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24/05/2018 | FRANCE | N°17-16084;17-16375

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 mai 2018, 17-16084 et suivant


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° J 17-16.084 et A 17-16.375 ;

Donne acte à Mme Marie-Rose Y... et Mme Hélène Z... du désistement du premier moyen de leur pourvoi ;

Attendu que l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 février 2017) fixe les indemnités revenant à Mme Marie-Rose X..., veuve Y... et Mme Hélène Y..., épouse Z... (les consorts Y...), par suite de l'expropriation, au profit de la direction régionale de l'aménagement, de l'environnement, du logement (DREAL) Languedoc-Roussillon, d'une parcelle leur

appartenant ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi des consorts Y..., ci-après annexé...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° J 17-16.084 et A 17-16.375 ;

Donne acte à Mme Marie-Rose Y... et Mme Hélène Z... du désistement du premier moyen de leur pourvoi ;

Attendu que l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 février 2017) fixe les indemnités revenant à Mme Marie-Rose X..., veuve Y... et Mme Hélène Y..., épouse Z... (les consorts Y...), par suite de l'expropriation, au profit de la direction régionale de l'aménagement, de l'environnement, du logement (DREAL) Languedoc-Roussillon, d'une parcelle leur appartenant ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi des consorts Y..., ci-après annexé :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de fixer comme il le fait les indemnités d'expropriation ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la parcelle voisine avait fait l'objet d'un classement en zone constructible postérieurement à la date de référence à laquelle s'apprécie l'intention dolosive de l'expropriant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen du pourvoi des consorts Y..., ci-après annexé :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de fixer comme il le fait l'indemnité pour dépréciation du surplus ;

Mais attendu, qu'ayant relevé que le terrain des consorts Y... était classé en zone inconstructible à la date de référence, la cour d'appel en a déduit à bon droit que les règles limitant les possibilités de construction du surplus en raison de l'édification future de la voie de circulation, ne constituait pas un préjudice résultant de l'emprise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi de la DREAL Languedoc-Roussillon, ci-après annexé :

Attendu que la DREAL Languedoc-Roussillon fait grief à l'arrêt de fixer la date de référence au 6 décembre 2011 ;

Mais attendu que l'arrêté déclarant l'opération d'utilité publique et emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols constitue un acte entrant dans les prévisions de l'article L. 322-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; qu'ayant relevé que l'arrêté du 6 décembre 2011 déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la rocade Ouest de la commune de Mende et emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols était l'acte le plus récent rendant celui-ci opposable et délimitant la zone dans laquelle était situé l'emplacement réservé, la cour d'appel a exactement fixé la date de référence au jour de cet arrêté ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi de la DREAL Languedoc-Roussillon, pris en sa seconde branche, ci-après annexé :

Attendu que la DREAL Languedoc-Roussillon fait grief à l'arrêt de fixer comme il le fait les indemnités revenant aux consorts Y... ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'aléa d'effondrement de terrain était postérieur à la date de référence, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne pouvait être pris en considération pour l'évaluation de la parcelle expropriée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen du pourvoi de la DREAL Languedoc-Roussillon, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la direction régionale de l'aménagement, de l'environnement, du logement Languedoc-Roussillon aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits, au pourvoi n° J 17-16.084, par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour les consorts Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR infirmé la décision de première instance s'agissant de la date de référence, DE L'AVOIR fixée au 6 décembre 2011, D'AVOIR fixé à 58 320 euros le montant de l'indemnité principale de dépossession, 6832 euros le montant de l'indemnité de remploi, et à 20 000 euros le montant de l'indemnité pour dépréciation, allouées à Mme Marie-Rose X... veuve Y... et Mme Hélène Y... épouse Z..., et D'AVOIR débouté ces dernières du surplus de leurs demandes.

AUX MOTIFS QUE « sur la détermination de la date de référence :
Alors que le premier juge avait relevé un accord des parties sur la détermination de la date de référence au 28 mars 2012 correspondant en l'espèce à la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme de la commune de Mende, les parties sont à présent en total désaccord sur la fixation de cette date. L'appelant invoque l'application de l'article L 322-3 du code de l'expropriation pour que soit retenue la date du 22 juin 2010 correspondant à un an avant l'ouverture de l'enquête, les intimés sollicitent l'application de l'article L 322-6 du code de l'expropriation pour que la date retenue par le premier juge soit confirmée et le commissaire du gouvernement allègue l'application du même texte (dans sa codification antérieure) pour en déterminer une date néanmoins distincte devant être fixée à l'arrêté du 6 décembre 2011.
En application des dispositions de l'article L 322-6 du code de l'expropriation, lorsqu'il s'agit de l'expropriation d'un terrain compris dans un emplacement réservé par un plan local d'urbanisme, par un document d'urbanisme ou par un plan d'occupation des sols, la date de référence prévue par l'article L 322-3 est celle de l'acte le plus récent rendant opposable le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme ou le plan d'occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé l'emplacement réservé. Il est constant qu'en application de ces dispositions, il n'y a pas lieu de remonter à la dernière publication, approbation, révision ou modification du plan d'occupation des sols mais à la dernière de ces formalités ayant délimité la zone de situation du bien considéré. La date de référence est alors fixée à la date de l'arrêté ayant rendu public le document administratif d'urbanisme ayant délimité l'emplacement réservé.

En l'espèce, conformément à l'argumentation développée par le commissaire du gouvernement, la date de référence doit être fixée au 6 décembre 2011, date de l'arrêté préfectoral n° 2011340-0002 portant approbation des nouvelles dispositions du plan d'occupation des sols de Mende ayant fixé les conditions de mise en conformité du POS.
Il ressort en effet clairement de la délibération du conseil municipal de la ville de Mende en date du 24 novembre 2011 relative à la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols en lien avec la réunion des personnes publiques associées, organisée le 24 mai 2011, dont le compte-rendu évoque expressément la délimitation d'emplacements réservés avec l'ajout d'un nouvel emplacement réservé, que la détermination des emplacements réservés a été réalisée à cette période.
Il résulte par ailleurs des termes de l'article 5 de l'arrêté du 6 décembre 2011 que "le présent arrêté emporte approbation des nouvelles dispositions du plan d'occupation des sols de la commune de Mende conformément au document sus-visé du 25 octobre 2011. Ces nouvelles dispositions seront intégrées dans le plan d'occupation des sols par simple édition. La modification sera effective dès l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité du présent arrêté. Le maire procédera aux mesures de publicité prévues au premier alinéa de l'article R.123-25 du code de l'urbanisme". Les documents ultérieurs à l'arrêté du 6 décembre 2011 et notamment la modification du plan local d'urbanisme en date du 28 mars 2012 ayant été sans incidence sur la délimitation de l'emplacement réservé antérieurement défini et porté à la connaissance du public par l'arrêté du 6 décembre 2011, en sorte que cette date du 28 mars 2012 retenue par le premier juge doit être écartée et la décision sera en conséquence infirmée sur ce point » ;

ALORS QUE la modification du plan d'occupation des sols permettant la détermination de la date de référence, au sens de l'article L.322-6 du code de l'expropriation, est celle qui affecte une ou plusieurs caractéristiques de la zone dans laquelle sont situés les biens expropriés ; que la délimitation de cette zone n'est en revanche pas une condition nécessaire à la prise en considération de l'acte modificatif en cause ; que la cour d'appel qui, pour fixer la date de référence, prend en considération l'acte réalisant la détermination des emplacements réservés, en retenant que la modification du plan local d'urbanisme ultérieure avait été sans incidence sur la délimitation de l'emplacement réservé antérieurement défini, a violé l'article L.322-6 du code de l'expropriation.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR fixé à 58 320 euros le montant de l'indemnité principale de dépossession, 6832 euros le montant de l'indemnité de remploi, et à 20 000 euros le montant de l'indemnité pour dépréciation, allouées à Mme Marie-Rose X... veuve Y... et Mme Hélène Y... épouse Z..., et D'AVOIR débouté ces dernières du surplus de leurs demandes.

AUX MOTIFS QUE « Sur l'indemnité principal de dépossession :
A la date de référence retenue, la parcelle [...] devenue la parcelle [...] ; se situe dans la zone II NA du POS correspondant à une zone destinée à l'urbanisation ultérieure de la commune.
Le premier juge a néanmoins considéré que le classement de cette parcelle en zone 2AU du PLU "ne répond pas à la réalité effective ni à une logique objective mais se rattache à une volonté manifeste de faire en sorte que sa valeur se trouve limitée à un prix minimal permettant de faire en sorte que sa valeur se trouve limitée permettant ainsi de faciliter son acquisition dans le but de parvenir à réaliser à moindre coût le projet d'aménagement routier". Le premier juge a ainsi tenu compte de valeurs de comparaison portant sur des terrains à bâtir pour fixer un prix moyen de 95 € le m².
Selon les termes de l'article L 322-4 du code de l'expropriation, l'évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence prévue à l'article L322-3 sauf si leur institution révèle de la part de l'autorité expropriante une intention dolosive. Il est constant que l'intention dolosive doit être prouvée par l'exproprié et qu'il doit alors être rapporté l'existence de manoeuvres entre l'expropriant et la commune lors de la révision du document d'urbanisme. Dans le cadre du POS, qui doit seul être pris en considération au regard de la date de référence retenue, la parcelle était classée en zone II NA. Les intimés soutiennent que le classement en zone 2AU du PLU ultérieurement adopté révèle une intention dolosive puisque la parcelle [...] , qui était initialement issue d'une même parcelle ensuite démembrée, a obtenu un classement en zone UE, soit en zone constructible. Compte tenu de la date de référence fixée, il convient de se référer au classement du terrain tel que résultant du POS et il est établi que la parcelle [...] n'a jamais fait l'objet d'un classement en terrain constructible. La parcelle litigieuse n'a ainsi nullement subi un déclassement et le fait qu'une parcelle voisine ait pu faire l'objet d'un classement ultérieur en zone constructible ne permet pas de caractériser l'existence de manoeuvres frauduleuses entre l'Etat et la commune de Mende
C'est ainsi à tort que le premier juge a considéré que l'évaluation de l'indemnité de dépossession des consorts Y... Z... devait s'effectuer selon la qualité de terrain à bâtir, cet élément ne correspondant nullement à la qualification réelle du terrain à la date de référence.
Le commissaire du gouvernement émet toutefois que ce terrain est en situation privilégiée dès lors qu'il se situe à proximité des zones urbanisées et que la parcelle bénéficie par ailleurs de la proximité des réseaux. S'agissant de la détermination des zones urbanisées, il est relevé que la parcelle [...] se situe à proximité du lotissement de [...] de la zone

pavillonnaire du chemin de la résistance et de l' [...]
Le commissaire du gouvernement propose deux méthodes distinctes pour l'indemnisation de cette parcelle. Il propose une première méthode tendant à la recherche de termes de comparaison pour des parcelles bénéficiant d'un même classement des terrains, ce qui lui permet de retenir un prix moyen de 26 € le m². Il propose une seconde méthode se fondant sur l'évaluation des terrains privilégiés en retenant les cessions de comparaison dans les zones urbanisées avec la déduction d'un abattement de 60 % pour des terrains agricoles, ce qui lui permet de mettre en évidence un prix moyen propre à chacun des trois secteurs urbanisés, soit 23,6 € le m² pour le lotissement [...], 40 € le m² pour l'avenue du novembre et 45€ le m² pour le chemin de la résistance, et ce avant de privilégier en l'espèce la première méthode.
Il convient au contraire de retenir la seconde méthode d'évaluation proposée par le commissaire du gouvernement en ce qu'elle prend en considération la situation objective de la parcelle concernée puisqu'elle se trouve précisément à la jonction de trois zones urbanisées. Afin de tenir compte des prix moyens de chacune de ces zones, il sera effectué un prix moyen de ces trois zones, soit un prix moyen de 36 € le m, déduction faite de 60 % d'abattement concernant un terrain agricole. S'agissant par ailleurs de la configuration particulière des lieux, l'aléa effondrement retenu dans le cadre de la cartographie préfectorale annexée à la stratégie de prise en compte du risque mouvement de terrain dans le département de la Lozère le 20 janvier 2015, ne saurait être retenu en ce qu'il est postérieur à la date de référence fixée en l'espèce.
Un abattement supplémentaire de 10 % sera cependant effectué compte tenu de l'occupation du terrain.
La décision déférée sera infirmée et l'indemnité principale de dépossession sera ainsi fixée comme suit : 1800 m x 36 = 64 800 €, somme à laquelle il sera soustrait 6480 € soit un montant total de 58 320 € revenant aux consorts Y... Z... pour la parcelle [...] ».

ALORS QU'il est tenu compte, pour l'évaluation des biens expropriés, des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date de référence, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive ; que la cour d'appel, pour fixer l'indemnité principale d'expropriation revenant aux consorts Y..., a retenu que compte tenu de la date de référence fixée, il convenait de se référer au classement du terrain tel que résultant du POS, que la parcelle [...] n'ayant jamais fait l'objet d'un classement en terrain constructible n'avait ainsi nullement subi un déclassement et que le fait qu'une parcelle voisine ait pu faire l'objet d'un classement ultérieur en zone constructible ne permettait pas de caractériser l'existence de manoeuvres frauduleuses entre l'Etat et la commune de Mende ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'intention dolosive ne résultait pas du maintien en zone inconstructible des seuls emplacements réservés créés concomitamment à la révision du document d'urbanisme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.321-1, L.322-2 et L.322-6 du code de l'expropriation.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR limité à 20 000 euros le montant de l'indemnité pour dépréciation, allouées à Mme Marie-Rose X... veuve Y... et Mme Hélène Y... épouse Z..., et D'AVOIR débouté ces dernières du surplus de leurs demandes,

AUX MOTIFS QUE « Sur l'indemnité pour dépréciation du surplus : Le premier juge a accordé à l'indivision Y... Z... une indemnité complémentaire de dépréciation du surplus fondée sur le fait que l'expropriation aura un impact en termes d'inconstructibilité ou de réduction des possibilités de construction et que les conditions d'accessibilité du surplus des parcelles seront moins favorables. Les intimés sollicitent la confirmation de cette décision en réclamant une indemnité destinée à compenser la dévalorisation du surplus de la parcelle non exproprié, qui n'était pas constructible mais qui avait vocation à le devenir rapidement. Ils soutiennent qu'ils justifient ainsi d'un préjudice direct et doué d'un degré de certitude très élevé consistant dans la constructibilité future contrecarrée par la future voie de circulation. Ils évoquent également les conditions moins favorables d'accessibilité à leur parcelle.
La première partie de l'argumentation soutenue par les appelants ne saurait prospérer dès lors que l'indemnisation ne peut se fonder sur la destination future d'une parcelle. Le préjudice devant être évalué à la date de la décision de première instance compte tenu de la consistance des biens à la date de référence, à laquelle la parcelle est classée en zone inconstructible, en sorte que le préjudice sollicité par les consorts Y... Z... n'est pas caractérisé.
S'agissant en revanche de la diminution des conditions d'accessibilité, cet élément est au contraire établi compte tenu de la surface du reliquat de la parcelle qui s'établit à 3023 m² justifiant effectivement une indemnisation. La méthode d'évaluation du préjudice proposée par le commissaire du gouvernement ne sera pas retenue s'agissant de l'application d'une convention amiable par ailleurs trop ancienne car datant de 2003. Le préjudice sera ainsi évalué à la somme de 20 000 € ».

ALORS QUE si les biens expropriés sont évalués à la date de référence, les indemnités doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que la cour d'appel, pour limiter à 20 000 euros l'indemnisation au titre de la dépréciation du surplus, a retenu que l'indemnisation ne pouvait se fonder sur la destination future d'une parcelle, le préjudice devant être évalué à la date de la décision de première instance compte tenu de la consistance des biens à la date de référence, à laquelle la parcelle est classée en zone inconstructible ; qu'en statuant ainsi, bien que la prise en considération de la date de référence ne s'attache qu'à l'évaluation du bien exproprié, la cour d'appel a violé les articles L.321-1, L. 322-2 et 322-6 du code de l'expropriation. Moyens produits, au pourvoi n° A 17-16.375, par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la direction régionale de l'aménagement, de l'environnement, du logement Languedoc-Roussillon

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé la date de référence au 6 décembre 2011 et en conséquence, d'avoir fixé le montant de l'indemnité principale de dépossession allouée à Marie-Rose X... veuve Y... et Hélène Y... épouse Z... à la somme de 58.320 €, le montant de l'indemnité de remploi allouée à Marie-Rose X... veuve Y... et Hélène Y... épouse Z... à la somme de 6.832 € ainsi que le montant de l'indemnité pour dépréciation du surplus allouée à Marie-Rose X... veuve Y... et Hélène Y... épouse Z... à la somme de 20.000 € ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la détermination de la date de référence : Alors que le premier juge avait relevé un accord des parties sur la détermination de la date de référence au 28 mars 2012 correspondant en l'espèce à la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme de la commune de Mende, les parties sont A présent en total désaccord sur la fixation de cette date. L'appelant invoque l'application de l'article L 322-3 du code de l'expropriation pour que soit retenue la date du 22 juin 2010 correspondant à un an avant l'ouverture de l'enquête, les intimés sollicitent l'application de l'article L 322-6 du code de l'expropriation pour que la date retenue par le premier juge soit confirmée et le commissaire du gouvernement allègue l'application du même texte (dans sa codification antérieure) pour en déterminer une date néanmoins distincte devant être fixée à de l'arrêté du 6 décembre 2011. En application des dispositions de l'article L322-6 du code de l'expropriation, lorsqu'il s'agit de l'expropriation d'un terrain compris clans un emplacement réservé par un plan local d'urbanisme, par un document d'urbanisme ou par un plan d'occupation des sols, la date de référence prévue par l'article L322-3 est celle de l'acte le plus récent rendant opposable le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme ou le plan d'occupation des sols et délimitant la zone clans laquelle est situé l'emplacement réservé. Il est constant qu'en application de ces dispositions, il n'y a pas lieu de remonter à la dernière publication, approbation, révision ou modification du plan d'occupation des sols mais à la dernière de ces formalités ayant délimité la zone de situation du bien considéré. La date de référence est alors fixée à la date de l'arrêté ayant rendu public le document administratif d'urbanisme ayant délimité l'emplacement réservé. En l'espèce, conformément à l'argumentation développée par le commissaire du gouvernement, la date de référence doit donc être fixée au 6 décembre 2011, date de l'arrêté préfectoral n°2011340-0002 portant déclaration d'utilité publique des travaux d'aménagement de la rocade ouest contournement de Mende emportant approbation des nouvelles dispositions du plan d'occupation au sol de Mende ayant fixé les conditions de mise en conformité du POS. Il ressort en effet clairement de la délibération du conseil municipal de la ville de Mende en date du 24 novembre 2011 relative à la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols en lien avec la réunion des personnes publiques associées, organisée le 24 mai 2011, dont le compte-rendu évoque expressément la délimitation d'emplacements réservés avec l'ajout d'un nouvel emplacement réservé, que la détermination des emplacements réservés a été réalisée à cette période. Il résulte par ailleurs des termes de l'article 5 de l'arrêté du 6 décembre 2011 que "le présent arrêté emporte approbation des nouvelles dispositions du plan d'occupation au sol de la commune de Mende conformément au document susvisé du 25 octobre 2011. Ces nouvelles dispositions seront intégrées dans le plan d'occupation au sol par simple édition. La modification sera effective dès l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité du présent arrêté. Le maire procédera aux mesures de publicité prévues au premier alinéa de l'article R 123-25 du code de l'urbanisme". Les documents ultérieurs à l'arrêté du 6 décembre 2011 et notamment la modification du plan local d'urbanisme en date du 28 mars 2012 ayant été sans incidence sur la délimitation de l'emplacement réservé antérieurement défini et porté à la connaissance du public par l'arrêté du 6 décembre 2011, en sorte que cette date du 28 mars 2012 retenue par le premier juge doit être écartée et la décision sera en conséquence infirmée sur ce point » ;

ALORS QUE lorsque l'arrêté déclarant un projet d'utilité publique emporte mise en compatibilité du plan d'occupation des sols en créant des emplacements réservés pour les seuls besoins de l'opération déclarée d'utilité publique et qu'en l'absence de cette opération, les emplacements en cause n'auraient pas été réservés par le plan d'occupation des sols, la date de référence doit être fixée un an avant la date d'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique conformément à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que la date de référence n'est déterminée en fonction de l'acte le plus récent rendant opposable le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou le plan d'occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé l'emplacement réservé, conformément à l'article L. 322-6 dudit code, que lorsque l'emplacement réservé est créé en dehors de toute déclaration d'utilité publique ; qu'en l'espèce, l'emplacement réservé grevant les parcelles appartenant aux expropriés n'a été créé que par mise en compatibilité du plan d'occupation des sols de la commune de Mende avec le projet d'utilité publique, de sorte que la date de référence devait être fixée un avant la date d'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique soit le 22 juin 2010 ; qu'en ne retenant pas un telle date mais en déterminant la date de référence en fonction de l'acte le plus récent rendant opposable le plan d'occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé l'emplacement réservé, soit le 6 décembre 2011 (date de l'arrêté préfectoral déclarant le projet d'utilité publique et emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols), la cour a violé les articles L. 322-2 et L. 322-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé le montant de l'indemnité principale de dépossession allouée à Marie-Rose X... veuve Y... et Hélène Y... épouse Z... à la somme de 58.320 €, le montant de l'indemnité de remploi allouée à Marie-Rose X... veuve Y... et Hélène Y... épouse Z... à la somme de 6.832 € ainsi que le montant de l'indemnité pour dépréciation du surplus allouée à Marie-Rose X... veuve Y... et Hélène Y... épouse Z... à la somme de 20.000 €

AUX MOTIFS QUE « Sur l'indemnité principale de dépossession : A la date de référence retenue, la parcelle [...] devenue la parcelle [...] , se situe dans la zone II NA du POS correspondant à une zone destinée à l'urbanisation ultérieure de la commune. (
) Le commissaire du gouvernement émet toutefois que ce terrain est en situation privilégiée dès lors qu'il se situe à proximité des zones urbanisées et que la parcelle bénéficie par ailleurs de la proximité des réseaux. S'agissant de la détermination des zones urbanisées, il est relevé que la parcelle [...] se trouve à proximité du [...] du 11 novembre. Le commissaire du gouvernement propose deux méthodes distinctes pour l'indemnisation de cette parcelle. Il propose une première méthode tendant à la recherche de termes de comparaison pour des parcelles bénéficiant d'un même classement des terrains, ce qui lui permet de retenir un prix moyen de 26 € le m2. Il propose une seconde méthode se fondant sur l'évaluation des terrains privilégiés en retenant les cessions de comparaison dans les zones urbanisées avec la déduction d'un abattement de 60 % pour des terrains agricoles, ce qui lui permet de mettre en évidence un prix moyen propre à chacun des trois secteurs urbanisés, soit 23,6. € le m2 pour le lotissement [...] , 40 € le m2 pour l'avenue du 11 novembre et 45 € le m2 pour le chemin de la résistance, et ce avant de privilégier en l'espèce la première méthode. Il convient au contraire de retenir la seconde méthode d'évaluation proposée par le commissaire du gouvernement en ce qu'elle prend en considération la situation objective de la parcelle concernée puisqu'elle se trouve précisément à la j onction de trois zones urbanisées. Afin de tenir compte des prix moyens de chacune de ces zones, il sera effectué un prix moyen de ces trois zones, soit un prix moyen de 36 € le m2, déduction faite de 60 % d'abattement concernant +un terrain agricole. S'agissant par ailleurs de la configuration particulière, des lieux, l'aléa effondrement retenu dans le cadre de la cartographie préfectorale annexée à la stratégie de prise en compte du risque mouvement de terrain dans le département de la Lozère le 20 janvier 2015, ne saurait être retenu en ce qu'il est postérieur à la date de référence fixée en l'espèce. Un abattement supplémentaire de 10 % sera cependant effectué compte tenu de l'occupation du terrain. La décision déférée sera infirmée et l'indemnité principale de dépossession sera ainsi fixée comme suit : 1800 m2 X 36 = 64 800 €, somme à laquelle il sera soustrait 6480 € soit un montant total de 58 320 € revenant aux consorts Y... Z... pour la parcelle [...] . Sur l'indemnité de remploi : Si les parties s'accordent pour le recours à un taux dégressif de trois tranches permettant d'évaluer le montant de l'indemnité de remploi, elles sont en désaccord sur le pourcentage des taux dégressifs et sur la détermination des tranches. Il est constant que cette indemnité, destinée à couvrir les dépenses que l'exproprié sera amené à exposer lors du rachat d'un bien de même nature dont le prix serait équivalent au montant de l'indemnité principale, fait l'objet d'une appréciation souveraine dans la mesure où il n'existe pas de grille de tarification. En l'espèce, le premier juge a fondé son évaluation sur la méthodologie proposée par le commissaire du gouvernement qui s'est appuyé sur la convention départementale du 8 janvier 2003 sur les modalités d'indemnisation clans le cadre d'accords amiables d'acquisition après procédure de déclaration d'utilité publique du préjudice patrimonial et aux exploitants agricoles. Il n'y a pas lieu de procéder à l'application de cette convention concernant les accords amiables, convention par ailleurs particulièrement ancienne par rapport à la date à laquelle doivent s'évaluer les préjudices, soit en l'espèce à la date de la décision de première instance. La grille dégressive proposée par l'appelant avec les tranches de 20 % jusqu'à 5000 €, 15 % de 5000 à 10 000 € et 10 % au-delà sera ainsi retenue en l'espèce, ces trois tranches constituant les seuils usuellement appliqués en la matière. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la décision du premier juge ayant accordé une somme de 32 080 € revenant aux consorts Y... Z... sera infirmée et l'indemnité de remploi sera fixée comme suit : 5000 € X 20 % = 1000 €, 10000 € X15% = 1500€, 43 320 € X 10 % = 4332 €, soit un total de 6832 € au titre de l'indemnité de remploi. Sur l'indemnité pour dépréciation du surplus : Le premier juge a accordé à l'indivision Y... Z... une indemnité complémentaire de dépréciation du surplus fondée sur le fait que l'expropriation aura un impact en termes d'inconstructibilité ou de réduction des possibilités de construction et que les conditions d'accessibilité au surplus des parcelles seront moins favorables. Les intimés sollicitent la confirmation de cette décision en réclamant une indemnité destinée à compenser la dévalorisation du surplus de la parcelle non exproprié, qui n'était pas constructible mais qui avait vocation à le devenir rapidement. Ils soutiennent qu'ils justifient ainsi d'un préjudice direct et doué d'un degré de certitude très élevé consistant dans la constructibilité future contrecarrée par la future voie de circulation. Ils évoquent également les conditions moins favorables d'accessibilité à leur parcelle. La première partie de l'argumentation soutenue par les appelants ne saurait prospérer dès lors que l'indemnisation ne peut se fonder sur la destination future d'une parcelle. Le préjudice devant être évalué à la date de la décision de première instance compte tenu de la consistance des biens à la date de référence, à laquelle la parcelle est classée en zone inconstructible, en sorte que le préjudice sollicité par les consorts Y... Z... n'est pas caractérisé. S'agissant en revanche de la diminution des conditions d'accessibilité, cet élément est au contraire établi compte tenu de la surface du reliquat de la parcelle qui s'établit à 3023 m2 justifiant effectivement une indemnisation. La méthode d'évaluation du préjudice proposée par le commissaire du gouvernement ne sera pas retenue s'agissant de l'application d'une convention amiable par ailleurs trop ancienne car datant de 2003. Le préjudice sera ainsi évalué à la somme de 20 000 € » ;

1°/ ALORS QUE le juge d'appel doit se placer à la date de la décision de première instance pour estimer le bien exproprié ; qu'il incombe à cette fin au juge d'appel de préciser la date à laquelle le bien a été évalué ; qu'en l'espèce, après avoir infirmé le jugement d'expropriation, la cour d'appel a procédé à l'évaluation des biens expropriés, sans préciser la date à laquelle elle se plaçait ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

2°/ ALORS QUE le juge d'appel doit évaluer la valeur vénale du bien au jour de la décision de première instance ; que s'il doit tenir compte de la consistance du bien au jour de l'ordonnance d'expropriation et de l'usage effectif du bien à la date de référence, en revanche, il doit tenir compte de tous les éléments antérieurs au jugement d'expropriation et pouvant influer sur la valeur vénale du bien à cette date ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que le terrain était « impacté par un aléa effondrement faible qui est un élément de moins-value » ; qu'en évaluant le bien en refusant de tenir compte de cet élément au motif impropre que « l'aléa effondrement retenu dans le cadre de la cartographie préfectorale annexée à la stratégie de prise en compte du risque mouvement de terrain dans le département de la Lozère le 20 janvier 2015 ne saurait être retenue en ce qu'il est postérieur à la date de référence fixée en l'espèce », la cour a violé l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-16084;17-16375
Date de la décision : 24/05/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 06 février 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 24 mai. 2018, pourvoi n°17-16084;17-16375


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.16084
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