La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2018 | FRANCE | N°17-18980

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 mai 2018, 17-18980


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 mars 2017), qu'ayant été victime d'une agression, M. X... a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions de demandes en réparation de son préjudice corporel ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire que l'indemnité lui revenant du chef de l'agression dont il a été victime, après imputation de la créance de l'organisme ayant versé des prestations à ce ti

tre, s'élève à une certaine somme et de le débouter du surplus de ses demandes inde...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 mars 2017), qu'ayant été victime d'une agression, M. X... a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions de demandes en réparation de son préjudice corporel ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire que l'indemnité lui revenant du chef de l'agression dont il a été victime, après imputation de la créance de l'organisme ayant versé des prestations à ce titre, s'élève à une certaine somme et de le débouter du surplus de ses demandes indemnitaires, et notamment de celle tendant à son indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs, alors, selon le moyen, que le principe de la réparation intégrale implique que le préjudice de la victime soit réparé sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en déboutant M. X... de sa demande d'indemnisation au titre d'une perte de gains professionnels futurs, au motif que la preuve n'était pas rapportée d'un lien entre le syndrome dépressif subi par la victime et sa situation professionnelle, tout en indemnisant le syndrome dépressif de M. X... au titre du déficit fonctionnel permanent et en déduisant de cette indemnisation la créance de la caisse correspondant au montant de la pension d'invalidité versée à la victime en raison de cet état dépressif, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

Mais attendu que la pension d'invalidité prévue par l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité, d'autre part le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'absence de pertes de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; qu'ayant, en l'absence de preuve de pertes de gains professionnels futurs imputables à l'agression, rejeté la demande d'indemnisation formée à ce titre, sans qu'une incidence professionnelle ait été invoquée, c'est à bon droit et sans se contredire que la cour d'appel a imputé la pension d'invalidité sur le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel permanent dont elle a retenu l'existence ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première et deuxième branches du moyen unique annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'indemnité revenant à M. Lionel X... du chef de l'agression dont il avait été victime, après imputation de la créance de l'organisme ayant versé des prestations du chef de l'agression, s'élevait à la somme de 16.507,94 €, provisions non déduites, et d'avoir débouté M. X... du surplus de ses demandes indemnitaires, et notamment de celle tendant à son indemnisation à hauteur de la somme de 169.304,18 € au titre de la perte de gains professionnels futurs ;

AUX MOTIFS QUE sur la perte de gains professionnels futurs, ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable ; que M. X... avait été victime bien avant l'agression d'un accident du travail à la suite duquel il a été amputé d'une jambe et reconnu travailleur handicapé à 80% ; qu'il travaillait au sein de la société Carnivar avec un emploi de boucher dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il soutient que du fait de l'agression, il a développé un syndrome anxio-dépressif traité après l'agression sans discontinuer ; qu'il déclare qu'il a bénéficié d'arrêts de travail pendant trois ans au-delà desquels l'arrêt pour maladie ne pouvait plus être pris en charge, qu'il n'a pu reprendre son poste dans la société Carnivar, qu'il a été mis en invalidité 2ème catégorie à compter du 1er juin 2013 et qu'il a été finalement licencié par son employeur pour inaptitude le 27 mai 2014, tous éléments dont il justifie ; qu'il précise qu'il a toujours travaillé malgré son handicap et n'a jamais renoncé à exercer une activité professionnelle ; qu'il fait valoir qu'il n'avait aucun antécédent psychiatrique et considère qu'il n'y a pas d'autres explications que les conséquences de l'agression quant à son impossibilité d'exercer une activité professionnelle et que celle-ci a transformé radicalement la nature de son invalidité antérieure ; qu'il sollicite l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs sur la base d'une perte de revenus équivalente au SMIC avec revalorisation chaque année du 8 mai 2010 au 31 décembre 2016 puis capitalisation à compter du 1er janvier 2017 jusqu'à l'âge de 67 ans sur la base du barème Gazette du Palais 2016 ; que le Fonds de garantie conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté ce chef de demande et fait valoir que M. X... n'est pas au plan médical dans l'impossibilité d'exercer une profession ; que le professeur B..., sapiteur psychiatre choisi par l'expert principal, indique que M. X... a présenté un état dépressif réactionnel à l'agression dont il a été victime, état essentiellement lié à une expérience d'humiliation et d'un vécu d'infériorité, que cet état a fait l'objet d'une prise en charge spécialisée de juin 2008 à septembre 2010 et qu'au jour de l'examen, il persiste un état dépressif modéré imputable à l'agression ; que le professeur B... ne mentionne pour autant aucune impossibilité d'exercer une activité professionnelle liée à cet état ; que de son côté, le docteur C..., interrogé sur ce point par un dire du conseil de M. X... l'invitant à se prononcer sur les conséquences professionnelles de l'agression, confirme que son sapiteur en psychiatrie n'a pas retenu d'inaptitude à son emploi au sein de la société Carnivar ou à tout autre activité, et estime qu'il est difficile de retenir le syndrome dépressif comme étant la cause directe et certaine de sa cessation d'activité et donc de retenir un préjudice professionnel ; que la cour relève qu'il n'est produit aucune pièce, notamment de la médecine du travail, attestant d'une inaptitude au travail ; qu'il ressort par ailleurs de la lettre de licenciement que si l'état de santé de M. X... n'était pas compatible avec son ancien poste, il pouvait occuper un poste allégé sans station debout prolongée, sans conduite ou port de charges ; que son employeur lui a proposé un poste de gardien qu'il a refusé et indique qu'il est dans l'impossibilité de lui faire d'autres propositions de reclassement ; que s'il ne peut être fait grief à M. X... d'avoir refusé ce poste et d'en tirer une conséquence quant à l'indemnisation d'un préjudice professionnel, la cour constate toutefois que l'ensemble des éléments versés aux débats ne permettent pas de relever une incapacité à travailler en relation avec les séquelles de l'agression, y compris en raison d'un syndrome dépressif qualifié de modéré par l'expert psychiatre, seul séquelle définitive à l'exclusion de toutes séquelles au plan physique, et donc l'existence d'une perte de gains consécutive à l'invalidité dont il est atteint ; que le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le principe de la réparation intégrale implique que le préjudice de la victime soit réparé sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; que le préjudice professionnel doit être retenu même si le taux de déficit fonctionnel permanent est faible ; qu'en l'espèce, l'expert B..., dans son rapport d'examen du 10 décembre 2013, a énoncé que M. X... souffrait d'un « état dépressif réactionnel à l'agression dont il avait été victime » et que « persistait un état dépressif modéré » (rapport, p. 5) ; que la cour d'appel a constaté ces troubles, qu'elle a indemnisés au titre du déficit fonctionnel permanent (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 1er), mais a refusé d'indemniser leurs répercussions professionnelles, au motif que « l'ensemble des éléments versés aux débats ne permettent pas de relever une incapacité à travailler en relation avec les séquelles de l'agression, y compris en raison d'un syndrome dépressif qualifié de modéré par l'expert psychiatre, seul séquelle définitive à l'exclusion de toutes séquelles au plan physique, et donc l'existence d'une perte de gains consécutive à l'invalidité dont il est atteint » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 7) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher s'il ne résultait pas des troubles, même modérés, constatés par l'expert, et qu'elle avait elle-même indemnisés au titre du déficit fonctionnel permanent, une incidence professionnelle justifiant l'indemnisation sollicitée par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le principe de la réparation intégrale implique que le préjudice de la victime soit réparé sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en déboutant M. X... de sa demande d'indemnisation au titre d'une perte de gains professionnels futurs, au motif que la preuve n'était pas rapportée d'un lien entre le syndrome dépressif subi par la victime et sa situation professionnelle, tout en constatant que M. X... avait été licencié pour inaptitude au motif qu'après son agression, son état de santé « n'était pas compatible avec son ancien poste » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 5), ce dont il résultait nécessairement que les séquelles psychologiques de M. X... avaient bien une incidence professionnelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

ALORS, ENFIN, QUE le principe de la réparation intégrale implique que le préjudice de la victime soit réparé sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en déboutant M. X... de sa demande d'indemnisation au titre d'une perte de gains professionnels futurs, au motif que la preuve n'était pas rapportée d'un lien entre le syndrome dépressif subi par la victime et sa situation professionnelle, tout en indemnisant le syndrome dépressif de M. X... au titre du déficit fonctionnel permanent et en déduisant de cette indemnisation la créance de la caisse correspondant au montant de la pension d'invalidité versée à la victime en raison de cet état dépressif (arrêt attaqué, p. 8 al. 6), la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-18980
Date de la décision : 24/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 mars 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 mai. 2018, pourvoi n°17-18980


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Delvolvé et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.18980
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award