LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. Raymond X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 9 mai 2017, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, l'a condamné à 7 000 euros d'amende et a ordonné sous astreinte la remise en état des lieux ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Z... ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, 591 et 593 du code de procédure pénale, L. 480-4 et L. 480-7 du code de l'urbanisme, défaut et contradiction de motifs et dénaturation de l'écrit ;
"en ce que l'arrêt partiellement confirmatif attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique, a déclaré établie la prévention et a prononcé sur la peine et ordonné la remise en état ;
"aux motifs propres que l'avocat de M. X... soutient en premier lieu que le ministère public ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les travaux ont été réalisés dans le délai de trois ans avant l'établissement du procès-verbal du 18 avril 2011 ; qu'ainsi que l'a relevé le premier juge, figure en procédure, un devis d'une entreprise Renov'Acienda, en date du 5 mai 2009, qui concerne bien les travaux litigieux et qui a été vraisemblablement remis par M. X... lui-même dans le cadre de son audition par les gendarmes ; que contrairement à ce qui est soutenu, ce devis permet bien de situer la date des travaux qui sont nécessairement postérieurs, de sorte qu'il est établi qu'ils ont été réalisés moins de trois ans avant l'établissement du procès-verbal du 18 avril 2011 ;
"et aux motifs à les supposer adoptés que « sur la prescription (
) le tribunal la rejette, les factures des travaux poursuivis étant de 2009 ;
"alors que la prescription de l'action publique constitue une exception péremptoire et d'ordre public ; qu'en l'espèce, pour considérer que les faits poursuivis (réfection totale de la maison du gardien emportant changement de la toiture, modification des ouvertures et ravalement, extension de la maison du gardien en façade nord-est par la réalisation d'une construction à usage d'habitation, toiture deux pentes, créant une SHON de 35 m², à l'ouest de la maison du gardien, construction d'un bâtiment à usage d'habitation créant une SHON de 52 m², en violation du document d'urbanisme et sans permis de construire) n'étaient pas prescrits lorsque les infractions ont été constatées par procès-verbal du 18 avril 2011, la cour s'est fondée sur un devis du 5 mai 2009, dont elle a déduit que les travaux litigieux avaient été réalisés postérieurement et donc moins de trois ans avant l'établissement du procès-verbal ; qu'ainsi pourtant qu'il résulte de ses mentions, ce devis concernait des travaux de fourniture et pose de verrous sur une porte, ainsi que de préparation et de coulage de béton dans la cour et le jardin, différents des travaux objets des poursuites ; que toutefois que ce devis de 2009 concernait bien les travaux litigieux pour en déduire que la prescription n'était pas acquise lorsque le procès-verbal de 2011 a été dressé, la cour a dénaturé le sens pourtant clair et précis dudit devis ;
"2°) alors que n'a été produit devant les juges du fond que le devis de la société Renov'Acienda du 5 mai 2009 pour des travaux sans rapport avec ceux visés par la citation ; que toutefois, par motifs adoptés des premiers juges, qu'il s'agissant d'une « facture » des travaux poursuivis, la cour a dénaturé l'objet clair et précis de ce document qui était un « devis »" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 et 8, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, 385, 591 et 593 du code de procédure pénale, L. 480-4 et L. 480-7 du code de l'urbanisme, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale et dénaturation des conclusions ;
"en ce que l'arrêt partiellement confirmatif attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique, a déclaré établie la prévention et a prononcé sur la peine et ordonné la remise en état ;
"aux motifs que les irrégularités qui, selon le prévenu, affecteraient le procès-verbal seraient en tout état cause sans incidence sur son effet interruptif de prescription dès lors que sa nullité n'a pas été soulevée avant toute défense au fond ;
"1°)alors que devant les juges du fond, M. X... a, avant toute défense au fond, soulevé une exception tenant à la prescription de l'action publique, en soutenant à l'appui de cette exception l'absence d'effet interruptif du procès-verbal du 18 avril 2011 à raison de la nullité l'affectant ; qu'en affirmant, pour écarter ce moyen, que les irrégularités invoquées étaient sans incidence sur la prescription dès lors que la nullité du procès-verbal n'avait pas été soulevée avant toute défense au fond, quand il résultait des écritures de première instance et d'appel que cette nullité avait bien été soulevée in limite litis au soutien de l'exception de prescription, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions en violation des textes visés au moyen ;
"2°) alors qu'un procès-verbal nul est insusceptible d'interrompre le cours de la prescription ; que le prévenu est donc recevable à invoquer la nullité d'un procès-verbal au soutien d'une exception de prescription ; qu'en affirmant, pour écarter l'exception de prescription soulevée par M. X..., que les irrégularités invoquées étaient sans incidence sur l'effet interruptif du procès-verbal dès lors que sa nullité n'avait pas été soulevée avant toute défense au fond, quand M. X... pouvait se borner à se prévaloir de la nullité du procès-verbal au soutien de son exception de prescription, sans avoir à solliciter directement l'annulation de ce procès-verbal, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 et 8 dans sa version applicable aux faits de l'espèce, 591 et 593 du code de procédure pénale, L. 480-4 et L. 480-7 du code de l'urbanisme ;
"en ce que l'arrêt partiellement confirmatif attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique, a déclaré établie la prévention et a prononcé sur la peine et ordonné la remise en état ;
"aux motifs que le soit transmis du parquet de Grasse au directeur départemental des territoires et de la mer, en date du 4 avril 2013, puis l'avis rendu par cette administration le 10 août 2015, pour être des actes de poursuites, ont bien interrompus la prescription de sorte que la citation devant le tribunal correctionnel délivrée le 19 janvier 2016 l'a bien été dans les trois ans du dernier acte de poursuite ;
"alors que ne constitue un acte de poursuite ou d'instruction interruptif de prescription que l'acte qui a pour objet de constater une infraction, d'en découvrir ou d'en convaincre les auteurs, ce qui ne saurait être le cas de l'avis émis par la direction départementale des territoires et de la mer ; qu'en l'espèce, en attribuant un effet interruptif à l'avis rendu par la direction départemental des territoires et de la mer le 10 août 2015, la cour a violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un procès-verbal d'infraction a été établi par des agents de la ville de Cagnes-sur-Mer en raison de la réalisation de travaux de construction effectués sans autorisation, dans une zone naturelle classée ND située dans un espace boisé classé, en l'espèce, la réfection totale de la maison d'un gardien dont la toiture a été changée, les ouvertures modifiées et un ravalement de façade effectué, l'extension de ce bâtiment sur une surface hors oeuvre nette de 35 m² et la réalisation d'une construction d'un bâtiment à usage d'habitation d'une surface hors oeuvre nette de 52 m² ; que, cité pour exécution de travaux sans permis de construire et en violation du plan local d'urbanisme, M. X..., gérant de la société civile immobilière (SCI) Sainte-Maxime propriétaire du terrain, a été déclaré coupable de ces chefs ; que le prévenu et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique, l'arrêt énonce que les agents assermentés et commissionnés de Cagnes-sur-Mer ont constaté par procès-verbal, en date du 18 avril 2011, les infractions en matière d'urbanisme, que le devis du 5 mai 2009 établit que les travaux sont postérieurs à cette dernière date, que le soit-transmis du procureur de la République au directeur départemental des territoires en date du 4 avril 2013, puis l'avis rendu par cette administration le 10 août 2015, font en sorte que la citation délivrée le 19 janvier 2016 l'a bien été dans les trois ans du dernier acte de poursuite ; que les juges ajoutent que les irrégularités qui, selon le prévenu, affecteraient ce procès-verbal seraient en tout état de cause sans effet sur son effet interruptif de prescription dès que lors que sa nullité n'a pas été soulevée avant toute défense au fond ;
Attendu qu'en statuant ainsi, abstraction faite du motif erroné relatif à l'effet interruptif de prescription de la réponse de l'administration à une demande du procureur de la République, laquelle a interrompu la prescription, la cour d'appel, qui a retenu que les «irrégularités» alléguées du procès-verbal, soulevées en première instance, ne constituaient pas une exception de nullité de celui-ci, et qui a souverainement apprécié que le devis du 5 mai 2009 concernait bien les travaux litigieux, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze juin deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.