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07/06/2018 | FRANCE | N°16-21537;16-21538;16-21559;16-21560;16-21561;16-21562;16-21565

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 juin 2018, 16-21537 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° S 16-21.538, Q 16-21.559, R 16-21.560, S 16-21.561, T 16-21.562, W 16-21.565 et R 16-21.537 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 1er juin 2016), que courant juin 2008, la société NC Numéricable a proposé à l'ensemble des conseillers commerciaux une modification de leur contrat de travail portant sur les modalités d'attribution de la part variable de la rémunération, modification que de nombreux salariés ont refusée ; que deux mouvements sociaux sont inte

rvenus entre novembre 2008 et mars 2009 ; que M. Y... et six autres salari...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° S 16-21.538, Q 16-21.559, R 16-21.560, S 16-21.561, T 16-21.562, W 16-21.565 et R 16-21.537 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 1er juin 2016), que courant juin 2008, la société NC Numéricable a proposé à l'ensemble des conseillers commerciaux une modification de leur contrat de travail portant sur les modalités d'attribution de la part variable de la rémunération, modification que de nombreux salariés ont refusée ; que deux mouvements sociaux sont intervenus entre novembre 2008 et mars 2009 ; que M. Y... et six autres salariés, engagés en qualité de conseillers commerciaux, ont été licenciés pour faute grave par lettres des 22 janvier et 26 juin 2009 ; que les 6 février et 1er juillet 2009, ils ont régularisé une transaction portant sur la rupture du contrat de travail ; que les salariés, contestant la validité de la transaction et du licenciement, ont saisi la juridiction prud'homale ; que par jugements devenus définitifs en cette partie de la décision, la transaction a été annulée ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les salariés font grief aux arrêts de rejeter leur demande en nullité du licenciement et leurs demandes subséquentes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'application de l'article L. 1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique, mais nullement que son motif économique soit réel et sérieux ; que la cour d'appel, qui a retenu que les modifications des contrats de travail refusées par les salariés et suppressions d'emplois « n'étaient pas en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques », a exigé la preuve d'une cause économique réelle et sérieuse de licenciement pour voir appliquer l'article L. 1233-61 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L. 1233-61, L. 1235-10, L. 1233-1, L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail ;

2°/ que l'application de l'article L. 1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique ; qu'a une nature économique le projet de licenciement dont le motif est étranger à la personne du salarié ; qu'en refusant d'appliquer l'article L. 1233-61 du code du travail, après avoir relevé que l'employeur n'était pas utilement combattu quand il expliquait les modifications des contrats de travail et suppressions de postes à l'origine des licenciements par une volonté de « revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition d'avenants remettant en cause les modalités de commissionnement des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux », ce dont il résulte que les licenciements étaient étrangers à la personne des salariés et avaient dès lors une nature économique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, en conséquence, violé les articles L. 1233-61, L. 1235-10, L. 1233-1, L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail ;

3°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si les licenciements qui résultaient de suppressions d'emploi et/ou de modifications de contrats de travail refusées par les salariés n'étaient pas étrangers à leur personne et n'avaient pas la nature juridique de licenciements économiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61, L. 1235-10, L. 1233-1, L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur avait souhaité revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition d'avenants remettant en cause les modalités de commissionnement des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux, même s'il ne fait pas spécialement grief à chaque salarié d'avoir eu recours à de telles pratiques déloyales et que les mesures prises par l'employeur aboutissant au conflit social et aux absences invoquées au soutien des licenciements n'étaient pas en lien avec des difficultés économiques ou des mutations technologiques, la cour d'appel a pu en déduire que les licenciements avaient été prononcés pour un motif inhérent à la personne des salariés de sorte que les dispositions relatives au plan de sauvegarde de l'emploi applicables au seul licenciement économique ne pouvaient être invoquées ; que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen des pourvois de tous les salariés, sur le troisième moyen du pourvoi de M. Y..., sur le quatrième moyen du pourvoi de MM. Y..., Z..., A... et E... et sur le troisième moyen du pourvoi de M. I... :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens ci-après annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne MM. Y..., Z..., A..., B..., D..., E... et I... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens communs produits aux pourvois n° S 16-21.538, Q 16-21.559, R 16-21.560, S 16-21.561, T 16-21.562 et W 16-21.565 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour MM. Y..., Z..., A..., B..., D... et E....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les salariés exposants de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de leur licenciement et de leurs demandes subséquentes ;

Aux motifs que : « Sur le moyen tiré de la nullité du licenciement pour absence de plan de sauvegarde de l'emploi, le salarié invoque les dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail selon lesquelles « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression d'emploi ou d'une modification refusée par lui d'un élément essentiel de son contrat de travail » ainsi que celles posées par l'article L.1233-61 du code du travail qui prévoient que les entreprises de 50 salariés envisageant de licencier pour motif économique au moins 10 salariés dans une période de 30 jours doivent établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; que les sociétés NUMERICABLE et NC NUMERICABLE forment une unité économique et sociale dotée d'un comité central d'entreprise, niveau auquel devait s'apprécier l'obligation de mise en place d'un tel plan ; qu'il soutient que ces dispositions avaient vocation à s'appliquer dès lors que tous les salariés s'étaient vus proposer une modification de leur contrat de travail, qu'ils avaient refusée, que tous les postes, y compris le sien, ont été supprimés, qu'il n'a jamais été remplacé ; qu'il rappelle que l'article L.1235-10 du code du travail dispose que la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu et s'intégrant dans le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel qui doivent être réunis, informés et consultés ; qu'il en déduit que la nullité de la procédure de licenciement emporte la nullité du licenciement lui-même ; que, toutefois, l'article L.1233-3 du code du travail précise que, pour que le licenciement repose sur un motif économique, il faut que la suppression de l'emploi et/ou la modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail soient consécutives à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'or, dans le cas d'espèce, les mesures prises par l'employeur n'étaient pas en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques ; qu'en effet, l'employeur n'est pas utilement combattu quand il soutient avoir voulu revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition d'avenants remettant en cause les modalités de commissionnement des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux, même s'il ne fait spécialement grief au salarié d'avoir eu recours à de telles pratiques déloyales ; que ce moyen est inopérant ; »

Alors, en premier lieu, que l'application de l'article L.1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique, mais nullement que son motif économique soit réel et sérieux ; que la cour d'appel, qui a retenu que les modifications des contrats de travail refusées par les salariés et suppressions d'emplois « n'étaient pas en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques », a exigé la preuve d'une cause économique réelle et sérieuse de licenciement pour voir appliquer l'article L.1233-61 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;

Alors, en deuxième lieu et à tout le moins, que l'application de l'article L.1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique ; qu'a une nature économique le projet de licenciement dont le motif est étranger à la personne du salarié ; qu'en refusant d'appliquer en l'espèce l'article L.1233-61 du code du travail, après avoir relevé que l'employeur n'était pas utilement combattu quand il expliquait les modifications des contrats de travail et suppressions de postes à l'origine des licenciements par une volonté de « revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition d'avenants remettant en cause les modalités de commissionnement des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux », ce dont il résulte que les licenciements étaient étrangers à la personne des salariés et avaient dès lors une nature économique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, en conséquence, violé les articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;

Alors, en troisième lieu et en tout état de cause, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si les licenciements qui résultaient de suppressions d'emploi et/ou de modifications de contrats de travail refusées par les salariés n'étaient pas étrangers à leur personne et n'avaient pas la nature juridique de licenciements économiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire par rapport au premier moyen de cassation)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à une certaine somme le montant des dommages et intérêts alloué aux salariés au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de leur licenciement ;

Aux motifs que : « Sur les demandes de rappel de salaire pour la mise à pied, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'outre le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, les congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas utilement contestés par l'employeur (..), [le salarié] est fondé à obtenir une indemnisation pour licenciement abusif OU/ sans cause réelle et sérieuse ; que compte tenu de son ancienneté (..), de la perte de l'emploi avec les conséquences s'y rattachant, des circonstances de la rupture, la cour allouera à la partie appelante la somme de (..) euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi (..) ; Sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudice financier ; que le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue ; que cette demande ne peut pas prospérer ;

Alors, d'une part, que, dans leurs conclusions d'appel (p.17 ou/ p.18 ou/ p.19 ou/ p.20), les salariés exposants soutenaient qu'ils n'avaient rien perçu de la part de Pôle emploi pendant une période de plusieurs jours (18, 20 ou 82 jours selon les cas) suivant leur licenciement alors que, s'ils avaient été licenciés pour motif économique, ils auraient été indemnisés par l'organisme d'assurance chômage dès le jour de la rupture de leur contrat de travail ; qu'en conséquence, ils sollicitaient que la société NC NUMERICABLE prenne en charge cette perte d'indemnisation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel des salariés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que, dans leurs conclusions d'appel (p.17 et 18 ou/ p.18 et 19 ou/ p.19 et 20 ou/ p.20 et 21), les exposants soutenaient que les salariés licenciés pour motif économique percevaient, durant les douze premiers mois de chômage, une indemnité égale à 80 % du salaire journalier de référence, alors que les salariés licenciés pour un motif autre qu'économique percevaient une indemnité égale à 57,4 % du salaire de référence ; qu'en conséquence, ils demandaient la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice subi au titre de ce différentiel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel des salariés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire par rapport au premier moyen de cassation)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Y... de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de l'abattement de 30 % sur son salaire pratiqué par l'employeur au titre des frais professionnels ;

Aux motifs que : Sur les demandes de rappel de salaire pour la mise à pied, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'outre le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, les congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas utilement contestés par l'employeur (..),Monsieur Y... peut obtenir une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que compte tenu de son ancienneté de l'ordre de trois années et deux mois, de la perte de l'emploi avec les conséquences s'y rattachant, des circonstances de la rupture, la cour allouera à la partie appelante la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail ; Sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudice financier ; que le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue ; que cette demande ne peut pas prospérer ;

Alors qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si l'employeur était fondé à pratiquer, comme il l'avait fait, un abattement de 30%, au titre des frais professionnels, sur le salaire de Monsieur Y... servant d'assiette de calcul aux cotisations sociales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.242-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale et de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Y..., Monsieur Z..., Monsieur A... et Monsieur E... de leur demande en paiement de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale par la société NC NUMERICABLE du contrat de travail ;

Aux motifs que : « l'employeur a proposé une modification des modalités de la rémunération de la part variable en raison des dérives [dans les pratiques commerciales] par des conseillers de vente à domicile au sein de l'équipe, passant par l'établissement, notamment de « fausses ventes » ; que la réalité de dérives [des pratiques de vente] au sein de l'équipe n'est pas utilement déniée ; que la prétendue mauvaise foi de l'employeur à cet égard n'est pas établie ; »

Et aux motifs que : « des négociations avaient été menées par les salariés pour envisager la rupture des contrats de travail ».

Alors que, dans leurs conclusions d'appel (p.18 et 19 ou/ p.19 et 20 ou/ p.20 et 21 ou/ p.23), pour justifier le caractère déloyal par l'employeur de l'exécution du contrat de travail, les salariés soutenaient que ce dernier avait détourné les règles d'ordre public applicables en matière de licenciement économique, n'avait pas respecté l'accord de fin de grève (du décembre 2008 ou du 20 mars 2009) et avait multiplié les pressions pour les contraindre à quitter leur emploi de leur propre initiative ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ces chefs des conclusions d'appel des exposants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyens produits au pourvoi n° R 16-21.537 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. I... .

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur I... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement et de ses demandes subséquentes de réintégration et en paiement de ses salaires depuis son licenciement jusqu'à la date de sa réintégration effective ;

Aux motifs que : « Sur le second moyen tiré de la nullité du licenciement pour absence de plan de sauvegarde de l'emploi, le salarié invoque les dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail selon lesquelles « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression d'emploi ou d'une modification refusée par lui d'un élément essentiel de son contrat de travail » ainsi que celles posées par l'article L.1233-61 du code du travail qui prévoient que les entreprises de 50 salariés envisageant de licencier pour motif économique au moins 10 salariés dans une période de 30 jours doivent établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; que les sociétés NUMERICABLE et NC NUMERICABLE forment une unité économique et sociale dotée d'un comité central d'entreprise, niveau auquel devait s'apprécier l'obligation de mise en place d'un tel plan ; qu'il soutient que ces dispositions avaient vocation à s'appliquer dès lors que tous les salariés s'étaient vus proposer une modification de leur contrat de travail, qu'ils avaient refusée, que tous les postes, y compris le sien, ont été supprimés, qu'il n'a jamais été remplacé ; qu'il rappelle que l'article L.1235-10 du code du travail dispose que la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu et s'intégrant dans le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel qui doivent être réunis, informés et consultés ; qu'il en déduit que la nullité de la procédure de licenciement emporte la nullité du licenciement lui-même ; que, toutefois, l'article L.1233-3 du code du travail précise que, pour que le licenciement repose sur un motif économique, il faut que la suppression de l'emploi et/ou la modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail soient consécutives à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'or, dans le cas d'espèce, il n'est pas établi que les mesures prises par l'employeur étaient en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques ; qu'en effet, l'employeur n'est pas utilement combattu quand il soutient avoir voulu revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition, faite à chaque salarié, d'un avenant remettant en cause les modalités de commissionnement des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux, même s'il ne fait spécialement grief au salarié d'avoir eu recours à de telles pratiques déloyales ; que ce moyen est tout aussi inopérant ; »

Alors, en premier lieu, que l'application de l'article L.1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique, mais nullement que son motif économique soit réel et sérieux ; que la cour d'appel, qui a retenu qu' « il n'était pas établi que [les modifications des contrats de travail refusées par les salariés et suppressions d'emplois] étaient en lien avec des difficultés économiques ou avec des mutations technologiques », a exigé la preuve d'une cause économique réelle et sérieuse de licenciement pour voir appliquer l'article L.1233-61 du code du travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;

Alors, en deuxième lieu et à tout le moins, que l'application de l'article L.1233-61 du code du travail relatif à l'établissement par l'employeur d'un plan de sauvegarde de l'emploi suppose que le projet de licenciement ait une nature économique ; qu'a une nature économique le projet de licenciement dont le motif est étranger à la personne du salarié ; qu'en refusant d'appliquer l'article L.1233-61 du code du travail, après avoir relevé que l'employeur n'était pas utilement combattu quand il expliquait les modifications des contrats de travail et suppressions de postes à l'origine des licenciements par une volonté de « revoir sa stratégie de vente à domicile passant par la proposition, faite à chaque salarié, d'un avenant remettant en cause les modalités de commissionnement des vendeurs afin de rétablir un certain nombre de bonnes pratiques et d'éradiquer de « fausses ventes » exposant l'entreprise à des contentieux commerciaux », ce dont il résulte que les licenciements étaient étrangers à la personne des salariés et avaient dès lors une nature économique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, en conséquence, violé les articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;

Alors, en troisième lieu et en tout état de cause, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si les licenciements qui résultaient de suppressions d'emploi et/ou de modifications de contrats de travail refusées par les salariés n'étaient pas étrangers à leur personne et n'avaient pas la nature juridique de licenciements économiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1233-61, L.1235-10, L.1233-1, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire par rapport au premier moyen de cassation)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 44.205 euros le montant des dommages et intérêts alloué à Monsieur I... au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;

Aux motifs que : « Sur les conséquences du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'outre le rappel de salaire pour la mise à pied, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas contestés par l'employeur, le salarié est fondé à obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à sn égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à Monsieur I... des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 44.205 euros, en application de l'article L.1235-3 du code du travail ; Sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudice financier ; que le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue ; que cette demande ne peut pas prospérer ;

Alors, d'une part, que, dans ses conclusions d'appel (p.21), Monsieur I... soutenait qu'il n'avait rien perçu de la part de Pôle emploi pendant une période de trente-sept jours suivant son licenciement alors que, s'il avait été licencié pour motif économique, il aurait été indemnisé par l'organisme d'assurance chômage dès le jour de la rupture de son contrat de travail ; qu'en conséquence, il sollicitait que la société NC NUMERICABLE prenne en charge cette perte d'indemnisation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel (p.21), Monsieur I... soutenait que les salariés licenciés pour motif économique percevaient, durant les douze premiers mois de chômage, une indemnité égale à 80 % du salaire journalier de référence, alors que les salariés licenciés pour un motif autre qu'économique percevaient une indemnité égale à 57,4 % du salaire de référence ; qu'en conséquence, il demandait la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice subi au titre de ce différentiel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur I... de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale par la société NC NUMERICABLE du contrat de travail ;

Aux motifs que : « l'employeur a proposé une modification des modalités de la rémunération de la part variable en raison de dérives, repérées par lui, dans les pratiques de vente passant par l'établissement notamment de « fausses ventes » ; que la réalité des dérives de ces pratiques de vente au sein de l'équipe n'est pas utilement déniée, même si aucune n'a été expressément reprochée au salarié ; que la prétendue mauvaise foi de l'employeur, dans ce contexte, n'est pas établie ; que cette demande ne peut davantage prospérer ; »

Alors que, dans ses conclusions d'appel (p.22), pour justifier le caractère déloyal par l'employeur de l'exécution du contrat de travail, le salarié soutenait que ce dernier avait détourné les règles d'ordre public applicables en matière de licenciement pour motif économique, n'avait pas respecté l'accord de fin de grève du 4 décembre 2008 et avait multiplié les pressions pour le contraindre à quitter son emploi de sa propre initiative ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce chef des conclusions d'appel de l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-21537;16-21538;16-21559;16-21560;16-21561;16-21562;16-21565
Date de la décision : 07/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 jui. 2018, pourvoi n°16-21537;16-21538;16-21559;16-21560;16-21561;16-21562;16-21565


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.21537
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