LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1121 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 9 septembre 1992, en contrepartie d'une donation consentie par sa mère Léonie Z..., Mme Y... s'est engagée à fournir une assistance matérielle et morale à sa soeur, Paulette X..., sa vie durant ; que Léonie Z... est décédée le [...] , en laissant pour lui succéder ses sept enfants, Mme Y..., Paulette X... , MM.
C..., D..., E..., F... et G... X..., et en l'état d'un testament, dont la validité a été reconnue par un jugement irrévocable du 3 mars 2008, désignant Mme Y... légataire universelle ; que Paulette X... a assigné cette dernière, le 24 janvier 2013, en fixation d'une pension alimentaire à son profit ; qu'après le décès de la demanderesse, survenu le [...], l'instance a été reprise par ses frères (les consorts X...) en leur qualité d'héritiers ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que le testament de Léonie Z... révoque nécessairement les donations antérieures, dont les actes de 1992, qu'il constitue le seul document régissant les relations entre les parties et que si, aux termes du testament, Mme Y... est avantagée par rapport aux autres héritiers, cela résulte de la volonté librement exprimée de leur mère ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, pièce à l'appui, si l'acceptation par Paulette X..., bénéficiaire de la stipulation pour autrui contenue dans la convention du 9 septembre 1992, ne rendait pas cette obligation irrévocable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;
Condamne Mme Y..., tant en son nom personnel qu'ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour MM. C..., D..., E..., F... et G... X..., ès qualités.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré Paulette X..., aux droits de laquelle viennent MM. C..., D..., E..., F... et G... X..., mal fondée à se prévaloir d'une obligation alimentaire contractée à son égard par sa soeur Simone Y... et de l'avoir déboutée de sa demande en versement de subsides ;
AUX MOTIFS QUE le jugement du 3 mars 2008, définitif, dit que le testament par lequel Léonie Z... (veuve X...) institue sa fille Simone Y... légataire universelle, prime sur les conventions de 1992, aux termes desquelles la mère faisait don à sa fille Simone de la nue-propriété des droits indivis portant sur environ 9 ha de terres et une maison en mauvaise état situés à [...], évalués à l'époque 900 000 F CFP ; que Simone Y... n'argumente plus sur le document signé par sa mère en 2003 qui la relevait de son engagement de 1992 et dont il a été jugé qu'il était sans valeur, mais elle soutient que le testament (du 5 novembre 2000) lui aurait fait perdre les avantages que lui avaient conférés les conventions de 1992 ; que selon Paulette X..., le testament n'annule pas les conventions de 1992 mais prévaut seulement sur elles en cas de contradiction et que dès lors qu'il ne remet pas en cause les avantages patrimoniaux consentis en 1992 en instituant sa soeur Simone légataire universelle, il laisse persister l'obligation alimentaire de cette dernière à son égard ; mais que les actes de 1992 par lesquels Léonie Z... faisait don à Simone Y... de sa part indivise dans les immeubles constituant le patrimoine familial portaient atteinte aux droits des héritiers réservataires et n'auraient pas pu s'appliquer ; qu'en l'absence de contrepartie, l'engagement pris par Simone Y... de subvenir aux besoins de sa soeur devenait dépourvu de cause ; qu'il est d'ailleurs paradoxal de voir la représentante de Paulette X... soutenir dans la présente instance la validité des actes de 1992 alors que, s'associant à l'argumentation de ses frères, celle-ci en poursuivait l'annulation devant le tribunal de première instance dans la procédure ayant abouti au jugement de 2008, ce jugement ayant débouté l'ensemble des cohéritiers ; que le testament de 2000 dont la validité a été reconnue par le tribunal révoque nécessairement les donations antérieures et est donc le seul document régissant les relations entre les parties dans le présent litige ; que si aux termes du testament, Simone Y... demeure avantagée par rapport aux autres héritiers du fait qu'elle bénéficie de la quotité disponible, cela résulte de la volonté de la mère librement exprimée ainsi que l'a jugé le tribunal et Paulette X... n'est plus fondée à se prévaloir de l'obligation alimentaire contractée par sa soeur Simone Y... à son égard ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la seule sanction prévue, en cas d'atteinte à la réserve par des libéralités, consiste en la réduction de ces dernières à la quotité disponible et non en leur nullité ; que les libéralités excédant la quotité disponible existent et produisent effet tant qu'elles n'ont pas été réduites ; qu'en considérant que la convention du 9 septembre 1992, qui portait atteinte à la réserve, n'aurait pas pu s'appliquer et qu'en l'absence de contrepartie, l'engagement pris par Mme Y... de subvenir aux besoins de sa soeur était dépourvu de cause, la cour d'appel a violé les articles 920 et 921 du code civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE seuls les héritiers dont la réserve a été atteinte par une libéralité ont intérêt à se prévaloir de cette atteinte ; qu'en permettant à Mme Y... d'invoquer l'atteinte portée par la convention du 9 septembre 1992 aux droits d'héritiers réservataires de ses frères et soeur, la cour d'appel a violé l'article 921 du code civil ;
ALORS, D'UNE AUTRE PART, QU'une stipulation pour autrui acceptée par son bénéficiaire ne peut plus être révoquée par le stipulant ; qu'en retenant que le testament du 5 novembre 2000 instituant Mme Y... légataire universelle de sa mère révoquait nécessairement les donations antérieures et était donc le seul document régissant les relations entre les parties sans rechercher si, comme le soutenait Paulette X..., l'acceptation par elle de l'obligation alimentaire stipulée à son profit par la convention du 9 septembre 1992 ne rendait pas cette obligation irrévocable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1121 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
ALORS, ENFIN, QU'en affirmant que le testament avait nécessairement révoqué les donations antérieures sans répondre aux conclusions de Paulette X... faisant valoir qu'il n'existait pas de contradiction entre le testament instituant Mme Y... légataire testamentaire de sa mère et la convention du 9 septembre 1992 accordant à Mme Y... des avantages patrimoniaux en contrepartie de l'obligation d'apporter une assistance matérielle et morale à sa soeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.