LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2016), que, par acte sous seing privé du 16 février 2011, la société civile immobilière du Départ (la société du Départ) a promis de vendre un immeuble à la société civile immobilière Chemini (la société Chemini), qui s'était réservée la faculté d'acquérir jusqu'au 14 juin 2011, sous diverses conditions suspensives dont celle de la purge de tout droit de préemption ; qu'il était précisé dans l'acte que celui de la commune était purgé à la suite d'une déclaration d'intention d'aliéner du 16 novembre 2010 ; que le bénéficiaire a versé une somme de 200 000 euros à titre d'indemnité d'immobilisation ; que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 18 février 2011, le maire de la commune a invité le notaire instrumentaire à lui adresser une nouvelle déclaration d'intention d'aliéner, celle du 16 novembre 2010 étant inexacte pour mentionner l'absence d'occupants alors que l'immeuble accueillait cinq locataires commerciaux ; que, cette nouvelle déclaration d'intention d'aliéner n'ayant pas été faite, la société Chemini n'a pas levé l'option et la société du Départ l'a assignée en paiement de l'indemnité d'immobilisation ;
Attendu que la société du Départ fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande et de dire que la somme séquestrée entre les mains du notaire devait être libérée au profit de la société Chemini ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que le maire de la commune avait informé le notaire du caractère inexact de la déclaration d'intention d'aliéner qui mentionnait à tort l'absence d'occupants de l'immeuble et l'avait invité à lui adresser une déclaration rectificative et qu'aucune nouvelle déclaration n'avait été adressée par la suite et retenu que le fait que la commune ait pu éventuellement disposer, par d'autres sources, d'éléments d'information sur la situation locative du bien, ce qui n'était pas établi, était inopérant quant à la régularité de la déclaration qui devait être exhaustive, la cour d'appel en a déduit à bon droit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ni de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, que la caducité de la promesse de vente n'était pas imputable au bénéficiaire qui pouvait prétendre à la restitution de l'indemnité d'immobilisation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière du Départ aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société civile immobilière du Départ et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société civile immobilière Chemini ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société du Départ
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement ayant débouté la Sci du Départ de l'ensemble de ses demandes et dit que la somme de 200.000 € séquestrée entre les mains de Maître Y... devra être libérée au profit de la société Chemini ;
AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « L'article L 213-2 du code de l'urbanisme dispose que Toute aliénation visée à l'article L 213-1 est subordonnée à peine de nullité à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien : Il s'agit d'une condition d'ordre public à laquelle les parties ne peuvent pas renoncer, mais encore faut-il que cette déclaration soit régulière. En l'espèce, la déclaration d'intention d'aliéner du 16 novembre 2010 mentionne que le bien dont la vente est projetée au profit de M. Michel Z..., au prix de 3.400.000 €, est sans occupant, affirmation n'est pas sans conséquences sur la détermination du prix du bien proposé à la vente. En effet, la SA HLM Val d'Oise Habitat envisageait d'acquérir l'immeuble et avait déjà fait, en décembre 2010, une proposition de 3.400.000 € au propriétaire qui l'a acceptée, mais sans avoir requis l'avis de l'autorité compétente de l'Etat, prescrit par l'article L 451-5 du code de la construction et de l'habitation. Or, le Domaine a rendu, le 27 janvier 2011, un avis dans lequel il évalue le prix de l'ensemble immobilier à 2.200.000 €, compte tenu de sa dégradation et en l'état d'occupation supposé s'agissant des baux commerciaux. La mairie d'Enghien les Bains ayant reçu la déclaration d'intention d'aliéner n° 13716S le 18 novembre 2010, le délai d'exercice du droit de préemption expirait le 18 janvier 2011. Elle a adressé le 15 février 2011 (et non 2010) à Maître Y..., notaire, qui l'a reçue le 18 février 2011, une lettre soulevant l'irrégularité de la déclaration d'intention d'aliéner du 16 novembre 2010, au regard de l'occupation de l'immeuble. Cette lettre indique clairement que la déclaration précitée, incorrectement remplie, ne peut être considérée comme un document permettant de porter à la connaissance du titulaire du droit de préemption l'ensemble des éléments nécessaires au déroulement normal de la procédure (...), l'occupation de l'immeuble demeure une mention obligatoire de la déclaration d'intention d'aliéner. Elle rappelle également que la commune pourrait intenter une action en nullité de l'acte passé en fraude de ses droits. Il ne peut donc être valablement opposé que la mairie a renoncé à son droit de préemption pour absence de réponse dans le délai de deux mois, compte tenu de l'irrégularité soulevée. En effet, la décision de préemption ou non-préemption prise par la mairie prise au vu d'une DIA inexacte serait nécessairement illégale comme entachée d'erreur de fait. Au surplus, toute modification apportée aux conditions d'une promesse de vente doit donner lieu à la transmission d'une nouvelle déclaration d'intention d'aliéner. En l'espèce, la promesse de vente du 16 février 2011, qui mentionne (page 12) que le droit de préemption a été purgé, comporte nécessairement une modification par rapport à la promesse de vente antérieure consentie au mois de juillet 2010. La société du Départ ne conteste pas sérieusement qu'aucun état locatif n'a été joint à la DIA du 16 novembre 2010, mais fait valoir que la case sans occupant aurait été cochée par erreur et que la mairie d'Enghien les Bains connaissait parfaitement la situation locative du bien. Elle ne rapporte pas la preuve de l'erreur matérielle alléguée, alors même que le formulaire précise expressément, à côté de la case à renseigner sur l'occupation du bien : Le cas échéant, joindre un état locatif, document qui n'a pas été joint à la déclaration. Par ailleurs, le fait que la mairie ait pu éventuellement disposer, par d'autres sources, d'éléments d'information sur la situation locative du bien, ce qui n'est pas établi, est inopérant quant à la régularité de ce document administratif : la DIA se doit d'être exhaustive, ce qui suppose, comme précisé sur le formulaire, l'envoi simultané d'un état locatif détaillé, pour permettre au titulaire de ce droit de prendre sa décision en connaissance de l'ensemble des éléments nécessaires. Or, la SA HLM Val d'Oise Habitat est un organisme départemental et non pas municipal et, lors de la délibération de son conseil d'administration, le 16 décembre 2010, l'avis du Domaine n'était pas encore connu. Par ailleurs, le caractère irrégulier de cette DIA a été soulevé par le notaire lors de la réunion de signature de la promesse de vente, au vu de la contradiction entre ce document et les mentions du projet, énumérant les baux commerciaux en cours, comme le corrobore le courriel adressé le 3 mars 2011 à Jacki par M. A..., gérant de la société du Départ (cf. (...) M. B... en était informé aussi puisque nous avions essayé de le [Maître Y...] joindre au cours de la réunion de signature pour ramener la difficulté à de justes proportions (
), courriel dans lequel il précise que la promesse prévoit que Me Y... et moi avons 4 mois pour obtenir une DIA conforme purgée : le tribunal est ainsi fondé à conclure que le gérant de la société du Départ s'est bien engagé à purger à nouveau le droit de préemption en adressant la mairie une déclaration rectificative, avant de revenir sur sa décision. Il résulte de ce qui précède qu'en dépit de la mention insérée dans la promesse de vente, à savoir que la somme de 200,000 € est d'ores et déjà acquise au promettant à titre d'indemnité forfaitaire et non réductible, la condition suspensive relative à la purge du droit de préemption n'a pas été réalisée dans le délai imparti. Le défaut de réalisation de cette condition apparaît exclusivement imputable au comportement de la société du Départ, qui a refusé de déposer une déclaration d'intention d'aliéner rectificative, comme Maître Y... l'indique dans son courrier du 8 juillet 2011 à son confrère, Maître C.... En outre, ce dernier ne pouvait envisager, sans engager sa responsabilité professionnelle personnelle, de régulariser un acte authentique de vente en l'absence d'une déclaration d'intention d'aliéner conforme aux exigences légales et l'offre - surprenante - de décharge de cette responsabilité par Maître Y..., formée dans un courrier du 8 juillet 2011 et invoquée la demanderesse, est inopérante. Le tribunal observe qu'à la date du 19 juillet 2011, Maître C..., notaire chargé de la rédaction de l'acte authentique, réclamait encore au notaire du promettant le dossier complet, avec purge du droit de préemption rectifiée, pour établir son projet d'acte, ce qu'il n'a pu obtenir. Il y a donc lieu de débouter la société du Départ de l'ensemble de ses demandes et, la promesse de vente du 16 février 2011 étant devenue caduque, d'ordonner la restitution à la société Chemini de la somme de 200.000 € versée au titre de l'indemnité d'immobilisation, suivant les modalités précisées au dispositif ci-après et avec les intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2013, date de la signification des premières conclusions formant cette demande, en l'absence de production d'une mise en demeure antérieure » ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QU' « à ces justes motifs, il sera ajouté que la promesse unilatérale de vente du 16 février 2011 énonce qu'elle est "soumise à la condition suspensive de la purge de tout droit de préemption", mais ajoute que, la déclaration d'intention d'aliéner ayant été adressée à la mairie le 16 novembre 2011, "à défaut de réponse dans le délai légal de deux mois, la Mairie est réputée avoir renoncé à son droit de préemption. Celui-ci est donc purgé" ; que, toutefois, par lettre du 15 février 2011 reçue par le notaire le 18 février 2011, le maire a alerté le notaire sur le caractère inexact de la rubrique "D" de la déclaration d'intention d'aliéner, celle-ci mentionnant, à tort, l'absence d'occupants au sein de l'ensemble immobilier et l'invitant à lui adresser une nouvelle déclaration d'intention d'aliéner rectificative sur ce point ; Que, dans ces conditions, la mairie ne peut être "réputée" avoir renoncé à son droit de préemption comme l'énonce la promesse unilatérale de vente du 16 février 2011 ; qu'une déclaration d'intention d'aliéner rectificative n'ayant pas été adressée à la mairie et que celle-ci n'ayant pas renoncé à cette demande au motif que la déclaration d'intention d'aliéner du 16 février 2011 aurait été affectée d'une simple erreur de plume, la condition suspensive a défailli par le fait du promettant ; qu'en conséquence, le bénéficiaire était en droit de se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive, à la protection de laquelle il n'avait pas renoncé, et de refuser de réaliser la vente ; que, par suite, la promesse est caduque, sans que cette caducité soit imputable au bénéficiaire ; que l'indemnité forfaitaire prévue par la promesse "pour l'immobilisation en résultant au préjudice du promettant au cas où le bénéficiaire ne réaliserait pas dans les conditions et délais convenus" n'est pas due par la société Chemini, la condition de la purge du droit de préemption n'étant pas satisfaite, de sorte que l'assertion de la promesse selon laquelle la somme de 200.000 € serait "d'ores et déjà acquise au promettant à titre d'indemnité forfaitaire et non réductible" ne peut trouver effet » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'article L.213-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable aux faits de l'espèce dispose que la déclaration d'intention d'aliéner « comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée » et n'impose nullement que soit précisée la situation locative ou d'occupation du bien concerné ; de sorte qu'en jugeant que la déclaration d'intention d'aliéner du 16 novembre 2010 était irrégulière faute de comporter de telles précisions, les juges du fond ont ajouté à la loi une condition qui n'y figure pas, violant ainsi le texte susvisé ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'exposante soutenait dans ses conclusions d'appel (page 12) qu'il résulte des dispositions de l'article L.213-9 du code de l'urbanisme que l'obligation d'informer le titulaire du droit de préemption de la situation locative ou d'occupation du bien est consécutive et non antérieure à la notification par le titulaire du droit de préemption de son intention d'acquérir le bien, de sorte que par construction cette obligation n'existe pas au stade de la déclaration d'intention d'aliéner ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les indications précises de l'état d'occupation du bien figurant dans le procès-verbal de la délibération de l'OPH du Val d'Oise Habitat du 16 décembre 2010 que l'exposante avait invoquées dans ses conclusions d'appel (page 14 notamment) ne pouvaient avoir été données à l'OPH que par la commune elle-même, laquelle avait « sollicité » l'OPH pour la réalisation de logements sociaux sur le terrain concerné ; d'où il suit qu'en considérant qu'il ne serait « pas établi » que la commune disposait d'informations sur la situation locative du bien, sans répondre aux conclusions sur ce point et du reste sans faire la moindre allusion à cette pièce déterminante, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la connaissance de l'état d'occupation du bien était établie par la production des échanges de courriels des 2 et 6 juillet 2010 entre le promoteur et les services de la mairie d'[...], expressément invoqués par l'exposante dans ses conclusions (page 13 notamment) ; d'où il suit qu'en s'abstenant d'analyser cet élément de preuve, la cour l'a dénaturé par omission, violant ainsi l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QU'en statuant ainsi, la cour d'appel a, à tout le moins, entaché sa décision d'une insuffisance de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.