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24/05/2018 | FRANCE | N°16-28083

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 mai 2018, 16-28083


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L.624-10 et R.624-15 du code de commerce, l'article R. 313-6, alinéa 2, du code monétaire et financier et l'article 5 de l'arrêté du 4 juillet 1972 relatif à la publicité des opérations de crédit-bail en matière mobilière ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne (la banque) a conclu avec la société Petite Mécanique appliquée (la société PMA) un contrat de crédit-bai

l et un contrat de location qui ont été publiés au registre du commerce et des sociétés,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L.624-10 et R.624-15 du code de commerce, l'article R. 313-6, alinéa 2, du code monétaire et financier et l'article 5 de l'arrêté du 4 juillet 1972 relatif à la publicité des opérations de crédit-bail en matière mobilière ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne (la banque) a conclu avec la société Petite Mécanique appliquée (la société PMA) un contrat de crédit-bail et un contrat de location qui ont été publiés au registre du commerce et des sociétés, tenu par le greffe du tribunal de commerce de Pontoise, dans le ressort duquel la société PMA avait son siège ; qu'après le transfert de celui-ci dans le ressort du tribunal de commerce de Cahors, publié le 8 janvier 2014, la société PMA a été mise en redressement puis liquidation judiciaires par ce tribunal, les 20 janvier et 4 février suivants, M. X... étant désigné mandataire judiciaire puis liquidateur ; que le report de l'inscription au greffe du nouveau siège est intervenu les 19 et 20 février 2014 ; que les contrats ayant été continués et les redevances en partie payées, la banque a demandé la restitution des biens loués le 26 mai 2014 ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt, après avoir énoncé que le propriétaire d'un bien n'est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété par voie de revendication dans la procédure collective de celui qui détient ce bien que si le contrat portant sur celui-ci a été publié au greffe du tribunal dont relève son cocontractant au jour de l'ouverture de la procédure collective de ce dernier, retient que tel n'a pas été le cas en l'espèce, dès lors que l'inscription des contrats n'a pas été reportée au greffe du tribunal de Cahors avant le 20 janvier 2014, ce qui n'était pas matériellement impossible depuis la date de l'opposabilité du transfert du siège de la société PMA ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le greffe sur le registre duquel figure l'inscription à modifier et celui nouvellement compétent disposant chacun d'un délai de quinze jours pour, le premier, adresser la demande de report de l'inscription au second, et celui-ci pour y satisfaire, il ne pouvait être tenu pour acquis que les contrats auraient pu être publiés au greffe du tribunal de commerce de Cahors entre le 8 janvier 2014, date de l'opposabilité du transfert du siège de la société PMA, et le 20 janvier suivant, date de l'ouverture de la procédure collective, moins d'un mois s'étant écoulé entre ces deux dates, de sorte que la banque pouvait, pour être dispensée de faire reconnaître son droit de propriété, se fonder sur la publicité initiale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. X..., en qualité de liquidateur de la société Petite Mécanique appliquée, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque Populaire Alsace-Lorraine-Champagne

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir attaqué d'AVOIR jugé que la BPLAC n'apporte pas la preuve qu'elle avait procédé à une publication de ses contrats au RCS de Cahors à la date d'ouverture de la procédure collective, soit le 20 janvier 2014, d'avoir jugé que le titre de propriété dont se prévaut la BPALC est inopposable à la procédure collective de la société PMA, d'avoir constaté l'absence de publication régulière des contrats de location et d'avoir débouté la BPALC de sa demande en restitution de la machine à scier Amada type HA 250 W, du tour Okuma ES-L10MC500, et du centre d'usinage Matsura type H PLS300N ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « sur la restitution : qu'à titre liminaire, il conviendra de rappeler : - qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 624-10, R. 624-14 et R. 624-15 du code de commerce que lorsque que le contrat portant sur un bien a fait l'objet d'une publicité avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, son propriétaire est dispensé de revendication et peut en réclamer simplement la restitution ; - que l'accomplissement des formalités de publicité implique une inscription effective et exacte sur le registre tenu au greffe du tribunal de commerce dont relève le propriétaire, respectivement s'il s'agit d'une personne morale, dans le ressort duquel se trouve le siège social de celle-ci, - que l'article R. 313-6 du code monétaire et financier précise que toutes les modifications affectant les renseignements publiés doivent être portées en marge de l'inscription existante et que dans le cas où elles impliquent un changement du tribunal territorialement compétent, le propriétaire du bien faisant l'objet du contrat publié doit en outre reporter l'inscription modifiée sur le registre du greffe du tribunal nouvellement compétent ; - que ledit propriétaire est tenu d'effectuer sans délai cette formalité dès que le changement de siège social du cocontractant lui est opposable, c'est-à-dire à partir de la mention de ce transfert au registre du commerce et de sa publication au BODACC ; - que l'inobservation de ces formalités est sanctionnée par l'inopposabilité du contrat aux créanciers, qui fait échec à toute demande de restitution ; qu'en l'espèce, il n'est pas discuté que les contrats portant sur les trois biens dont la restitution est réclamée ont été régulièrement publiés en mai 2011 sur le registre tenu au greffe du tribunal de commerce de Pontoise, dans le ressort duquel se trouvait alors le siège social de PMA ; que du fait du changement de siège social de PMA en décembre 2013, opposable aux tiers et donc à la banque à compter de sa publication au BODACC le 8 janvier 2014, la banque était tenue de respecter les formalités de l'article R. 313-6 et donc de faire porter cette modification en marge de l'inscription existante au tribunal de commerce de Pontoise et de faire reporter l'inscription modifiée sur le registre tenu au greffe du tribunal de commerce de Cahors ; qu'il ressort des pièces produites et de la reconnaissance qu'en fait la banque, que celle-ci n'a pas fait procéder, après le transfert du siège social et avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du 20 janvier 2014, aux publications exigées, ni auprès du greffe du tribunal de commerce de Pontoise, ni auprès du greffe du tribunal de commerce de Cahors ; que par suite, il apparaît qu'à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, les contrats portant sur les biens dont la restitution est réclamée n'étaient pas régulièrement publiés ; que le défaut de publicité régulière au jour du jugement déclaratif ayant pour conséquence que l'une des conditions exigées par l'article L. 624-10 n'est pas remplie, la demande de restitution des biens objet des contrats litigieux ne peut qu'être rejetée ; qu'il suffira d'ajouter : 1) que pour les créanciers liés au débiteur par un contrat publié, le mandataire est tenu de les avertir de l'ouverture de la procédure collective ; que le délai pour déclarer la créance est reporté au jour de l'accomplissement de cette formalité, que le défaut d'accomplissement de cette formalité est sans incidence sur la demande de restitution, dont l'exercice n'est soumis à aucun délai ; 2) que les publications modificatives doivent être effectuées immédiatement et sans délai, à partir du jour où les modifications sont opposables aux tiers et que contrairement à ce que soutient la banque, il n'était pas « impossible matériellement » d'y faire procéder ,la banque disposant entre le 8 et le 20 janvier 2014 d'un délai certes court, mais plus que suffisant pour ce faire ; 3) que c'est tout aussi vainement que la banque invoque une fraude à ce droits, qu'en effet – d'une part, le transfert de siège social de PMA à [...], dans le ressort du tribunal de commerce de Cahors n'était pas fictif puisque PMA disposait d'un établissement dans cette localité, dans lequel l'intégralité de son activité a été concentrée à la fin de l'année 2013, en raison de ses difficultés économiques ; - d'autre part, le fait – au demeurant non établi – que PMA ait pu le cas échéant avoir connaissance de ce que le transfert de son siège social était susceptible d'avoir des conséquences sur l'étendue des droits de certains de ses créanciers, et notamment sur ceux de la banque, est insuffisant à caractériser une fraude, qui implique que ce transfert ait pour seul objet et résultat de priver les tiers de leurs droits, conséquence qui en l'espèce ne résulte nullement du transfert, mais du non-respect par la banque de ses obligations de publication qui lui incombaient en application du code monétaire et financier » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « il résulte des pièces du dossier que la publication mentionnant le changement de siège social a été insérée le 8 janvier 2014 au BODACC, le tribunal constatera que les formalités de publicité du changement de siège social étaient réalisées au 8 janvier 2014 ; que les contrats ont été publiés auprès du greffe du tribunal de commerce de Pontoise le 2 mai 2011 puis après changement de domiciliation du siège social de la SARL PMA auprès du greffe du tribunal de commerce de Cahors le 20 février 2014 ; que la procédure a été ouverte le 20 janvier 2014, si bien qu'à cette date, le changement de siège social, intervenu le 23 décembre 2013, était opposable à la BPALC qui ne conteste plus que la publication soit intervenue de manière irrégulière ; que le tribunal dira et jugera que la BPALC ne rapporte pas la preuve qu'elle avait procédé à une publication de ses contrats au RCS de Cahors à la date d'ouverture de la procédure collective, soit le 20 janvier 2014 ; que la BPALC n'apporte pas non plus la preuve d'une connaissance des droits par tous les créanciers pour la période antérieure à l'ouverture de la procédure ; que le tribunal dira et jugera que le titre de publicité dont se prévaut la BPALC est inopposable à la procédure collective de la SARL PMA ; qu'il résulte des pièces du dossier que les formalités de publicité n'ont pas été respectées ; que le tribunal constatera l'absence de publication régulière des contrats de location » ;

ALORS 1/ QUE : en cas de changement de siège social de la personne morale dans les six mois ayant précédé la saisine du tribunal, le tribunal dans le ressort duquel se trouvait le siège initial demeure seul compétent pour connaître des procédures collectives ; que le changement de siège social de la société crédit-preneuse ou locataire n'emporte donc modification du tribunal territorialement compétent qu'à l'expiration d'un délai de six mois, de sorte que c'est uniquement à l'expiration de ce délai que doit être procédé à une publication modification des contrats de créditbail et de location ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société PMA avait modifié son siège social en décembre 2013 en le transférant du ressort du tribunal de commerce de Pontoise à celui du tribunal de commerce de Cahors, puis avait publié cette modification au BODACC le 8 janvier 2014, et avait été admise au bénéfice d'une procédure collective par jugement du 20 janvier 2014 ; qu'il en ressortait que le tribunal de commerce de Pontoise est demeuré territorialement compétent jusqu'au mois de juillet 2014 de sorte que la publicité régulièrement effectuée au greffe de ce tribunal à la date d'ouverture de la procédure collective était régulière ; qu'en retenant pourtant que la BPALC « n'a pas fait procéder, après le transfert du siège social et avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du 20 janvier 2014, aux publications exigées, ni auprès du greffe du tribunal de commerce de Pontoise, ni auprès du tribunal de commerce de Cahors » de sorte « qu'à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, les contrats portant sur les biens dont la restitution est réclamée n'étaient pas régulièrement publiés » (arrêt, p. 7, alinéas 7 et 8), la cour d'appel a violé les articles R. 600-1, alinéa 2, du code de commerce et R. 313-6, alinéa 2, du code monétaire et financier ;

ALORS ET SUBSIDIAIREMENT 2/ QUE : s'il y a lieu de reporter une inscription principale relative à la publicité des opérations de crédit-bail sur le registre d'un greffe autre que celui qui l'a reçue, le greffier, dans un délai de quinze jours à compter de la réception des bordereaux d'inscription modificative, les transmet par lettre recommandée au greffe nouvellement compétent ; que dans le délai de quinze jours à compter de leur réception, le greffier nouvellement compétent accomplit les formalités nécessaires à la modification de l'inscription ; qu'il en résulte que la modification des inscriptions ne peut se réaliser que dans un délai minimum d'un mois ; qu'en retenant pourtant qu' « il n'était pas « impossible matériellement » » de procéder à la modification, « la banque disposant entre le 8 et le 20 janvier 2014 d'un délai certes court, mais plus que suffisant pour ce faire » (arrêt, p. 7, dernier alinéa), la cour d'appel a violé les articles R. 313-6, alinéa 2, du code monétaire et financier et 5 de l'arrêté du 4 juillet 1972 relatif à la publicité des opérations de crédit-bail en matière mobilière ;

ALORS ET SUBSIDIAIREMENT 3/ QUE : le principe selon lequel en cas de changement de siège d'une personne morale dans les six mois ayant précédé la saisine du tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure collective, le tribunal dans le ressort duquel se trouvait le siège initial demeure seul compétent est fondé sur une présomption irréfragable de fictivité du nouveau siège ; qu'en retenant pourtant, pour écarter le moyen de la BPALC pris de la fraude, que « le transfert de siège social de PMA à [...], dans le ressort du tribunal de commerce de Cahors n'était pas fictif puisque PMA disposait d'un établissement dans cette localité, dans lequel l'intégralité de son activité a été concentrée à la fin de l'année 2013, en raison de ses difficultés économiques » (arrêt, p. 8, alinéa 1er), la cour d'appel a violé l'article R. 600-1, alinéa 2, du code de commerce, ensemble le principe fraus omnia corrumpit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-28083
Date de la décision : 24/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 17 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 mai. 2018, pourvoi n°16-28083


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.28083
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