière peut demander des dommages-intérêts à la condition de démontrer l'existence d'un dommage direct causé par la faute de l'auteur du dol ; qu'il résulte d'une jurisprudence constante que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime aux dépens du responsable, dans la situation qui aurait été la sienne si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; qu'il y a donc lieu de restituer à la société Prestige Beauté les sommes versées au franchiseur dans le cadre du contrat annulé, dont la preuve est rapportée ; qu'il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme de 7.000 euros versée au titre du droit d'entrée et la somme de 2875,18 euros au titre du prix des enseignes lumineuses et drapeaux Guinot ; que par ailleurs, il résulte des pièces du dossier que la société Prestige Beauté a emprunté la somme de 130.000 euros pour réaliser les travaux et investissements correspondant au coût d'aménagement des locaux ; que cette somme dépensée pour l'exécution du contrat doit lui être restituée ; qu'en revanche, elle ne saurait obtenir réparation de toutes les pertes d'exploitation subies pendant l'exécution du contrat, seules une part d'entre elles ayant un lien de causalité certain avec la faute de l'auteur du dol ; que ne démontrant pas une faute distincte de celle réparée par les sommes ci-dessus, elle sera déboutée de sa demande de dommages intérêts supplémentaires pour dol de 50.000 euros ; qu'il y a donc lieu de condamner la société Guinot à payer à la scp D... Z... , prise en la personne de Maître Bruno Z..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, les sommes suivantes : 9 875,18 euros, au titre des frais engagés pour conclure le contrat; 130000 euros au titre des investissements réalisés en pure perte; 50000 euros pour une partie de ses pertes d'exploitation ; que Mme Y... soutient avoir subi d'importants préjudices du fait de l'attitude fautive de la société Guinot, puisque le stress généré par son activité déficitaire a provoqué un infarctus qui a altéré définitivement sa santé, qu'elle a du mal à se relancer dans le monde des affaires du fait de la liquidation judiciaire de la société Prestige Beauté et que pour faire face aux dettes contractées à cause de l'affiliation Guinot, elle a dû vendre sa résidence principale, ce préjudice étant évalué au total à 100.000 euros ; qu'il résulte des pièces du dossier, et, notamment, d'un certificat médical versé aux débats, que Madame Y... a, en raison du stress, eu de graves problèmes de santé ; qu'elle s'est retrouvée, par ailleurs, privée de la faculté de se relancer dans les affaires, à la suite de la liquidation judiciaire et du fichage dont elle a fait l'objet ; qu'il convient de lui allouer de ce chef la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral » (arrêt attaqué, p. 4 à 9) ;

1°) Alors que le dol implique l'intention de tromper ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que les prétendues omissions relatives à la présentation des sites pilotes, la rentabilité des affiliés, la présentation du marché et la nature de la concurrence des dépositaires, constitueraient des manoeuvres dolosives, sans rechercher si lesdites omissions étaient intentionnelles de la part de la société Guinot et destinées à tromper son cocontractant ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°) Alors que la société Guinot produisait deux mails des époux Y... qui établissaient que ceux-ci avaient connaissance des instituts dépositaires avant la conclusion du contrat de franchise ; que l'absence de mentions des dépositaires dans le DIP n'a donc pu induire les époux Y... en erreur et ne pouvait par conséquent constituer une réticence dolosive ; qu'en considérant néanmoins que l'omission des dépositaires dans le DIP constituerait une manoeuvre dolosive, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

3°) Alors que la société Guinot produisait deux mails des époux Y... qui établissaient que ceux-ci avaient connaissance des instituts dépositaires avant la conclusion du contrat de franchise (mails des 21 et 22 juillet 2011, pièces d'appel n° 73 et 74) ; qu'en considérant néanmoins que l'omission des dépositaires dans le DIP constituerait une manoeuvre dolosive, la cour d'appel a dénaturé par omission les mails en question, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

4°) Alors que la société Guinot produisait un mail des époux Y... par lequel les époux Y... disaient avoir photographié les devantures des dépositaires rémois et joindre les photos prises (mail du 21 juillet 2011, pièces d'appel n° 74) ; qu'en affirmant que la société Guinot n'apportait pas la preuve que les photos de devanture versées au dossier aient été prises par les affiliés pendant la période précontractuelle (p. 8, § 3), la cour d'appel a dénaturé les conclusions des consorts Y..., en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

5°) Alors que, en tout état de cause, même à supposer que les photos de devanture versées au dossier ne seraient pas celles que les époux Y... disaient avoir prises dans leur mail du 21 juillet 2011, il ressortait de ce mail que les époux Y... avaient bien pris des photos des devantures des dépositaires, et qu'ils connaissaient donc nécessairement les soins et produits proposés par les dépositaires ; qu'en affirmant que la société Guinot ne rapportait pas la preuve que les photos de devanture versées au dossier avaient été prises par les affiliés pendant la période précontractuelle (p. 8, § 3), la cour d'appel a en tout état de cause statué par un motif inopérant, en violation de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

6°) Alors qu'une demande faite à titre subsidiaire est formulée uniquement dans l'hypothèse où la demande principale ne serait pas accueillie ; qu'un juge ne peut par conséquent, sans méconnaître les termes du litige, accorder à la fois tout ou partie d'une demande principale et également tout ou partie d'une demande subsidiaire ; qu'au cas présent, les consorts Y... demandaient, à titre principal, l'indemnisation des pertes subies et du préjudice moral et, à titre subsidiaire, l'indemnisation des sommes perçues par la société Guinot et des investissements réalisés ; que, pourtant, la cour d'appel a alloué aux consorts Y... à la fois des sommes demandées à titre principal (50.000 € au titre des pertes subies et 50.000 € au titre du préjudice moral) et des sommes demandées à titre subsidiaire (9.375 € au titre des sommes perçues par la société Guinot et 130.000 € au titre des investissements réalisés) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-10618
Date de la décision : 13/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 jui. 2018, pourvoi n°17-10618


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.10618
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