La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2018 | FRANCE | N°16-16484

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 mai 2018, 16-16484


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article L. 2231-9 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ont été conclus au sein de la société Dassault systèmes (la société), deux accords relatifs à l'aménagement du temps de travail, l'un, applicable aux « cadres positionnés » du 15 octobre 1999, l'autre, concernant les salariés non-cadres du 8 février 2000 ; qu'à la suite de négociations entre la direction de la soc

iété et les organisations syndicales un avenant applicable aux cadres et un avenant n° ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article L. 2231-9 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ont été conclus au sein de la société Dassault systèmes (la société), deux accords relatifs à l'aménagement du temps de travail, l'un, applicable aux « cadres positionnés » du 15 octobre 1999, l'autre, concernant les salariés non-cadres du 8 février 2000 ; qu'à la suite de négociations entre la direction de la société et les organisations syndicales un avenant applicable aux cadres et un avenant n° 2 applicable aux non-cadres, ont été signés le 20 juin 2011 ; que le syndicat CGT a exercé son droit d'opposition à l'avenant n° 2 à l'accord du 8 février 2000 concernant les salariés non-cadres et a sollicité l'ouverture de nouvelles négociations ; que, suite au refus opposé par la direction, ce syndicat a saisi la juridiction civile le 8 novembre 2012 à l'effet de faire injonction à la société de faire application aux personnels non-cadres des stipulations de l'avenant à l'accord d'entreprise portant sur l'aménagement du temps de travail au bénéfice des cadres du 20 juin 2011 concernant les heures d'accès à l'entreprise et les plages de présence obligatoires, ainsi que le nombre de jours d'autorisation d'absence ;

Attendu que pour faire droit à cette demande, l'arrêt retient que le fait pour une organisation syndicale de s'être opposée aux effets d'un accord d'entreprise signé, ne peut priver celle-ci du droit de soumettre, ensuite, au juge la situation résultant de la coexistence, dans l'entreprise, des effets de cette opposition, qui, par nature, met à néant la totalité de l'accord, et d'un autre accord, réservé aux cadres, en vigueur dont le syndicat soutient qu'il contient des dispositions constitutives d'une inégalité de traitement envers les salariés non-cadres, que la société n'étaye d'ailleurs son argumentation sur aucun texte juridique et ne peut sérieusement prétendre que la CGT aurait épuisé, avec son opposition, sa capacité à contester la situation née dans l'entreprise de cette opposition, que s'avèrent également sans objet, les moyens tirés par l'appelante des principes de la négociation collective, qu'en effet la procédure engagée par la CGT n'a pas pour objet de remettre en cause l'accord du 20 juin 2011 réservé aux cadres, non plus que de modifier son champ d'application en l'étendant aux salariés non-cadres puisque les demandes tendent à voir constater que, depuis l'entrée en vigueur de l'accord conçu pour les cadres, les salariés non-cadres subissent une inégalité de traitement, à propos des deux points rappelés ci-dessus, qu'ainsi, les demandes formées par la CGT au titre de l'inégalité de traitement ne heurtent, a priori, nullement le principe de globalité de l'accord collectif, que de même, la société Dassault systèmes ne peut sérieusement prétendre que le droit d'opposition prévu par la loi étant à l'origine de la situation d'inégalité alléguée, il s'en déduirait que l'inégalité litigieuse résulterait de la loi, alors que celle-ci n'a prévu que le droit d'opposition en lui-même, sans régir les éventuelles inégalités subséquentes, que dans l'hypothèse où l'accord réservé aux cadres eût été conclu en l'absence de tout accord négocié pour les non-cadres, l'inégalité de traitement résultant des dispositions de cet accord, si elle avait été caractérisée, eût pu être dénoncée, au même titre que le fait, présentement la CGT, que le caractère conventionnel de ces dispositions ne fait pas davantage obstacle à cette prétention dès lors qu'il n'est aucunement démontré, ni même allégué que les dispositions litigieuses seraient, au cas d'espèce, l'indissociable contrepartie de certaines autres dispositions de l'accord des cadres, étant d'ailleurs observé que l'intransigeance du principe d'égalité de traitement, lié à son caractère d'ordre public, ne saurait s'accommoder de semblables considérations, qu'enfin, la démarche de la CGT ne revêt pas de caractère frauduleux alors que l'accord frappé d'opposition comportait, comme celui des cadres, les dispositions en litige et qu'ainsi l'actuelle procédure ne tend pas à obtenir le bénéfice d'avantages qui auraient été refusés par la voie de la négociation, qu'au fond, les mesures revendiquées par la CGT et retenues par l'accord "cadres" du 20 juin 2011 tendent, comme le souligne, sans être contredite, la CGT, à faciliter les transports des salariés pour rejoindre le site de Dassault systèmes, dont l'accès est rendu difficile en raison d'importants travaux sur la zone de Vélizy, qu'il n'existe ainsi aucune justification d'ordre professionnel à cette différence de traitement entre les deux catégories de personnel ;

Attendu, cependant, que, selon l'article L. 2231-9 du code du travail, dans sa version applicable en la cause, les accords frappés d'opposition majoritaire sont réputés non écrits ; qu'il en résulte que l'avenant n° 2 applicable aux salarié non-cadres, qui avait modifié les heures d'accès à l'entreprise, les plages de présence obligatoires et le nombre de jours d'autorisation d'absence, ne pouvant être maintenu en vigueur par l'employeur pour cette catégorie de salariés, la différence de traitement par rapport aux cadres, qui bénéficiaient des mêmes dispositions par un accord distinct, se trouvait justifiée par un élément objectif et pertinent ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Dassault systèmes

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR fait injonction à la société Dassault Systèmes de faire application aux personnels non-cadres des stipulations suivantes de l'avenant à l'accord d'entreprise portant sur l'aménagement du temps de travail au bénéfice des cadres du 20 juin 2011 : les heures d'accès à l'entreprise et les plages de présence obligatoires compatibles (article 1.3.1.1 de l'avenant) et le nombre de jours d'autorisation d'absence et les modalités d'organisation (article 1.3.1.1 de l'avenant), avec effet à compter de la signification du présent jugement, le tout étant assorti d'une astreinte de 5.000 euros par infraction constatée et d'AVOIR condamné la société Dassault Systèmes à verser à la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance, ainsi qu'aux entiers dépens ;

AUX MOTIFS QUE « SUR L'EXISTENCE D'UNE INEGALITE DE TRAITEMENT que la CGT fonde ses demandes sur l'inégalité de traitement, entre cadres et non cadres, qui résulte, selon elle, de l'application aux cadres des dispositions de l'accord du 20 juin 2011 concernant cette catégorie de personnel - relatives aux horaires d'accès à l'entreprise et au nombre de jours d'autorisation d'absence- alors que les personnels non cadres, du fait de l'opposition de la CGT à l'entrée en vigueur de l'accord du 20 juin 2011 applicable aux non cadres -qui contenait les nettes dispositions- ne bénéficient pas de ces deux séries de mesures et continuent, comme précédemment, à ne disposer que de 9, au lieu de 1O, jours d'absences autorisées tandis que l'amplitude horaire les concernant est de 7 h 30 à 19 h 30, au lieu de 6 h 30 - 20 h 30 pour les cadres ; au soutien de ses demandes, la CGT expose qu'aucune raison objective et pertinente ne justifie de priver les salariés non cadres des deux séries d'avantages précités, alloués aux cadres dans l'accord, qui leur est propre, du 20 juin 2011 ; la différence de catégorie professionnelle n'est pas une raison suffisante en l'espèce, dès lors que la situation critiquée ne procède pas d'un accord visant l'ensemble des catégories de salariés mais d'un accord applicable seulement à la catégorie des cadres ; dans ces conditions, l'accord qui, dans le premier cas (accord applicable à tout le personnel), pourrait, selon la dernière jurisprudence de la Cour de cassation, être présumé licite jusqu'à preuve de son caractère inégal, ne saurait bénéficier de cette présomption de licéité dans le deuxième cas (accord catégoriel, comme en l'espèce), la différence de catégorie ne pouvant, alors valablement justifier l'inégalité de traitement instaurées entre catégories de personnel ; que la société DASSAULT SYSTEMES objecte que : - la contestation de la CGT n'est pas recevable en vertu du principe dit de « l'estoppel » - nul ne peut se contredire au détriment d'autrui »- : elle fait état de l'incohérence de la démarche de l'organisation syndicale dans la négociation des. accords litigieux et prétend que la CGT entend obtenir judiciairement ce qu'elle n'a pu obtenir par la voie de la négociation, d'autant qu'elle est à l'origine de l'inégalité de traitement invoquée, par son opposition à l'entrée en vigueur de l'accord des non cadres ; la société DASSAULT SYSTEMES en conclut que la CGT ne saurait, sans mauvaise foi, « tirer profit en justice de la situation qu'elle a elle-même engendrée » ; - les demandes de la CGT bafouent les principes de la négociation collective puisque la CGT, ne tenant nullement compte de l'équilibre de l'accord concernant les cadres, sollicite l'application de certaines dispositions, seulement, de cet accord et requiert « l'application unilatérale aux non cadres de ses seules revendications » ; - la contestation de la CGT méconnaît la notion de négociation catégorielle, inhérente à la spécificité des organisations syndicales catégorielles ; - la CGT ne démontre pas, au fond, l'inégalité de traitement alléguée ; - en tout état de cause, les inégalités sont licites car elles résultent de l'application de la loi, plus précisément de l'opposition que la CGT a exercée le 5 juillet 2011 ; L'argument de l'appelante prétendument fondé sur « l'estoppel » ne saurait prospérer ; en effet, la société DASSAULT SYSTEMES rappelle en vain les différentes positions prises au cours de la négociation des accords litigieux par la CGT qui demeurent sans incidence sur le comportement procédural de celle-ci ; la stratégie de cette organisation syndicale ,qu'elle qualifie d'incohérence, ne saurait, de toute façon, caractériser une posture procédurale interdite ou de mauvaise foi, étant d'ailleurs observé que la société DASSAULT SYSTEMES ne forme aucune demande de dommages et intérêts tendant à voir « sanctionner » une quelconque mauvaise foi de la CGT ; en outre, si cette organisation a fait opposition à l'entrée en vigueur de l'accord visant les non cadres, signé le 20 juin 2011, la société DASSAULT SYSTEMES n'apparaît pas, pour autant, fondée à invoquer cette opposition, pour faire obstacle aux prétentions de la CGT ; en droit , le fait pour une organisation syndicale de s'être opposée aux effets d'un accord d'entreprise signé, ne peut priver celle-ci du droit de soumettre, ensuite, au juge la situation résultant de la coexistence, dans l'entreprise, des effets de cette opposition -qui, par nature, met à néant la totalité de l'accord - et d'un autre accord, réservé aux cadres, en vigueur dont le syndicat soutient qu'il contient des dispositions constitutives d'une inégalité de traitement envers les salariés non cadres ; la société DASSAULT SYSTEMES n'étaye d'ailleurs son argumentation sur aucun texte juridique et ne peut sérieusement prétendre que la CGT aurait épuisé, avec son opposition, sa capacité à contester la situation née dans l'entreprise de cette opposition ; s'avèrent également sans objet, les moyens tirés par l'appelante des principes de la négociation collective ; 'en effet la procédure engagée par la CGT n'a pas pour objet de remettre en cause l'accord du 20 juin 2011 réservé aux cadres, non plus que de modifier son champ d'application en l'étendant aux salariés non cadres puisque les demandes tendent à voir constater que, depuis l'entrée en vigueur de l'accord conçu pour les cadres, les salariés non cadres subissent une inégalité de traitement, à propos des deux points rappelés ci-dessus ; ainsi, les demandes formées par la CGT au titre de l'inégalité de traitement ne heurtent, a priori, nullement le principe de globalité de l'accord collectif qui, en cas de demande d'annulation de certaines dispositions de l'accord conduit à rechercher si ces dispositions participent à l'équilibre de celui-ci, tout entier ; en l'espèce et dans le respect de ce principe, fondateur de la négociation collective, rappelé par la société DASSAULT SYSTEMES, il y aura lieu ci-après de procéder à une semblable recherche afin d'apprécier la façon dont les avantages aujourd'hui contestés s'intègrent dans l'architecture de « l'accord cadres » en cause ; de même, la société DASSAULT SYSTEMES ne peut sérieusement prétendre que le droit d'opposition prévu par la loi étant à l'origine de la situation d'inégalité alléguée, il s'en déduirait que l'inégalité litigieuse résulterait de la loi, alors que celle-ci n' a prévu que le droit d'opposition en lui-même, sans régir les éventuelles inégalités subséquentes ; en définitive, il revient à la cour de déterminer si la situation des salariés non cadres de la société DASSAULT SYSTEMES correspond, ou non, à une situation d'inégalité de traitement et, pour ce faire, comment définir cette inégalité, avant, le cas échéant, d'apprécier celle-ci ; l'inégalité de traitement entre deux catégories de personnel suppose que bien que celles-ci se trouvent placées dans une situation identique, l'une d'elles, seulement, bénéficie d'un avantage, justifié par une raison objective, vérifiable par le juge ; certes, il serait aisé d'objecter, comme le fait l'appelante, que la situation différente est ici non contestable et autorise donc un traitement différent des personnels cadres et non cadres, dans la mesure où l'inégalité dont se plaint la CGT trouve sa source dans les dispositions de l'accord réservé aux cadres du 20 juin 2011, alors que les salariés non cadres, non visés par cet accord, se trouvent dans une autre situation juridique, celle créée par l'opposition de la CGT à l'accord qui leur était destiné et, partant, celle de l'absence de tout accord qui leur soit applicable ; toutefois, la condition d'identité de situation, requise pour apprécier l'existence d'une éventuelle inégalité de traitement ne peut recouvrer la seule identité de situation juridique entre les termes de la comparaison ; la situation à prendre en considération est ainsi une notion factuelle -quelle que soit son origine- qui conduit à rechercher si le traitement, plus favorable, dont bénéficie une catégorie de personnel, par rapport à une autre, est justifié par un motif objectif, fondé sur des considérations de nature professionnelle ; il importe peu que les avantages requis par la CGT au profit des salariés non cadres, soient issus d'un accord concernant les seuls cadres, négocié séparément de celui qui était destiné aux non cadres et que l'opposition de la CGT a privé d'effet ; que dans l'hypothèse où cet accord réservé aux cadres eût été conclu en l'absence de tout accord négocié pour les non cadres, l'inégalité de traitement résultant des dispositions de cet accord, si elle avait été caractérisée, eût pu être dénoncée, au même titre que le fait, présentement la CGT pour les dispositions de l'accord applicable aux cadres le 20 juin 2011, relatives aux horaires d'accès à l'entreprise et au nombre de jours d'autorisation d'absence ; l'opposition de la CGT à la prise d'effet de « l'accord non cadres » du 20 juin 2011 ne saurait priver cette organisation syndicale du droit d'invoquer l'inégalité de traitement dont sont l'objet les salariés non cadres, du fait de l'application de ces dispositions ; le caractère conventionnel de ces dispositions ne fait pas davantage obstacle à cette prétention dès lors qu'il n'est aucunement démontré, ni même allégué que les dispositions litigieuses seraient, au cas d'espèce, l'indissociable contrepartie de certaines autres dispositions de l'accord des cadres - étant d'ailleurs-observé que l'intransigeance du principe d'égalité de traitement, lié à son caractère d'ordre public, ne saurait s'accommoder de semblables considérations ; la démarche de la CGT ne revêt pas de caractère frauduleux alors que l'accord frappé d'opposition comportait, comme celui des cadres, les dispositions en litige et qu'ainsi l'actuelle procédure ne tend pas à obtenir le bénéfice d'avantages qui auraient été refusés par la voie de la négociation ; et considérant qu'au fond les mesures revendiquées par la CGT pour les non cadres ont trait en premier lieu à l'amplitude d'ouverture de la société qui, depuis « l'accord cadres » du 20 juin 2011, est de 6 h 30 à 20 h 30, avec une plage de présence journalière de 10 h 30 à 15 h 30 ; les non cadres continuent, eux, à être régis par le système résultant de l'accord initial de 2000 et son avenant de 2003, qui leur étaient spécifiquement applicables, et leur horaire est de 7 h 30 à 20 h 30 avec une plage de présence journalière de 10 h à 16 h ; les mesures retenues par l'accord « cadres » du 20 juin 2011 qui augmentent l'amplitude horaire d'accès à l'entreprise tendent, comme le souligne, sans être contredite, la CGT, à faciliter les transports des salariés pour rejoindre le site de DASSAULT SYSTEMES, dont l'accès est rendu difficile en raison d'importants travaux sur la zone de Vélizy ; il ressort des pièces aux débats et notamment des documents relatifs à la réunion de négociation du 5 novembre 2010 que la direction de la société DASSAULT SYSTEMES , elle-même, proposait cette même amplitude horaire pour les cadres comme pour les non cadres ; ainsi, au regard de leur objet, les mesures afférentes à l'amplitude horaire dont bénéficient actuellement les cadres, n'apparaissent nullement en relation avec la spécificité professionnelle de cette catégorie de personnel ; elles doivent s'appliquer à l'ensemble du personnel de l'entreprise ; en second lieu, le nombre de jours d'autorisation d'absence alloués aux cadres par l'accord du 20 juin 2011 est de 10 alors que celui des non cadres, selon leur régime actuel, est de 9 ; la société DASSAULT SYSTEMES expose que ces journées sont consenties aux salariés qui accomplissent leur travail selon des horaires individualisés ; elle en conclut que cette différence de traitement entre cadres et non cadres repose sur « des considérations professionnelles tenant aux spécificités de leurs missions par les cadres » ; cependant, les horaires individualisés, par le contrôle et l'organisation qu'ils comportent, concernent, au moins, autant, le personnel non cadre que le personnel cadre, par nature plus autonome ; d'ailleurs, comme précédemment, pour l'amplitude horaire, la société DASSAULT SYSTEMES, elle-même, en signant, pour les non cadres, l'accord, frappé ensuite d'opposition, qui prévoyait 10 jours d'absence autorisée et non plus 9, a bien admis que la spécificité de la mission des cadres ne pouvait expliquer ce nombre différent ; il n'existe ainsi aucune justification d'ordre professionnel à cette différence de traitement entre les deux catégories de personnel ; la CGT est dès lors bien fondée en sa demande ; le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions, l'ensemble des mesures prises par le tribunal apparaissant fondé dans son principe comme dans ses modalités ; en effet, faute de caractériser un préjudice particulier, la CGT a été à bon droit déboutée par le tribunal de sa demande formée à titre de dommages et intérêts » ;

ET AUX MOTIFS QUE « Sur les demandes au titre des différences de traitement. L'existence de différentes catégories professionnelles ne suffit pas à elle seule à justifier des différences de traitement dès lors que les salariés sont dans une situation identique au regard d'un avantage. La violation de l'égalité de traitement emporte application de l'avantage catégoriel à l'ensemble des salariés placés dans une situation identique. L'employeur ne peut traiter différemment des salariés qui se trouvent dans la même situation au regard d'un avantage que si des raisons objectives justifient des différences de traitement. En ce qui concerne, en l'espèce, la question de l'accès à l'entreprise, il apparaît que seuls les personnels cadres bénéficient d'une amplitude de 6h30 à 20h30 avec une plage de présence obligatoire compatible avec ces conditions d'accès. En ce qui concerne les autorisations d'absence, il apparaît que seuls les personnels cadres bénéficient de 10 jours d'autorisation d'absences alors que les non cadres ne bénéficient que de 9 jours d'autorisation d'absence. La société Dassault Systèmes n'apporte aucune raison objective qui justifierait ces différences de traitement, se contentant de soulever que l'exercice du droit d'opposition aurait anéanti la négociation, ce qui ne constitue pas une raison objective. Il apparaît par ailleurs, que la société Dassault Systèmes avait prévu dans l'avenant non-cadre les mêmes avantages que ceux réservés au personnel d'encadrement. En conséquence, la société Dassault Systèmes sera condamnée à faire bénéficier les personnels non cadres des avantages accordés par l'avenant cadre du 20 juin 2011 sur les heures d'accès à l'entreprise et les plages de présence obligatoire compatibles et le nombre de jours d'autorisation d'absence et leurs modalités d'organisation avec effet à compter de la signification du présent jugement, le tout étant assorti d'une astreinte de 5.000 euros par infraction constatée » ;

1. ALORS, D'UNE PART, QU'un accord collectif est le point d'équilibre d'une négociation globale qui donne à ses dispositions un caractère indivisible, de sorte que la dénonciation ou l'opposition exercée à l'encontre d'un accord collectif doit nécessairement porter sur l'intégralité de l'accord ; qu'en conséquence, un syndicat qui a exercé son droit d'opposition à l'encontre d'un accord collectif catégoriel ne peut réclamer, sur le fondement du principe d'égalité de traitement, l'application aux salariés de cette catégorie professionnelle de certains des avantages qui étaient prévus dans l'accord frappé d'opposition ; qu'une telle démarche méconnaît les principes qui régissent la négociation collective ; qu'en l'espèce, il est constant que le syndicat CGT s'est opposé à l'entrée en vigueur d'un accord d'entreprise du 20 juin 2011 applicable aux salariés non-cadres qui prévoyait un élargissement des horaires d'accès à l'entreprise et l'octroi d'un jour supplémentaire d'autorisation d'absence, avant de réclamer, sur le fondement du principe d'égalité de traitement, l'octroi de ces mêmes avantages aux salariés non-cadres en invoquant les dispositions d'un accord collectif du même jour applicable aux cadres ; qu'en affirmant que l'opposition de la CGT à la prise d'effet de l'accord non cadre du 20 juin 2011 ne saurait priver cette organisation syndicale du droit d'invoquer l'inégalité de traitement dont sont l'objet les salariés non-cadres et que cette démarche ne heurte pas le principe de globalité de l'accord collectif, au motif qu'il n'est pas démontré ni même allégué que les dispositions litigieuses de l'accord seraient l'indissociable contrepartie de certaines autres dispositions de l'accord des cadres et que l'accord frappé d'opposition comportait les avantages réclamés par le syndicat CGT de sorte que la procédure engagée ne tend pas à obtenir le bénéfice d'avantages qui auraient été refusés par la voie de la négociation collective, cependant que la société Dassault Systèmes faisait valoir que l'opposition du syndicat CGT à l'accord applicable aux cadres était motivée par son hostilité aux dispositions de l'accord constituant le pendant de ces avantages et que cette procédure permettait au syndicat CGT d'imposer l'octroi d'avantages que l'employeur n'avait consenti que dans le cadre d'une négociation globale ayant pour objet de modifier les modalités de suivi et de contrôle des horaires individualisés, la cour d'appel a violé l'article 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ensemble les articles L. 2221-1 et suivants du Code du travail ;

2. ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE selon l'article L. 2232-12 du Code du travail, la validité d'un accord collectif d'entreprise est subordonnée à l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives de salariés ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles ; que l'accord collectif frappé d'opposition est réputé non-écrit ; qu'il en résulte que la différence de traitement entre salariés cadres et salariés non-cadres, qui résulte de l'opposition exercée par un syndicat majoritaire (au sein du collège non-cadres) à l'encontre d'un accord applicable aux non-cadres, qui comporte des dispositions comparables à celles d'un accord applicable aux cadres, est légalement justifiée ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Dassault Systèmes a conclu, le 20 juin 2011, deux accords d'entreprise relatifs aux modalités d'organisation et d'aménagement du temps de travail, l'un applicable aux cadres, l'autre au personnel non-cadre ; que ces deux accords prévoyaient notamment, pour le personnel cadre et non-cadre en horaires individualisés, une plage d'accès à l'entreprise de 6h30 à 20h30, avec une présence minimale journalière de 10h30 à 15h30, et l'octroi de dix jours de récupération ; que par suite de l'exercice, par le syndicat CGT, de son droit d'opposition, l'accord applicable au personnel non-cadre n'a pu entrer en vigueur ; que la différence de traitement, entre les salariés cadres et non-cadres, en matière d'amplitude horaire d'accès à l'entreprise et de jours de récupération est en conséquence légalement justifiée par l'exercice de ce droit d'opposition ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ;

3. ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'en l'espèce, il est constant que, par suite de l'opposition du syndicat CGT à l'accord d'entreprise du 20 juin 2011 applicable au personnel non-cadre, les seuls cadres de l'entreprise soumis à un forfait horaire bénéficiaient, en vertu d'un accord du 20 juin 2011 applicable aux cadres et non-frappé d'opposition, d'une amplitude horaire d'accès à l'entreprise plus large, d'une période quotidienne de présence obligatoire plus courte et d'un jour supplémentaire d'autorisation d'absence ; que cette différence de traitement entre cadres et non-cadres, issue de dispositions conventionnelles, était donc présumée justifiée ; que la cour d'appel a néanmoins affirmé que l'inégalité de traitement entre deux catégories de personnel doit être « justifiée par une raison objective, vérifiable par le juge », qu'il convient de rechercher si, « quelle que soit son origine », « le traitement plus favorable dont bénéficie une catégorie de personnel par rapport à une autre est justifié par un motif objectif, fondé sur des considérations de nature professionnelle », « qu'il importe peu que les avantages requis par la CGT au profit des salariés non cadres, soient issus d'un accord concernant les seuls cadres », que « le caractère conventionnel de ces dispositions ne fait pas obstacle à [la] présentation [de la CGT] dès lors qu'il n'est aucunement démontré, ni même allégué que les dispositions litigieuses seraient l'indissociable contrepartie de certaines autres dispositions de l'accord des cadres » et enfin, que « l'intransigeance du principe d'égalité de traitement, lié à son caractère d'ordre public, ne saurait s'accommoder de semblables considérations » ; qu'ensuite, pour retenir qu'il n'existait aucune justification d'ordre professionnel à cette différence de traitement, la cour d'appel a relevé que l'élargissement des horaires d'accès à l'entreprise visait à tenir compte des difficultés de transport pour accéder à l'entreprise, que les contraintes d'organisation et de contrôle des horaires individualisés concernent au moins autant les salariés non-cadres que les cadres et que la Direction avait proposé d'étendre ces deux avantages aux salariés non-cadres ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel, qui n'a ni tenu compte de la présomption de justification de ces différences de traitement, ni fait ressortir que ces différences de traitement étaient étrangères à toute considération professionnelle, a violé le Huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le principe d'égalité de traitement et l'article 1.3.1.1. de l'accord d'entreprise du 20 juin 2011 ;

4. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'en conséquence, en présence d'avantages catégoriels en matière d'horaires de travail et de jours de récupération, pour retenir que la différence de traitement est étrangère à toute considération professionnelle, les juges doivent s'attacher aux éventuelles spécificités, en matière de durée et d'organisation du travail, des salariés appartenant à la catégorie professionnelle concernée ; qu'en l'espèce, il résulte de l'accord du 20 juin 2011 applicable aux cadres que la durée hebdomadaire de travail effectif des cadres en horaires individualisés, est « de 39 heures sur 44 semaines, donnant une durée hebdomadaire de travail effectif de 37,80 heures en moyenne annuelle, compte tenu des 7 jours de RTT » ; que l'accord du 8 février 2000 portant sur la réduction et l'aménagement du temps de travail des employés et techniciens, resté en vigueur en raison de l'opposition du syndicat CGT à l'avenant du 20 juin 2011 applicable au personnel non-cadre, prévoit que « l'horaire collectif hebdomadaire sera de 36 heures sur 44,2 semaines donnant une durée hebdomadaire de travail effectif de 35 heures en moyenne annuelle, compte tenu des 6 jours de RTT » ; que par ailleurs, l'accord du 20 juin 2011 applicable aux cadres apporte certains aménagements aux modalités de contrôle et de suivi des horaires individualisés et de gestion des anomalies, qui ne concernent que les cadres en raison de l'opposition du syndicat CGT à l'entrée en vigueur de l'accord relatif au personnel non-cadre qui comportait des dispositions comparables ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il n'existe aucune justification d'ordre professionnel aux avantages résultant de l'accord du 20 juin 2011 applicables aux cadres en matière d'amplitude horaire d'accès à l'entreprise et de jours d'autorisation d'absence, sans même examiner les dispositions relatives à la durée de travail et aux modalités de suivi et de contrôle des horaires individualisés applicables aux salariés de ces deux catégories professionnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du Huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, du principe d'égalité de traitement et de l'article 1.3.1.1. de l'accord d'entreprise du 20 juin 2011.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-16484
Date de la décision : 30/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Egalité de traitement - Atteinte au principe - Défaut - Conditions - Eléments objectifs justifiant la différence de traitement - Cas - Accord frappé d'opposition majoritaire - Portée

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Entrée en vigueur - Opposition - Droit d'opposition - Exercice - Effets - Accord réputé non écrit - Portée

Selon l'article L. 2231-9 du code du travail, dans sa version applicable en la cause, les accords frappés d'opposition majoritaire sont réputés non écrits. Il en résulte que l'avenant n° 2 applicable aux salarié non-cadres, qui avait modifié les heures d'accès à l'entreprise, les plages de présence obligatoires et le nombre de jours d'autorisation d'absence, ne pouvant être maintenu en vigueur par l'employeur pour cette catégorie de salariés, la différence de traitement par rapport aux cadres, qui bénéficiaient des mêmes dispositions par un accord distinct, se trouvait justifiée par un élément objectif et pertinent


Références :

principe d'égalité de traitement

article L. 2231-9 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 15 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 mai. 2018, pourvoi n°16-16484, Bull. civ.Bull. 2018, V, n° 98
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, V, n° 98

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.16484
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award