LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 6 octobre 2016), que Mme Z... a été engagée par la société T3M Segmatel, en qualité d'aide-comptable, à compter du 13 mai 2008 ; que, placée en arrêt maladie le 6 novembre 2009, elle a été licenciée par lettre du 1er février 2010 pour inaptitude ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée est nul en raison du harcèlement moral dont cette dernière a été victime alors, selon le moyen :
1°/ que, premièrement, en se référant longuement aux pièces produites par la salariée tout en s'abstenant d'analyser, fut-ce sommairement, les pièces produites par la société T3M Segmatel à l'effet de démontrer que les attestations produites par Mme Z... étaient dénuées de sincérité, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que, deuxièmement, dans ses conclusions, la société T3M Segmatel remettait en cause la bonne foi de Mme Z... et produisait une attestation de Mme Sophie B... et une capture d'écran démontrant que Mme Z... lui avait demandé de lui fournir « une attestation béton » mettant en cause M. C..., que Mme B... n'avait jamais rencontré ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, les juges du fond ont encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que, troisièmement, la société T3M Segmatel invoquait et produisait un procès-verbal de synthèse ayant conduit au classement sans suite des plaintes émanant de M. D... et Mme Z... ; que les juges d'appel, ne pouvaient, sans dénaturer ce document, retenir que « le classement sans suite de la plainte de M. E... n'interdit pas à M. D... de se prévaloir du harcèlement moral » quand il apparaissait que la plainte ayant fait l'objet d'un classement sans suite émanait, notamment, de M. D... ; qu'en statuant de la sorte, les juges du fond ont dénaturé le procès verbal de synthèse du 31 décembre 2010 et violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de défaut de réponse à conclusions et de dénaturation, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, déduit tant l'existence de faits précis permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral que l'absence de justification par l'employeur d'éléments étrangers à tout harcèlement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société T3M Segmatel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme Z... la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société T3M Segmatel.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant le jugement du conseil des prud'hommes de MONT DE MARSAN du 15 mai 2014, il a dit que le licenciement de Madame Y... Z... était nul en raison du harcèlement moral dont la salariée avait été victime ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le harcèlement moral est caractérisé par des, agissements répétés qui ont pour objet ou peur effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Il résulte des dispositions des articles L. 1152-1, L, 1152-2 et L. 1154-1 du code du travail, que dès lors que le salarié établit la matérialité de faits constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge, d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En l'occurrence, Madame Y... Z... expose que depuis que la direction de la SARL T3M SEGMATEL avait appris qu'une lettre anonyme dénonçant les conditions de travail dans l'entreprise, avait été envoyée à l'un de ses clients et à la direction du travail, elle faisait l'objet d'intimidation, menaces, insultes de la part de Monsieur F... C..., le paroxysme de ce comportement dégradant et outrancier ayant été atteint le 6 novembre 2009, lors d'une discussion en présence du médecin du travail au cours de laquelle ce dirigeant l'aurait gravement et violemment insultée. An soutien de ses dires, Madame Y... Z... produit diverses attestations : - celle d'un ami, Monsieur Joël G... qui déclare que depuis le mois de septembre 2009, Madame Y... Z... lui déclarait subir "de fortes pressions de la part de ses employeurs". A partit du mois d'octobre, elle se serait "sentie en danger suite aux propos de menace de Monsieur F... C..., raison pour laquelle Monsieur G... serait passé la voir tous les soirs à son domicile. C'est ainsi que le 5 novembre 2009, il aurait entendu Monsieur F... C... tenir au téléphone, à l'intention de Monsieur Guillaume D..., compagnon de Madame Y... Z... également salarié de la SARL T3M SEGMATEL les propos suivants: "Fais attention à loi, tu n'imagines même pas de quoi je suis capable ; une fois les histoires finies, il vous arrivera malheur et un de vous deux finira allongé ; Je vais tout faire pour te pourrir la vie, jusqu'à ce que tu démissionnes, je ne veux plus de toi dans mon entreprise ;Pour qui tu te prends, saches que je connais des personnes, et il t'arrivera malheur". Ce qui constitue d'indéniables menaces visant également Madame Y... Z.... - attestation de Monsieur Michel E..., ancien salarié de la SARL T3114 SEGMATEL qui dénonce à son tour les menaces, insultes et conditions déplorables de travail dans l'entreprise - Monsieur Michel E... étant l'auteur de l'une des lettres anonymes de dénonciation des conditions de travail au sein de la SARL T3M SEGMATEL envoyée à l'inspection du travail - et affirme avoir entendu Monsieur F... C... "engueuler les secrétaires "elles sont payées à rien foutre, incompétentes, Elles ne sont pas rentables
" et "H... une collègue, pleurer souvent" lorsqu'il téléphonait au bureau pour rendre compte de son travail. Monsieur Michel E... écrit qu'il aurait lui-même entendu Monsieur F... C... proférer des menaces téléphoniques contre Monsieur Guillaume D..., "menace également destinée à Madame Z... puis aurait lui-même été harcelé, plusieurs semaines après son licenciement, pour qu'il témoigne contre Monsieur Guillaume D... "en échange de quoi d me réembauchait et augmentait considérablement mon salaire. Monsieur Michel E... aurait enfin lui-même été menacé par Monsieur F... C..." en présence de Monsieur -Guillaume D..., en disant savait où mes enfants allaient à l'école et qu'il fallait mieux que je me tienne tranquille. En d'autres termes, que je ne revendique pas mes droits à la sécurité lié à mon travail, Il est évident que cet individu ne respecte rien ni personne. Il exerce des pressions psychologiques par le billet de l'intimidation". - attestation de Monsieur Sébastien I..., autre ancien salarié de la SARL T3M SEGMATEL qui déclare avoir été témoin d'insultes envers les secrétaires alors qu'il faisait les "relevés de ses dossiers et Monsieur F... C... insultait les 3 personnes dans le bureau en l'occurrence H... Y... et Charlotte se (illisible) "traiter" de 3 salopes qui ne servent à rien, J'ai souvent entendu Abigaël pleurer au téléphone". Quant à l'altercation du novembre 2009etgt; elle est en partie relatée par le médecin du travail qui a assisté à la seconde partie et qui a écrit -dans le dossier médical de Madame Y... Z... : "L'entretien se passe mal, Cris de tous côtés. La salariée accuse l'employeur d'être rabaissée, et mal traitée, L'employeur accuse la salariée de nuire à l'entreprise depuis qu'elle vit avec un des techniciens salarié de T3M ainsi que d'être responsable, de la déclaration d'AT de M J..., salarié déclaré inapte récemment a l'issue d'une altercation physique au temps et lieu dé travail. Je mets fin à l'entretien en rappelant que j'étais venue dans les locaux m'entretenir avec l'employeur au sujet de l'ambiance de travail déplorable dans l'entreprise, que j 'avais donne des conseils à ce sujet à l'employeur, J'accompagne la salariée jusqu'à sa sortie des locaux". Le classement sans suite de la plainte de Monsieur Michel K..., invoqué par l'employeur pour décrédibiliser l'attestation produite, n'interdit pas à Madame Y... Z..., de se prévaloir de harcèlement moral des lors qu'elle est en mesure dé justifier d'éléments avérés laissant présumer de son existence, qui sont étayés par d'autres pièces que l'attestation litigieuse, Or, l'attestation de Monsieur Joel G..., rédigée conformément aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, qui n'a jamais été au service de la SARL T3M SEGMATEL, que la partie appelante déclare ne pas connaître et qui a attesté de menacés téléphoniques claires et réitérées ne peut faire l'objet des mêmes préventions que celles de Monsieur Michel E.... De plus, l'employeur est tout aussi mal fondé à se prévaloir des témoignages des 18 salaries entendus dans le cadre de l'enquête (sur les 50 personnes faisant partie du personnel de l'entreprise) dont la majorité sont des "monteurs câbleurs" qui travaillent sur des chantiers, et ne peuvent des lors connaître de faits se déroulant dans les bureaux, au siège de l'entreprise. Enfin, si l'on reprend les déclarations faites par le personnel administratif aux enquêteurs, les déclarations de ces salariées sont quelque peu différentes de celles des, ' salariés travaillant en extérieur. * Madame Charlotte L... épouse M... confirme la tendance de Monsieur F... C... à insulter les salariés en ces termes : "Ça part car un salarié n'a pas fait son travail, Soit Monsieur F... C... prend la personne dans son bureau soit Monsieur F... C... le dispute devant tout le monde, Monsieur F... C... est énervé et il insulte le salarié, Cela dure 10 minutes - un quart d'heure. Je ne peux pas vous dire car je suis au fond du bureau et je n'entends pas tout. A la question "Pensez-vous que Monsieur F... C... est quelqu'un de dangereux ?" elle répond "Il est impulsif Dangereux non, en tous cas pas pour moi",* Madame Natacha N... épouse O..., agent administratif, qui présente au début de l'altercation du 6 novembre 2009 est «sortie avec les autres collègues car ça ne nous regardait pas. De plus la dispute - dont elle précise qu'elle était "très forte" - s'est déroulée avant midi".* Madame H... P..., agent administratif, qui décrit Monsieur F... C... comme un patron "sec et autoritaire". A la question : "Avez vous été témoin de faits injurieux ou de harcèlement entre Monsieur C... ou un cadre de la société et des employés ?" Madame H... P... esquive : "Monsieur C... est une personne qui parle fort comme un patron". Sur les faits du 6 novembre 2009, cette salariée déclare avoir entendu que "le ton est monté entre Madame Z... et Monsieur C... Une fois que le ton est monte suis allée à la cuisine car cela ne me regardait pas", Cette salariée étant dans l'incapacité de préciser qui avait commencé et quel était le sujet de la dispute "car elle était partie aussitôt enfermant la porte de la cuisine". Les réactions pour le moins étonnantes de Madame Natacha N... épouse O... et de Madame H... P... sont significatives do la violence de l'altercation qui a opposé Madame Y... Z... à Monsieur F... C... mais surtout de la crainte ressentie par ces salariées. Cette crainte éprouvée à l'égard des réactions possibles de l'employeur est confortée par le témoignage de Madame Charlotte L... épouse M... sur les confidences reçues de Madame Y... Z... qui lui avait déclaré avoir peur car elle pensait que Monsieur F... C... croyait qu'elle avait écrit le courrier anonyme, tout comme l'avait été Madame H... P... également accusée par Monsieur C... et Monsieur Q... d'avoir envoyé la lettre anonyme du mois de juillet 2009. Dans ce contexte la fiabilité de l'attestation de Monsieur Sébastien I... déjà énoncée se trouve renforcée, a fortiori lorsqu'on y ajoute les écrits de Madame Brigitte R..., médecin du travail à propos de l'incident du 6 novembre 2009 .: "Je mets fin à l'entretien en rappelant que j'étais venue dans les locaux m'entretenir avec l'employeur au sujet de l'ambiance de travail déplorable dans l'entreprise, que j 'avais donne des conseils à ce sujet à l'employeur, J'accompagne la salariée jusqu'à sa sortie des locaux", Or, il importe dé relever la convergence de l'ensemble de ces attestations qui atteste incontestablement du dysfonctionnement des relations de travail au sein de cette entreprise. La circonstance que Madame Y... Z... ait gravement injurié son employeur lors de cette altercation ce qu'elle ne conteste pas - n'enlève rien à l'emportement démesuré de Monsieur F... C... qui même en présence du médecin du travail n'est pas parvenu à se contrôler ce 6 novembre 2009. La matérialité des agissements fautifs de l'employeur (intimidation, menaces, cris, insultes) qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral est en conséquence suffisamment établie » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE «l'article L 1152-1 précise « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétée de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droite et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; Attendu que les droits du salarié auxquels cette définition fait référence portent sur les droits de la personne au travail ; Attendu que depuis le mois de septembre 2009 Monsieur F... C... n'aura de cesse de menacer violemment Madame Y... Z..., de lui infliger des pressions psychologiques et de lui faire subir des mesures d'intimidation par des faits répétés, et notamment le 26 octobre 2009 par menaces de Mort, payer des gens pour lui donner une correction, se rendre chez Madame Z... pour la terroriser et 1a détruire ,le 5 novembre 2009 Monsieur F... C... par téléphone, menaçait Madame Z..., et son compagnon par des propos violents, et le 6 novembre 2009, Monsieur F... C... sur le lieu du travail, devant de salariés et en présence de Madame Brigitte R..., Médecin du Travail, l'a de nouveau agressée ; Le médecin du travail demandera à cette occasion à Madame Z... de quitter le lieu de l'altercation et de se rendre chez son médecin traitant. Attendu qu'elle n'a jamais pu reprendre son poste de travail et que, lors de la visite médicale de reprise, le médecin du travail à la première visite a conclu à l'inaptitude à la reprise à son poste de travail et à tout poste dans l'entreprise pour : « danger grave et immédiat pour la salariée en cas de retour clans l'entreprise ; que donc l'inaptitude constatée a bien pour origine le harcèlement de Monsieur F... C... » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, en se référant longuement aux pièces produites par la salariée tout en s'abstenant d'analyser, fut-ce sommairement, les pièces produites par la société T3M SEGMATEL à l'effet de démontrer que les attestations produites par Mme Z... étaient dénuées de sincérité, les juges du fond ont violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, dans ses conclusions, la société T3M SEGMATEL remettait en cause la bonne foi de Mme Z... et produisait une attestation de Mme Sophie B... et une capture d'écran démontrant que Mme Z... lui avait demandé de lui fournir « une attestation béton » mettant en cause M. C..., que Mme B... n'avait jamais rencontré ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, les juges du fond ont encore violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, la société T3M SEGMATEL invoquait et produisait un procès verbal de synthèse (pièce n°6, production) ayant conduit au classement sans suite des plaintes émanant de M. D... et Mme Z... ; que les juges d'appel, ne pouvaient, sans dénaturer ce document, retenir que « le classement sans suite de la plainte de M. E... n'interdit pas à M. D... de se prévaloir du harcèlement moral » quand il apparaissait que la plainte ayant fait l'objet d'un classement sans suite émanait, notamment, de M. D... ; qu'en statuant de la sorte, les juges du fond ont dénaturé le procès verbal de synthèse du 31 décembre 2010 et a violé l'article 1134 du Code civil.