LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Banque populaire Méditerranée, venant aux droits de la société Banque Populaire Cote d'Azur à la suite d'une opération de fusion-absorption, de ce qu'elle reprend l'instance au lieu et place de celle-ci ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 12 novembre 2007, la société Banque populaire Cote d'Azur (la banque) a consenti à la société Deuzas un prêt d'un montant de 30 000 euros remboursable en cinq ans, garanti, suivant un acte du même jour, par le cautionnement solidaire de M. X... (la caution) dans la limite de 36 000 euros ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire le 19 avril 2010 puis en liquidation judiciaire le 24 février 2011, la banque a assigné en paiement la caution, qui lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement ;
Attendu que pour condamner la caution à payer une certaine somme à la banque, l'arrêt, après avoir relevé que si elle recevait, en 2007, un revenu mensuel de 1 420 euros, il ressort d'une fiche de renseignements remise, en 2005, à la banque par son épouse que cette dernière percevait des revenus professionnels et locatifs qui lui permettaient de subvenir aux besoins de la famille, retient qu'au regard de ces pièces et en l'absence de tout autre élément, la caution ne rapporte pas la preuve que son engagement de caution souscrit pour un montant de 36 000 euros était manifestement disproportionné à ses biens et revenus ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la caution, qui faisait valoir qu'elle était mariée sous le régime de la séparation de biens, de sorte que la disproportion de l'engagement de la caution devait s'apprécier au regard de ses seuls biens et revenus personnels, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à nullité de l'assignation, l'arrêt rendu le 7 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Banque populaire Méditerranée aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. X...
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné monsieur X... à payer à payer à la société Banque populaire Cote d'Azur 21 735,53 € outre les intérêts au taux de 9,50 % sur 20 615,62 € à compter du 23 février 2011, avec capitalisation ;
AUX MOTIFS QUE « par acte sous seing privé du 12 novembre 2007, Gilles X... s'est engagé en qualité de caution solidaire, dans la limite du 36 000 €, à garantir le remboursement du prêt consenti le même jour par la Banque Populaire à la société Deuzas d'un montant de 30 000 € ; Que la société Deuzas ayant été mise en liquidation judiciaire par jugement du 24 février 2011, la Banque Populaire a déclaré sa créance au titre de ce prêt pour un montant de 21 735,53 €, outre intérêts conventionnels ; Que sur le fondement du contrat de cautionnement, la Banque Populaire sollicite la condamnation de Gilles X... au paiement de la somme de 21 735,53 € avec intérêts au taux majoré de 9,50 % sur la somme de 20 615,62 € à compter du 23 février 2011 ; Que pour s'oppose à cette demande, Gilles X... invoque le caractère disproportionné de son engagement sur le fondement de l'article L 341-4 du code de la consommation ; Qu'aux termes de ce texte, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelé; ne lui permette de faire face à son obligation ; Qu'il appartient à la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle invoque et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d'établir qu'au moment où il appelle la Caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son engagement ; Que le caractère manifestement disproportionné d'un cautionnement s'apprécie au regard de l'ensemble des engagements souscrits par la caution, d'une part, de ses revenus, charges et patrimoine, d'autre part ; Qu'en l'espèce aucune fiche de renseignements n'a été remise à la banque par Gilles X... au moment où il a souscrit son engagement de caution, en novembre 2007 ; Que s'agissant des revenus perçus en 2007, Gilles X... reconnaît qu'il recevait un revenu mensuel de 1 420 €, ce qui est confirmé par l'avis d'imposition sur le revenu 2007 (pièce n° 4 de l'intimé) ; Qu'il ne produit aucun document relatif aux éventuelles charges qui étaient les siennes en 2007 et à sa situation patrimoniale ; Qu'il ressort d'une fiche de renseignements remise à la banque en 2005, soit deux ans avant le cautionnement litigieux, par l'épouse de Gilles X... que cette dernière percevait des revenus professionnels et locatifs qui lui permettaient de subvenir aux besoins de la famille ; Qu'au regard de ces pièces éparses et en l'absence de tout autre élément, Gilles X... ne rapporte pas la preuve que son engagement de caution souscrit pour un montant de 36 000 € était manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; Qu'en application du texte susvisé, la Banque Populaire peut se prévaloir du contrat de cautionnement litigieux à encontre de Gilles X..., qui sera condamné à payer la somme de 21 735,53 € outre intérêts conventionnels au taux majoré de 9,50 % sur la somme à 20 615,62 € à compter du 23 février 2011, ces montants n'étant pas contestés ; Qu'il sera fait droit à la demande tendant à la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil » ;
ALORS, premièrement, QUE en écartant la disproportion de l'engagement de caution de monsieur X... après avoir constaté que cet engagement était d'un montant de 36 000 € et qu'au moment de sa souscription l'exposant n'avait que 1 420 € de revenus mensuels, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation en sa rédaction applicable en l'espèce ;
ALORS, deuxièmement, QU'en jugeant que la disproportion du cautionnement n'était pas établie au prétexte que monsieur X... ne justifiait pas de ses charges en 2007, quand cette circonstance était inopérante dès lors que la disproportion résultait de ses constatations selon lesquelles l'exposant ne percevait que 1 420 € par mois lorsqu'il a souscrit le cautionnement de 36 000 €, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation en sa rédaction applicable en l'espèce ;
ALORS, troisièmement, QUE lorsque les époux sont mariés sous la séparation de biens, la disproportion de l'engagement de caution d'un des époux s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus, compte non tenu de ceux de son conjoint ; qu'en retenant, pour écarter la disproportion du cautionnement de monsieur X..., que selon la fiche de renseignements remplie par son épouse en 2005 celle-ci disposait des biens et revenus suffisants pour subvenir aux besoins de la famille, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les époux X... n'étaient pas mariés sous le régime de la séparation de biens, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation en sa rédaction applicable en l'espèce ;
ALORS, quatrièmement, QU'une partie ne peut se voir imposer la preuve d'un fait négatif ; qu'en écartant le caractère disproportionné du cautionnement en reprochant à monsieur X... de ne pas justifier de son patrimoine lors de la conclusion du cautionnement, la cour d'appel, qui a fait peser sur l'exposant la charge de prouver un non-patrimoine pour établir la disproportion, a violé l'ancien article 1315 du code civil.