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12/06/2018 | FRANCE | N°17-82505

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 juin 2018, 17-82505


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
La commune de I..., partie civile

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 21 mars 2017, qui, dans la procédure suivie contre l'association musulmane El Fath, MM. Driss X... et Elie Y..., a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président,

Mme Ingall-Montagnier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffie...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
La commune de I..., partie civile

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 21 mars 2017, qui, dans la procédure suivie contre l'association musulmane El Fath, MM. Driss X... et Elie Y..., a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Ingall-Montagnier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de Mme le conseiller INGALL-MONTAGNIER, les observations de Me LE PRADO, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1240 du code civil, 2, 592 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a, après avoir déclaré l'association musulmane El Fath et M. Driss X... coupables d'exécution de travaux en méconnaissance du plan de prévention du risque inondation, sauf à préciser que cette infraction n'est retenue que pour la construction d'un bâtiment à forte vulnérabilité à l'exclusion de l'absence de vide sanitaire, et après avoir déclaré M. Elie Y... coupable de complicité de cette infraction, débouté la commune de I... de sa demande de dommages-intérêts à leur encontre ;

"aux motifs propres que sur l'action civile ; que la commune de I... ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la ville de I... ; que, sur le fond de la demande, elle se contente de réclamer, dans le dispositif de ses conclusions, la somme importante de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts sans pour autant expliciter, de quelque manière que ce soit, en quoi consiste son préjudice lié aux infractions ; que la cour ne peut suppléer cette carence de la partie civile à alléguer et à justifier du préjudice dont elle demande l'indemnisation ; qu'elle infirmera par suite le jugement déféré et déboutera la commune de I... de sa demande de dommages-intérêts ; qu'en revanche elle était fondée à se constituer au soutien de l'action publique ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il lui a accordé une somme au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale en première instance ; que toutefois, la solidarité n'étant pas applicable en la matière, chacun des trois prévenus sera condamne à lui payer à ce titre la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et celle de 300 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel ;

"1°) alors que le préjudice de la commune résulte nécessairement de la méconnaissance des règles d'urbanisme qu'elle a la charge de faire respecter ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; et que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en déboutant la commune de sa demande indemnitaire après avoir pourtant déclaré l'association musulmane El Fath et M. Driss X... coupables d'exécution de travaux en méconnaissance du plan de prévention du risque inondation, et après avoir déclaré M. Elie Y... coupable de complicité de cette infraction, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les textes visés au moyen ;

"2°) alors que la commune de I... soulignait dans ses écritures que les manquements commis par M. X..., l'association El Fath et M. Y... lui étaient d'autant plus préjudiciables que sa responsabilité pouvait être engagée en cas de dommage consécutif aux irrégularités couverte par le permis de construire délivré et aux manquements aux règles d'urbanisme dont elle a la charge d'assurer le respect ; qu'en estimant toutefois que la commune de I... n'avait pas justifié en quoi consistait le préjudice dont elle demandait réparation, la cour d'appel a tiré des mentions des documents en cause des constatations directement contraires à leur contenu et a, en conséquence, entaché sa décision de contradiction" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1240 du code civil, 441-6 du code pénal, 592 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la commune de I... de sa demande de dommages - intérêts, après avoir relaxé l'association musulmane El Fath et M. Driss X... des fins de la poursuite concernant les délits d'obtention indue du permis de construire du 8 avril 2011 et de celui du 19 août 2013 par moyens frauduleux en ce que les demandes constituaient des faux et d'exécution de travaux sans permis en ce que les permis du 8 avril 2011 et du 19 août 2013 ont été obtenus par fraude, et relaxé M. Elie Y... du chef de complicité de ces infractions ;

"aux motifs propres que sur la fraude et la complicité de fraude, que sur le permis du 8 avril 2011 ; qu'en signant la demande de permis de construire du 22 février 2011, M. X..., en sa qualité de représentant de l'association El Fath, a attesté « avoir qualité pour demander la présente autorisation » et « a certifié exacts les renseignements fournis » ; que pourtant, il est constant qu'il ne présentait aucune des qualités pour déposer le permis de construire au sens de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, puisque l'association qu'il représentait n'était ni propriétaire du terrain, ni mandataire du propriétaire, n'avait reçu aucune autorisation de la part du propriétaire, n'était pas co-indivisaire et n'avait pas qualité pour bénéficier de l'expropriation du terrain pour cause d'utilité publique ; que l'association était propriétaire des 19 garages des copropriétés Valescure 1 et 2 mais pas de leur assiette, et qu'il fallait nécessairement l'accord de l'assemblée des copropriétaires pour que le permis puisse être déposé ; que tel n'était pas le cas en 2011 ; que l'association El Fath et M. X... se prévalent d'une autorisation qui leur aurait été donnée par M. Z..., administrateur des copropriétés, dès le 2 décembre 2005 ; que toutefois, comme le précise à juste titre le jugement déféré, ce courrier est adressé par l'association EL Fath à M. Z..., est signé par M. X... et porte le cachet de l'association ; qu'il est destiné à demander à l'administrateur provisoire une séparation du terrain sur lesquels étaient situés les garages servant de lieu de culte d'avec la copropriété Valescure 1 ; qu'il n'y est pas encore question de la construction d'une mosquée et qu'il ne vaut pas accord de Z... concernant la scission, ce dernier n'ayant manifestement pas répondu, et disant, dans son audition, n' avoir eu connaissance que fortuitement du permis de construire du 8 avril 2011 après qu'il a été accordé ; qu'il en résulte que les prévenus ne peuvent arguer de ce courrier pour prétendre qu'ils avaient l'assurance d'une scission leur permettant d'invoquer leur qualité de propriétaire lors du dépôt du permis de construire ; que c'est par lettre du 18 mai 2011, soit postérieurement à l'octroi du premier permis, que Maître Z... s'est rapproché de M. X... pour lui expliquer la nécessité de modifier le règlement de copropriété pour permettre le changement de destination des garages en mosquée ; que M. X... et l'association El Fath prétendent également à tort que, par une lettre du 13 septembre 2009, M. Z... avait consulté les copropriétaires afin de solliciter leur avis sur la construction d'une mosquée ; qu'il s'agit d'une erreur purement matérielle, puisque cette indication de 2009 figure dans une lettre adressée par l'administrateur provisoire au préfet M. A..., le 1° mars 2012, dans laquelle il lui apprend qu'il a eu connaissance fortuitement le 9 mai 2011 du permis de construire accordé pour la construction de la mosquée ; qu'il n'a donc pu consulter les copropriétaires avant cette date, et que la consultation ne peut donc être que du 13 septembre 2011 et non du 13 septembre 2009 comme le prétendent les prévenus ; que d'ailleurs, le compte- rendu du conseil syndical, en date du 29 septembre 2011, fait bien état d'une consultation des copropriétaires des immeubles concernés en date du 13 septembre 2011 ; que c'est donc avec une certaine mauvaise foi que les prévenus, s'emparant d'une erreur de plume dans la lettre au préfet, prétendent que, dès septembre 2009, les copropriétaires auraient été consultés sur le projet d'édification d'une mosquée ; que l'association El Fath, représentée par M. X..., n'avait donc pas qualité pour solliciter le permis de construire dans sa demande du 22 février 2011 reçue par la mairie le 28 février suivant ; qu'elle ne pouvait l'ignorer ; que toutefois la question qui se pose est de savoir si le fait, pour l'association, de déposer une demande de permis de construire en connaissance de ce qu'elle n'était pas habilitée à le faire a constitué une manoeuvre frauduleuse de nature à tromper l'administration, en l'espèce le maire qui a délivré le permis de construire ; que la fraude exige en effet, un élément intentionnel pour être constituée ; que tel n'est pas le cas ; qu'en effet, M. Y..., maire de I... à l'époque des faits, connaissait parfaitement la situation du quartier de la [...] et avait participé à l'élaboration du plan de sauvegarde ; que la commune elle-même disposait de lots dans la copropriété ; qu'il n'a donc pas pu être trompé sur la qualité du demandeur ; que d'ailleurs, il a lui-même, en octroyant le permis, modifié la référence cadastrale de la parcelle, ce qui montre qu'il avait parfaitement connaissance de la situation ; qu'il en ressort qu'en attestant avoir qualité pour solliciter le permis de construire de 2011,l'association El Fath n'a pas entendu tromper l'administration en la personne du maire de la commune compétent pour délivrer le permis de construire ; que c'est à ce niveau que se situerait la fraude si fraude il y avait de la part de l'association El Fath et de M. X..., et non au niveau des autorités de l'Etat chargées du contrôle de légalité, comme le prétend désormais la commune de I... ; que c'est en effet en mairie que la demande a été déposée, et que c'est dans ce contexte d'autorisation délivrée par le seul maire que la demande a été effectuée par l'association ; que l'intention de tromper l'Etat dans le cadre du système déclaratif en vigueur, n'est pas établie de la part de l'association et de son représentant ; que c'est donc à bon droit que, concernant le permis de construire accordé le 8 avril 2011, le tribunal a relaxé l'association El Fath et M. X... du chef de l'infraction de défaut de permis de construire obtenu par fraude le 8 avril 2011 ; que les auteurs de l'infraction principale étant renvoyés des fins de la poursuite, c'est également à bon droit que M. Y... a été relaxé du chef de complicité de cette infraction ; que sur le permis modificatif du 19 août 2013 ; que la demande de permis modificatif en date du 19 février 2013 porte les mêmes mentions de la part de M. X... quant à sa qualité pour le solliciter, que le permis initial ; qu'au moment où l'association a formulé sa demande, elle n'était pas encore pleine propriétaire de l'assiette de la mosquée ; que toutefois, par lettres des 24 mai et 1er juillet 2011, l'association El Fath avait saisi l'administrateur provisoire d'une demande de scission de la copropriété ; que, le 21 mars 2012, les deux copropriétés avaient émis un avis favorable à la scission ; que le numéro de la nouvelle parcelle, BH1501, était connu lors de la demande ; que l'association El Fath avait donc la certitude au moment où elle a déposé le permis modificatif, que la scission allait aboutir, ce qui a d'ailleurs été le cas puisque l'acte notarié a été signé le 21 octobre 2013 ; qu'il en résulte que l'élément matériel de la fraude n'est pas constitué ; que, pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées supra, l'élément intentionnel n'est pas non plus établi ; que la commune de I... vient prétendre que l'assiette de la mosquée ne correspondrait pas aux lots attribués dans l'acte de scission ; qu'en l'état du dossier, elle ne te démontre pas ; que la cour confirmera par suite le jugement déféré en ce qu'il a relaxé l'association El Fath et M. X... de l'infraction de défaut de permis de construire obtenu par fraude le 19 août 2013, et M. Y... du chef de complicité de cette infraction » ; que « sur l'infraction d'obtention indue des permis de construire du 8 avril 2011 et du 19 août 2013 ; que l'article 441-6 du code pénal dispose que « le fait de se faire délivrer indûment par une administration publique ou par un organisme chargé d'une mission de service public, par quelque moyen frauduleux que ce soit, un document destiné à constater un droit, une identité ou une qualité ou à accorder une autorisation est puni de deux ans d'emprisonnement et de 40 000 euros d'amende » ; que, certes, au moment où elle a formulé ses demandes de permis de construire initial et modificatif, l'association savait qu'elle n'avait pas qualité pour le faire ; qu'au vu du texte susvisé, la question juridique qui se pose est de savoir si le fait qu'elle ait attesté d'une qualité qui n'existait pas encore pour demander les permis litigieux a constitué un moyen frauduleux qui lui a permis de se faire délivrer indûment, de la part du maire de la commune de I..., les permis en question ; que la cour reprendra les motifs susvisés pour dire que, pas plus que la fraude, le délit d'obtention indue de permis de construire n'est constitué à rencontre de l'association et de son président ; que, certes, comme le soutient le ministère public, le délit de l'article 441-6 du code pénal est un délit formel, mais que cela signifie simplement que l'exigence d'un préjudice n'est pas un élément constitutif du délit d'obtention indue de document administratif ; qu'il n'en demeure pas moins que l'infraction suppose que soit établie l'intention du bénéficiaire du document de se voir délivrer indûment, par des manoeuvres frauduleuses, le document administratif contesté ; qu'en déclarant faussement avoir la qualité de propriétaire de la parcelle pour obtenir les permis de construire de la cause, l'association El Fath n'a pas eu la volonté délibérée de se faire délivrer indûment les permis du 8 avril 2011 et du 19 août 2013 puisqu'en l'état de la connaissance du maire de la situation, le moyen employé ne peut être qualifié de frauduleux pour le permis de 2011 ; que, pour le permis de 2013, l'association pouvait se prévaloir de surcroît de l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires des deux copropriétés concernées ; qu'il en résulte que l'intention frauduleuse n'est pas établie, et que la cour confirmera par suite le jugement déféré en ce qu'il a relaxé l'association El Fath et M. X... de ce chef d'infraction, pour les deux permis de 2011 et de 2013 » ;

"et aux motifs adoptés que sur les infractions d'obtention indue d'un permis de construire puis d'un permis modificatif par moyen frauduleux en ce que les demandes constituaient des faux, reprochées à l'association El Fath et à M. X... ; que selon le ministère public, ces infractions reprochées à l'association El Fath et à son président, M. X..., sont caractérisées par le fait que le pétitionnaire a certifié dans ses demandes de permis de construire (28 février 2011) et de permis modificatif (22 février 2013) qu'il avait qualité pour présenter !a demande d'autorisation, c'est à dire qu'il se trouvait dans l'un des quatre cas suivants dont les termes sont expressément rappelés sur l'imprimé utilisé : «propriétaire du terrain ou mandataire au ou des propriétaires, autorisation du ou des propriétaires, co-indivisaire du terrain en indivision ou son mandataire, bénéficiaire d'une expropriation pour came d'utilité publique », ce qui n'était pas le cas ; que s'agissant de la demande initiale de permis de construire ; que pour solliciter leur relaxe, M. X... et l'association El Fath font, en premier lieu, valoir qu'ils avaient l'autorisation de M. Z... lequel avait dès 2005 sollicité la scission de la copropriété pour en distraire les lots de garage transformés en lieu de culte et avait, dès 2009, consulté la copropriété sur la scission laquelle avait donné son accord ; que toutefois le courrier du 2 décembre 2005, remis par M. Z... aux enquêteurs, n'est nullement un courrier émanant de ce dernier et adressé à l'association mais, au contraire, un courrier signé par M. X..., revêtu du cachet de l'association El Fath par lequel ceux-ci demandent à l'administrateur une séparation officielle entre la copropriété et les terrains d'assiette des garages, qu'il n'y est, en outre, nullement question de la construction d'un quelconque édifice ; que pour soutenir que M. Z... a procédé à la consultation de la copropriété sur un projet de scission dès 2009, les prévenus se fondent exclusivement sur le courrier que ce dernier a adressé au sous-préfet H... le 1er mars 2012 pour lui rendre compte de l'évolution du dossier ; que d'une part, il ressort de la simple lecture de ce courrier qu'une erreur affecte l'année de la consultation (13 septembre 2011 et non 13 septembre 2009) ; qu'en effet que dans ce courrier, M. Z... commence par rappeler les conditions dans lesquelles il appris fortuitement, le 9 mai 2011, la délivrance le 8 avril précédant d'un permis de construire d'une mosquée sur le terrain d'assiette de la copropriété qu'il administre, qu'il ajoute avoir immédiatement adressé un courrier tant au maire de la commune de I... qu'à M. X..., pour solliciter la copie du permis et insister sur les impératifs juridiques d'une telle opération sur une parcelle appartenant à des copropriétés sans que celles-ci n'aient donné leur accord, qu'il précise que M. X... lui a aussitôt adressé le permis lui indiquant que les travaux de démolition des garages et de construction de la mosquée étaient prévus pour le mois de juillet 2011 ce à quoi il a répondu que ce projet était prématuré devant étudier la possibilité d'effectuer une scission, qu'il avait, par ailleurs, adressé le 13 septembre 2009 un courrier aux copropriétaires afin de solliciter leur avis sur la construction de la mosquée et avait reçu 119 avis favorables contre 10 défavorables, puis convoqué les membres du conseil syndical en date du 29 septembre 2011 avant de mandater un géomètre ; que l'erreur affectant, dans ce courrier, la date de la consultation est également établie par le compte rendu du conseil syndical du 29 septembre 2011 dans lequel M. Z... « indique que par courrier, en date du 13 septembre 2011, il a été demandé à l'ensemble des copropriétaires des immeubles concernés leur avis sur cette construction (mosquée) ; qu'un très fort pourcentage s'est dégagé à savoir : 119 pour, 10 contre » ; qu'enfin la commune de I..., également copropriétaire, verse aux débats (pièce n°13) la lettre circulaire adressé le 13 septembre 2011 (et non 2009) par M. Z... dans laquelle il sollicite l'avis des copropriétaires sur la scission de la copropriété dans la perspective de la construction d'une mosquée ; qu'ainsi et contrairement à ce que prétendent M. X... et l'association El Fath, ces derniers ne se trouvaient pas, au jour de la présentation de la demande de permis de construire (28 février 2011), dans l'un des quatre cas rappelés ci-dessus (article R. 423-1 du code de l'urbanisme) et n'avaient notamment pas obtenu l'accord de l'administrateur judiciaire ; que toutefois le délit de l'article L. 441-6 du code pénal suppose pour être constitué que le prévenu ait eu conscience de tromper l'administration et que celle-ci l'ait été effectivement ; que le maire de la commune de I..., collectivité copropriétaire au sein de l'ensemble immobilier Valescure 1, partie prenante au plan de sauvegarde, informée en 2005 de la désignation d'un administrateur judiciaire qu'il a régulièrement rencontré dans le cadre du plan de sauvegarde, n'ignorait rien de la situation réelle de la copropriété, propriétaire du terrain d'assiette du projet de construction, comme de celle de l'association, simple copropriétaire, qu'il avait rencontré à plusieurs reprises ; qu'il résulte, en effet, des pièces du dossier et des débats que le projet de créer une mosquée au sein du quartier de la [...] et donc sur le terrain des copropriétés Valescure 1 et 2 (le terrain d'assiette étant commun aux deux copropriétés) a été longuement discuté entre MM. X... et Y... dont l'objectif était notamment de consolider la mosquée existante pour donner aux musulmans un lieu de culte décent («Je tiens à vous dire qu'un lieu de culte existe depuis toujours dans le quartier de la [...] mais dans des conditions précaires. Mon seul souci a été d'améliorer les conditions d'exercice du culte dans ce quartier. C'est la raison principale pour laquelle je souhaitais voir ce projet évoluer par respect des pratiquants»), que c'est d'ailleurs ce dernier qui a conseillé à l'association de recourir aux services d'un architecte (cf audition de M. B... : «M. Driss X..., président de l'Association El Fath, est venu dans mon cabinet sur les conseils du Maire de I... qui leur a déclaré qu'il fallait qu'un avant-projet soit réalisé...») ; qu'il est établi que M. Y... a pris, pour des raisons électorales, des engagements pour la fin mars 2011 (cf courrier de M. C... à Mme D..., en date du 1er mars 2011 et annotations de cette dernière, courrier de M. C... à M. Y..., en date du 2 mars 2011) dans le cadre d'une volonté de maîtrise de ce quartier comme le soulignent certains des témoins entendus ; que le point de savoir si l'administrateur judiciaire avait ou non donné son accord à la construction était totalement indifférent à la décision du maire; qu'il convient, à cet égard, de relever que la commune a procédé d'office à la rectification de la référence cadastrale erronée, figurant sur la demande de permis de construire, du terrain d'assiette de la construction et que le maire n'a donné aucune suite aux différents courriers de M. Z... attirant son attention tant sur la situation juridique de la copropriété sous administration judiciaire que sur la nécessité d'obtenir préalablement son accord ; qu'en l'état de ces éléments, le délit d'obtention frauduleuse du permis initial est insuffisamment caractérisé, qu'il convient donc d'en relaxer les prévenus ;

"alors que l'article 446-1 du code pénal sanctionne le fait de se faire délivrer indûment, par quelque moyen frauduleux que ce soit, un document administratif, par une administration publique ou par un organisme chargé d'une mission de service public, ou de fournir une déclaration mensongère en vue d'obtenir d'une administration publique ou d'un organisme chargé d'une mission de service public une allocation, un paiement ou un avantage indu ; que l'association El Fath savait, lors de la demande du premier permis de construire, qu'elle n'était pas propriétaire des parcelles servant d'assiette à la construction ; qu'en estimant toutefois, pour relaxer les prévenus de ce chef de poursuite que l'élément intentionnel du délit n'était pas caractérisé dès lors que le maire de la commune à l'époque des faits connaissait également la situation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1240 du code civil, 111-5 du code pénal, 480-4 du code de l'urbanisme, 592 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la commune de I... de sa demande de dommages-intérêts à leur encontre, après avoir relaxé l'association musulmane El Fath et M. Driss X... des fins de la poursuite concernant le délit d'exécution de travaux sans permis en ce que le permis de construire accordé le 8 avril 2011 était périmé, et après avoir relaxé M. Elie Y... du chef de complicité de ce délit ;

"aux motifs que sur les travaux exécutés en dépit de la péremption du permis de construire du 8 avril 2011 ; que l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme applicable au moment des faits disposait que le permis de construire est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue ; que ce texte a été modifié par un décret du 5 janvier 2016, applicable le lendemain de sa publication ; que le délai de péremption a été porté à trois ans ; que le préambule dispose que les dispositions relatives à l'allongement de la durée de validité des permis s'appliquent aux autorisations en cours de validité à la date de publication du décret ; qu'il est constant que le permis de construire du 8 avril 2011 n'était plus en cours de validité à la date de publication du décret puisque le 22 octobre 2015, soit avant la publication du décret, le maire de I... a été mis en demeure d'autoriser l'ouverture de la mosquée ; que c'est dire qu'elle était terminée ; que, de surcroît, le permis de construire modificatif avait pris le relai du permis initial ; que le délai de deux ans s'applique donc aux faits de la cause ; que le point de départ du délai est la date de notification au bénéficiaire de l'arrêté portant permis de construire soit le 11 avril 2011, comme l'a retenu le tribunal au vu du dossier de la commune de Saint-Raphaël ; que cette date ne fait l'objet d'aucune contestation ; que la déclaration d'ouverture du chantier est, en date du 19 février 2013, donc déjà assez tardive au regard de la date de notification du permis ; qu'à la demande de l'association, un constat d'huissier a été établi par M. E... le 5 avril 2013 ; qu'il fait état de la pose de palissades de chantiers, et de ce que les travaux de fondation et élévation ont commencé ; que les photographies jointes au constat montrent qu'il s'agit essentiellement d'une saignée dans le sol ; que l'additif rédigé par le même huissier le 18 novembre 2013 fait état de ce que "les trois garages de l'angle du bâtiment visibles sur la photo prise lors du constat du 17 septembre 2009 ont été démolis le 5 avril 2013" ; qu'à ce stade, l'on peut considérer que les trois garages ont été démolis en application du permis de démolir du 1er février 2012, et non en application du permis de construire critiqué ; que restaient à démolir 16 garages avant de pouvoir commencer la construction ; que le creusement d'une tranchée et la pose d'une palissade définissant les contours du chantier sont insuffisants pour permettre de considérer que les travaux entrepris présentaient un caractère substantiel au regard de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme; que le procès-verbal de constat établi le 6 novembre 2013 par M. G... à la demande de la commune de Saint-Raphaël vient conforter cette analyse, puisque l'huissier a constaté « l'absence de toute personne travaillant, de tout élément de chantier type grue, compresseur, marteau piqueur ou bétonnière », la présence de tapis orientaux qui sèchent, et « un périmètre composé de panneaux bardés de chantier, qui clôture tout autour d'une construction artisanale composée d'une partie résiduelle de murs de garages recouverts par des panneaux, d'une toiture en évrite, d'un auvent avec une charpente de bois et de béton recouverte de panneaux de bois, une aire gazonnée avec deux platanes » ; que les photographies jointes à ce constat montrent que nombre de garages existaient encore à cette date ; que c'est dire que la construction n'a pas évolué entre le 5 avril 2013 et le 6 novembre 2013, plus de deux ans après la notification du permis ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a considéré comme périmé le permis du 8 avril 2011 ; qu'il ressort des éléments du dossier, et notamment du constat d'huissier établi par M. G... le 14 janvier 2014 que les travaux ont repris au début de l'année 2014 puisqu'à cette date, le terrain avait été nivelé et un tractopelle était en train d'effectuer des rigoles de fondation ; qu'étaient présents trois ouvriers et un camion benne ainsi qu'une bétonnière ; que la prévention vise l'exécution de travaux en vertu d'un permis de construire périmé, à savoir celui du 8 avril 2011 ; que toutefois, les travaux incriminés ont été incontestablement exécutés postérieurement et sur la base du permis modificatif du 19 août 2013 ; que certes, ce permis est intitulé « permis modificatif et encourrait, en cette qualité, la péremption du permis modifié ; que toutefois, compte tenu de l'importance des modifications apportées par rapport au projet initial, à savoir la hauteur et l'orientation de la mosquée, le permis du 19 août 2013 est susceptible d'être qualifié de permis autonome ; qu'en tout état de cause, il n'est pas démontré que ce permis, qui n'est pas visé à la prévention et en vertu duquel les travaux ont été exécutés, soit caduc ; qu'à tout le moins, il existe un doute sérieux sur ce point ; qu'il en résulte que les travaux ayant été réalisés en vertu du permis de construire du 19 août 2013 et non du permis périmé du 8 avril 2011, la cour considère que l'association El Fath et M. X... ne peuvent être retenus dans les liens de la prévention concernant « l'exécution de travaux sans permis de construire, en l'espèce la construction d'une mosquée alors que le permis de construire accordé le 8 avril 2011 était périmé » ; que le jugement déféré sera par suite infirmé sur ce chef de culpabilité, et les prévenus relaxés sur ce point ;

"1°) alors que les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ; qu'en relevant, pour relaxer les prévenus de ce chef de poursuite, qu'il existait un doute sérieux quant à la caducité du second permis de construire sur le fondement duquel avaient été exécutés les travaux, et en s'abstenant ainsi de se prononcer sur la légalité de cet acte administratif dont dépendait pourtant la solution du procès, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

"2°) alors qu'en se prononçant par des motifs hypothétiques tirés de ce qu'il existerait un doute quant à la caducité du second permis de construire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que l'association musulmane El Fath, présidée par M. Driss X..., a obtenu par arrêté de M. Elie Y..., alors maire de I..., du 8 avril 2011, lequel a été modifié par arrêté du 19 août 2013, un permis de construire pour l'édification dans cette commune d'une mosquée ; que l'association musulmane El Fath, M. Y... et M. X... ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour infractions au code de l'urbanisme ; que par jugement du 26 février 2016 le tribunal correctionnel a, sur l'action publique, d'une part, relaxé l'association musulmane El Fath et M. X... du délit d'obtention indue d'un permis de construire en 2011 et d'un permis modificatif en 2013 par moyen frauduleux ainsi que du délit d'exécution de travaux sans permis en ce que les permis délivrés, initial et modificatif, ont été obtenus par fraude, mais les a déclarés coupables d'exécution de travaux sans permis ainsi que d'exécution de travaux en méconnaissance du plan de prévention du risque inondation, d'autre part, relaxé M. Y... du délit de complicité d'exécution de travaux sans permis mais l'a déclaré coupable de délivrance frauduleuse de permis de construire, initial et modificatif, par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions et de complicité d'exécution de travaux en méconnaissance du plan de prévention du risque inondation ; que, sur l'action civile, le tribunal correctionnel a déclaré recevable la constitution de partie civile de la commune de I... et condamné l'association musulmane El Fath, M. X... et M. Y... à lui verser solidairement la somme de 7 500 euros de dommages-intérêts ; qu'appel a été interjeté par le procureur de la République, l'association musulmane El Fath, M. X..., M. Y... et la commune de I... ;

Attendu que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la commune de I..., l'arrêt énonce que la partie civile se contente de réclamer, dans le dispositif de ses conclusions, la somme importante de
15 000 euros à titre de dommages-intérêts sans pour autant expliciter, de quelque manière que ce soit, en quoi consiste son préjudice lié aux infractions et que la cour ne peut suppléer cette carence de la partie civile à alléguer et à justifier du préjudice dont elle demande l'indemnisation ;

Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le premier moyen doit être écarté ;

Et attendu que dès lors que par voie de conséquence les deuxièmes et troisièmes moyens sont sans objet et ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-82505
Date de la décision : 12/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 jui. 2018, pourvoi n°17-82505


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.82505
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