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25/05/2018 | FRANCE | N°16-27196

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 mai 2018, 16-27196


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 6 octobre 2016), que M. Y... a été engagé par la société T3M Segmatel , en qualité de monteur câbleur, à compter du 13 juin 2005 ; qu'il a été licencié par lettre du 24 février 2010 pour inaptitude ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié est nul en raison du harcèlement moral dont ce dernier a été victime alors, selon le moyen :

1°/ que, premièrement, en se référant longuem

ent aux pièces produites par le salarié tout en s'abstenant d'analyser, fut-ce sommairement, les...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 6 octobre 2016), que M. Y... a été engagé par la société T3M Segmatel , en qualité de monteur câbleur, à compter du 13 juin 2005 ; qu'il a été licencié par lettre du 24 février 2010 pour inaptitude ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié est nul en raison du harcèlement moral dont ce dernier a été victime alors, selon le moyen :

1°/ que, premièrement, en se référant longuement aux pièces produites par le salarié tout en s'abstenant d'analyser, fut-ce sommairement, les pièces produites par la société T3M Segmatel à l'effet de démontrer que les allégations de M. Y... étaient infondées, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que, deuxièmement, si les certificats médicaux sont dotés d'une valeur probante, celle-ci n'est pas absolue ; qu'en décidant que la réalité du syndrome anxio-dépressif allégué par M. Y... n'était pas contestable par l'employeur, dès lors qu'elle était mentionné dans un certificat médical d'arrêt de travail, les juges du fond ont violé l'article 1315 du code civil, ensemble le principe de la liberté de la preuve ;

3°/ que, troisièmement, à supposer qu'ils aient pu raisonner comme ils l'ont fait, les juges d'appel devaient à tout le moins confronter le certificat médical d'arrêt de travail à la décision de refus de prise en charge de la CPAM, qui retranscrit l'avis de son médecin conseil et qui faisait état de l'absence de lésions de M. Y... ; qu'en s'abstenant de le faire, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4°/ que, quatrièmement, la société T3M Segmatel invoquait et produisait un procès-verbal de synthèse ayant conduit au classement sans suite des plaintes émanant de M. Y... et Mme A... ; que les juges d'appel, ne pouvaient, sans dénaturer ce document, retenir que « le classement sans suite de la plainte de M. B... n'interdit pas à M. Y... de se prévaloir du harcèlement moral » quand il apparaissait que la plainte ayant fait l'objet d'un classement sans suite émanait, notamment, de M. Y... ; qu'en statuant de la sorte, les juges du fond ont dénaturé le procès verbal de synthèse du 31 décembre 2010 et a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, de manque de base légale et de dénaturation, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, déduit tant l'existence de faits précis permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral que l'absence de justification par l'employeur d'éléments étrangers à tout harcèlement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société T3M Segmatel aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Y... la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société T3M Segmatel.

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE, confirmant le jugement du conseil des prud'hommes de MONT DE MARSAN du 15 mai 2014, il a dit que le licenciement de Monsieur Guillaume Y... était nul en raison du harcèlement moral dont ce salarié avait été victime ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE «le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Il résulte des dispositions des articles L. 1152-1, L.1152-2 et L.1154-1 du code du travail, que dès lors que le salarié établit la matérialité de faits constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En l'occurrence, Monsieur Guillaume Y... expose qu'a la suite de l'altercation ayant opposé, le 06 novembre 2009, sa compagne salariée de la SARL T3M SEGMATEL, à Monsieur Fatmir C... co-dirigeant de cette société, il a fait l'objet de brimades, menaces, insultes et déclassification de la part de Monsieur Fatmir C..., au point qu'il a été contraint d'adresser une lettre le 14 novembre 2009 pour dénoncer ses conditions de travail. Monsieur Guillaume Y... produit cette lettre dans laquelle il évoque : une interdiction d'accéder au bureau et à la photocopiense le 10 novembre 2009 ainsi que des menaces ("ici tu es chez moi, lu as intérêt à m'obéir et je ne le répéterai pas" ) ; - des insultes et menaces réitérées Je 12 novembre 2009,1a suppression de ses outils de travail carte-bleue professionnelle, téléphone professionnel, badge professionnel et clés d'accès aux boîtiers centraux,-armoires de France Télécom, affectation au service de POI. Il ajoute que : Monsieur Fatmir C... l'a menacé au téléphone alors qu'il était à son domicile, conversation dont témoigne M. Joël D... présent jour-la ; que ce même dirigeant a contacté M. B..., ancien salarié de la SARL T3M SEGMATEL, pour le convaincre .dé témoigner contre lui et du fait de son refus, a lui-même été menacé .; M. E... témoigne avoir été victime du même traitement que Monsieur Guillaume Y... (menaces, intimidation, privation des outils de travail) pour être finalement licencié pour faute ; que M. F..., alors salarié de la SARL T3M SEGMATEL, s'est vu proposer les vêtements de travail de Monsieur Guillaume Y... alors que celui-ci était en arrêt maladie au motif qu'il allait être renvoyé. La SARL T3M SEGMATEL reconnaît la modification des conditions de travail qu'elle considère légitime mais conteste les insultes menaces et manoeuvres d'intimidation -dont-elle affirme qu'elles ne reposent que sur des attestations dépourvues de crédibilité. Cependant, le classement sans suite de la plainte de Monsieur Michel B..., n'interdit pas à Monsieur Guillaume Y... de se prévaloir de harcèlement moral dés lors qu'il est en mesure de justifier d'éléments avérés laissant présumer de son existence qui sont étayés par d'autres pièces. Ainsi de l'attestation rédigée conformément aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile de M. Joël D..., qui n'a jamais été au service de la SARL T3M SEGMATEL, que la partie appelante déclare ne pas connaître et qui a attesté de menaces téléphoniques claires et réitérées ("fait attention .à toi, tu n'imagines même pas de quoi je suis capable", "une fois les histoires finies il vous arrivera malheur et un de vous deux finira allongé" 'je vais tout faire pour te pourrir la vie jusqu'a ce que tu démissionnes je ne veux plus de toi dans mon entreprise' "pour qui tu te prends saches que je connais des personnes et il t'arrivera malheur") ou de la Suppression des outils de travail et du changement de poste que la SARL T3M SEGMATEL ne conteste pas et dent il sera relevé que ces événements sont concomitants. Il importe d'ajouter qu'a la suite de ces faits, Monsieur Guillaume Y... a été placé en arrêt de travail à compter du 20 novembre 2009 et la Circonstance que la CPAM n'ait pas pris en charge cet arrêt au titre de la maladie professionnelle n'interdit pas au salarié de faire la démonstration que les agissements dont il a été victime ont entraîné une altération de sa santé ou compromis son avenir professionnel. En l'occurrence, lés symptômes décrits par le médecin traitant dans le certificat d'arrêt de travail sont suffisamment éloquents et révélateurs d'une dégradation plus ancienne. Or, si les médecins et thérapeute ne peuvent témoigner des conditions de travail de leur patient, la réalité du syndrome anxio-dépressif médicalement constaté n'est pas contestable par l'employeur, dès lors qu'il s'agit d'un avis médical. Il convient d'y ajouter l'avis du médecin du travail qui a déclaré le salarié inapte en une seule visite (article R 4624-31 a1,2 du Code du travail ) A son poste de travail et à tout poste dans l'entreprise, mais pas inapte à tout travail puisque dans le même temps (voir dossier médical) Monsieur Guillaume Y... envisageait un stage AFPA de,"Technicien de maintenance de machines industrielles' sur BEGLES, ce qui établit incontestablement le lien entre l'inaptitude du salarié et ses conditions de travail au sein de la SARL T3M SEGMATEL. L'ensemble de ces éléments permet de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il incombe dès lors à la SARL T3M SEGMATEL de prouver que ces agissements te sont pas constitutifs .d'un tel harcèlement et que sa décision et justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement, ce qu'elle ne peut à l'évidence faire pour les menaces. S'agissant du changement de poste et du retrait brutal des instruments de travail la SARL, T3M SEGMATEL invoque une altercation qui a opposé Monsieur Fatmir C... à Monsieur Guillaume Y..., un matin, peu de temps après le 06 novembre 2009, sur le parking de la société, au cours de laquelle ce salarié aurait fait preuve d'insubordination et de véhémence à l'égard de son supérieur hiérarchique. La SARL T3M SEGMATEL expose qu'à la suite de cet incident elle aurait perdu confiance en son salarié et craint qu'il ne "dénigre la société auprès de la clientèle". Monsieur Guillaume Y... a donc été affecté au POI, cette modification constituant un simple changement dans les conditions de travail et non une modification de son Contrat Elle précise, ce qui n'est pas contesté que Monsieur Guillaume Y... a continué de percevoir son salaire antérieur. Cependant, même une simple modification dans les conditions de travail du salarié, qui relève normalement du pouvoir de direction de l'employeur, peut être fautif et établir la preuve d'un harcèlement moral s'il est établi que ce changement constitue comme en l'espèce une mesure trouvant sa cause non dans les besoins et intérêts de l'entreprise mais dans une intention vexatoire de l'employeur. En l'occurrence, il ressort des seules -explications de la SARL T3M SEGMATEL que le retrait brutal des outils de travail de Monsieur Guillaume Y... et son affectation tout aussi soudaine sur un poste ni oins valorisant constitue une mesure de rétorsion à la suite de l'incident ayant opposé le salarié à Monsieur Fatmir C... à l'extérieur de l'entreprise, Les explication données par la SARL T3M SEGMATEL pour justifier sa décision (risque de dénigrement du salarié auprès de la clientèle) sont dépourvues de pertinence et ne reposent sur aucune pièce ou démonstration. Or, en admettant que le comportement de Monsieur Guillaume Y... ait pu être qualifié de fautif, il appartenait l'employeur de prendre les mesures disciplinaires qui lui semblaient appropriées (avertissement, mise â pied, voire rétrogradation) selon les procédures légales prévues pour la mise en oeuvre de telles sanctions, ce que manifestement l'employeur, dont les explications ne se situent pas dans ce cadre, n'a pas fait. Il en découle que la SARL T3MSEGMATEL ne démontre pas que sa décision était justifiée par dés éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, en sorte que le harcèlement moral se trouve suffisamment établi. Dès lors; et en application des articles L 1152-2 et L 1152-3 du Code du travail, l'inaptitude déterminée par le harcèlement moral du salarié entraîne la nullité du licenciement dont elle est la cause » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE «l'article L 1152-1 précise « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétée de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droite et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; Attendu que les droits du salarié auxquels cette définition fait référence portent sur les droits de la personne au travail ; Attendu que Monsieur Y... n'a jamais pu reprendre son poste de travail, et que lors de la visite médicale de reprise, le médecin du travail à la première visite a conclu à l'inaptitude à la reprise à son poste de travail et à tout poste dans l'entreprise pour « danger grave et immédiat pour le salarié en vas de retour dans l'entreprise » ; Et attendu qu'un classement sans suite du ministère publie qui décide de ne pas poursuivre, n'est pas une décision judiciaire et qu'elle n'a pas l'autorité de la chose jugée puisqu'il n'y a aucune décision relative aux faits motivant la plainte ; Qu'il appartient au juge Prud'homal d'apprécier souverainement la réalité et la gravité de la faute reprochée ; Qu'il n'est pas contesté par la SARL T3M Segmatel que celle-ci a bien retiré à Monsieur Y... les outils nécessaires â. l'accomplissement de son travail, à savoir la carte bleue professionnelle, le téléphone professionnel, le badge professionnel et les clefs permettant à Monsieur Y... d'accéder aux boitiers centraux et armoires de France Télécom ; Attendu que l'employeur est tenu d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, que cette exécution de bonne foi requiert un comportement loyal ; que le comportement de l'employeur doit être proportionné et légitime eu égard au motif qui le provoque ou au but recherché ;Que la SARL T3M Segmatel ne justifiait pas sa décision de supprimer la carte bleue professionnelle, le téléphone professionnel, le badge professionnel et les clefs permettant à Monsieur Y... d'accéder aux boitiers centraux et armoires de France Télécom pour effectuer son travail.; Que de plus la Sarl T3M Segmatel va affecter au 12 novembre 2009 Monsieur Y... dans un service POI, poste qui n'a rien â voir avec les missions effectuées jusqu'à cette date ; Que donc l'inaptitude constatée a bien pour origine le harcèlement de Monsieur Fatmir G... » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, en se référant longuement aux pièces produites par le salarié tout en s'abstenant d'analyser, fut-ce sommairement, les pièces produites par la société T3M SEGMATEL à l'effet de démontrer que les allégations de M. Y... étaient infondées, les juges du fond ont violé l'article 455 du Code de procédure civile.

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, si les certificats médicaux sont dotés d'une valeur probante, celle-ci n'est pas absolue ; qu'en décidant que la réalité du syndrome anxio-dépressif allégué par M. Y... n'était pas contestable par l'employeur, dès lors qu'elle était mentionné dans un certificat médical d'arrêt de travail, les juges du fond ont violé l'article 1315 du code civil, ensemble le principe de la liberté de la preuve ;

ALORS QUE, TROISIEMEMENT, à supposer qu'ils aient pu raisonner comme ils l'ont fait, les juges d'appel devaient à tout le moins confronter le certificat médical d'arrêt de travail à la décision de refus de prise en charge de la CPAM, qui retranscrit l'avis de son médecin conseil et qui faisait état de l'absence de lésions de M. Y... ; qu'en s'abstenant de le faire, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

ET ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, la société T3M SEGMATEL invoquait et produisait un procès verbal de synthèse (pièce n°6, production) ayant conduit au classement sans suite des plaintes émanant de M. Y... et Mme A... ; que les juges d'appel, ne pouvaient, sans dénaturer ce document, retenir que « le classement sans suite de la plainte de M. B... n'interdit pas à M. Y... de se prévaloir du harcèlement moral » quand il apparaissait que la plainte ayant fait l'objet d'un classement sans suite émanait, notamment, de M. Y... ; qu'en statuant de la sorte, les juges du fond ont dénaturé le procès verbal de synthèse du 31 décembre 2010 et a violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-27196
Date de la décision : 25/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 06 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 mai. 2018, pourvoi n°16-27196


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.27196
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