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06/06/2018 | FRANCE | N°16-27291

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 juin 2018, 16-27291


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles, 28 janvier et 13 octobre 2016), que la société d'expertise comptable Syndex, mandatée par le comité de groupe de la société Financière Safe (la société Safe) pour une mission d'examen des comptes annuels de 2011, 2012, 2013 et des prévisions 2014, a, le 11 mai 2015, saisi le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, pour obtenir la fixation du montant de ses honoraires et la condamnation de la société Safe à les payer ; q

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles, 28 janvier et 13 octobre 2016), que la société d'expertise comptable Syndex, mandatée par le comité de groupe de la société Financière Safe (la société Safe) pour une mission d'examen des comptes annuels de 2011, 2012, 2013 et des prévisions 2014, a, le 11 mai 2015, saisi le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, pour obtenir la fixation du montant de ses honoraires et la condamnation de la société Safe à les payer ; que par ordonnance du 16 juillet 2015, le président du tribunal de grande instance a rejeté les exceptions d'incompétence soulevées par la société Safe au profit du tribunal de commerce, subsidiairement au profit du tribunal de grande instance statuant au fond ; que la société Safe a formé un contredit à l'encontre de cette décision ; que par arrêt du 28 janvier 2016, la cour d'appel a dit que l'ordonnance devait être déférée à la cour par la voie de l'appel et a invité les parties à régulariser la procédure ; que par arrêt du 13 octobre 2016, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance du 16 juillet 2015 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Safe fait grief à l'arrêt du 28 janvier 2016 de dire que l'ordonnance rendue en la forme des référés devait être déférée à la cour par la voie de l'appel, alors, selon le moyen, que si l'article 492-1 du code de procédure civile prévoit bien, lorsque le juge statue en la forme des référés, qu'il est fait application des articles 485 à 487 et de l'article 490 du même code, l'article 492-1 ne fait en revanche aucune mention de l'article 98 du code de procédure civile qui prévoit que la voie de l'appel est seule ouverte contre les ordonnances de référé à l'exclusion du contredit ; qu'en l'espèce la voie du contredit était justifiée par le fait qu'une double contestation était élevée non seulement à l'encontre de la compétence du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés plutôt que suivant la procédure de droit commun, mais aussi à l'encontre de la compétence du tribunal de grande instance lui-même dans une affaire susceptible de relever de la compétence du tribunal de commerce ; qu'en excluant la possibilité d'un contredit par référence à des dispositions légales qui ne l'excluaient pas, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 492-1 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que l'unification du régime procédural des ordonnances de référé et des ordonnances rendues en la forme des référés prévue par l'article 492-1 du code de procédure civile s'entend également du régime des voies de recours ; qu'elle en a justement déduit que par application de l'article 98 du même code alors applicable, l'ordonnance rendue en la forme des référés ne pouvait pas être attaquée par la voie du contredit ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt du 13 octobre 2016 de rejeter les exceptions d'incompétence soulevées « in limine litis », alors, selon le moyen :

1°/ que le recours à une procédure des référés en la forme n'est ouvert que lorsqu'un texte le prévoit expressément ; qu'en étendant la compétence du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés à un cas qui n'est pas prévu par la loi, la cour d'appel a violé l'article 492-1 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 2325-40 et R. 2325-7 du code du travail ;

2°/ que les règles spéciales de compétence, notamment lorsqu'elles sont de nature à restreindre les garanties d'un procès équitable, sont d'interprétation stricte ; qu'en étendant la compétence du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés à un cas qui n'est pas prévu par la loi, et en réduisant ainsi les garanties procédurales qui assortissent le règlement d'un litige au fond, la cour d'appel a violé l'article 492-1 du code de procédure civile et les articles L. 2325-40 et R. 2325-7 du code du travail, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que la société Safe invoquait dans ses conclusions l'absence de similitude entre les attributions du comité d'entreprise et celles du comité de groupe, ces dernières n'étant pas des attributions de nature consultative, de telle sorte que l'urgence à régler le différend relatif à la rémunération et aux fonctions de l'expert-comptable du comité de groupe ne justifiait pas l'extension du recours au référé en la forme hors de son champ d'application légal ; qu'en ne répondant pas à ce chef essentiel des conclusions de la société appelante, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des articles L. 2325-40, alors applicable, et L. 2334-4 du code du travail, interprétés conformément à l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'employeur peut contester la rémunération de l'expert comptable mandaté par le comité de groupe et qu'eu égard aux exigences du droit à un recours juridictionnel effectif, un tel litige relève de la compétence du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés en application de l'article R. 2325-7 du code du travail ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a statué comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Financière Safe aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Syndex ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Financière Safe.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué (28 janvier 2016) d'AVOIR dit que l'ordonnance rendue en la forme des référés le 16 juillet 2015 devait être déférée à la cour par la voie de l'appel au lieu de celle du contredit et invité les parties à régulariser la procédure en application de l'article 91 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « l'article 98 du code de procédure civile dispose que la voie de l'appel est seule ouverte contre les ordonnances de référé ; qu'ainsi la décision du juge des référés qui se prononce seulement sur la compétence sans statuer sur le fond du litige ne peut être attaquée par la voie du contredit ; que l'article 490-1 du même code, issu du décret n° 2011-1043 du 1er septembre 2011, prévoit "qu'à moins qu'il en soit disposé autrement, lorsqu'il est prévu que le juge statue comme en matière de référé ou en la forme des référés, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes : 1° il est fait application des articles 485 à 487 et 490 (...)" ; que ce texte renvoie expressément à l'ensemble des dispositions générales régissant les ordonnances de référé et en particulier à l'article 490 qui précise que l'ordonnance de référé lorsqu'elle n'est pas en dernier ressort, est susceptible d'appel, l'objectif étant de faire bénéficier à une procédure de fond de la simplicité et de la rapidité d'une procédure des référés ; que l'unification du régime procédural des ordonnances de référés et des ordonnances rendues en la forme des référés s'entend également du régime des recours et exclut l'utilisation de la voie du contredit pour une décision qui statue seulement sur la compétence ; que l'ordonnance rendue en la forme des référés le 16 juillet 2015 devait donc être déférée à la cour par la voie de l'appel et non par elle du contredit ; que la cour n'en demeure pas moins saisie conformément aux dispositions de l'article 91 du code de procédure civile, l'affaire devant être instruite et jugée selon les règles applicables à l'appel des ordonnances de référé ; que les parties sont donc tenues de constituer avocat et de justifier de l'acquittement du droit prévu à l'article 1635 bis P du code général des impôts conformément aux dispositions de l'article 964 du code de procédure civile ; qu'il y a lieu dès lors de renvoyer les parties à régulariser la procédure » ;

ALORS QUE si l'article 492-1 du code de procédure civile prévoit bien, lorsque le juge statue en la forme des référés, qu'il est fait application des articles 485 à 487 et de l'article 490 du même code, l'article 492-1 ne fait en revanche aucune mention de l'article 98 du code de procédure civile qui prévoit que la voie de l'appel est seule ouverte contre les ordonnances de référé à l'exclusion du contredit ; qu'en l'espèce la voie du contredit était justifiée par le fait qu'une double contestation était élevée non seulement à l'encontre de la compétence du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés plutôt que suivant la procédure de droit commun, mais aussi à l'encontre de la compétence du tribunal de grande instance lui-même dans une affaire susceptible de relever de la compétence du tribunal de commerce ; qu'en excluant la possibilité d'un contredit par référence à des dispositions légales qui ne l'excluaient pas, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 492-1 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué (13 octobre 2016) d'AVOIR confirmé l'ordonnance qui a rejeté les exceptions d'incompétence soulevées par la société Safe ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'alinéa 2 de l'article L. 2325-40 du code du travail, le président du tribunal de grande instance est compétent en cas de litige sur la rémunération de l'expert qui assiste un comité d'entreprise en application des articles L. 2325-35 de ce code ; que l'article R. 2325-7 précise que, lorsqu'il est appelé à prendre des décisions prévues à l'article L. 2325-40, le président de grande instance statue en la forme des référés ; que le chapitre IV du titre IIII du Livre III de la deuxième partie du code du travail (partie législative) est consacré au comité de groupe ; que l'article L. 2332-1 fixe les attributions de ce comité ; que l'article L. 2334-4 prévoit que pour l'exercice des missions prévues par l'article L. 2332-1, le comité de groupe peut se faire assister par un expert-comptable rémunéré par l'entreprise dominante ; que, certes, les parties législatives et règlementaires du code ne comportent pas expressément, en matière de comité de groupe, de dispositions équivalentes à celles figurant aux articles L. 2325-40 et R. 2325-7 ; que cependant, le premier juge a retenu, par des motifs que la cour approuve, que la symétrie existant entre le rôle et les prérogatives de l'expert désigné par le comité d'entreprise et par le comité de groupe, qu'il s'agisse de sa désignation, de sa rémunération ou de l'étendue de ses prérogatives, symétrie exprimée lors des débats parlementaires de la loi du 28 octobre 1982 ayant institué le comité de groupe, impliquait une unité de traitement procédural du contentieux relatif à la désignation, à la mission et à la rémunération de l'expert et, partant, un regroupement de ces litiges entre les mains du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés ; que l'ordonnance qui a rejeté les exceptions d'incompétence sera en conséquence confirmée ; qu'il sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Syndex» ;

1. ALORS QUE le recours à une procédure des référés en la forme n'est ouvert que lorsqu'un texte le prévoit expressément ; qu'en étendant la compétence du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés à un cas qui n'est pas prévu par la loi, la cour d'appel a violé l'article 492-1 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 2325-40 et R. 2325-7 du code du travail ;

2. ALORS, AU SURPLUS, QUE les règles spéciales de compétence, notamment lorsqu'elles sont de nature à restreindre les garanties d'un procès équitable, sont d'interprétation stricte ; qu'en étendant la compétence du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés à un cas qui n'est pas prévu par la loi, et en réduisant ainsi les garanties procédurales qui assortissent le règlement d'un litige au fond, la cour d'appel a violé l'article 492-1 du code de procédure civile et les articles L. 2325-40 et R. 2325-7 du code du travail, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. ALORS ENFIN QUE la société Safe invoquait dans ses conclusions l'absence de similitude entre les attributions du comité d'entreprise et celles du comité de groupe, ces dernières n'étant pas des attributions de nature consultative, de telle sorte que l'urgence à régler le différend relatif à la rémunération et aux fonctions de l'expert-comptable du comité de groupe ne justifiait pas l'extension du recours au référé en la forme hors de son champ d'application légal ; qu'en ne répondant pas à ce chef essentiel des conclusions de la société appelante, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-27291
Date de la décision : 06/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité de groupe - Recours à un expert - Rémunération - Litige - Juridiction compétente - Président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés - Portée

REFERE - Décision en la forme des référés - Représentation des salariés - Comité de groupe - Expertise comptable - Assistance d'un expert-comptable - Rémunération - Litige - Compétence du président du tribunal de grande instance - Portée

Il résulte des articles L. 2325-40, alors applicable, et L. 2334-4 du code du travail, interprétés conformément à l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'employeur peut contester la rémunération de l'expert-comptable mandaté par le comité de groupe et qu'eu égard aux exigences du droit à un recours juridictionnel effectif, un tel litige relève de la compétence du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés en application de l'article R. 2325-7 du code du travail


Références :

Sur le numéro 1 : articles 98, dans sa rédaction applicable au litige, et 492-1 du code de procédure civile.
Sur le numéro 2 : articles L. 2325-40, dans sa rédaction applicable au litige, L. 2334-4 et R. 2325-7, dans sa rédaction applicable au litige, du code du travail.

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 13 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jui. 2018, pourvoi n°16-27291, Bull. civ.Bull. 2018, V, n° 105
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, V, n° 105

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.27291
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