LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Y... et Rousselet, prise en la personne de M. Y..., ainsi qu'à la société MJA, prise en la personne de Mme K..., et à la société BTSG, prise en la personne de M. Z..., nommées, la première en qualité d'administrateur judiciaire de la société J... I... , les deuxième et troisième en qualité de mandataires judiciaires de la même société, de ce qu'elles reprennent l'instance ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A..., engagée selon contrat du 5 septembre 1960 en qualité d'aide comptable par la société J... I... , exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur financier ; qu'elle exerçait également un mandat social de directrice générale, dont elle a démissionné le 22 octobre 2004 suite à la cession de ses parts sociales ; qu'après avoir été mise à pied à titre conservatoire par courrier du 18 novembre 2004, elle a été licenciée pour faute lourde le 6 décembre 2004, lui étant reprochés notamment des faits d'abus de biens sociaux ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale ; qu'elle a été déclarée coupable le 6 mars 2014 par une chambre correctionnelle de recel d'abus de biens sociaux commis entre 1988 et le 31 octobre 2004 au préjudice de la société J... I... ; que, par jugement du 2 mai 2017, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société J... I... , la société Y... et Rousselet, prise en la personne de M. Y..., étant nommée administrateur judiciaire, et la société MJA, prise en la personne de Mme K..., ainsi que la société BTSG, prise en la personne de M. Z..., étant désignées mandataires judiciaires ;
Sur la recevabilité, examinée d'office, du pourvoi formé par la société Financière Turenne Lafayette, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que la société Financière Turenne Lafayette est sans intérêt à la cassation de la décision qui l'a mise hors de cause ; que son pourvoi n'est pas recevable ;
Sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société J... I... au paiement d'une somme à titre d'indemnité compensatrice de congés payés acquis, ainsi que sur la troisième branche du premier moyen, pris en ses autres griefs, et le deuxième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société J... I... au paiement de sommes autres que l'indemnité compensatrice de congés payés acquis :
Attendu que l'administrateur judiciaire et les mandataires judiciaires de la société J... I... font grief à l'arrêt de juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de condamner la société à payer à Mme A... des sommes à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre congés payés afférents, de rappel de salaire de treizième mois sur mise à pied, d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, de rappel de salaire sur prorata de treizième mois et d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le moyen, que constitue un comportement déloyal caractérisant une intention de nuire et partant une faute lourde le fait pour un salarié de se faire octroyer, au détriment de la société employeuse, des avantages auxquels il ne pouvait régulièrement prétendre ; qu'il ressort des constatations de la cour d'appel que Mme Odile A... a fait l'objet d'une condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Pontoise, confirmée en appel, pour faits de recel de produits provenant des infractions d'abus de biens sociaux commises par son mari, au préjudice de la société J... I... , sur le fondement des articles L. 242-6, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 244-5, L. 246-2 du code de commerce ; que la cour d'appel a relevé que quatre personnes salariées par la société J... I... exerçaient en réalité leur activité en tout ou partie au profit personnel de Mme A... à son domicile ou dans la propriété de Salbris, appartenant à la C... dont Mme A... et son époux étaient associés, que cette activité avait perduré entre le 1er avril 1995, date de l'embauche des époux D... et le mois d'octobre 2004, date à laquelle Mme A... avait procédé au licenciement des salariés ; qu'en écartant néanmoins la qualification de faute lourde, quand madame A... avait, dans une intention de nuire, fait supporter la charge financière des quatre salariés qu'elle employait à titre personnel à la société J... I... , qu'elle avait exposé la société au risque de condamnation au titre de prêt de main d'oeuvre illicite, qu'elle avait continué à commettre ce délit durant seize ans tandis que la société J... I... avait dû mettre en oeuvre deux plans sociaux et licencier cent soixante-huit salariés, qu'elle avait tenté de dissimuler sa faute à la nouvelle direction en licenciant les quatre salariés et en faisant verser par la société J... I... les indemnités de licenciement pour un montant de 44 316,09 euros, ces faits ayant donné lieu à condamnation de Mme A... des chefs de recel d'abus de biens sociaux, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise ; que la cour d'appel qui, appréciant souverainement la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que la société ne démontrait pas que les faits d'abus de biens sociaux procédaient d'une intention de nuire, a pu en déduire que la faute lourde n'était pas caractérisée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que le rejet de la première branche du premier moyen prive de portée le quatrième moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société J... I... au paiement de sommes autres que celle allouée à titre d'indemnité compensatrice de congés payés acquis :
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu que, pour écarter la faute grave et condamner la société au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre congés payés afférents, de rappel de salaire de treizième mois sur mise à pied, d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, de rappel de salaire sur prorata de 13ème mois et d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt retient que la salariée a été déclarée coupable de recel d'abus de biens sociaux commis par son mari au préjudice de la société, pour avoir notamment bénéficié de personnel de maison attaché en totalité ou pour partie à son service ; que les salariés ayant été licenciés, les faits ne sont pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail de l'intéressée, de sorte que la faute grave ne sera pas retenue ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le système mis en place pour permettre aux époux A... de bénéficier de personnel de maison avait perduré des années en méconnaissance des règles fiscales et sociales, ce dont il résultait que la salariée avait commis une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi de la société Financière Turenne Lafayette ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il écarte la faute grave et condamne la société J... I... à payer à Mme A... les sommes de 7 283,21 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 728,32 euros au titre des congés payés afférents, de 606,94 euros à titre de rappel de salaire de treizième mois sur mise à pied, de 36 792,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 3 679,24 euros au titre des congés payés afférents, de 3 096,03 euros à titre de rappel de salaire sur prorata de treizième mois et de 183 149 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 7 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société J... I... , la société Y... et Rousselet, prise en la personne de M. Y..., ès qualités, la société MJA, prise en la personne de Mme K..., ès qualités et la société BTSG, prise en la personne de M. Z..., è0s qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute lourde ou grave et d'avoir condamné la société J... I... à payer à madame A... les sommes de 7.283,21 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 728,32 € au titre des congés payés y afférents, 606,94 € à titre de rappel de salaire de 13ème mois sur mise à pied, de 36.792,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 3.679,24 € au titre des congés payés y afférents, de 3.096,03 € à titre du rappel de salaire sur prorata de 13ème mois, de 8.161 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés acquis, de 183.149 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Aux motifs propres que, sur le bien-fondé du licenciement: la lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants : «Madame, Nous faison s suite à l'entretien préalable qui s'est tenu dans cette affaire le 29 novembre dernier. Les explications que vous nous avez fournies concernant les fautes lourdes relevées à votre encontre ne nous ont pas satisfait. Aussi nous vous notifions votre licenciement pour les fautes lourdes ci-après énumérées : *vol de documents : Nous avons dû constater que le 19 novembre 2004, un certain nombre de documents appartenant à la société ont été appréhendés frauduleusement à votre initiative. À la suite de la plainte déposée, la liste de ces pièces a été dressée et a démontré qu'il s'agissait de documents importants tant pour la gestion future de la société que pour le contrôle en cours des actes qui ont été antérieurement accomplis par vos soins. L'intention malveillante de dissimulation est évidente compte tenu de l'audit en cours. * abus de biens sociaux : Il a été constaté que des salariés travaillant sur vos propriétés personnelles étaient rémunérés par la Société. Afin de tenter vainement de dissimuler cette situation, vous avez résilié les contrats de ceux-ci en transgressant la limitation de pouvoir qui avait été décidé le 22 octobre 2004 au cours d'un conseil d'administration dont vous étiez signataire. Vous ne pouvez ignorer que l'aval de monsieur Denis E... était nécessaire pour tout règlement et à cet effet, vous n'avez pas manqué de lui soumettre les autres règlements. De ce fait, vous avez réglé le solde de tout compte de ces salariés qui ne devaient en aucune manière être pris en charge par la Société. *abus de pouvoir : A compter du 22 octobre 2004, vous aviez l'obligation de ne plus prendre aucune décision ni d'effectuer aucun règlement seule mais avec l'accord exprès du nouveau Directeur Général. Or, nous avons dû constater que sans que cette liste soit nécessairement exhaustive, compte tenu des contrôles en cours, les règlements suivants ont été effectués à votre seule initiative. De toute façon, vous ne pouvez ignorer que vous n'aviez plus la signature, suite aux modifications liées à la reprise et de fait vous n'aviez pas de délégation de signature. 1) Signature de billets à ordre engageant la société pour des montants élevés (1 077 996 € à SYSTEME U par exemple), 2) Règlement à Y
d'une indemnité de congés payés qui ne lui est pas due en sa qualité de mandataire social, 3) Paiement intégral de votre salaire en méconnaissance de la réduction de celui-ci confirmé en date du 22 octobre 2004, information qui vous avait été précédemment communiquée par courrier le 30 juillet 2004, à l'occasion de la signature du protocole, 4) Paiement des loyers de la SCI M F... de laquelle vous êtes associée, jusqu'au 31 décembre2004, c'est-à-dire par anticipation, écriture passée le 22/10/2004 alors que vous ne pouviez pas ignorer que la signature de cession était fixée ce même jour. 5) Accord préférentiel de paiement des factures de la Société BAYARD dont votre fille est gérante (délai supérieur à 1000 jours et surfacturation de la location d'une chambre froide), 6) Nonobstant vos affirmations concernant l'absence de litige en cours, vous avez seule décidé un appel de règlement de remise sur 2001 et à cet effet, il a été porté à notre connaissance des remises non réglées pour ce même client pour un montant très élevé et non provisionné (dossier AUCHAN). La résiliation de votre contrat de travail prendra effet lors de la première présentation de cette lettre, les fautes lourdes alléguées ayant pour conséquence le non-paiement des indemnités de rupture ainsi que celle de congés payés. Vous êtes invitée à restituer l'intégralité des matériels et documents en votre possession appartenant à la société et que vous déteniez dans le cadre de l'exercice de vos fonctions y compris le véhicule que vous utilisez. Vos documents sociaux à savoir : - certificat de travail ; - attestation ASSEDIC ; - solde de tout compte - ainsi que le cas échéant le chèque de règlement des sommes pouvant rester dues vous seront adressés à votre domicile par exception à la règle posée par le Code du Travail. Recevez, Madame, nos salutations distinguées » ; la faute lourde est la faute commise par le salarié dans l'intention de nuire à la société ; la charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque ; la lettre de licenciement invoque trois séries de griefs à l'encontre de madame A... : - le vol de documents, - l'abus de biens sociaux, - l'abus de pouvoir ; s'agissant de l'abus de biens sociaux, la cour relève que quatre personnes salariées par la société J... I... (M. et Mmes D..., G..., H...) exerçaient en réalité leur activité en tout ou partie au profit personnel de Mme A... à son domicile ou dans la propriété de Salbris, appartenant à la C... dont les époux A... sont associés ; cette activité a perduré entre le 1er avril 1995, date de l'embauche des époux D... et le mois d'octobre 2004 date à laquelle Mme A... a procédé au licenciement des salariés ; la matérialité des faits est établie dès lors que par arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 6 mars 2010, Mme A... a été déclarée coupable de recel d'abus de biens sociaux commis par son mari au préjudice de la société pour avoir notamment bénéficié de personnel de maison attachée en totalité ou pour partie à son service à savoir Mmes D... et H... ; Mme A... ne peut valablement soutenir que les faits sont prescrits pour avoir été portés à la connaissance de la société I... plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement dès lors qu'ils se sont poursuivis jusqu'au licenciement des salariés et que dans son rapport d'examen de la situation comptable et financière du groupe J... I... au 31 octobre 2004, établi en décembre 2004, le cabinet Mazars précise avoir commencé son étude en novembre 2004 et indique n'avoir pas obtenu communication des bulletins de salaire et des dossiers personnels de quatre personnes employées jusqu'au 19 novembre 2004 et à cette date ; s'agissant du grief d'abus de pouvoir, la société reproche à Mme A... d'avoir pris des engagements financiers et effectué des règlements au nom de la société après le 22 octobre 2004 alors qu'elle n'en avait plus le pouvoir ; Mme A... s'en défend en faisant valoir qu'elle était à l'époque seule détentrice de la signature puisque le nouveau directeur général qui devait lui succéder ne détenait pas encore cette signature ; la cour observe que lors de sa séance du 22 octobre 2004 à laquelle assistait Mme A... du fait de sa qualité de directrice générale déléguée, elle a présenté sa démission d'administrateur et de directrice générale déléguée qui a été acceptée avec effet immédiat ; M. Denis E... a été désigné comme directeur général délégué jusqu'au paiement du prix de cession des actions des époux A... ; il était bien spécifié que Mme A... « conservera le bénéfice de son contrat de travail pour une rémunération mensuelle brute de 100 000 € » ; par ailleurs, elle bénéficiait toujours d'une délégation de signature et était la seule à pouvoir signer au nom de la société dont elle était la directrice financière, le nouveau directeur général n'ayant pas obtenu la signature avant le 8 novembre 2004 ainsi que l'établit le courrier adressé par M. E... à la banque à cette date ; il résulte de ce qui précède que l'abus de pouvoir n'est pas démontré, d'autant que les paiements allégués, contrairement à ce que soutient la société n'étaient pas illégitimes dès lors qu'ils étaient relatifs à des dettes de la société (système U, loyers SCI Bayard) ou intervenaient en exécution d'accords en vigueur et au surplus non souscrits par Mme A... que la nouvelle actionnaire de la société ne pouvait ignorer ; enfin aucun élément du dossier ne prouve que le paiement indû à M. A... provenait d'un acte commis délibérément par Mme A... dans l'intention de nuire à la société ; s'agissant du vol de documents, la cour relève que Mme A... n'a pas été mise en examen de ce chef ainsi que cela ressort de l'ordonnance de renvoi et de non-lieu partiel rendue par le juge d'instruction le 24 octobre 2011, que l'ensemble des documents appartenant à la société ont été restitués à cette dernière et que la majorité des documents placés sous scellés concernait Mme A... ou d'autres sociétés et non la société J... I... ; en définitive, la cour ne retient des griefs visés dans la lettre de licenciement que le seul abus de biens sociaux ;
la société J... I... ne démontre pas que les faits ont été commis avec intention de nuire de sorte que la faute lourde ne sera pas retenue ; par ailleurs, les salariés en question ayant été licenciés, les faits ne sont pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte que la faute grave ne sera pas retenue ; en revanche, démontrant la mise en place d'un système qui a perduré des années en méconnaissance des règles fiscales et sociales, la faute commise constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; le jugement sera donc confirmé sur ce point ; Sur les autres demandes : La société J... I... devra remettre à Mme A... les documents sociaux conformes à la décision, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte, la demande présentée à ce titre sera rejetée ; les intérêts au taux légal seront dus à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation pour les condamnations de nature salariale et à compter de la présente décision pour les condamnations de nature indemnitaire ; la capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Et aux motifs adoptés que, sur les motifs du licenciement, sur la qualification de la faute, aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur à l'appui de sa décision de licenciement au vu des éléments fournis par les parties ; en l'espèce, Mme Odile A... s'est vue licenciée pour faute lourde, pour vol de documents, abus de biens sociaux et abus de pouvoir ; c'est à l'employeur qui invoque la faute d'en apporter la preuve ; en l'état, le conseil, après une étude attentive des pièces versées au débat, et sur les seuls griefs formulés sur la lettre de licenciement, est arrivé à la conclusion que la SA Financière Turenne Lafayette, ne pouvait ignorer lors de l'achat de la société J... I... , et ce au vu du nombre important d'audits effectués, à sa demande, les griefs formulés à l'encontre de Mme A... ; que lesdits audits n'ont en leur temps pas suscité plus d'interrogations ou de commentaires, les paiements à « très longues échéances » accordés à la société Bayard aux accointances familiales, pas plus que pour la signature des billets à ordre pour le client système U, les paiements aux SCI familiales et autres ; que le conseil oppose le même argument s'agissant de l'intégralité des griefs ayant trait à la signature de Mme A..., la société défenderesse ne rapportant pas la preuve qu'aurait été retirée à Mme A... sa délégation de signature ; considérant que du 22 octobre 2004 au 8 novembre 2004, Mme A... était matériellement la seule à pouvoir procéder à ces règlements dans la mesure où M. E... nommé directeur général le 29 octobre 2004 n'avait disposé de la signature bancaire que le 8 novembre 2004 ; en conséquence de quoi Mme A... était parfaitement fondée, et ce tel qu'elle l'avait fait durant plus de 40 années à procéder aux règlements de tous types, et ce sans contrevenir à quelque règle que ce soit, sachant qui plus est qu'il est démontré que celle-ci n'a en fin de compte effectué aucun règlement sans l'accord du nouveau directeur général ; qu'il n'est pas non plus opposable à Mme Odile A..., les règlements des congés payés de son époux, ou ses trop perçus de salaire ; s'agissant de vol de documents et dossiers dont Mme A... avait été accusée, que ceux-ci lui furent intégralement restitués, après levée de scellés, en juillet 2005, puisque n'appartenant pas à la société J... I... a contrario de ce qu'indique la lettre de licenciement ; sur les abus de biens sociaux, les faits invoqués sont bien réels, l'infraction de recel d'abus de biens sociaux ayant été reconnue constituée, par décision de la cour d'appel de Versailles en date du 6 mars 2014 ; les faits dont la réalité est établie constituent un motif sérieux de licenciement ; il en résulte que le licenciement de Mme A... repose sur un motif réel et sérieux et qu'il convient en conséquence de rejeter la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Sur la faute lourde : la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, même essentielle ; c'est une faute commise avec l'intention de nuire à l'entreprise ; en l'espèce, rien ne permet de prouver que Mme A... avait l'intention de nuire à son employeur ; la faute lourde ne sera pas retenue comme motif au licenciement ; qu'il résulte de l'article L.3141-26 du code du travail que seul le licenciement pour faute lourde peut exonérer l'employeur du paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés ; il y a lieu d'ordonner le paiement de cette indemnité à la hauteur de la somme réclamée ; Sur la faute grave : il est constant que la faute grave, privant le salarié de la possibilité d'exécuter son préavis, telle que visée aux articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, que c'est à l'employeur qui invoque la faute d'en apporter la preuve, que selon l'article L.1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement et que, la lettre de licenciement fixe les limites du litige, qu'il convient d'analyser les motifs retenus dans ladite lettre ; que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'état, l'ensemble des pièces versées au débat permet d'affirmer que seul le grief d'emploi de salariés travaillant sur ses propriétés personnelle et rémunérées par la société peut être sérieusement reproché ; la société en l'espèce ne justifie pas au regard des éléments avancés qu'il lui était impossible de maintenir Mme A... à son poste de travail ; il en résulte que le motif du licenciement ne constitue pas une faute grave ; Sur la mise à pied : que « si les juges décident que le licenciement a une cause réelle et sérieuse mais n'est pas justifié par une cause grave du salarié, l'employeur doit à celui-ci la rémunération correspondant aux journées de mise à pied », qu'en l'occurrence, Mme A... a le droit de percevoir à ce titre la somme de 7.283,21 €, outre l'indemnité de congés payés correspondante soit, 728,32 €, ainsi que le solde de son 13ème mois sur la période à hauteur de 606,94 € ; Sur le préavis :qu'il résulte du code du travail qu'en l'absence de faute grave, le salarié licencié a droit à un délai congé, que selon la convention collective, sa durée est, dans le cas de Mme A..., de trois mois, que c'est à une indemnité d'un montant égal au salaire de la même durée qu'il a droit et qu'elle percevra à ce titre : 36.792,36 €, qu'au titre de l'indemnité de congés payés correspondante celle-ci percevra la somme de 3.679,24 €, ainsi que le prorata de son 13ème mois à hauteur de 3.066,03 € ; Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement : que le code du travail stipule que le salarié licencié sauf en cas de faute grave a droit, sous condition d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, à une indemnité lors de son licenciement ; que l'affirmation du demandeur selon laquelle la Convention collective prévoyait dans son cas une indemnité de 183.149 €, n'a pas été contestée par le défendeur, que c'est cette somme qui sera allouée ;
1°) Alors que constitue un comportement déloyal caractérisant une intention de nuire et partant une faute lourde le fait pour un salarié de se faire octroyer, au détriment de la société employeuse, des avantages auxquels il ne pouvait régulièrement prétendre ; qu'il ressort des constatations de la cour d'appel que madame Odile A... a fait l'objet d'une condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Pontoise, confirmée en appel, pour faits de recel de produits provenant des infractions d'abus de biens sociaux commises par son mari, au préjudice de la société J... I... , sur le fondement des articles L. 242-6, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 244-5, L. 246-2 du code de commerce ; que la cour d'appel a relevé que quatre personnes salariées par la société J... I... exerçaient en réalité leur activité en tout ou partie au profit personnel de madame A... à son domicile ou dans la propriété de Salbris, appartenant à la C... dont madame A... et son époux étaient associés, que cette activité avait perduré entre le 1er avril 1995, date de l'embauche des époux D... et le mois d'octobre 2004, date à laquelle madame A... avait procédé au licenciement des salariés ; qu'en écartant néanmoins la qualification de faute lourde, quand madame A... avait, dans une intention de nuire, fait supporter la charge financière des quatre salariés qu'elle employait à titre personnel à la société J... I... , qu'elle avait exposé la société au risque de condamnation au titre de prêt de main d'oeuvre illicite, qu'elle avait continué à commettre ce délit durant seize ans tandis que la société J... I... avait dû mettre en oeuvre deux plans sociaux et licencier 168 salariés, qu'elle avait tenté de dissimuler sa faute à la nouvelle direction en licenciant les quatre salariés et en faisant verser par la société J... I... les indemnités de licenciement pour un montant de 44.316,09 euros, ces faits ayant donné lieu à condamnation de madame A... des chefs de recel d'abus de biens sociaux, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°) Alors que, subsidiairement, la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que constitue à tout le moins une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, le fait de receler des produits que le salarié savait provenir d'infractions d'abus de biens sociaux ; que la cour d'appel a expressément relevé que quatre personnes salariées par la société J... I... exerçaient en réalité leur activité en tout ou partie au profit personnel de madame A... à son domicile ou dans la propriété de Salbris, appartenant à la C... dont les époux A... étaient associés, que cette activité a perduré entre le 1er avril 1995, date de l'embauche des époux D..., et le mois d'octobre 2004, date à laquelle Mme A... a procédé au licenciement des salariés ; qu'en écartant néanmoins la qualification de faute grave commise par madame A..., au motif impropre que les salariés en question ayant été licenciés, les faits n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail de madame A..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
3°) Alors que la société J... I... faisait valoir que contrairement à ce que soutenait madame A..., l'essentiel des documents que celle-ci avait appréhendés appartenaient à la société et ne lui avaient pas été remis personnellement, après la mise sous scellés, mais avaient été transmis au parquet dans le cadre de l'instruction pénale ; qu'en affirmant que l'ensemble des documents appartenant à la société J... I... avaient été restitués à madame A... et que la majorité des documents placés sous scellés concernait madame A... ou d'autres sociétés et non la société J... I... (arrêt p.6, dernier §), sans répondre au moyen par lequel la société J... I... soutenait que la plupart des documents litigieux n'avaient pas été remis à madame A... mais avaient été transmis au parquet, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, réformant le jugement entrepris, condamné la société J... I... à payer à madame A... la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;
Aux motifs que, s'agissant des dommages-intérêts pour procédure brutale et vexatoire, madame A..., quelques semaines à peine après la cession des parts du couple à un nouvel actionnaire, s'est vu licencier pour faute lourde avec recours aux services de police et d' un huissier de justice lors de son départ de la société qu'elle avait contribué à développer avec son époux ; elle justifie ainsi du préjudice subi en raison des conditions brutales et vexatoires du licenciement lequel sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts ; le jugement sera infirmé sur ce point ;
Alors que seule une faute de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement peut ouvrir droit, au profit du salarié, à une indemnité pour procédure abusive et vexatoire ; que la société J... I... faisait valoir que si madame A... avait quitté l'entreprise entourée de policiers et d'un huissier, c'était en raison de sa tentative de vol perpétrée au sein de la société ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la société J... I... au paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts, que madame A..., quelques semaines à peine après la cession des parts qui lui appartenaient, ainsi qu'à son époux, à un nouvel actionnaire, s'était vu licencier pour faute lourde avec recours aux services de police et d'un huissier de justice lors de son départ de la société qu'elle avait contribué à développer avec son époux, sans caractériser le comportement fautif de la société J... I... , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir Condamné la société J... I... à payer à madame A... les sommes de 7.283,21 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 728,32 € au titre des congés payés y afférents et 606,94 € à titre de rappel de salaire de 13ème mois sur mise à pied, de 36.792,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 3.679,24 € au titre des congés payés y afférents et 3.096,03 € à titre du rappel de salaire sur prorata de 13ème mois, de € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Aux motifs propres que, sur les conséquences du licenciement : la société J... I... emploie au moins onze salariés et applique la convention collective de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viandes ; le jugement sera confirmé dans l'évaluation qu'il a faite et dont le calcul n'est pas critiqué s'agissant : - du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire (7 283,21 € au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 728,32 € au titre des congés payés y afférents et 606,94 € au titre du rappel de salaire de 13ème mois sur mise à pied), - de l'indemnité compensatrice de congés payés de 8 161 € au titre de congés payés acquis mais non réglés ainsi qu'il en résulte du bulletin de salaire du mois de novembre 2004 : 12,93 jours) - de l'indemnité compensatrice de préavis (36 792,24 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de 3 mois outre 3 679,24 € au titre des congés payés y afférents et 3 096,03 € au titre du rappel sur 13ème mois), - de l'indemnité conventionnelle de licenciement (183 149 €), sur la base d'une ancienneté remontant au 5 septembre 1960 en application de l'article 12 de la convention collective ; toutefois les condamnations seront prononcées à l'encontre de la société J... I... , seul employeur de Mme A... et non contre la société Financière Turenne Lafayette qui a été mise hors de cause ; le jugement sera donc infirmé sur ces points ;
Et aux motifs adoptes que, sur la mise à pied : que « si les juges décident que le licenciement a une cause réelle et sérieuse mais n'est pas justifié par une cause grave du salarié, l'employeur doit à celui-ci la rémunération correspondant aux journées de mise à pied », qu'en l'occurrence, Madame A... a le droit de percevoir à ce titre la somme de 7.283,21 €, outre l'indemnité de congés payés correspondante soit, 728,32 €, ainsi que le solde de son 13ème mois sur la période à hauteur de 606,94 € ; sur le préavis : qu'il résulte du code du travail qu'en l'absence de faute grave, le salarié licencié a droit à un délai congé, que selon la convention collective, sa durée est, dans le cas de Madame A... de trois mois, que c'est à une indemnité d'un montant égal au salaire de la même durée qu'il a droit et qu'elle percevra à ce titre : 36.792,36€, qu'au titre de l'indemnité de congés payés correspondante celle-ci percevra la somme de 3.679,24€, ainsi que le prorata de son 13ème mois à hauteur de 3.066,03 € ; sur l'indemnité conventionnelle de licenciement : que le code du travail stipule que le salarié licencié sauf en cas de faute grave a droit, sous condition d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, à une indemnité lors de son licenciement ; que l'affirmation du demandeur selon laquelle la Convention collective prévoyait dans son cas une indemnité de 183.149 €, n'a pas été contestée par le défendeur, que c'est cette somme qui sera allouée ;
Alors que la cassation d'un chef de dispositif emporte l'annulation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif qui sont dans un lien de dépendance nécessaire avec lui ou qui en sont la suite, l'application ou l'exécution ; que la cour d'appel a écarté la qualification de faute lourde ou de faute grave commise par madame A... ; qu'en conséquence, la cassation à intervenir sur ce point, sur le fondement du premier moyen de cassation, entraînera l'annulation, par voie de conséquence, du chef de dispositif qui a condamné la société J... I... à payer à madame A... les sommes de 7.283,21 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 728,32 € au titre des congés payés y afférents et 606,94 € à titre de rappel de salaire de 13ème mois sur mise à pied, de 36.792,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 3.679,24 € au titre des congés payés y afférents et 3.096,03 € à titre du rappel de salaire sur prorata de 13ème mois, de 183.149 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société J... I... de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
Aux motifs que, sur la demande reconventionnelle, la demande présentée par la société à hauteur de la somme de 120.000 € à titre de dommages-intérêts pour les faits quasi délictuels commis dans l'exercice de ses fonctions sera rejetée, la cour n'ayant pas retenu la faute lourde alléguée ;
Alors que la cassation d'un chef de dispositif emporte l'annulation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif qui sont dans un lien de dépendance nécessaire avec lui ou qui en sont la suite, l'application ou l'exécution ; que la cour d'appel a écarté la qualification de faute lourde ; qu'en conséquence, la cassation à intervenir sur ce point, sur le fondement du premier moyen de cassation, entraînera l'annulation, par voie de conséquence, du chef de dispositif qui a débouté la société J... I... de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile.