La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2018 | FRANCE | N°16-26478

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 mai 2018, 16-26478


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la commune de [...] (la commune) qui, pour financer la réalisation ou la rénovation d'équipements communaux, a régulièrement eu recours à des prêts, consentis notamment par la société Dexia Crédit Local (la société Dexia), a, en octobre 2007, conclu avec cette dernière trois contrats de prêts destinés à refinancer neuf prêts souscrits précédemment ; que ces trois contrats stipulaient que, pendant tout ou partie de leur durée, les intérêts seraient calculés

par application d'un taux variable dépendant, pour les premier et troisième prê...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la commune de [...] (la commune) qui, pour financer la réalisation ou la rénovation d'équipements communaux, a régulièrement eu recours à des prêts, consentis notamment par la société Dexia Crédit Local (la société Dexia), a, en octobre 2007, conclu avec cette dernière trois contrats de prêts destinés à refinancer neuf prêts souscrits précédemment ; que ces trois contrats stipulaient que, pendant tout ou partie de leur durée, les intérêts seraient calculés par application d'un taux variable dépendant, pour les premier et troisième prêts, de l'évolution de l'Euribor 12 mois et, pour le deuxième, de la différence entre le CMS (Constant Z... ) Eur 30 ans et le CMS Eur 1 an ; qu'estimant avoir été ainsi exposée à des risques importants en raison de la nature spéculative de ces prêts, la commune a assigné la société Dexia en annulation des stipulations d'intérêt figurant dans chacun de ces trois contrats ; que la société Caisse française de financement local (la société CAFFIL), filiale de la société Dexia, est intervenue volontairement à l'instance à titre principal ;

Sur le troisième moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches :

Attendu que la commune fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation des stipulations d'intérêts des contrats de prêts souscrits auprès des sociétés Dexia et CAFFIL alors, selon le moyen :

1°/ que la loi de validation n° 2014-844 du 29 juillet 2014 s'applique à un prêt structuré souscrit par une personne morale de droit public à la condition que le contrat indique la durée du prêt ; que la commune faisait valoir que les durées stipulées aux contrats ne correspondaient pas à celles indiquées dans les tableaux d'amortissement et étaient du reste erronées de plusieurs jours ; qu'en se bornant, pour faire application de la loi de validation, à constater que les contrats stipulaient la durée précise de chacun des prêts qui était de 24 ans et 6 mois pour le premier, de 24 ans et 4 mois pour le deuxième et de 24 ans et 8 mois pour le troisième, sans vérifier l'exactitude de ces stipulations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1 et 2 de la loi susvisée ;

2°/ que la loi de validation n° 2014-844 du 29 juillet 2014 s'applique à un prêt structuré souscrit par une personne morale de droit public à la condition que le contrat indique la périodicité des échéances de remboursement du prêt ; que la commune soutenait que si les contrats prévoyaient une périodicité annuelle des échéances de remboursement du prêt, cette mention était inexacte dès lors que la première échéance des contrats avait en réalité eu une durée écourtée ; qu'en se bornant, pour faire application de la loi de validation, à constater que la périodicité des échéances de remboursement était expressément mentionnée aux contrats et que le remboursement du capital et le paiement des intérêts s'effectuaient à chaque échéance annuelle, de même que la date de la première et de la dernière échéance étaient expressément mentionnées, sans vérifier l'exactitude de ces stipulations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1 et 2 de la loi susvisée ;

3°/ qu'une partie ne peut être privée de son droit à l'accès au juge ou au recours par l'effet disproportionné d'une loi de validation rétroactive ; que, pour rejeter la demande de la commune en annulation des stipulations d'intérêts, l'arrêt attaqué a retenu que la loi de validation du 29 juillet 2014 était applicable aux trois contrats qu'elle avait souscrits et que le moyen tiré du défaut de mention du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de la période devait être écarté ; qu'en validant les stipulations d'intérêts de ces prêts structurés, portant ainsi une atteinte disproportionnée au droit de la commune à un procès équitable et à un recours effectif, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ qu'une partie ne peut être privée de son droit au respect de ses biens par l'effet disproportionné d'une loi de validation rétroactive ; que, pour rejeter la demande de la commune en annulation des stipulations d'intérêts, l'arrêt attaqué a considéré que la loi de validation du 29 juillet 2014 était applicable aux trois contrats qu'elle avait souscrits et que le moyen tiré du défaut de mention du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de la période devait être écarté ; qu'en validant les stipulations d'intérêts de ces prêts structurés, portant ainsi une atteinte disproportionnée au droit de la commune au respect de ses biens, la cour d'appel a violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'aux termes de ses deux premiers articles, d'interprétation stricte, la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014 ne s'applique qu'aux contrats de prêts souscrits par des personnes de droit public formalisés par un écrit mentionnant, de façon conjointe, le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts, la périodicité de ces échéances et leur nombre ou la durée du prêt ; qu'ayant relevé que les trois contrats de prêt litigieux comportaient ces mentions, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'en vérifier l'exactitude, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, qu'une commune, qui n'est pas assimilée à une organisation non gouvernementale au sens de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention) dans la mesure où, s'agissant d'une personne morale de droit public, elle exerce une partie de la puissance publique, ne peut, ni saisir la Cour européenne des droits de l'homme, ni invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention ou de son premier Protocole additionnel et ce, quelle que soit la nature du litige ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, sur le deuxième moyen, sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, et sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 329 du code de procédure civile et les articles L. 513-15 et L. 513-16 du code monétaire et financier ;

Attendu que, pour déclarer recevable l'intervention volontaire à titre principal de la société CAFFIL, l'arrêt, après avoir constaté que les contrats de prêt stipulaient que la société Dexia, le « prêteur », agissait tant pour elle-même que, le cas échéant, pour sa filiale DMA, devenue la société CAFFIL, relève que c'est cette dernière société qui a prêté les fonds mis à la disposition de la commune en exécution de ces contrats et en déduit que son intervention se rattache ainsi par un lien suffisant aux prétentions des deux autres parties ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, compte tenu de son statut de société de crédit foncier, la société CAFFIL avait qualité pour procéder seule au recouvrement de ses créances et, partant, pour intervenir à titre principal à l'instance ou si ce recouvrement ne pouvait être assuré que par un établissement de crédit ou une société de financement lié à elle par contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il déclare recevable l'intervention volontaire de la société Caisse française de financement local, en ce qu'il condamne la commune de [...] à payer à cette société la somme de 1 424 961,48 euros, majorée des intérêts de retard, en ce qu'il ordonne la capitalisation et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 septembre 2016 entre les parties par la cour d'appel de Versailles ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne les sociétés Dexia et Caisse française de financement local aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne, chacune, à payer à la commune de [...] la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la commune de [...]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'intervention volontaire d'une société de crédit foncier (la CAFFIL) à l'encontre de l'emprunteur (la commune de [...], l'exposante) ;

AUX MOTIFS propres et adoptés QU'il n'était contesté par aucune des parties que la CAFFIL était intervenante volontaire à titre principal, élevant une prétention à son profit ; que les trois contrats litigieux prévoyaient expressément : "Dexia Crédit Local, le "Prêteur" agissant tant pour lui-même que, le cas échéant, pour sa filiale Dexia MA ..." ; qu'à la suite de la cession de son capital social à la société de Financement Local (SFIL) détenue par l'Etat, la Caisse des dépôts et consignations et la société La Banque Postale, la société Dexia Municipal Agency (DEXIA MA) avait été renommée Caisse Française de Financement Local (CAFFIL) ; que la commune ne pouvait soutenir avoir ignoré être débitrice du montant des échéances des trois prêts litigieux à l'égard de la société Dexia Municipal Agency puis de la CAFFIL dans la mesure où les avis d'échéance qui lui avaient été adressés portaient la mention de la société DMA, que dans un courrier en date du 4 février 2013, qui lui avait été envoyé par la CAFFIL, il était expressément mentionné " vous avez souscrit des prêts auprès de Dexia Crédit Local qui sont inscrits au bilan de Dexia Municipal Agency ", et qu'enfin la commune ne contestait pas que les règlements des échéances des trois prêts, par prélèvement automatique, étaient intervenus au profit de la CAFFIL ; que, au surplus, la commune avait reçu de la CAFFIL, le 17 février 2015, une lettre recommandée avec accusé réception portant mise en demeure de payer les échéances restées impayées des prêts en cause; que l'intervention volontaire de la CAFFIL se rattachait ainsi par un lien suffisant aux prétentions des deux autres parties ; que sa qualité de prêteur à l'égard de la commune de [...] et en exécution des trois prêts litigieux était justifiée (v. arrêt attaqué, p. 7, alinéa 5, à p. 8, alinéa 2) ; qu'il n'était pas discuté qu'issue de la Caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales (CAECL) et du Crédit Local de France créé en 1987, la société Dexia Crédit Local était un établissement de crédit spécialisé dans les prêts au secteur public ; que la société Dexia Municipal Agency (ci-après désignée DMA) était une société de crédit foncier agréée par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement le 23 juillet 1999 ; que la société DMA était en 2007 et jusqu'au 31 janvier 2013 une filiale à 100 % de la société Dexia Crédit Local ; que, jusqu'à cette date, la société Dexia Crédit Local assurait la commercialisation, la gestion et le recouvrement des prêts inscrits au bilan de la société DMA ; que la société DMA avait été renommée Caisse Française de Financement Local (ci-après désignée la société CAFFIL) à la suite de la cession de l'intégralité de son capital social, le 31 janvier 2013, à la Société de Financement Local, détenue par l'État, la Caisse des dépôts et consignations et la Banque Postale ; que cette cession s'inscrivait dans le cadre du plan de résolution du groupe Dexia mis en place par les États belge et français et approuvé par la Commission européenne ; que la commune soutenait en substance que, en dépit de l'existence ainsi caractérisée des liens existant à l'époque de la souscription des prêts entre la société Dexia et la société DMA aujourd'hui renommée CAFFIL, la qualité de prêteur de celle-ci ne résultait pas des contrats, qu'elle n'avait aujourd'hui plus aucun lien avec son ancienne société mère et que son intervention n'était donc pas recevable ; qu'à cet égard, la commune relevait que dans les actes, la société Dexia était désignée comme prêteur agissant pour lui-même et « le cas échéant » pour sa filiale Dexia MA mais qu'à défaut de mandat entre les deux sociétés, Dexia aurait été bien identifiée comme seul prêteur ; que force était néanmoins de constater que l'intervention de la société CAFFIL venait au soutien des moyens de défense développés par la société Dexia ; qu'au regard des conditions posées par les textes, il était inutile de rechercher si la société CAFFIL avait la qualité de prêteur, si elle justifiait d'un intérêt à agir et d'un lien suffisant entre ses demandes et les prétentions des parties originaires ; que les sociétés Dexia et CAFFIL avaient des intérêts financiers liés et étaient ainsi concernées par l'évolution des prêts en cours, quelle que soit l'identité du prêteur initial ; qu'il existait donc un lien suffisant entre l'intervention de la société CAFFIL et le présent litige (v. jugement entrepris, p. 5, alinéa 3, à p. 6, alinéa 2) ;

ALORS QUE, d'une part, l'intervention volontaire est principale lorsque son auteur élève une prétention à son profit et n'est recevable qu'à la condition que l'intervenant justifie de son droit propre à agir relativement à ladite prétention ; qu'une société de crédit foncier ne peut recouvrer ses créances que par l'intermédiaire d'un établissement de crédit lié avec elle par contrat ; qu'en l'espèce, pour déclarer recevable l'intervention volontaire de la société de crédit foncier, l'arrêt attaqué s'est borné à relever que cette dernière avait la qualité de prêteur et que sa prétention se rattachait par un lien suffisant à celles des autres parties ; qu'en s'abstenant de vérifier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la société de crédit foncier avait qualité pour procéder seule au recouvrement de sa créance et pour intervenir à titre principal à l'instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 329 du code de procédure civile, L.513-15 et L.513-16 du code monétaire et financier ;

ALORS QUE, d'autre part, la qualité de préteur est conférée par la remise des fonds à l'emprunteur ; qu'en l'espèce, pour déclarer recevable l'intervention volontaire de la société de crédit foncier, l'arrêt attaqué s'est borné à relever que les prêts litigieux étaient inscrits au bilan de la société DMA, à laquelle avait succéder la CAFFIL, de sorte que cette dernière avait la qualité de prêteur ; qu'en se prononçant de la sorte sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si l'auteur de la remise de fonds était la société DCL qui, en l'absence de mandat de sa filiale ou d'un acte constatant une cession de créance, avait la qualité de prêteur, la cour d'appel n'a conféré à sa décision aucune base légale au regard des articles 329 du code de procédure civile, 1134 et 1341 du code civil dans leur rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016 ;

ALORS QUE, en outre, nul ne peut se constituer de titre à soi-même ; qu'en se fondant sur des avis d'échéances, une mise en demeure du 17 février 2015 ainsi que sur un courrier du 4 février 2013 établis et versés aux débats par la CAFFIL pour estimer que le prêt était inscrit au bilan de la société DMA et que, son successeur, la CAFFIL, justifiait de sa qualité de prêteur et donc de la recevabilité de son intervention, la cour d'appel a violé ensemble l'article 1315 du code civil dans sa rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016 et l'article 329 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, de surcroît, en se fondant sur les avis d'échéances et la mise en demeure envoyés par la CAFFIL ainsi que les règlements intervenus en sa faveur quand ces circonstances étaient impropres à caractériser sa qualité de prêteur et donc d'intervenante volontaire à titre principal, la cour d'appel a violé ensemble l'article 329 du code de procédure civile ainsi que les articles 1134 et 1341 du code civil dans leur rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un emprunteur (la commune de [...], l'exposante) de sa demande en nullité pour dol des contrats de prêts souscrits auprès d'établissements financiers (les sociétés DCL et CAFFIL) ;

AUX MOTIFS propres et adoptés QUE les modes différents de calcul des intérêts d'emprunt, proposés par la commune et par les établissements bancaires, aboutissaient strictement au même résultat ; que le pourcentage de 112,87 % ne constituait pas le multiplicateur de l'indice sous-jacent mais seulement la marge de progression du taux fixe ; que si la clause figurant à l'article 7.2 du premier contrat de prêt litigieux était complexe, elle ne comportait pas de dissimulation et ne constituait pas davantage une tromperie sur les modes de calcul des intérêts ; qu'il en était de même pour les clauses figurant aux deux autres contrats de prêt ; que le fax de confirmation sollicité à bref délai de la commune ne pouvait davantage être constitutif de manoeuvres dolosives dès lors qu'il n'était pas contesté qu'il avait été précédé de nombreux échanges entre les représentants de la commune de [...] et ceux de la banque Dexia et qu'ils avaient été complétés par des documents explicatifs ; qu'au surplus, il n'était pas allégué que le fax comportait des éléments contraires aux stipulations initialement prévues ou à celles figurant dans les contrats signés par le maire de la commune le 8 octobre 2007 ; que l'existence d'un dol ayant vicié le consentement de la commune de [...] n'était donc pas établie (v. arrêt attaqué, p. 8, alinéas 1er à 4) ; que le contrat de prêt n° 1 prévoyait une deuxième phase pendant laquelle le taux d'intérêt pouvait être fixe ou variable suivant que l'EURIBOR 12 mois était inférieur ou supérieur à 6 % ; que si l'EURIBOR était strictement supérieur à 6 %, le taux d'intérêt variait en fonction de l'augmentation constatée suivant la formule ainsi prévue : 4,43 % + 5 x (taux EURIBOR - 6 %) ; qu'il s'agissait donc d'un taux variable non capé indexé sur la variation d'un indice de référence de la zone euro avec une barrière de 6 % ; que cette formule faisait apparaître qu'en cas de dépassement de la barrière de 6 %, le taux de 4,43 % augmenterait de 5 fois le taux de variation de l'indice de référence, sans aucun plafond ; que la commune soutenait, sans être sérieusement contredite, que la formule de taux prévue au contrat pouvait aussi s'écrire, si l'on factorisait le terme 4,43 %, de la façon suivante : 4,43 % x [1+ 5/4,43 % x (EURIBOR 12 mois – 6 %)] ou encore 4,43 % x [1 + 500/4,43 x (EURIBOR 12 mois - 6 %)], soit 4,43 % x [1+112,87 x (EURIBOR 12 mois – 6 %)] ; que cette formule ainsi écrite permettait de mettre en exergue la progression du taux fixe ; qu'ainsi, la commune soutenait que, en cas d'augmentation de 1 % de l'EURIBOR au-delà de 6 %, le taux était égal à 4,43 % + 112,87 % soit 9,43 % au total ; qu'en cas d'augmentation de 2 % le taux était égal à 4,43 % + 225,74 %, soit 14,43 % ; que la commune ne pouvait sérieusement soutenir, en usant de cette présentation, que le nombre de 112,87 % aurait été le véritable multiplicateur caché de l'indice sous-jacent ; qu'il n'était que la marge de progression du taux fixe ; que, d'ailleurs, il était constant que l'utilisation de la formule prévue au contrat aboutissait strictement aux mêmes résultats, dans les mêmes hypothèses ; que, en effet, 4,43 % + 5 x 1 % = 9,43 % et 4,43 % + 5 x 2 % = 14,43 % ; que la dissimulation alléguée n'était donc pas établie ; que, en outre, les hypothèses de franchissement de barrière envisagées étaient bien loin de la réalité des marchés financiers puisque l'EURIBOR 12 mois était en octobre 2007 d'environ 4 % et qu'il était inférieur à 1 % depuis 2009 ; qu'il apparaissait ainsi que le taux d'intérêt ne s'était jamais dégradé et que l'indice sous-jacent sur lequel il était indexé ne présentait pas de réelle volatilité ; qu'il s'évinçait de ces éléments que la manoeuvre dénoncée par la commune n'était nullement caractérisée, que le caractère déterminant qui en aurait découlé sur son consentement n'était pas prouvé et que la tromperie qui y aurait présidé, tenant à l'intention de masquer les aspects défavorables du produit, n'était pas davantage établie (v. jugement entrepris, p. 8, alinéa 9, à p. 9, alinéa 6) ;

ALORS QUE, d'une part, le dol consiste en des manoeuvres, ou dans le silence gardé volontairement, pour amener l'autre partie à s'engager ; que, l'exposante faisait valoir (v. ses conclusions n° 2, pp. 13, 14 et 16) que la formule stipulée au contrat occultait un coefficient multiplicateur de l'indice sous-jacent égal à 112,87 ; qu'en se bornant, pour écarter tout dol de son cocontractant, à examiner un pourcentage égal à 112.87% et à en déduire qu'il constituait la marge de progression du taux fixe, sans vérifier l'existence du coefficient multiplicateur occulté de l'indice sous-jacent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016 ;

ALORS QUE, d'autre part, l'arrêt attaqué a énoncé que les formules de calcul proposées par l'exposante et par l'établissement prêteur aboutissaient strictement au même résultat de sorte qu'il n'y avait eu ni dissimulation ni tromperie ; qu'en se bornant, pour écarter tout dol de la banque, à examiner l'exactitude de la formule mathématique stipulée au contrat, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la manoeuvre de l'intéressée résultait, non d'une erreur de calcul, mais du choix de la présentation du calcul du taux d'intérêt qui, en n'affichant pas clairement la volatilité de l'indice et la composante spéculative des produits proposés, ne suffisait pas à lui seul à éclairer l'emprunteur sur les risques inhérents aux produits et s'analysait donc en une réticence dolosive, la cour d'appel n'a conféré aucune base légale à sa décision au regard de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016 ;

ALORS QUE, en outre, le juge ne peut se prononcer par voie de simple affirmation ; qu'en s'appuyant sur la seule allégation de l'établissement de crédit prétendant que le fax de confirmation sollicité à bref délai de la commune avait été précédé de nombreux échanges entre les parties, se déterminant de la sorte sur une pure déclaration de l'intéressé en sa faveur, à l'exclusion de tout autre élément de preuve qu'elle aurait dû par ailleurs analyser, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, enfin, le juge du fond n'a pas l'obligation de considérer que les faits allégués sont constants pour la raison qu'ils n'ont pas été expressément contestés ; qu'en tenant pour acquis que la conclusion des contrats de prêt avait été précédée de pourparlers par l'unique constatation que l'exposante s'était abstenue de répondre aux allégations de l'établissement de crédit selon lesquelles leur signature avait été précédée de semaines d'échanges entre les parties, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016, ensemble l'article 9 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un emprunteur (la commune de [...], l'exposante) de sa demande en nullité des stipulations d'intérêts des contrats de prêts souscrits auprès d'établissements financiers (les sociétés DCL et CAFFIL) ;

AUX MOTIFS propres et adoptés QUE les trois contrats souscrits par la commune de [...] le 8 octobre 2007 prévoyaient, en leur article 4, la durée précise du prêt : pour le premier contrat, 24 ans et 6 mois, pour le deuxième, 24 ans et 4 mois et pour le troisième 24 ans et 8 mois ; que la périodicité des échéances de remboursement était expressément mentionnée en leur article 5 ; qu'il était ainsi précisé que le remboursement du capital et le paiement des intérêts s'effectuaient à chaque échéance annuelle, de même que la date de la première et de la dernière échéance était expressément mentionnée ; qu'enfin, il était précisé que chaque échéance comprenait une part correspondant à l'amortissement du capital, suivant les modalités précisées à l'article 6 de chacun des contrats, et une part correspondant aux intérêts d'emprunt calculés, suivant les phases du prêt, conformément aux modes de calcul détaillés à l'article 7 des contrats ; que, dès lors, et même si pour l'un des prêts (MPH251490EUR/0265249) le tableau d'amortissement produit aux débats par la commune de [...] portait la date du 7 janvier 2018, il n'en demeurait pas moins que les trois contrats de prêt indiquaient, de façon conjointe, le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts ; qu'en l'absence de décision de justice passée en force de chose jugée, la loi de validation du 29 juillet 2014 était applicable aux trois contrats litigieux ; que, conformément à l'article 1er de cette loi, le moyen tiré du défaut de mention, prescrite par l'article L 313-2 du code de la consommation, du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de la période devait être écarté ; que, de même, devaient être rejetés les moyens visant les dispositions réglementaires de l'article R. 313-1 du code de la consommation qui ne pouvaient trouver à s'appliquer indépendamment du texte législatif dont ils ne faisait que préciser les modalités d'application, lequel, dans sa rédaction applicable au litige, en 2007, excluait de son champ d'application les crédits consentis pour les besoins professionnels ainsi que les prêts consentis aux personnes morales de droit public ; qu'en conséquence, tous les moyens de la commune reposant sur l'absence ou le caractère erroné du TEG figurant dans les contrats litigieux, en application des dispositions du code de la consommation ou du code des marchés financiers, devaient être rejetés (v. arrêt attaqué, p. 12, alinéas 2 à 7) ; que la commune ne contestait nullement que les actes de prêt indiquaient clairement la date de la première échéance de remboursement, la périodicité des échéances et la date de la dernière échéance exigible et qu'ils précisaient que les échéances étaient payables à terme échu ; que les banques soutenaient en outre, sans être contredites, que les échéances étaient énumérées dans le tableau d'amortissement joint à chacun des prêts ; qu'il s'évinçait de ces éléments que la commune ne pouvait sérieusement soutenir que les critères d'application de la loi prévus au 3° des articles 1er et 2 précités n'étaient pas remplis en l'espèce ; que la loi du 29 juillet 2014 était donc applicable aux contrats querellés (v. jugement entrepris, p. 7, alinéas 1er à 3) ;

ALORS QUE, d'une part, la loi de validation n° 2014-844 du 29 juillet 2014 s'applique à un prêt structuré souscrit par une personne morale de droit public à la condition que le contrat indique la durée du prêt ; que l'exposante faisait valoir (v. ses concl., pp. 7 et 8) que les durées stipulées aux contrats ne correspondaient pas à celles indiquées dans les tableaux d'amortissement et étaient du reste erronées de plusieurs jours ; qu'en se bornant, pour faire application de la loi de validation, à constater que les contrats stipulaient la durée précise de chacun des prêts qui était de 24 ans et 6 mois pour le premier, de 24 ans et 4 mois pour le deuxième et de 24 ans et 8 mois pour le troisième, sans vérifier l'exactitude de ces stipulations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1 et 2 de la loi susvisée ;

ALORS QUE, d'autre part, la loi de validation n° 2014-844 du 29 juillet 2014 s'applique à un prêt structuré souscrit par une personne morale de droit public à la condition que le contrat indique la périodicité des échéances de remboursement du prêt ; que l'exposante soutenait (v. ses concl., pp. 7 et 8) que si les contrats prévoyaient une périodicité annuelle des échéances de remboursement du prêt, cette mention était inexacte dès lors que la première échéance des contrats avait en réalité eu une durée écourtée ; qu'en se bornant, pour faire application de la loi de validation, à constater que la périodicité des échéances de remboursement était expressément mentionnée aux contrats et que le remboursement du capital et le paiement des intérêts s'effectuaient à chaque échéance annuelle, de même que la date de la première et de la dernière échéance étaient expressément mentionnées, sans vérifier l'exactitude de ces stipulations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1 et 2 de la loi susvisée ;

ALORS QUE, en outre, la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014 a validé uniquement les stipulations d'intérêts des contrats de prêts structurés souscrits par les collectivités locales nonobstant le défaut de mention ou la mention erronée du taux effectif global ; que l'exposante soutenait (v. ses concl., pp. 7 et 8) que les taux d'intérêts des prêts litigieux étaient calculés selon la méthode équivalente de sorte qu'ils constituait un TAEG et non un TEG ; qu'en faisant application de la loi de validation sans constater qu'ils ne comportaient pas de stipulations d'intérêts exclues de son champ d'application, la cour d'appel a violé les articles 1 et 2 de la loi susvisée ;

ALORS QUE, subsidiairement, une partie ne peut être privée de son droit à l'accès au juge ou au recours par l'effet disproportionné d'une loi de validation rétroactive ; que, pour rejeter la demande de l'exposante en annulation des stipulations d'intérêts, l'arrêt attaqué a retenu que la loi de validation du 29 juillet 2014 était applicable aux trois contrats qu'elle avait souscrits et que le moyen tiré du défaut de mention du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de la période devait être écarté ; qu'en validant les stipulations d'intérêts de ces prêts structurés, portant ainsi une atteinte disproportionnée au droit des exposants à un procès équitable et à un recours effectif, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, en outre, une partie ne peut être privée de son droit au respect de ses biens par l'effet disproportionné d'une loi de validation rétroactive ; que, pour rejeter la demande de l'exposante en annulation des stipulations d'intérêts, l'arrêt attaqué a considéré que la loi de validation du 29 juillet 2014 était applicable aux trois contrats qu'elle avait souscrits et que le moyen tiré du défaut de mention du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de la période devait être écarté ; qu'en validant les stipulations d'intérêts de ces prêts structurés, portant ainsi une atteinte disproportionnée au droit de l'exposante au respect de ses biens, la cour d'appel a violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un emprunteur (la commune de [...], l'exposante) à payer la somme de 1 424 961,48 € à une société de crédit foncier (la CAFFIL) ;

AUX MOTIFS QUE, s'agissant du montant des impayés réclamé à hauteur de la somme totale de 1 424 961,48 € par la CAFFIL et correspondant aux échéances des 1er juillet 2014 et 1er juillet 2015 pour le premier prêt, à l'échéance du 1er mai 2015 au titre du deuxième contrat et aux échéances des 1er septembre 2014 et 2015 pour le troisième, si la commune en avait contesté le principe, par les moyens ci-dessus rejetés, elle n'en avait pas discuté le montant ; qu'il convenait, en conséquence de faire droit à la demande de la CAFFIL qui était justifiée par la mise en demeure en date du 17 février 2015 versée aux débats ;

ALORS QUE, d'une part, pour condamner l'emprunteur à rembourser les échéances impayées à la CAFFIL, l'arrêt attaqué a considéré que la demande de la société de crédit foncier était justifiée par la mise en demeure en date du 17 février 2015 ; qu'en prononçant une condamnation au profit de l'établissement de crédit foncier quand seul son établissement gestionnaire était habilité à recouvrer les créances litigieuses, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil ainsi que L.513-15 et L.513-16 du code monétaire et financier ;

ALORS QUE, d'autre part, la qualité de préteur est conférée par la remise des fonds à l'emprunteur ; qu'en l'espèce, pour condamner l'emprunteur à rembourser les échéances impayées à la CAFFIL, l'arrêt attaqué a considéré que la société de crédit avait la qualité de prêteur et que sa demande était justifiée par la mise en demeure en date du 17 février 2015 ; qu'en se prononçant de la sorte sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si l'auteur de la remise de fonds était la société DCL qui, en l'absence de mandat de sa filiale ou d'un acte constatant une cession de créance, avait seule qualité à solliciter le remboursement des échéances impayées, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1341 du code civil ainsi que L.513-15 et L.513-16 du code monétaire et financier.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-26478
Date de la décision : 24/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 21 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 mai. 2018, pourvoi n°16-26478


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.26478
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award